[Mai 2013] Mort d'Elentar

Ce récit raconte l'histoire mêlée d'Akinoria et Elentar, inséparables aventuriers, et je remercie Lyne pour son aide et ses idées farfelues, ainsi que Thù pour m'avoir laissé employer son personnage sans aucune contrepartie pécuniaire ou sexuelle.
Je précise que pour les besoins du concours de textes, celui-ci est un récit hors background. Ainsi si vous êtes maniaques et désirez lui trouver une place, attribuez-lui celle d'un bad trip lié à de trop fréquentes rencontres avec l'Arbre-à-fumette sylvari.
L'aventure en question se déroula lors de l'ultime phase du combat acharné entre l'Alliance de la Fusion, formée par les Draguerres et les Charrs de la Légion de la Flamme, et les peuples Tyriens alliés, avec en première ligne les Charrs et les Norns soutenus par l'Ordre des Veilleurs. L'Alliance de la Fusion expérimentait alors de nouvelles armes dévastatrices sur des prisonniers, et tentait d'envahir le Plateau de Diessa et les Contreforts du Voyageur avec une coordination étonnamment efficace, mêlant technologie et magie destructrice.
La plupart des Lucioles combattaient la menace et affrontaient l'ennemi vaillamment.
Elentar et Akinoria étaient au début de notre histoire tout juste arrivés sous le couvert du Bosquet, ayant été choisis pour faire part aux Sylvaris restés auprès de leur mère de l'urgence de la situation, et demander l'aide des guerriers volontaires.


« Elentar, je me sens flétrie, comme si un maléfice se répandait dans ma sève et celle de l'Arbre Clair, dit Akinoria en s'arrêtant soudainement de marcher.
- Il est vrai que tu m'as l'air bien pâle, mon amie, pourtant mon instinct ne me fait ressentir aucun danger... Par la truffe de l'Ourse, que se passe-t-il ? Demanda le Norn, étonné.
- On dirait ce que les Humains appellent « maladie », je me sens faible... se plaignit sa compagne.
- Maintenant que tu le dis, depuis notre arrivée j'ai trouvé nos vieilles branches de compagnons sylvains bien peu vigoureux ! Se rappela le géant casqué.
- Nous devrions aller voir l'état de l'Arbre Clair, répondit Aki.
- Ta Maman-Fumette ? » Plaisanta Elentar.

Ils prirent le chemin menant au lieu préféré de l'esprit arborescent, et se retrouvèrent devant l'image fleurie de la mère du nouveau Peuple.

« - Bonjour, Akinoria, fille du cycle du Crépuscule, et bonjour aventurier Norn, déclama l'esprit.
- Vous étiez ici pour demander l'aide de mes enfants mais vous avez ensuite décelé le mal qui nous dévore, et vous êtes venus poser des questions concernant la faiblesse de notre peuple, n'est-ce pas ? Continua-t-il sans attendre de réponse.
Sachez que vous devrez vous rendre dans le sanctuaire de la Tanière du Loup, caché dans les falaises des Cimefroides, mais vous devez faire vite. Les événements se précipitent et vous devrez réussir seuls.
Je ne doute pas que si vous parvenez à nous guérir, chacun sera prêt à vous soutenir dans votre bataille face aux flammes et à l'acier. »

Au moment où ces derniers mots résonnaient dans l'esprit du couple, l'image de l'esprit se brouilla et s'étiola dans l'air comme un vol de papillons.

Elentar se demanda une nouvelle fois comment un esprit aussi étrange pouvait être à l'origine d'un Peuple aussi merveilleux, ce qui l'entraîna dans un grand rire, tandis qu'Akinoria l'observait curieusement en souriant. Ils partirent donc une nouvelle fois se préparer à une aventure palpitante dans le froid des montagnes, malgré le mal de la Sylvarie, plus solide qu'elle en avait l'air. Elentar, irresponsable comme tout Norn à la réputation établie, ne l'empêcha pas de l'accompagner mais promit simplement de veiller sur elle comme ils le faisaient l'un pour l'autre depuis le jour de leur rencontre.


Traversant les portails asuras dressés à travers la Tyrie ils firent le plein de provisions à Hoelbrak et firent part de leur plan d'aventure à leurs compagnons, puis s'engagèrent à travers les Contreforts du Voyageur pour rejoindre les Falaises de Hantedraguerre et le sanctuaire des loups, où était sensé se trouver un antidote au mal qui se déclarait chez le peuple sylvari.

Arrivant devant l'entrée, le Norn marchait à grand pas, un sac monstrueux sur le dos et son espadon attaché à son paquetage tandis que la Sylvarie courait derrière lui, son fidèle loup Flocon – le fils de son premier loup apprivoisé, Wouarf - sur les talons.
Une meute lupine se présenta devant eux, et le loup apprivoisé de la rôdeuse les rejoignit prudemment, tandis qu'Elentar adressait un message silencieux à son Totem. Les animaux sauvages grognèrent sans toutefois montrer l'envie de s'éloigner de leur tanière et les aventuriers en déduisirent qu'ils protégeaient sûrement leurs petits. Le Norn s'assit pour paraître moins intimidant et sa compagne s'approcha de sa démarche souple vers la Meute, décidée à apprivoiser ces animaux comme elle savait le faire. Le gardien caparaçonné l'admira adresser des mots réconfortants à des bêtes sauvages, se déplaçant entre eux avec la grâce de la Panthère des neiges.
Les loups, assis sagement, leur queue fouettant le sol gelé, paraissaient aussi inoffensifs que des chiots si l'on exceptait leur taille impressionnante et leurs crocs aiguisés. Ils rivaient leurs regards d'ambre sur la rôdeuse, qui continuait son manège en s'approchant de plus en plus près, jusqu'à caresser les bêtes envoûtées.

Elentar se releva alors pour profiter de cet instant et communier avec son Totem, grâce au contact d'une meute sauvage. Au moment ou sa main approchait de l'oreille du plus grand loup, celui-ci se dressa et hurla, le regard se durcissant pour redevenir celui d'un prédateur redoutable.
Alors que le Norn s'apprêtait à devoir combattre la meute qui l'entourait et se remémorait ses « entraînements » avec Garm, les loups filèrent entre les aventuriers se jeter dans une course vers des silhouettes en mouvement, peu visibles sur la neige et pourtant énormes comme les minotaures élevées aux hormones de croissance des savants fous de l'Enqueste. L'espadon d'Elentar se trouva dans ses mains aussitôt, et Akinoria se saisit de son arc en s'élançant. Ils coururent porter secours aux canidés sauvages, car ils ne pourraient lutter seuls contre une vingtaine de loups couvregivres, porteurs de la puissance corrompue de Jormag le dragon de glace.

Les deux aventuriers arrivèrent au contact après la rencontre des charges opposées, chaque meute cherchant à prendre l'avantage par la force des crocs. Akinoria tira ses flèches de son carquois dorsal tout en courant, pour les encocher et lâcher à une vitesse fulgurante une volée qui transperça plusieurs ennemis et laissa sur le sol gelé de multiples corps criblés. Couvert par sa compagne, Elentar se concentra, son bâton en main, pour transférer un peu de sa vivacité inépuisable à ses alliés, rendant leurs forces aux loups et augmentant encore la puissance des traits de la Sylvarie. Sa magie surgit ensuite de la neige pour dessiner une large rune, dans laquelle il puisa la force de se propulser dans la mêlée en chargeant tel un taureau furieux. D'un mouvement du bras il envoya une vague d' énergie qui forma une barrière bleutée arrêtant net la course d'une nouvelle vague ennemie. Sans cesser de faire trembler la glace sous ses bottes lourdes, il échangea son bâton contre sa lame, et se jeta enfin d'un bond gigantesque dans les rangs monstrueux des ennemis tout en entamant un chant de guerre Norn. Tranchant tout autour de lui, il sentit une flèche frôler son visage pour se planter dans l’œil d'un loup couvregivre, et vit Flocon se débarrasser de plusieurs ennemis en refermant puissamment ses mâchoires sur leurs gorges glacées.

Les rangs ennemis commençaient à s'éclaircir, tandis que trois loups alliés gisaient sans vie, que l'armure d'Elentar était marquée de fêlures givrées, et que Flocon saignait et boitait. Akinoria continuait à transpercer les ennemis de ses flèches, son carquois bientôt vide, mais les créatures de froid avait la fâcheuse tendance à se relever malgré les traits fichés dans leurs anciens points vitaux. Quatre loups morts-vivants parmi les plus impressionnants relevèrent leurs truffes dégoulinantes de sang du cadavre d'un des défenseurs quadrupèdes, et s'élancèrent vers l'archère. L'un d'eux fut tranché net en plein saut par l'espadon d'Elentar, et un autre s'engagea dans un combat féroce avec Flocon. Les deux derniers se jetèrent sur la rôdeuse en poussant des hurlements à glacer le sang. Akinoria planta son arc dans le sol pour dégainer sa hache et son épée, fléchit les jambes, et d'une poussée vers les créatures de givre trancha dans la glace et la chair. Deux corps retombèrent de chaque côté de la Sylvarie.
Elle arracha son arc à la glace, et la valse mortelle reprit de plus belle. Akinoria lâchant flèche sur flèche dans la cervelle des loups blancs, Flocon déchirant les chairs à chaque coups de ses dents aiguisées et chargeant dans les flancs des ennemis pour les renverser, et Elentar formant un cercle de vide autour de lui et des tournoiements de son espadon, les ennemis furent rapidement décimés et repoussés par les défenseurs.
Elentar acheva le dernier avec un cri sauvage, rendant hommage à la gloire qu'ils retiraient de ce combat et aux Totems qui les guidaient.

Après cette rude et âpre bataille, les aventuriers érigèrent un brasier funéraire puis retournèrent dans la grotte sacrée guidés par leurs vaillants compagnons poilus.
Les loups les aidant à esquiver les pièges cachés : pieux pointus et herses à découper, ils arrivèrent au fond de la caverne ancestrale.
Là se dressait un socle rocheux ressemblant à une pierre tombale sur lequel était gravé des runes Norns. Elentar les traduisit :

Ici fût gravée une légende oubliée
Protégée par la loyauté des canidés.

Un jour apparaîtra un nouveau peuple élu
Pour combattre l'ancienne menace corrompue :
Des créatures feuillues suivant leur Ventari
Et ses principes de l'aube ou bien de la nuit,
Du crépuscule aux valeurs de la vie entière.
La Tyrie sera unie par le peuple vert
Et partant à l'assaut des dragons ancestraux
Triomphera du mal, rendant libres et égaux
Tous ceux qui prêteront leur lame à la lumière
Ou partageront leur âme avec l'Arbre Clair.

Pourtant un danger guette le peuple sylvain
Dont les lagomorphes empêcheront le déclin,
Car massacrés par des chasseurs aux rites abscons
Les lapins ne sauront ronger la corruption
Qui sous la forme d'appétissants champignons
Infecteront l'Arbre Clair et ses rejetons.
D'une fièvre progressive mais non moins mortelle
Chaque fougère et même leur mère irréelle
Sera atteinte sans pouvoir être soignée
Hormis par un unique ingrédient sous-nommé :
Le piment magique maudit des terres de lave
Une épice qui ferait se noyer dans sa bave
Toute autre créature qu'un solide arbre à pattes.
Poussant sur un arbre de magma du Stigmate
Protégé par de grands vers maîtrisant les flammes,
Cueilli par un preux géant et sa belle Dame
L'ingrédient miracle devra être ingéré
Par Maman-Fumette dans sa soupe éthérée
Pour redonner vie à son peuple juste né
Et sauver la Tyrie d'une perte insensée.
Mais la magie a toujours un prix élevé,
Celui-ci pouvant paraître démesuré
Car quiconque est maudit en trouvant le piment
Souffre et meurt forcément, et prématurément.

Le silence se fit après que la voix grave du Norn ait résonné dans la caverne.
Les loups assis derrière eux dans leur posture gardienne s'écartèrent et Akinoria disparut entre eux vers la sortie de la grotte, le teint pâle comme si elle manquait de sève.
Elentar la rejoignit après avoir remercié les esprits et le chaman qui avait gravé ces mots dans une transe salvatrice.

Ils restèrent à méditer sur la prophétie pendant de longs instants, assis dans la neige devant l'antre de la stèle et des loups. Chacun avait confiance en les esprits et ne doutait pas que ces mots soient emprunts de vérité, mais jusqu'ici la mort malgré son omniprésence était restée de l'autre côté de la barrière. Aucune malédiction n'avait pu venir à bout d'eux, et leurs guides avaient toujours montré la voie de la victoire. Aujourd'hui, ils ressentaient un frisson particulier, réaction à une mort prochaine et imminente, car ils étaient certains de correspondre à la description écrite sur la stèle. Pourtant, la mort en elle-même ne les effrayait pas, leurs connaissances sur l'au-delà leur suffisaient pour savoir qu'ils sauront se retrouver et être réunis dans leur éternité mortuaire. Elentar priait simplement les esprits pour que les Sylvaris puissent être sauvés dans la gloire, Aki joignant ses souhaits aux siens mais laissant les codes d'honneur au Norn. Ils n'eurent pas besoin de se parler pour ressentir chez l'autre les mêmes sentiments qui assaillaient leur cœur.

Ils ne voyaient qu'une chose à faire, et elle avait tout pour leur plaire : écrire la fin de leur histoire et en faire une légende. Vivre une dernière aventure, plus palpitante et glorieuse que toutes les autres. Partager pleinement leurs derniers instants ensemble et profiter de la vie jusqu'à son dénouement.


Leur destination était déjà fixée : les Steppes de la Strie Flamboyante seraient leur prochaine étape, et le fameux piment leur objectif.

Ne ménageant par leurs efforts, ils dirent adieu aux loups d'une caresse et se mirent en route sans prendre de repos. Le rythme effréné qu'ils s'imposaient leur permit de rallier les Steppes en trois jours seulement. Leur principal problème était la tendance des Sylvaris, et donc d'Akinoria, à devenir de plus en plus faibles. Le temps pressait, et sans avoir admiré le paysage des Collines de Kesse ou de la Montée de Flambecoeur, ayant purement et simplement éliminé les ennemis qui se dressèrent sur leur chemin, ils s'aventurèrent dans le Stigmate.

La première chose qui les interpella dans la fissure de cristal fût la façon dont chaque roche transformée renvoyait la lumière blafarde qui s'étendait jusqu'à l'horizon.
Tout était d'un violet profond et ils avaient l'impression d'avancer sur un océan solide.
Sous leurs pas les brins d'herbe cristallisés se brisaient, ponctuant leur marche de craquements réguliers. La dévastation engendrée ici par Kralkatorrik était impressionnante.. et effrayante. Une nouvelle fois les deux aventuriers comprirent que Jormag et Zhaïtan n'étaient qu'une partie de la plus grande menace de leur ère : d'autres dragons ancestraux à la puissance incommensurable et maléfique pouvaient engendrer des catastrophes, partout en Tyrie. Cependant il n'avaient pas le temps de s'attarder : Akinoria, et sa race toute entière, étaient en danger. Ils esquivèrent un troupeau de minotaures transformés en monstres de cristal qui galopait à travers une plaine ravagée, et continuèrent leur chemin, cherchant du regard le fameux arbre de magma, ou ses gardiens flamboyants. Les deux aventuriers parlaient peu, économisant leurs forces et leur attention toute entière dans leur but premier. Flocon suivait sa maîtresse tel une ombre rassurante, se contentant de grogner quand son flair décelait une menace.

Après une demi-journée de marche, seulement ponctuée de quelques pauses lorsque Aki commençait à perdre pied à cause de la fièvre montant dans sa sève, Flocon se mit à avancer par petits sauts, le sol vitrifié devenant trop chaud pour qu'il puisse laisser trop longtemps ses coussinets posés à sa surface. Il jappa ensuite tandis que l'air se teintait de circonvolutions, déformé par la chaleur ambiante. Une forme écarlate floue se mouvait un peu plus loin, tel une mare liquide glissant de rocher en rocher : un limon de feu. Sa présence impliquait une chaleur suffisamment élevée pour faire fondre la chair, et c'était la première fois dans leurs aventures qu'Elentar et Akinoria étaient heureux de trouver une telle créature sur leur chemin. Elentar dressa un mur de protection magique entre eux et la créature par précaution tandis qu'ils s'avançaient au-delà des traces laissées par le magma animé.

Ils découvrirent, coulant dans un lit de cristal en fusion, un ruisseau de lave sillonnant le Stigmate sur une distance indicible en un regard. Ils le longèrent dans le sens où il s'élargissait, prenant garde à ne pas trop s'approcher pour éviter de douloureuses brûlures, mais Flocon sautillait toujours et semblait vouloir plonger dans la couche de neige glacée des Cimefroides déjà si lointaines. Ils croisèrent quelques autres limons de flammes, puis de gros lézards à la carapace si épaisse qu'ils marchaient dans la lave sans s'en émouvoir. De plus en plus de drakes apparaissaient au fur et à mesure de leur avancée, et il devenait difficile de les contourner sans perdre de vue le ruisseau devenu rivière.

Malgré les embûches ils arrivèrent devant une anfractuosité d'où brillait une lumière irréelle, comme si le soleil avait été englouti par la terre et tentait d'en sortir. Les yeux blessés par l'éclat flamboyant, ils purent voir au-dessous d'eux par la cavité lumineuse une forme élancée vers eux, immobile, brillante et brûlante comme si cela pouvait l'aider à se déraciner : un arbre de lave, enflammé par d'innombrables flammèches ravivées de ses branches à ses racine.

Revigorés par leur trouvaille, ils se mirent à la recherche d'un chemin leur permettant d'accéder aux fruits maudits de l'arbre ardent sans devoir creuser leur chemin ou descendre en rappel. Dans la roche à leur pied se dessinait un symbole large comme une hutte sylvarie : ovale comme un œuf et marqué comme un champ fraîchement labouré : de profondes gravures représentaient trois loups, deux noirs et un blanc, assis dans une flaque de sang.

Alors qu'Elentar suivait de sa main gantée le dessin, cherchant à comprendre sa signification, une odeur de soufre agressa ses narines, et il entendit Akinoria crier à Flocon de se tenir en arrière tandis qu'une horde de drakes de feu s'avançait vers eux, crachant des flammes longues comme un homme. Akinoria encocha une flèche et tira sur le premier monstre avant qu'ils aient eu le temps de faire un pas de plus, mais elle ricocha sur les écailles du ver de feu. Alors qu'Elentar invoquait une ligne de protection, elle décocha son second trait dans l’œil du gros lézard et celui-ci s'effondra, décuplant dans sa chute la rage de ses comparses, qui vinrent se jeter contre la magie du gardien. Ce dernier brandit son espadon, invoqua la force de l'Ourse, et sauta au milieu des ennemis, esquivant d'une roulade pour les laisser se roussir les uns les autres, puis il abattit son arme de toute la force de son corps massif et de sa magie pour découper ses ennemis et laisser derrière lui un cortège de carcasses fumantes.

Pendant que Flocon poussait un hurlement qui déchira l'air jusqu'aux drakes en furie, les paralysant, Aki décocha une nouvelle salve de ses flèches fraîchement empênées dans les rangs ennemis, ayant tout le loisir de viser les points sensibles. Elentar tournoya sur lui-même l'espadon tendu au bout de ses bras telle une faux semant la mort sur le champ de bataille. Alors qu'il était débité en pièces de viande peu ragoûtantes un ver cracha son feu au moment où la lame traversait sa gorge, les flammes remontèrent jusqu'au bras gauche d'Elentar et le brûlèrent cruellement. Il continua néanmoins à trancher dans la masse d'une seule main.

Soudain un grondement résonna et les quelques monstres restants refluèrent alors, laissant le sang des leurs inonder le promontoire cristallin.
Les cristaux s'emboîtèrent selon une mécanique improbable pour former un escalier s'enfonçant sous la colline flamboyante.

Les aventuriers descendirent les marches précautionneusement, prenant garde à ne pas tomber dans un piège. Mais il s'agissait simplement d'une magie ancestrale répondant à l'appel du sang et de la volonté. Un chemin formé par des pavés d'un violet pâle reflétant la lumière vive de l'arbre de lave les amena jusqu'au piment maudit, qu'ils cueillirent et qu'Akinoria rangea dans sa besace. Leur sang – ou plutôt la sève pour la Sylvarie - sembla se figer tandis que leur cœur hésitait au moment d'ôter le fruit de sa branche.
Mais l'urgence de la situation les arracha à la froideur d'une mort si facile. Akinoria sentit le mal en elle croître subitement, et elle dût s'accrocher à la fourrure de son loup pour ne pas s'écrouler, mais son esprit réussit à ramener son corps en position debout au prix d'un effort inhumain. Elentar l'admira se battre encore une fois contre la mort, et sentit son cœur pleurer de sentir son amie se vider de ses forces. Il adressa mentalement une prière au Loup et à la solidarité de la Meute.
Ayant récupéré le condiment tant convoité, ils remontèrent à la surface, épuisés.
Pourtant le chemin du retour devait être fait d'une traite sans plus tarder, et ils se remirent en route.

Revenir le long du Stigmate fut plus difficile. Malgré qu'il n'aient plus à observer autour d'eux des indices sur la position de leur trésor culinaire, Akinoria était en piteux état et Elentar s'occupait des épreuves pour deux. Ils étaient chaque heure plus usés par la route, ses pièges et ses dangers. Les aventuriers et leur compagnon quadrupède évitaient les combats autant que possible, mais parfois trancher dans le cristal corrompu d'un dévoreur ou d'un minotaure s'avérait nécessaire.

Après une marche éreintante, épreuve difficile mais réussie en une journée grâce à leur courage, ils arrivèrent au Plateau de Diessa.
Les environs avaient bien changé : des tornades de sable et des élémentaires de terre jaillissaient du sol en de nombreux points à l'Ouest du Plateau, ravageant le paysage, la faune et la flore. Pris au milieu d'un de ces déchaînements imprévisibles, le couple se défendit et réussit en démembrant les élémentaires à récupérer des rochers suffisamment gros pour colmater les fissures du sol d'où jaillissaient des colonnes de poussière dont ils préférèrent ne pas s'approcher.

Ce fut après cette âpre tâche que la situation leur parût désespérée au plus haut point : leur champ de vision avait été réduit à une vingtaine de mètres par la mystérieuse modification climatique, et ils n'avaient pas vu s'approcher une armée entière de Draguerres et de Charrs de la Légion de la Flamme, les encerclant en silence, leur corps ceint de fer et de feu.

Les deux Lucioles étaient loin de tout, et n'espéraient pas d'aide extérieure. Malgré leur fatigue et la maladie d'Akinoria, qui la vidait de ses forces, ils devraient ouvrir une brèche dans l'anneau d'ennemis et s'y engouffrer avant qu'il ne se referme sur eux, ou plutôt leurs cadavres.
Elentar se déplaça de quelques pas, sortit son espadon, le leva vers le ciel et le serrant à s'en faire craquer les phalanges, il poussa un hurlement sauvage, expirant tout l'air de ses poumons et se transformant en un loup gigantesque et bipède. Espérant ainsi attirer l'attention loin de sa compagne, qui aurait ainsi le temps de lâcher une volée sur quelques ennemis, il prévoyait d'achever les malheureux qui feraient office de porcs-épics du tranchant de ses griffes et d'ouvrir une voie vers une sortie inespérée. La Sylvarie avait compris la manœuvre dès son début, et avant même la fin de la transformation d'Elentar, plusieurs ennemis tombèrent, transpercés. Flocon couvrait ses arrières, et son cri fît écho à celui du Norn métamorphosé.

La voix grave d'un Charr s'éleva alors et ordonna la contre-attaque.
Une pluie de balles tirée par des fusiliers Draguerres, alliée à la tempête de feu déchaînée par les élémentalistes de la Légion de la Flamme, s'abattit sur le petit groupe.
Akinoria et Flocon avaient disparue quand l'écran de fumée se dissipa. Il ne restait que le Norn sous la forme de son totem. Il avait esquivé le gros de l'attaque, mais sa fourrure était poisseuse de sang en de nombreux points. Malgré son état, il sourit, et l'effet conjugué du regard furieux d'Elentar et du retroussement de ses babines sur ses crocs aiguisés fit frémir d'effroi ses ennemis.

Il se rua vers eux dans un saut colossal, trop rapide pour que les alliés de la Fusion, en rangs serrés, aient le temps de se dégager. Ils tailla dans la masse et les cris de douleur fusèrent, presque aussi nombreux que les amas de chair découpée. Alors que Charrs et Draguerres sortaient épées, masses et haches, une autre rangée de soldat s'écroula, et derrière eux se relevèrent Akinoria et Flocon, armes et crocs au clair, dégoulinants de sang. Le regard brûlant de l'émoi du combat, le cœur battant au rythme de la bataille, les trois compagnons rassemblés se jetèrent sur la dernière ligne qui les séparait de la vie et de la liberté, dans un hurlement qui en fît fuir autant qu'il en était mort. Ce fut la débandade, et les Lucioles traversèrent en direction de l'Ouest sans regarder derrière eux. Elentar reprit sa forme humanoïde, sans se préoccuper du sang qui goûtait sous son armure.

Ils avaient à peine fait quelques mètres qu'une explosion retentit...
Devant eux un mur de feu de quinze pieds s'éleva dans un chuintement d'air insupportable.
Ils se retournèrent sans ciller, pour découvrir une apparition cauchemardesque : une Effigie de la Flamme titanesque se tenait derrière eux, accompagnée d'une machine de forage équipée d'un lance-flamme.
Les troupes de la Fusion lancèrent un cri qui résonna autour d'eux, oubliant leur terreur et leurs morts, encourageant leurs champions.

Les deux apparitions s'avancèrent sans tarder vers leurs adversaires, faisant trembler le sol à chaque pas. Ils prirent de la vitesse, tentant de charger tout en frappant le sol de concert de leurs attributs flamboyants pour en faire jaillir un geyser de flammes. Mais Akinoria, Elentar et Flocon avaient déjà esquivé et le Gardien, formant une bulle protectrice autour d'eux, cherchait un moyen de traverser l'épaisse muraille de feu qui s'étendait en arc de cercle. Cependant aucune faille n'apparaissait dans la magie Charr, et il aurait fallu traverser en s'exposant aux brûlures. Lui aurait peut-être survécu grâce à son armure, en se transformant de nouveau arrivé de l'autre côté pour étouffer les flammes avec ses fluides corporels et une épaisse fourrure, mais il ne pouvait se résoudre à laisser Akinoria et Flocon se battre seul : un Norn ne fuyait pas , il se battait en opposant son courage et sa force à la mort et à la souffrance.

Son regard s'embrasa de cette flamme bleue qui l'avait envahi à chaque fois qu'il avait touché son pouvoir depuis la première fois dans l'arène. Ses mains gantées transmirent à son arme la puissance magique que les Totems avaient déposé dans son âme. Akinoria, malgré les tremblements qui prenaient possession de son corps, leva son arc, enflamma sa flèche sur l'espadon d'Elentar, et une seconde plus tard un trait fusa à travers l'exo-armure Draguerre, laissant un trou léché par des flammèches bleues au niveau du torse. Un mécanisme s'actionna, et l'armure s'ouvrit en deux, laissant tomber le cadavre d'une imposante taupe humanoïde.

Un champion était tombé, et les Draguerres amassés laissèrent échapper un cri de rage qui secoua l'air autour d'eux, suivi d'une pluie de balles, repoussée par le bouclier bleuté du Norn. L'Effigie frappa alors ses deux mains l'une contre l'autre, puis les écarta lentement sur une boule de feu gigantesque, que les élémentalistes Charrs renforcèrent de leur puissance mêlée. Elle s'élargissait en aspirant l'air autour d'elle, et sur un geste du monstre de flammes et de magie fut propulsée vers les héros acculés. Elentar se plaça d'un bond devant sa compagne, et il dressèrent ensemble un bouclier supplémentaire en unissant leurs pouvoirs, fait du plus dur des bois, recouvert d'une couche de givre qui plutôt que l'éroder, le protégeait. Le Norn attrapa Akinoria et se recroquevilla autour d'elle. Ils sentirent la bulle du Gardien s'étioler et la température autour d'eux s'envoler vers des extrêmes qui leur donnaient l'impression de s'évaporer.

Malgré le brasier ils se redressèrent face à leur ennemi, et s'écartèrent hors de la zone calcinée.
Akinoria à gauche, Elentar à droite, et Flocon face à lui, l'Effigie et ses alliés durent séparer leurs salves en trois. Akinoria dansait entre les balles, repoussant celles qui arrivaient sur elle avec sa hache et son épée, dégainées en exécutant un salto arrière pour esquiver une boule de feu.

Flocon se jeta sur l'Effigie géante, l'utilisant comme bouclier tout en la harcelant de morsures malgré les brûlures qui le blessaient. Elentar leva son gigantesque espadon devant lui, protégeant son visage, et chargea en hurlant dans la masse grouillante d'ennemis. La plupart des balles et sorts rebondirent sur son armure lourde, et ils encaissa le reste sans ralentir. Arrivant au contact, il sauta au-dessus de la première vague pour balayer d'un revers de lame les fusiliers massés en retrait.
Se retournant dans le même mouvement il abattit sa fureur sur le Charr qui menait les troupes, et poussa un hurlement effrayant en se transformant en Ours. Il fit jouer ses griffes dans la chair de tous ceux qui l'entouraient, et utilisait sa force intérieure et la magie des Totems pour se régénérer au fur et à mesure que son corps se constellait de son sang.

Akinoria grâce à cette diversion put se concentrer sur l'attaque, et brandissant ses armes dans une posture guerrière, se jeta à l'assaut de l'Effigie qu'elle cingla violemment de dizaines de coups en tournoyant. Le champion de la Fusion réagit en éjectant de son corps une salve de flammes en un cercle s'élargissant autour de lui, la Rôdeuse invoqua les forces de la Nature pour faire apparaître une fontaine d'eau pure et rouler dans la vague protectrice en appelant son loup à elle. Les flammes passées, elle eut tout juste le temps de se jeter de côté pour éviter le poing ardent de son ennemi qui s'écrasa sur la fontaine pure et fit s'évaporer instantanément le liquide vivifiant. Revigorée, la Sylvarie se jeta de nouveau sur le monstre, découpant les épais fils de métal en fusion qui le constituait.
Mais son adversaire attrapa un fouet dans son dos, l'enflamma d'une pression de la main et le fit claquer en direction d'Akinoria. Elle esquiva le premier coup, mais le revers du fouet la jeta au sol, une brûlure cinglant son dos brûlé à travers son armure de cuir. Alors que l'énorme créature flamboyante s'apprêtait à l'achever, Flocon se jeta devant sa maîtresse au moment où le coup fatal allait la frapper. Les mâchoires ouvertes sur un dernier cri, un dernier souffle offert comme sa vie à sa Rôdeuse, il fut ouvert en deux par la puissance du coup et s'effondra auprès d'elle dans une mare de sang.

Pendant ce temps, Elentar avait décimé une bonne moitié des assaillants, mais son pouvoir ne pouvait endiguer autant de blessures qu'il en récoltait à chaque instant. Petit à petit il perdait du terrain, et les ennemis étaient encore trop nombreux. Se transformant alors en Panthère des Neiges, il disparut soudain pour se dresser devant les corps inanimés d'Akinoria et de Flocon.
Il reprit sa forme Norn, à bout de souffle. L'Effigie lança son bras gauche droit sur le Gardien, mais celui-ci bloqua le coup d'une parade de son espadon, utilisant ses ultimes ressources pour repousser la mort, encore une fois.

Alors que le colosse de flammes s'apprêtait à écraser de son pied démesuré la petite troupe défaite, un cri rauque retentit dans l'air. L'Effigie arrêta son geste et s'immobilisa.
Les renforts de l'Alliance de la Fusion étaient arrivés sur place après qu'un Draguerre ait été donner l'alerte et leur commandant, un Charr sombre en armure noire à l'air cruel et féroce, avait stoppé le Champion de flammes de la seule force de sa voix. Alors que ses ennemis se regroupaient pour l'encercler de nouveau, Elentar put observer que le commandant n'avait pas peur de se montrer en première ligne, et que sa corne gauche était brisée au tiers de sa longueur. Son mufle était renfoncé et son regard semblait fou. Les troupes derrière lui n'avait l'air que de vermine comparées à sa carrure et sa haute stature. Le Norn ne pouvait presque plus bouger, il avait depuis longtemps dépassé ses limites. Il pourrait peut-être tuer encore cinq adversaires d'un coup d'espadon bien placé, mais ensuite ce serait la fin...

Alors qu'il tentait de maintenir sa lame en garde haute, fière statue vivante ensanglantée en hommage au courage d'un combat sans espoir, il entendit le Charr sombre ordonner qu'on les porte dans les salles de tests, et qu'on utilise leurs forces pour améliorer les armes de la fusion plutôt que de perdre inutilement des troupes. Il vit alors le félin se déplacer étonnement vite, et une lame lui entailler la cuisse jusqu'à l'os, à travers son armure. Sans regarder il sut que le métal et sa chair avaient fondu sous l'assaut d'une chaleur indicible. Plutôt que de parer la prochaine attaque, il visa la gorge de l'épéiste, car ses jambes ne lui seraient plus d'aucun secours dans son état. Son espadon se brisa dans une gerbe d'étincelles qui éblouirent toute l'assemblée, et le Charr roula dans la poussière en grognant de colère. Son armure noire était maintenant recouverte de flammes qui se reflétaient dans son regard. Il cria quelque chose que le Norn ne comprit pas, puis il entendit le choc du coup de l'Effigie se répercuter dans son armure et son corps, bien après que sa conscience l'ait abandonné... Ce fut comme plonger dans un trou noir, en se repérant seulement grâce au son, un fracas digne de l’atterrissage d'un dragon.

Après ce qui lui sembla avoir duré deux ans de chute dans le vide, il sentit de nouveau son corps, et surtout la douleur. Tout n'était que souffrance. Il avait de nombreux os brisés, sa chair était entaillée en tellement d'endroits que le sang coulait encore le long de ses membres, son cœur battait irrégulièrement, mais surtout son crâne le lançait tellement violemment qu'il ne parvenait plus à réfléchir. Même s'il avait été en état bouger il n'aurait pas pu, car il était attaché contre un mur. A côté de lui Akinoria était dans la même position, inconsciente. Il scruta sa compagne et l'appela doucement, mais elle avait l'air vidée de toute vie. En regardant de plus près il put voir sa poitrine se soulever imperceptiblement et cela l'aida à retrouver quelques forces. Il leur restait assez de vitalité pour ajouter un paragraphe à l'ode de leur légende !


Pendant qu'il replongeait dans les méandres d'un demi-sommeil emprunt d'une torture incessante, Elentar entendit le son caractéristique des bottes lourdes et de la démarche Charr.
Sombre comme une nuit sans lune, le commandant se tenait devant lui, ricanant. Il tenait devant lui de multiples outils aux formes diverses, souvent pointus ou coupant. Sur le mur d'en face étaient entreposés dans de grandes étagères des plaques de métal aux reflets irisés, de toutes tailles.
Le couple d'aventuriers devait servir de cobaye pour fabriquer une nouvelle sorte d'armes : des hybrides de chair et de métal, maintenus en vie par la magie du feu. Elentar vit alors derrière le Charr une forme familière : Flocon. Flamboyant, métallique, n'ayant plus rien de vivant, il suivait pourtant le commandant sous l'influence de la magie dévorante de la Flamme.

Akinoria se réveilla alors en gémissant, et appela du bout des lèvres sans qu'Elentar puisse comprendre quels mots elle prononçait. Flocon eut l'air de frémir lorsqu'elle murmura, mais ne bougea pas. Le Charr n'avait pas même prêté une oreille aux lamentations de sa prisonnière. Il choisit alors une longue lame incurvé, et la compara à la taille de l'avant-bras du Gardien. Ayant l'air satisfait, il chercha le meilleur endroit où commencer l'incision, quand retentit un cri perçant. Un faucon piqua droit sur lui, poursuivi par un régiment de Draguerres menés par une taupe plus grande que les autres qui volait grâce à un sac propulsant un gaz malodorant. Le commandant leva sa lame pour couper l'oiseau en deux, mais celui-ci ralentit son vol en écartant les ailes, esquiva une mort certaine et planta ses serres dans les yeux du tortionnaire.

Celui-ci hurla et des flammes léchèrent son armure toute entière, faisant fuir le volatile. Akinoria attrapa alors Elentar par le bras. La diversion de son second familier lui avait permis de reprendre le contrôle de l'esprit de Flocon, qui lui avait amené la clé de ses chaînes. La souplesse de la Sylvarie avait fait le reste. Le géant libéré, il utilisa l'énergie qu'il avait emmagasiné depuis son réveil pour envoyer son poing droit dans la trogne enfoncée du Charr enflammé, qui alla valser contre les étagères.

Le Draguerre volant hurla qu'il allait tuer la Sylvarie lentement car elle avait transpercé son frère, mais une charge du Norn l'avait envoyé s'écraser au plafond pour retomber comme une masse. Le gardien s'empara alors des armes amenées par le commandant et lança un couteau de la taille d'une épée courte et une hachette à Akinoria. Se transformant en loup dans un cri sanguinaire, il puisa dans la force des Totems toute la magie régénératrice dont ils avaient besoin. Transmettant un flux de magie vitale à la Rôdeuse dans une explosion d'énergie, il se jetèrent sur les taupes fascinées et les taillèrent en pièce. Ils remontèrent les escaliers de leur geôle, suivis par Flocon et son camarade volant, et après avoir choisi leur chemin au hasard se retrouvèrent rapidement dans un hall immense où un mélange d'odeurs insoutenable se répandait.

Des centaines de Draguerres et de Charrs mangeaient rapidement avant de retourner à leurs occupations. Restant dans l'ombre, Akinoria vit alors à une vingtaine de mètres un Draguerre se servir le piment maudit en guise de déjeuner. D'un geste souple du poignet elle envoyer voler son couteau à travers la salle, jusqu'au crâne du malheureux affamé qui mourut sur le coup. Envoyant son faucon semer la zizanie en volant ici et là nourriture ou armes, elle profita de la discorde pour s'emparer du piment en tuant efficacement ceux qui entravaient son passage.
Elle revint ensuite vers Elentar qui achevait d'interroger un Charr en l'écrasant contre le mur de pierre. La sortie était proche, et l'interrogé rendit rapidement son dernier soupir. Grimpant les marches quatre à quatre, le Norn et la Sylvari débouchèrent dans une salle d'où partaient de nombreux tunnels rejoignant la surface.
Devant eux se dressaient le commandant Charr sombre et le Draguerre au jet-pack.
Le premier avait maintenant des flammes en lieu et place des yeux, et le deuxième volait à côté de l'Effigie géante qui était venue à bout de Flocon.

Akinoria jeta une dague récupérée sur un cadavre en direction du Draguerre, qui l'esquiva. Elle alla fondre dans les entrailles de l'Effigie.
La taupe humanoïde riposta en sortant un lance-flamme de sa protection dorsale et envoya un jet brûlant en direction de la Sylvarie. Elentar se dressa devant elle et dissipa les flammes d'un coup de griffes emprunt de magie, la force du coup fit vaciller l'ennemi et Akinoria put sauter sur son dos pour tenter de le décapiter. S'envolant soudainement, le Draguerre sauva sa misérable vie et manqua de jeter la Rôdeuse au sol. Elle se cramponna et réussit à planter son coutelas dans l'épaule du monstre. Celui-ci hurla de douleur et de fureur, et utilisa ses griffes fouisseuses pour contrer le prochain coup et tenter de transpercer le corps frêle de son agresseuse. Elle coupa la main de son ennemi d'un coup de hache et enfonça les griffes du Draguerre dans le défaut de son armure au niveau de l'aine. Le sang gicla et les deux antagonistes piquèrent vers le sol dans une chute rapide. Au dernier moment, Flocon sauta pour attraper sa maîtresse et la sauver tandis que la taupe monstrueuse s'écrasait dans une explosion sourde.

Pendant qu'Akinoria usait des dernières forces qui lui avaient été accordées, Elentar dur faire face à l'Effigie et à son maître fou. Il invoqua une arme mystique qui prenait successivement des formes de bouclier, de marteau ou d'arc pour assurer ses arrières. Frappant successivement la garde du Charr et le corps en fusion de l'Effigie, il tournoyait et frappait l'acier de ses griffes acérées.
Jouant de la portée de ses bras et de ses invocations, il parvenait à garder ses ennemis à distance et à contrer leurs sorts de feu. Roulant de côté pour esquiver un écrasement du pied du géant d'acier brûlant, il sauta sur le commandant sombre, évitant sa boule de feu en même temps qu'il l'attaquait au visage. L'ennemi recula prestement mais récolta tout de même une balafre sanguinolente. Il contre-attaqua avec un coup vertical de son épée de flammes qui embrasa la fourrure du Norn polymorphié en raclant ses côtes. Ignorant la douleur, celui-ci ouvrit la gueule pour attraper entre ses crocs le bras de son adversaire qui enfonçait la lame dans son flanc. Il arracha le membre d'un mouvement sec, alors que le marteau spectral enfonçait la cage métallique formant la tête de l'Effigie.
Le Charr utilisa son autre main pour invoquer un éperon de flammes impressionnant, et le Norn voyant Akinoria s'écrouler à bout de forces, se jeta droit sur l'arme pour décapiter son adversaire. Celui-ci n'eut pas le temps de se dégager, et le brasier dans ses yeux s'éteignit tandis que son crâne rebondissait contre le mur de la salle.

Reprenant son apparence originelle, le Norn éventré réussit à rejoindre sa compagne en boitant, puis s'écroula auprès d'elle. Il la prit dans ses bras, réunit tout ce qui lui restait d'énergie, de vie et de magie en lui, et décupla la taille de son arme mystique pour qu'elle atteigne la puissance de l'Effigie.

Pendant ce temps, la Sylvarie reprit conscience quelques instants, et utilisa son arme pour ouvrir ses veines au-dessus du piment maudit, le recouvrant d'une sève dorée, se vidant de toute vie pour le faire germer, croître et pousser à une vitesse telle qu'au bout d'une dizaine de secondes une plante arborescente crevait le plafond au-dessus d'eux. Sa magie accélérait le cycle naturel à un rythme effréné. Elentar utilisa alors la magie cristallisée dans son marteau pour en frapper le monstre de flammes et d'acier en son cœur déjà fragilisé par la disparition de son créateur. Après trois formidables coups, qui résonnèrent dans le complexe entier et firent haleter le Norn, l'Effigie fut ouverte, la magie s'échappa tout comme celle du Gardien qui prit Akinoria dans ses bras pour une ultime étreinte.
Les vagues rougoyantes et bleutées se rencontrèrent et fusionnèrent, provoquant un déluge de flammes carbonisant la roche sous elles et faisant s'écrouler le bâtiment sur lui-même.

Au moment où la mort les emportait, Akinoria et Elentar levèrent les yeux pour voir l'arbre se développer et se nourrir de la chaleur dégagée pour laisser s'ouvrir de nouveaux fruits rougeoyants comme un coucher de soleil, ou comme le sang mêlé des deux aventuriers.



Au même moment, quelques centaines de pieds plus loin.


Thù testait son tout nouveau crache-feu sur un pauvre Drake sortant d'une mare, vérifiant que même un monstre caparaçonné et mouillé ne pouvait résister au feu qui s'échappait de l'engin qu'elle avait bricolé durant tant de temps. Tout à coup une explosion retentit derrière elle et le monstre fut écrasé par une roche bouillante.

La Sylvari, de style champignon empoisonné, pesta haut et fort qu'on ne pouvait plus expérimenter quoique ce soit sans que de dangereux bourrins avinés ou peu avisés fassent tout exploser dans un rayon de trois-cent pieds. Poussée par sa curiosité à aller voir de quel phénomène résultait pareille cacophonie, elle se dirigea vers le désastre, vit de loin l'ondulation de l'air due à la chaleur et une crevasse d'où sortait une sorte de tige géante en feu.

Percevant une forte odeur de brûlé, elle s'avisa que rien de vivant n'avait résisté à l'explosion et qu'elle était la toute première apparition sur les lieux. Il ne restait que cette étrange tige, en fait un mince arbre croissant très rapidement, et des branches desquelles pendaient des fruits rouge sang dont l'odeur vous donnait la sensation d'avoir enfoncé une torche dans vos narines.
Reconnaissant des condiments d'un genre inédit Thù réalisa qu'un arbre à piments n'était pas naturel, et décida d'en ramasser un maximum pour en faire une sauce piquante qu'elle pourrait tester au Bosquet. Vu l'odeur, elle ne prit pas le risque de les toucher et les fit tomber dans des cartouches de gaz périmées en secouant les branches avant de les ranger dans son sac.

Elle jeta un coup d’œil dans le précipice d'où venait l'étrange végétal et vit un loup mort ressemblant étrangement à Wouarf, la bête d'Akinoria qu'il avait tenté de fumiger. Elle décida de dessiner la scène dans un coin de calepin pour pouvoir raconter son histoire aux Lucioles, et fit route vers le Bosquet, en pensant aux accompagnements qui entreraient dans la composition de sa sauce pimentée.
De plus, une étrange fièvre l'avait saisie depuis plusieurs jours et elle devait rapidement y trouver un remède...


Un mois plus tard, Thù était renommée à travers toute la Tyrie pour sa sauce pimentée guérisseuse, réservée aux Sylvaris car les effets secondaires dévastateurs ne les touchaient pas.
Les Lucioles réussirent à allier les peuples Tyriens face aux forces de la Fusion, mais on ne trouva jamais leurs chefs malgré une écrasante victoire.
Certaines tentèrent de retrouver la trace d'Akinoria et Elentar, et finalement l'Arbre-à-fumette permit à ceux qui le désiraient d'entrer dans un rêve et de suivre leur ultime épopée, afin de rendre hommage à ceux qui étaient morts pour que chaque chose ait le droit de grandir, comme le déclame le principe Ventari préféré d'Akinoria.

La plupart des Sylvaris avaient guéri, mais lapins et Dolyaks sont toujours chassés aujourd'hui, et chaque animal mignon apporte un équilibre vital à ce monde cruel...
Si personne ne les protège alors plus rien ne pourra protéger personne !