Les Lucioles Automnales - Guild Wars 2
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

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Message par Jeradon Jeu 25 Juil 2013 - 0:11

Chap 1 L'ombre des ruines

Le jour tirait à sa fin quand Drellon parvint à Beetletun. Fourbu, il remit son cheval au palefrenier de  l'auberge, et sans défaire son manteau s'engouffra à l'intérieur. Il prit à peine le temps d'adresser un signe de tête à l'aubergiste, et sans attendre prit l'escalier pour le premier étage. En quelques enjambées il dépassa deux portes  avant de faire une pause  devant la troisième. Deux coups, une pause: Un humain en cotte de mailles ouvrit avant de s'effacer, laissant le passage à l'émissaire en manteau de voyage.
La chambre était plutôt spacieuse. Aux murs quelques étagères arboraient des volumes dépareillés. Dans un recoin un lit de vieux bois trônait, non loin d'un coffre de voyage tout en arabesques et volutes. A une table, plume a la main était assis un Sylvari en pourpoint de velours et gants noirs.
En silence Drellon attendit. Enfin le Sylvari leva le regard. Drellon s'agenouilla. «Mon seigneur Baron.
-Debout.»
En dépit de leur nécessité, le Baron des Murmures appréciait peu l'étiquette et les formalités. Il quitta son siège, passa de l’autre côté de la table et s'approcha. Son visage noble était encadré de mèches d'un rouge cuivre. Mais surtout au fond de ses yeux bleus transparaissait l'ennui. Il reprit «Quelles nouvelles de Kesse?
-Nos alliés sont aux prises l'un avec l'autre.
-Ah une lutte féroce. Les humains?
- ils sont en mauvaise posture mon seigneur. L'assaut des centaures désorganise leurs villages, les attaques des Kraits ruinent leurs ports. D'ici quelques années, quelques mois peut-être ils devront abandonner la contrée.
-Les humains peuvent faire preuve de ressource au moment le plus inattendu...Et les centaures?
-Ils attaquent de toute part Mon seigneur, et à vrai dire, ils comptent de nombreuses victoires. Pourtant, ils manquent de succès. Ils combattent quand il faudrait fuir, et pourchassent des fuyards quand ils devraient s'emparer du fortin.
-En somme ils se comportent comme des animaux sans cervelle!»

Le dépit du Baron était perceptible. «Cette contrée est mûre pour servir de base, mais nous avons à peine progressé depuis nos premiers repérages. Si nous ne trouvons pas une solution rapidement, la chevalière des Tourments tentera un coup de force dans la région.»
Drellon opina gravement. La contrée n'était pas prête pour l'arrivée d'un host de sylvaris. Il s'enhardit. «Mon seigneur Carannoc, qu'en est-il de notre associé dans cette ville?"
-Le Baron des Murmures retourna un regard aigu à son serviteur avant de reprendre. «Il a malheureusement du s'absenter pour une durée indéterminée. Son manoir est sous séquestre, et j'ai entendu dire que des bandes de hors-la-loi y commettent des déprédations. Une perte, réellement. J'ai rarement vu des demeures avec un style aussi raffiné.» D'un geste il convia Drellon à s'asseoir, avant d'aller chercher une bouteille de vin et deux gobelets dans un cabinet.
«Nous devons donc trouver d'autres solutions...Tout en découvrant la civilisation de ces humains.» Il servit deux gobelets d'un Almuten millésimé, avant de s'asseoir de l'autre côté de la table. «J’ai toujours trouvé que privilégier la lutte contre l'Arbre Clair était un gaspillage de ressources. Nous avons tellement à apprendre des autres groupes qui luttent pour leur suprématie! Et nous faisons trop confiance à la connaissance que nous avons obtenue de la part des transfuges. Leurs témoignages, aussi sincères puissent ils être, sont trop...Subjectifs.
Assez gémi pourtant! Vous Drellon qu'avez-vous vu de remarquable dans votre visite de Kesse?»

Un expression perplexe passa sur les traits aigus de  Drellon.   Le temps d’une hésitation il reposa le gobelet. «Eh bien Mon Seigneur...La contrée est tourmentée à vrai dire. Par endroit la croûte de la terre est fissurée et des créatures de flammes en sortent.
-Carannoc sourit rêveusement. «Ah oui les perturbations tectoniques...Les humains font face à beaucoup de problèmes dans cette contrée. Et quoi d'autre?
-Hé bien...»
Tout à coup Drellon sut de quoi il devait parler. «Mon Seigneur, au bord du lac il y a un village dont les Kraits se méfient.»   Carannoc haussa un sourcil. «Vraiment? Pourquoi?
-Ils y ont de nombreuses pertes.»
Le Baron eut un sourire sardonique. «Ces esclavagistes ont rencontré des proies plus coriaces que des Quaggans!
-Mon seigneur, les humains ont pratiquement déserté la place.»

Carannoc ne dit rien mais son regard redoubla d'intensité. Drellon poursuivit.
«Pour tout dire les Kraits s'acharnent sur l'endroit sans résultat. J'ai entendu dire que leurs bandes sont parfois décimées. J'ai pris la liberté d'interroger quelques gardes lions et des marchands Asuras. Ils disent qu'une ombre de mort rode dans le village.
-Et personne n'a pris le temps d'aller réellement voir ce qui se passait là-bas?
-Hormis les Kraits, personne.»
Carannoc devint songeur... «Une ombre de mort. Les locaux ne sont que des animaux mais il doit y avoir une part de vérité dans leurs superstitions. Drellon?
-Mon seigneur Baron.
-Nous avons assez attendu ici. Vous partez ce soir même tirer cette affaire au clair. Et s'il le faut, ramenez-moi cette ombre de mort. »

«Vous ne serez pas seul jeune page» reprit il en voyant que Drellon rajustait sa dague. « Vous aurez besoin d'informations précises.  Vous serez assisté par deux asuras. Des sympathisants fidèles je dois dire. Vous avez trois jours pour découvrir l'origine de cette histoire. Passé ce délai rejoignez moi au village humain du Fief du Sorcier.»

*

*  *

Le soleil se levait à peine que du haut du dolyak, Sedill reprenait aigrement :  «Une équipée de ce genre en plein dans une zone de conflits est tout simplement un échec potentiel.»
Il fallait le reconnaître, ce technicien faisait preuve de constance dans ses jugements, et pourtant Drellon ne fit pas attention à ces remarques. Irrité l'Asura reprit. « Je ne sais pas ce qui a pris à votre Baron de nous envoyer dans cette aventure, mais...» Lodda sa collègue l'agrippa trop tard. Drellon avait fait faire demi-tour à son cheval et s'était porté à la hauteur du Dolyak. Ses yeux verts se rivèrent sur la face de l'Asura « Le jugement du Baron n'a pas à être mis en cause. » Il sortit sa dague et la posa sur une patte de l'Asura. Les oreilles de ce dernier s'aplatirent contre sa tête sous l'effet de la terreur.
«Non bien sur, non...» parvint il à balbutier.
Drellon approuva sèchement. «Emettez donc des jugements quand votre condition vous le permettra. Ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Contentez-vous de garder l’œil sur votre équipement et de signaler s’il y a un problème avec le dolyak. »
Il leva le regard vers le ciel matinal. « Nous ne sommes qu’à deux heures de marche de Vieille Rive. Et pour l’instant nous n’avons rencontré qu’un petit groupe de centaures. Les patrouilles des humains ne poussent pas jusqu’ici. En route maintenant. »
Alors que le bouvier humain faisait repartir le dolyak, les asuras s’affairèrent à vérifier les paquetages dans des chuchotements furieux.
Le petit groupe avançait lentement dans la prairie brûlée par le soleil d’été. Bientôt l’étendue bleu vert du lac de Viathan apparut aux voyageurs. Drellon n’en avait cure. Il échangea quelques mots avec le bouvier du dolyak et le convoi repartit vers un petit bois à l’orée des prés de Sabogris. Une fois parvenus sous le couvert des arbres tout le monde mit pied à terre.  Drellon se tourna vers la direction du village et tout en caressant les copeaux de sa barbe énonça négligemment « Sedill, Lodda venez par ici ! »
Les deux asuras s’empressèrent, leurs yeux disproportionnés brillant d’inquiétude. Drellon se tourna vers eux et s’agenouilla, contemplant froidement leur museau. « Nous avons huit heures d’attente avant de repartir. Maintenant parlez-moi de ces instruments de détection  pour créature ectoplasmique. »  Comme à chaque fois qu’on leur demandait d’expliquer leurs secrets technomanciens, les Asuras prirent une expression outragée. Enfin Lodda prit la parole. « Nous avons un détecteur de champ et une caméra multispectre. »
Drellon hocha la tête, sa fréquentation des Asura à Rata Sum lui avait appris les bases du vocabulaire Asura. Il se dirigea vers sa monture et des fontes en sortit un instrument qui ressemblait à une fleur tropicale.  Il le présenta à Sedill. « Vous m’accompagnerez dans ma chasse parmi les ruines du village. Voici une arme capable d’étourdir une créature ectoplasmique. La détente s’active en tordant la tige."
Sous l’effet de la rage les oreilles de l’asura s’abattirent à l’horizontale. « Et ainsi le noble Sylvari va entrainer un larbin à sa suite dans des ruines infestées de monstres. Après tout un technicien Asura talentueux n’a rien d’autre à faire !!! »
Lodda tendit la main un peu trop tard. Mais cette fois Drellon ne broncha pas. « C’est vrai Sedill; après tout un technicien Asura dont la tête est mise à prix par l’Enqueste ne peut se permettre de participer à une equipée dans des ruines. Un technicien qui passait son temps à extraire l’essence vitale de laborantins afin d’animer des golems d’un type inconnu est bien au dessus d’une telle tâche. Bien sûr quelques-uns voudraient savoir pourquoi aujourd’hui encore … » A entendre cet exposé Lodda frissonna, mais une  lueur dangereuse apparut dans les yeux de Sedill. « Comment ?
-Vous êtes libre de choisir Sedill. Toutefois si quelque chose m’arrivait, des nouvelles de votre présence atteindraient certaines oreilles.
-D’accord, d’accord je ferai ce que vous voudrez !!! »
Drellon hocha la tête « Je n’en attendais pas moins de vous Sedill. Le Baron sera content d’apprendre que votre zèle a permis le succès de cette équipée. »
Hormis cet incident la journée s’écoula paisiblement, et le soleil couchant baignait les ruines de Vieille Rive quand le petit cortège parvint dans les hauteurs surplombant le village.
Déjà Lodda vérifiait le signal du détecteur. « Rien pour l’instant dans le champ, mais des présences serpentine apparaissent dans le lac et se dirigent vers le village. » Drellon hocha la tête. « Probablement les kraits qui envoient un raid contre le village. C’est la preuve que ce territoire n’est pas contrôlé par leur colonie. Le temps est venu de voir ce qui se passe de plus près. Lodda vous restez ici avec le dolyak et Jonas. » Il adressa un bref signe de tête au bouvier humain, et accompagné de Sédill entama une descente précautionneuse vers le village
La lumière commençait à déserter le village quand Drellon atteignit les premières ruines qui  surplombaient le port.  Il se tourna vers Sedill. « Quoi de visible ? » L’asura rampa vers l’embrasure d’une fenêtre et braqua une boite hérissée d’un cristal. « Rien de visible à part des Kraits.
--Nous sommes trop éloignés »
chuchota Drellon. « Passons à la maison d’en face. » De l’autre côté de la rue se trouvait une maison en meilleur état. Mais cette fois encore la caméra de Sedill ne montra rien.  Drellon décida de se rapprocher d’une maison plus près encore. Ils passaient le seuil quand dans tout le village retentit un cri finissant en sifflement. Sedill sursauta et laissa choir sa caméra à même le sol. Dans un tintement cristallin l’instrument se brisa en mille morceaux. Sur la place en contrebas, les Kraits se tournèrent immédiatement vers leur direction.  Les yeux de Drellon s’écarquillèrent « Filons tout de suite ! » Ils se lancèrent dans une fuite effrénée. Dans la rue retentissaient des sifflements furieux.  D’entre les ruines à main droite surgit un Krait  : ces créatures rampaient sans difficulté à traves les ruines. Drellon tourna à toute vitesse sur la gauche. Sans trop y  faire attention il  renversa l’Asura qui courait maladroitement à ses côtés. Le  cri de ce dernier  finit en hurlement d’agonie : Sédill avait désormais quitté le service du Baron des Murmures.  
Drellon eut à peine le temps d’atteindre un âtre en ruine, que de la porte en face surgit un Krait, lance à la main.  Un autre apparut sur la gauche. Derrière lui un bruit de reptation suggérait la venue d’un autre Krait. Drellon sortit de sa ceinture une dague et un focus. « D’accord, je regrette, mais je n’ai rien à voir, voyez-vous je suis envoyé… »
Dans un soupir funèbre un lambeau d’ombre atteignit un Krait. De l’âtre sortait une silhouette grisâtre.  En hurlant les kraits se jetèrent sur l’intrus. A l’instant ce  dernier devint une ombre. Tout comme les kraits, Drellon sentit le déchirement de son âme. Sans réfléchir il passa également de l’autre côté. Au paroxysme de la folie, les Kraits levèrent les armes vers l’intrus. Mais que pouvaient-ils faire alors que leur vie même les quittait ? Leurs cris d’agonie retentirent à travers le crépuscule qui enveloppait Drellon.  Bientôt t un chuchotement terrible retentit : l’intrus se retournait contre Drellon même.  Avec haine le Page des Murmures lia son esprit à celui de son agresseur.  Pour un bref instant la folie qui l’envahit faillit le submerger. L’instant d’après l’agresseur avait quitté le Voile, et se recroquevillait sur le sol en proie à l’agonie.
« NON ! » A l’instant Drellon quitta la pénombre et se pencha vers lui. Ses doigts effleurèrent les feuilles crasseuses du visage d’un sylvari dénudé. La vie résidait encore dans ce misérable corps. Sans hésiter Drellon empoigna l’inconnu et le hissa debout sur son épaule. Etrangement à travers le village, le sifflement des Kraits s’était tu. En sifflant sous l'effort, Drellon entama la montée vers le dolyak  perdu quelque part sur les hauteurs dominant le village.
Il leur fallut bien deux jours pour atteindre le village du Fief du Sorcier. Le captif était ligoté dans un travois et tantôt en proie à la fièvre, parfois murmurant des mots sans réel sens, s’agitait en tous sens. Drellon passait le plus clair de son temps à ses côtés. Lodda, en proie à une tristesse inexplicable restait sur le dolyak en murmurant le nom de Sedill.
L’arrivée au village fut un vrai soulagement. Et pour Drellon le spectacle d’humains béats devant des élémentaires de terre déambulant dans les rues n’ était qu’un détail sans intérêt après une mission périlleuse.
Le Baron avait élu dans une maison avec mansarde au sommet du village. A l’arrivée du convoi il fit immédiatement hisser le captif inconscient dans la chambre de l’étage. Drellon rendait compte en quelques paroles hachées, mais le Baron n’avait d’attention que pour le sylvari étendu sur le lit. Ce dernier se retourna et commença à murmurer . Carannoc se pencha. D’entre les lèvres brûlées du captif s'échappa « L’éclosion, la vie ne mène qu’à la mort… »
Le Baron se redressa lentement. Sa main gantée effleura le visage du prisonnier.  Avec regret il murmura « Feodhan mon ami, pourquoi vous a-t-il fallu tant de mois pour parvenir à la vérité ? » Et à cet instant Drellon perçut une peine étrange.
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Message par Jeradon Mer 21 Aoû 2013 - 22:59

Matinée en gris

Ces mots revenaient à l’esprit de Drellon alors qu’il regardait le visage émacié de l’inconnu étendu sur le lit,  dans la mansarde dans la maison d’un humain du Fief.
 Une fois encore son regard s’attarda sur les feuilles fripées de la chevelure du malade, les draps sales et le pichet d’eau claire au pied du lit. Aucune couleur ne venait  perturber le gris poussiéreux qui habitait cette pièce , pas même la robe de bure de Drellon.  
Au Bosquet, Flynn des Nuances en aurait fait une composition florale toute en dégradés.  Mais c’était il y avait bien longtemps. Et Flynn des Nuances était mort.
Il ferma brièvement les yeux, trempa un linge dans le pichet, et l’étendit sur le visage noirci du malade. Un bref frémissement secoua le linge. C’était bon signe.  Drellon attendit quelques secondes avant de retirer la charpie.

La lumière du jour était en train de gagner  le pied du lit quand la porte de la mansarde s’ouvrit.
Drellon se leva pour accueillir le Baron des Murmures.  Ce dernier tendit une main apaisante : « Je vous en prie. Comment va notre malade ?
-   Il reprendra conscience dans quelques heures quand le dessèchement commencera à se dissiper.
-Bien, bien, venez me chercher dès qu’il se réveillera.
»
Le Baron semblait soucieux. Drellon s’enhardit : « Seigneur Karannoc. Qui est ce Sylvari ? Etait-ce un agent ? »
Le Baron fixait du regard les traits délicats de celui qui était étendu : « Son nom est Feodhan, et au moment de sa rencontre, il y a un an déjà, il était  très très proche de nous. Il était également dans une situation difficile, et franchement il avait peu de chances de survivre.  Apparemment il est parvenu à surmonter les périls qui le poursuivaient, et à vous en croire, à devenir un redoutable combattant. »

Un gémissement parvint du malade. Rapidement Drellon tordit le linge au-dessus du visage noirci. Quelques gouttes tombèrent sur les lèvres desséchées. Celles-ci s’écartèrent. Drellon trempa un gobelet dans le pichet, et avec douceur releva Feodhan avant de lui faire avaler un mince filet d’eau. Le sylvari toussa avant de s’étendre à nouveau.
Le Baron s’approcha paisiblement « Feodhan, je sais que vous pouvez m’entendre. Reposez-vous, prenez espoir. Vous êtes chez des amis, à l’abri du danger.  Je viendrai vous revoir dans quelques instants. »  
Les traits du malade se détendirent. Drellon devint soucieux. « Mon seigneur, je ne sais pas si l’Arbre Clair reprendra emprise  avant votre retour.
-Il y a peu de chances Drellon. A son réveil nous pourrons lui poser les questions. En attendant continuez à vous occuper de lui, vous êtes responsable de son rétablissement. »


Le Baron s’en fut, et il fallut de nombreuses heures avant que le sylvari n’ouvre les yeux.  Drellon put enfin  lui faire avaler une potion diluée avant d’ouvrir la porte et de parler rapidement au serviteur humain. Quand il revint s’asseoir, Feodhan contemplait les alentours d’un regard neutre.  

« Bonjour. Je suis votre soigneur. Comment vous sentez vous ?
-Faible…Si loin…
-Ne vous en faites pas. Qui êtes-vous ?
-Ronce…Ronce ! »

La porte s’ouvrit et Karannoc entra impassible, portant pourpoint de cuir et gants de velours, en vêtements de voyage. D’un signe de tête il demanda à Drellon d’apporter une chaise, avant de s’asseoir au pied du lit. Il scruta le regard du sylvari étendu avant de retirer ses gants. « Donnez-moi votre main ». Le malade s’exécuta. Karannoc  l’étreignit fermement avant de reprendre. « Je suis Karannoc, un fier combattant. Qui ai-je affronté ?
-Des Norns…Guivre…
-Vous étiez à mes côtés aussi. Quelle arme aviez-vous ?
-Une épée…Non ! Non ! L’épée…
-L’épée était votre arme pourtant. Et elle a tué des Norns ce jour-là…
-Ils sont revenus, tous, tous ! Avec la glace…Mais ce n’est pas l’épée qui les a vaincus.
-C’est donc la mort ?
-La mort gagne toujours…
-Pourtant vos enchantements, vos illusions…
-Non ! Non ! Ronce n’a pas d’enchantements, pas d’illusions. Rien que la mort.
Karannoc se tourna vers Drellon « Je n’en ai pas pour longtemps. Veuillez descendre et faire place nette. Vérifiez aussi que tout est en ordre. Je ne veux aucune trace de son arrivée désormais. »


Drellon dut quitter la pièce. Alors qu’il descendait l’escalier grinçant  les questions se succédaient dans son esprit. En contrebas l’attendait  Jovien. En dépit de son apparence fruste cet humain savait apprécier les qualités d’un sylvari, ce dernier fut-il vêtu d’une robe de bure.
« Sire Drellon…
- Bonjour Jovien. Comment vont les affaires dehors ?
- Les gens sont tranquilles. Ils vaquent à leurs affaires.
- Bien. Pouvez- vous me fournir une collation ? Je suis mort de faim. »

Laissant là Jovien il descendit au rez-de chaussée. Le dolyak était toujours là ainsi que les caisses. Il se tourna vers le bouvier du dolyak. « Pourquoi n’avez-vous pas renvoyé la  bête ?
Le bouvier s’excusa « Je croyais que mes services étaient encore requis ! »
Drellon laissa son regard courir sur les caisses de matériel Asura, et se retourna vers l’humain. « Ils le sont. Chargez le dolyak et menez-le au port. Jetez ces caisses de matériels à la mer. Là où ils sont les Asura n’en ont plus besoin. Je vous verrai ce soir. »

Le bouvier obéit et se mit au travail. Drellon le regarda quelques instants avant de repartir à l’étage. L’humain devait également mourir. Il aurait préféré n’avoir eu qu’à tuer Lodda, mais les ordres du Baron étaient clairs. Aucun témoin ne devait subsister de l’arrivée de Feodhan dans cette maison. Ce sylvari devait être bien précieux.  

Quand il revint Karannoc l’attendait.  «C’est bel et bien Feodhan mais ses aventures ont altéré son esprit. Apparemment il a été fait prisonnier, torturé, et il est hanté par ces souvenirs.
Voilà qui règle la question de l’influence de l’Arbre Clair : le lien a été rompu. En attendant nous ne devons pas le laisser seul. Drellon, vous êtes responsable de son rétablissement. Faites le manger, administrez lui un extrait de somnolence, et soufflez un peu.  J’ai demandé l’aide d’un autre sylvari. Je pars sur l’heure le chercher. »

 Sitôt qu’il fut sorti Drellon soupira et se tourna vers Jovien qui s’affairait. « Oubliez ce que je vous ai demandé un peu plus tôt et préparez moi un bouillon léger. Apportez-le à l’étage ».
Feodhan regardait encore les meubles de la pièce et la fenêtre ensoleillée d’un regard las. A l’arrivée de Drellon il tourna la tête
« Vous êtes revenu.
-Bien sûr, je suis votre soigneur, et je resterai à vos côtés pour quelques jours.
-Quel est votre nom ?
-Drellon des Orchidées.
Feodhan eut un sourire nerveux « Les orchidées…c’était beau … »
-Elles le sont toujours. Si vous voulez,  bientôt  je vous en apporterai. »

On frappa à la porte. Le bouillon était prêt. Drellon s’approcha le bol et la cuillère à la main
« Avez-vous faim ? »
Un soupçon mêlé de peur  apparut dans les yeux de Feodhan. « Seulement si vous partagez ce bouillon avec moi. Vous commencez.
-Volontiers. »

Le bouillon était clair, mais assez nourrissant pour un malade. Feodhan mangea lentement, scrutant le visage de Drellon à chaque cuillerée. Il était clair que de mauvais souvenirs lui revenaient. Drellon resta impassible, mais la vision d’un sylvari réduit à un tel état par des barbares  était révoltante. Etaient ce des Norns ? Où peut être s’agissait-il d’humains ?  Ces derniers n’étaient pas des barbares, mais leur faiblesse et les canailles qui infestaient leur peuple laissaient présager du pire. Et leurs monuments raffinés ou les villes imposantes que leurs ancêtres avaient fondées n’étaient que les ruines d’une grandeur disparue. Maintenant  les humains n’étaient plus qu’un peuple décadent, bien peu digne de l’œuvre édifiée par leurs ancêtres.  

Drellon en était à ces réflexions quand Feodhan lui retourna le bol et, le regard las, fixa la fenêtre. Il était temps pour lui de dormir. La veillée reprit, pour quelques heures encore.
Les toits du port étaient déjà plongés dans la pénombre quand le malade rouvrit les yeux. Drellon était prêt cette fois. « Feodhan…
-Non, Ronce…
-Comme vous voulez…Avez-vous faim ? Désirez-vous vous soulager ?
-Je ne sais pas…
D’accord, patientez un instant je dois préparer une potion. »

L’appréhension du malade était palpable, mais Drellon s’écarta et commença à préparer une potion.
Quand il revint Feodhan le regardait avec panique. Drellon secoua la tête « Ce n’est qu’un reconstituant, pas une drogue. Vous voulez partager ? »
Avec soulagement Feodhan hocha la tête. Drellon prit son temps. Après tout le partage était essentiel. Le malade but à son tour et tendit le gobelet.  Drellon secoua la tête « Posez le sur la petite table à votre droite." 
Feodhan tourna la tête et découvrit la table.  Sa main luisait à peine quand il reposa le gobelet. Drellon s’avança. Ses traits et commençaient à se  souligner d’une lueur pourpre. « Voulez-vous patienter un peu, je veux changer les draps du lit. »
Quand il retira les draps, une faible lueur dorée transparut. Le malade eut un hoquet de surprise.
Drellon tendit une main empourprée. « Feodhan, tous les sylvari brillent durant leur vie. Et leur lumière ne change pas quoi qu’il arrive. »

Il prit sa main. « Vous pourrez bientôt marcher. Les mauvais rêves sont finis »
Et surtout sa véritable vie commencerait.
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Message par Jeradon Mar 25 Fév 2014 - 14:54


3 Le choix


Le visiteur se tenait à la fenêtre, et contemplait les dernières lumières du jour sur les maisons du port. Il se retourna lentement à la venue de Drellon. Les traits de son visage restaient émaciés, comme ciselés, mais la fièvre avait finalement quitté son regard, laissant la place à la nostalgie.
- Bonsoir Feodhan.

- Alors je ne suis plus Ronce »
Drellon considéra le Sylvari maladif avec un mélange de commisération et d'impatience. « Vous ne l'avez jamais été à vrai dire. En dépit de votre métamorphose, en dépit de votre délire, Sire Karranoc se souvenait trop bien que vous étiez Roncebrume .Mais assez de discussions. » Drellon sourit franchement « Voudrez vous partager mon repas ? »

La salle au bas de l’escalier menant à la mansarde était baignée de la douce lumière d’un chandelier. Non loin de la fenêtre on avait installé une petite table pour deux. C’est là que Feodhan se surprit à deviser avec Drellon en attendant le début du repas. « En huit jours vous avez réussi à vous rétablir de façon remarquable. Vous êtes une personne surprenante savez vous ?

Feodhan leva le regard du tapis de velours rouge élimé pour fixer le regard bleu intense qui le dévisageait
"Vous me faites trop…D’honneur."
La réponse hésitante attira l’attention de Drellon. « J’insiste. Vous avez surmonté votre délire pour vous rétablir parmi nous. Et vous avez traversé de nombreuses épreuves, notamment aux mains des humains de cette vallée perdue… »
Le Sylvari s’interrompit à l’arrivée de Jovien. Ce dernier déposa une petite corbeille de pain sur la table avant de s’éclipser.
Feodhan tendit une main nerveuse et prit un morceau de pain. Le malaise commençait à l’envahir. « C’était surtout le fait d’une nécromancienne humaine. » Ces paroles firent resurgir l’image du visage sévère d’Emmeline. Un frisson le parcourut.
« Oui et si je comprends bien, elle vous a façonné à son image.
-Non. » Le pain était broyé dans la main de Feodhan. « Excusez-moi. Je voulais simplement corriger et dire qu’une expérience, m’a forcé à accomplir un rôle…Fatal. »

Drellon était trop habitué aux interrogatoires pour ne pas comprendre qu’une question sur ce sujet était malvenue. Il s’interrompit pour laisser Jovien poser deux bols de soupe sur la table.
« Veuillez m’excuser. Par contre vous n’avez guère de préventions contre les humains. Vous êtes même parvenu à faire une escapade au village sans mot dire. »
Feodhan pinça les lèvres à cette admonition. « Je suis désolé si mon imprudence vous a fait courir un risque quelconque.
-Non pas. Elle vous met plutôt en danger. »
Feodhan leva un regard interrogateur de son bol de soupe : « Les humains du village sont plutôt paisibles. En fait aucun n’a l’air de porter d’arme. »
En entendant la remarque Drellon s’essuya les lèvres d’un air satisfait. « Ce ne sont pas les seuls humains des Collines de Kesse. Je vous assure que les brigands sont moins paisibles. D’autre part une autre noble Sylvarie erre aussi dans les parages, et elle sera peu disposée à votre égard.
-Ah ? Et comment l’appelle-t-on ?
-La Chevalière des Tourments. Ne vous fiez pas trop à son titre. Elle est plus puissante que Sire Karannoc, pour de multiples raisons. C’est aussi une de nos ennemies.
-La Cour des Cauchemars est donc désunie ? »

Drellon ferma les yeux, excédé : « Notre créativité est parfois source de frictions. Là où le Baron des Murmures recommande la patience, elle réclame l’usage de la force. »
Feodhan baissa le regard vers son bol de soupe vide. « Oui les têtes de bois dur, veulent toujours sortir le métal. Le Baron a peu d’alliés n’est-ce pas ? »
Drellon laissa Jovien poser un plateau de viandes sur la table, et emporter les bols, avant de reprendre. « C’est malheureusement le cas »
Feodhan se servit une tranche de viande juteuse : « Recrutez vous des serviteurs ? »
Drellon se servit une pièce rôtie. « S’ils sont membres de la Cour et ont fait leur preuves, oui.
-Et que me faudrait-il pour faire mes preuves ? »
Drellon leva le regard et se servit une mesure de vin. « Beaucoup de choses. »
Il pointa sa fourchette vers Feodhan. « Je vous ai trouvé au bord du Lac Viathan dans un état pitoyable, à faire la guerre aux Kraits en utilisant des techniques dignes d’un nécromancien débutant. A nos questions vous avez répondu qu’une sorcière humaine avait utilisé une magie étrange pour vous transformer en être famélique. »
Feodhan reposa fourchette et couteau, désemparé. « C’était une magie ancienne. Les humains ont utilisé et exploré de nombreux mystères qui ont ensuite été source de malédictions. »

Il se retourna vers le serviteur humain qui arrivait portant un bol de laitue assaisonnée. « Par exemple n’y a-t-il pas dans les environs des ruines humaines source de magie néfaste ? »
Jovien retourna un regard interrogateur à Drellon avant de répondre. « Certainement messire. Non loin d’ici il y a un canyon avec un village abandonné. Seul un vieux fou y vit encore. Il y avait aussi une ferme en bon état mais on dit qu’elle est envahie par des araignées géantes. On dit aussi qu’elle abrite un sanctuaire maudit, mais allez donc savoir... »

Feodhan retourna un regard triomphant à Drellon. « Vous voyez bien ! »

Drellon se saisit de quelques feuilles de laitue. Il répondit enfin. « Cela n’explique pas les zones d’ombre de votre passé. Comment avez-vous accompli votre voyage du Val Vieux au Lac Viathan ? Comment vous êtes vous retrouvé dans la misère avec comme seule possession un bâton de vieux bois desséché ?
-Ma transformation, le combat contre un monstre ancien, l’horreur… »

Drellon balaya ces explications « L’horreur n’est qu’une notion relative. D’autre part vous n’avez pas même accompli un entrainement de nécromancien valable. J’ai du mal à vous croire. Vous tuez un crapaud une fois sur deux. »

Feodhan fixa Drellon droit dans les yeux. « Ce n’est pas un entraînement fiable. Laissez-moi sortir, affronter le danger et vous verrez si je ne sais pas mettre mon entraînement à profit.
-Fort bien. Vous me montrerez ce que vous valez cette nuit même."

La lune était haute dans le ciel quand ils partirent vers les hauteurs dominant le village. Là-haut le paysage baignait dans une lueur argentée. Tout autour sur les versants environnants les rocs se dressaient tels des dents déchaussées. Un calme étrange régnait. Enfin Drellon ficha son bâton dans l'herbe grasse.
Il tendit une main purpurine vers le ciel. « Toute chose sur cette terre a vocation à disparaître tôt ou tard. En tant que nécromancien nous avons le choix de mettre une halte à cette destinée ou exister à travers à travers elle. ». Il se tourna vers Feodhan : « Tous ceux qui traversent le Voile finissent par se trouver face à ce choix. Ainsi que toi Feodhan. »
En réponse le jeune Sylvari hocha la tête « Et ceux qui hâtent cette disparition?
-C'est un pouvoir donné au premier venu et a la dernière des brutes. »
Sous la pâle lueur de la lune on ne pouvait que deviner le sourire méprisant de Drellon. «Les idiots achèvent les destinées. Nous… Nous pouvons les modifier, les altérer…Les transcender même. »
Il poussa le bâton dans les mains de Feodhan. « Sans aucun entraînement tu as su te servir de cette arme. Maintenant montre moi ce que tu peux faire contre des adversaires plus puissants que des Kraits... »
Le froid se répandit à travers toutes les veinules de Feodhan. Ses traits flamboyèrent brièvement d'une lueur dorée, puis sa main enserra le bâton. Cette arme n'était pas l'outil de torture qui avait fait de lui un nécromant.

Drellon poursuivait: « Au sommet entre les rochers vit une tribu d'Ettins. Ces idiots passent leur temps à se lancer à l'assaut des golems du village, et ils y laissent les plus valeureux de leurs mâles. Voyons ce que tu peux leur infliger. »
Laissant derrière Drellon au bas de la colline, Feodhan s'avança entre les rochers à pas comptés.
*
* *

Quelque part une brute à deux têtes rodait. Et il espérait qu'elle n'avait pas assez de jugeote pour se promener en groupe. Bientôt il entendit assez de bruit pour savoir qu'un Ettin se trouvait non loin derrière un rocher. Il s'avança: sous la lune on pouvait discerner la silhouette imposante, la peau luisante. Retenant son souffle Feodhan s'avança encore. L'Ettin n'entendit pas le soupir du premier écheveau de ténèbres. Ce n'est qu'au deuxième qu'il se rendit compte de la faiblesse qui, l’envahissait. L'ennemi qui l'attaquait le paierait cher.
Pétrifié, Feodhan vit le colosse se retourner d'un bloc et grandes enjambées lui fondre dessus. A peine eut-il le temps d'invoquer un cercle de glace. L'Ettin ne parut pas s'en rendre compte. Feodhan s'enfuit.
Avant qu'il n'ait pu y penser, il n'était plus qu'un être de ténèbres. L'Ettin regarda de tous côtés : là où se trouvait une créature ridiculement petite, il n'y avait plus qu'une ombre rabougrie. Il abattit la massue de toutes ses forces. La silhouette minuscule virevolta se redressa, se mît à courir pour éviter l’impact suivant…

- Tchak! L'Ettin regarda incrédule la coupure qui venait d'apparaître sur son avant bras
- Tchak! Une autre apparut sur son torse. Une autre coupure apparut sur un de ses deux visages. Au rythme de sifflements secs, des coupures s’ouvraient de toutes parts sur le corps du géant, et le sang, un sang noir et poisseux commençait à couler le long des membres. Un craquement retentit : une autre tête de l’Ettin était à moitié ouverte par une plaie béante. Et le géant s'abattit de toute sa hauteur sur le sol rocailleux.

Drellon rangea sa hache et s'avança vers Feodhan. Ce dernier secouait la tête d'un air stupide. « Je suis désolé. Dés qu'il m'a foncé dessus je suis passé dans le Voile.
- Et dès qu'il t’a donné un coup de massue il t'a étourdi. » Commenta Drellon avec ironie. « On dirait que tu vis à travers le Voile...Et le bâton n'est pas l'arme qu'il te faut...Attrape! » Il lança nonchalamment sa hache vers Feodhan. Eberlué ce dernier se déroba avant d’attraper l'arme par le manche. Drellon hocha la tête avec satisfaction. « On dirait que la hache te convient mieux. » il s'avança et tendit une dague. « Ca devrait t'être utile aussi. »
D'un geste machinal Feodhan passa l'arme à la ceinture, et retourna un regard interrogateur.
Drellon eut un mince sourire. « Feodhan, tu as prouvé que tu sais survivre. Ça ne suffit pas. Il faut que tu saches triompher ». Il tendit la main vers la route derrière Feodhan. Celui ci se retourna. D'en contrebas parvenait le pas lent des dolyaks et le grincement d’une carriole. Drellon reprit : « il y a des gens qui vivent en croyant qu’ils verront, disons, cinquante hivers. Et forts de cette certitude, ces idiots vivent comme des quaggans prêts pour le massacre. Certains des leurs survivent toutefois en faisant bien moins d’effort que toi. Pourquoi ne pas les rejoindre ?
Une colère froide commença à gagner Feodhan. Enfin il répondit d'une voix sourde « J'ai vu davantage de combats que ces gens. Je pourrais triompher sans difficultés d'une dizaine d'entre eux. »
-Parfait! » Conclut Drellon. « Tu n'auras donc pas de difficultés à massacrer la caravane en contrebas! »
Interdit, Feodhan retourna un regard perplexe vers la silhouette veinée de pourpre de son mentor.
« Il te reste dix minutes pour y parvenir »
Feodhan décampa.

*
* *
Tholkor la Montagne s’ennuyait profondément. Il s’avait qu’il n’aurait pas du accepter ce boulot de garde, mais il avait trop peu d’argent, et Halvar le Gros payait bien. En plus Ivar ArcVif faisait une bonne compagnie autour du feu de camp.
Mais ce soir il n’était pas question de camper. L’assaut des brigands avait surpris tout le monde, et après avoir perdu un bœuf de bât, Halvar avait décidé de ne s’arrêter qu’au village du Sorcier. Et maintenant ils en étaient à cheminer sous la lune dans une contrée de collines et de pierraille. Tholkor grommela « Et de toute façon il ne manque plus que les Ettins et ce sera parfait ! »
-Au secours ! À l’aide ! »
Le cri résonna à travers la campagne. Bientôt un gringalet en robe, apparut, dévalant comme un malade un versant escarpé. « Ils arrivent !!! »
En deux pas Tholkor s’avança « On se calme le gamin ! Qui arrive ?
-De près il s’aperçut que le gamin était en fait un sylvari paniqué. Cette demi-portion tremblait comme la feuille qu’il était.
« Les Ettins. Ils m’ont repéré et ...»
Il n’avait pas fini que déjà le sol vibrait du pas lourd des géants. Tholkor se retourna vers les autres « Des Ettins ! A l’attaque ! ». Et sans plus attendre il se rua en avant, marteau de guerre en mains.
En un grondement un loup le rejoignit pendant que derrière, Halvar sortait son bâton et criait des incantations.
La charge de Tholkor renversa le premier Ettin : le géant n’eut que le temps de voir le marteau de guerre s’abattre avant de s’effondrer, la poitrine enfoncée. D’autres Ettins surgissaient de la pénombre massue en l’air. Il en fallait moins pour arrêter le marteau de Tholkor . D’un coup formidable, il ébranla le sol, et renversa une demi-douzaine de colosses à deux têtes. L’un d’entre eux hurlait quelque chose que déjà une pluie de flèches s’abattait sur lui. Un autre leva le regard avant de périr ébahi sous une pluie de rocs enflammés. D’autres Ettins arrivaient encore. Tholkor sourit férocement : ce soir là on verrait La Montagne massacrer une tribu d’Ettins des collines. Gloire à Ours et à ses fils !

Feodhan savait ce qu’il faisait : les gardes massacraient les Ettins, et le chef de caravane était seul derrière à beugler des incantations en agitant son bâton. En une course rapide il rejoignit le gros Norn, roula au sol et frappa vers le haut, dague au clair. Le gros charnu s’abattit, le jarret coupé. C’en était fait de lui. Roncebrume leva le poignard luisant sous la lune avant de l’abattre en frénésie meurtrière. Les hurlements du magicien se confondirent avec les beuglements des Ettins. L’archer de la caravane l’entendit pourtant, mais bien trop tard. Feodhan était déjà sous le voile. En quelques instants l’archer Norn suintait le sang par chacun des pores de sa peau laiteuse. Il eut juste le temps de crier quelque chose, mais cette fois le sol exhalait une fragrance atroce.

C’était plus qu’il n’en fallait pour mettre fin à la destinée d’un autre colosse des montagnes, et assez encore pour emmener trois autres Ettins dans l’étreinte de la mort.
Tholkor ne comprit que trop tard. Il accourut, marteau en l’air avant de ressentir le froid intense, et voir le gringalet Sylvari sortir une hache de la ceinture. Cette fois il ne triompherait pas. Feodhan leva la hache au ciel. Et quand il l’abattit, un rire sauvage s’éleva sous la lune…

« Tu n’étais pas obligé d’y ajouter la tribu d’Ettins. »
Drellon enjamba un corps avant de contempler satisfait les cadavres qui gisaient tout autour. Feodhan se retourna, une expression meurtrière sur le visage. « Etait-ce une faute ? ».
Drellon étouffa un petit rire : La première fois on s’exprimait toujours de façon théâtrale. Il reprit « Disons que c’était un excès de zèle. Donne-moi ta dague. »
La lame dégouttait de sang, la poignée était poisseuse. Drellon retourna l’arme à Feodhan. « Remets-la à ta ceinture, tu es prêt. Maintenant reprends après moi. « A la force la croissance. Aux ténèbres le triomphe… »


Et sans hésiter, mot pour mot, Feodhan reprit le serment d’allégeance aux Sylvaris de la Cour des Cauchemars.




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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Mar 25 Fév 2014 - 15:34

4- Les intrus

[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre Chap_410

Arme à  la main, l'homme avançait dans les broussailles. Où était passé ce fichu dolyak? Il jeta un regard plein d'appréhension vers l'horizon. Le soleil déclinait et en un peu moins d'une heure ce serait le crépuscule. S'il ne retrouvait pas son dolyak, les Ettins le trouveraient avant lui.  Peut être même qu'ils le captureraient aussi  avant de l’ajouter au menu de la tribu. Il reprit nerveusement sa marche à  travers les pâturages. L'animal ne devait pas être trop loin. Avec un peu de chance il serait revenu au  village du Sorcier avant que le moindre Ettin sorte des cavernes.

Un craquement retentit. Dans la pénombre, d'entre les buissons, l'homme devinait la silhouette massive du ruminant. Soulagé, il s'avança bride à la main. « Alors te voilà  espèce de tête de mule. Maintenant la fête est finie.» Prestement, il passa la bride autour du mufle du bestiau.
L’homme ressentit une douleur fulgurante. Titubant il se retourna pour entrapercevoir une silhouette de ténèbres. La chose tendit un bras : l'homme tomba à genoux, et le souffle coupé, il vit un flux doré circuler de son corps vers l’agresseur silencieux.  Et alors que le froid le gagnait, sa vie le quitta.

Impassible, Feodhan regarda l'infortuné s’éteindre sous son regard. Enfin il sortit du Linceul et s'approcha à pas comptés. Il retourna le corps et vit avec tristesse le visage aux traits fripés comme une pomme desséchée. « Adieu Jonas...A tous ceux qui ne connaissent pas la paix j'apporte la sérénité ».
Ce murmure était la seule oraison funèbre connue de Feodhan. Il attacha le corps à  la bride du dolyak, et donna à celui-ci une tape sèche sur la croupe. La bête se retourna comme électrisée alors même que Feodhan invoquait une ombre. Confus, terrifié, l'animal s'enfuit au galop en traînant le corps de l'humain. En un quart de lieue de course, le corps de Jonas deviendrait méconnaissable.
Feodhan Écouta un moment le galop maladroit du Dolyak, avant de se décider à rentrer. A peine avait il fait quelque pas que son ombre bondit en avant et se rua dans les buissons. Un hurlement strident retentit. Feodhan accourut: une silhouette se débattait devant. Rapidement des lianes entourèrent l’intrus dans une étreinte implacable. D'un  geste de la main Feodhan révoqua l'ombre et s'approcha rapidement de l'inconnu. A la lueur des derniers rayons du soleil il distingua une tignasse brune en désordre, un visage en lame de couteau:   c'était un gamin, un enfant humain. Il était bien plus petit que les enfants Norns, mais tout aussi immature. Feodhan considéra un instant le gamin inconscient. Enfin il relâcha les lianes, et secoua son prisonnier. L'enfant rouvrit  les yeux et étouffa un cri de terreur. C'était le crépuscule maintenant et le visage de Feodhan s'illuminait d’une étrange lueur dorée.
« Tu as tout vu n'est-ce-pas?»
Feodhan se surprit du ton menaçant de sa voix. Déjà  le gamin répondait en un acquiescement paniqué. « Tu m'as vu exécuter un traître. Tu connais mon secret. Tu peux le dire à  tout le village. Alors dis-moi: est ce que je dois te tuer? »
Feodhan pouvait sentir la stupéfaction mêlée de terreur s'emparer du gamin.
«Non, non, s'il vous plait...
-Alors dis moi pourquoi.
-Je ne dirai rien, je vous jure!
-Jurer ce n'est pas grand chose pour un humain. Donne-moi une chose: la clé de la maison de tes parents. Tu vas venir avec moi au village. Je serai tout le temps avec toi. Si tu dis un seul mot de travers...Tu sais ce qui arrivera. Tu vas chez toi, je reste dehors dans la ruelle Tu viens à  moi, et tu me remets la clé dans ma main. Et c'est tout.»
Rétrospectivement c’avait été un jeu: le gamin était trop terrifié pour faire des bêtises : «  Si tu parles, tous ceux qui vivent chez toi souffriront». Cet avertissement tiendrait l’enfant  pour un petit moment, le temps de quitter le village.
Et mission accomplie, Feodhan était rentré secrètement  faire son rapport auprès de Drellon son mentor dans la maisonnée du Baron des Murmures.

Ce n'est que le lendemain, alors qu’il était assis dans un bassin d'eau chaude parfumée que Drellon revint sur l'incident avec le petit humain.
« L'enfant est vivant? Et que lui as tu dit? » Feodhan se retourna: les mains empreintes d'élixir,  Drellon avait une expression indéchiffrable. Patiemment Feodhan raconta par le menu son encontre avec le gamin. « La clé est d'ailleurs parmi mes effets sur le lit. » Drellon s'essuya les mains et partit fouiller. Enfin il découvrit  la tige en fer façonné que les humains utilisaient pour clore leurs demeures. Une expression de satisfaction parut sur sa face. « Très bien, nous avons un moyen au cas où. » Il leva les yeux pour voir le jeune Sylvari nu et ruisselant debout dans son bain. Une expression comique parut sur son visage : « Non, non Feodhan assieds-toi on n'a pas fini! »
Quelques secondes plus tard alors que Drellon lui malaxait les épaules, Feodhan hasarda une question. « As tu peur que l'on doive rester plus longtemps que prévu ?
-Non, très bientôt nous partirons...Tiens prends l'éponge!
-Et notre visiteur Kieran doit nous servir de guide?
-Ah, tu es bien curieux...Epines et sporules! Tu sais que tu avais bien besoin d'un vrai bain? Tu aurais pu attraper une mycose avec ta vie sauvage! »
-Feodhan secoua la tête. « Désolé, mes rencontres n'étaient pas vraiment hospitalières. »
Drellon debout derrière lui, le considérait, satisfait.
« Hmm, c'est aux aventures qu'on reconnait les vrais sylvari. Tu as vraiment un beau feuillage! Avec une coupe ici ou là  tu auras vraiment fière allure! »
Feodhan éclata de rire... « Quel expert tu fais! C'était quoi ton métier déjà ?
-Jardinier particulier.
-Sans blague?
-Sans blague. Je ne faisais pas pousser les bancs de fleurs en fait. J'offrais des traitements de beauté aux Aînés, parfois même aux premiers nés. Sucs revitalisants, élagages et cannelures, lotions pour tinter leurs feuillages d'une couleur révélant leur esprit, enfin tu vois le genre.»
Il tendit une grande serviette à Feodhan. « Tiens, sors du bain, et enveloppe toi là -dedans». Il se mit à  ranger ses flacons dans un coffret ouvragé. « Et un jour j'en ai eu assez de m'occuper de ces idiots plein de suffisance qui ordonnaient aux autres d'aller se faire massacrer.» Il fit une pause : « Alors qu'eux-mêmes réussissaient à peine à sauver leur peau quand ils sortaient de Calédon.»
Il se retourna vers Feodhan. « Enlève la serviette, ouvre la fenêtre et laisse toi respirer un moment avant de passer tes vêtements. Je t'attends en bas pour la réunion. »
Quand rafraîchi, vêtu de sa robe noire, Feodhan parvint à la cuisine, Drellon Était en pleine discussion avec un Sylvari en armure de cuir. Ce dernier décocha un regard méprisant au nouveau venu. Drellon s'en aperçut : « Kieran je vous assure, Feodhan est un élément très prometteur, et il est prêt à  partir en mission au service du Baron.
-Hmm. Parfumé comme il l'est?
- C'est un traitement anti toxines ! » Reprit précipitamment Drellon
Son interlocuteur eut un sourire ironique. « Soit. Que votre protégé prenne place autour de la table! »
Il se fit un signe de tête  à Feodhan. « Kieran. Commandant militaire pour le Baron. Mais ça vous le savez.»
Il attendit que Jovien le serviteur humain ait déposé trois verres de liqueur pourpre pour reprendre : « Ce que vous ne savez pas, c'est que je suis détaché pour vous emmener.»
Il déroula une image de papier bariolé en travers de la table. «  Ceci est une carte des Collines de Kesse.» il montra du doigt un creux près d’une ligne bleue : « Nous sommes ici.»
Il montra du doigt un ruban jauni un peu plus loin vers l'intérieur : « Et la suite de la Chevalière des Tourments est là.»
- Ils sont bien près ! » Intervint Drellon.
Entre temps Feodhan avait trempé les lèvres dans son verre de liqueur. La saveur douce-amère ne lui dit rien de bon. La conversation se poursuivait.
«  C'est évident. J'ai fait tout de même quelques approches: ils sont peu nombreux et ont l'air épuisés. Quelques ont même des armures en mauvais état.»
Kieran reprit:« De toute évidence nous avons affaire à ce qui reste d'un détachement. Bien entendu ils ne connaissaient pas le terrain et ils ont balayé tout ce qui se trouvait sur leur route. Et maintenant qu'ils sont passés en force ils ont réalisé qu'ils ne pouvaient aller plus loin sans faire une halte.»
Feodhan fronça les sourcils mais se tut. Drellon intervint: « Combien de temps leur faut-il avant d'arriver à notre repaire?»
Kieran hocha la tête.  « Cinq heures, peut être six. Ils pourraient arriver en fin d'après midi, début de soirée. Nous devons absolument disparaître avant leur arrivée. Ils ne seraient que trop heureux de se débarrasser de quelques serviteurs du Baron.»
Drellon tapota nerveusement des doigts sur la table.
« Soit, que proposez vous?»
-Kieran balaya la cuisine du regard. « Nous faisons nos bagages, achetons un bœuf  de bât et prenons la haute route dès la sortie de la vallée profonde. Nous devons atteindre les champs de Gendarran le lendemain matin. A ce moment nous ferons la jonction avec les troupes du Baron.
-Et les Ettins? Notre cortège les attirera...
- Nous avons assez de puissance …» Kieran jeta un regard dubitatif à  Feodhan, « …Et d'expérience pour défaire ceux que nous ne pourrons éviter.
- Et Jovien?
- C'est un humain, il pourra se fondre dans la masse. De toute façon la chevalière des Tourments ne pourra pas s’établir et conquérir le village en même temps.»

Il fallut en convenir, le plan de Kieran était réalisable. On envoya Jovien acheter le bœuf pendant que Feodhan et Drellon préparaient  deux coffres avec armes, équipement et  vivres. Kieran veillait aux alentours, brûlant les documents, vidant les caches, et  répondant brièvement aux questions de Feodhan.  Enfin exaspéré il finit par inviter le jeune nécromancien à planter ses racines ailleurs. Et sans attendre les protestations il partit voir ce que devenait Jovien.
Feodhan fit une grimace amère.
Drellon s’en aperçut. « Je sais ce que tu penses. Ne t’en fais pas, tu n’es pas menacé.
-C’est simplement qu’il se comporte comme s’il était le chef.
-D’une façon il l’est. Du moins tant qu’il n’est pas devant son suzerain…Et qu’il reste en vie bien entendu. »
Feodhan soupira « Bien entendu ». Après tout il valait mieux respecter les usages. Il étouffait. Il partit à l’étage.
Déjà, la chambre où il avait vécu ces derniers jours était vide, et le lit n’était plus qu’une paillasse. Drellon  avait pris soin de faire noircir et moisir les vieilles planches du sol. Désormais tout visiteur courrait de voir le sol se dérober sous ses pas…et dégringoler dans dans la cuisine en dessous.

Il se retirait précautionneusement quand derrière lui la porte du couloir s’ouvrit avec fracas. Eberlué, Feodhan eut à peine le temps de voir une silhouette en vert et noir. L’individu leva un pistolet…Et tout devint noir.

Des bruits de pas réveillèrent Drellon. Des bottes ferrées arpentaient le plancher au dessus. Des sifflements, et des dialogues hachés alternaient. Une douleur lancinante pulsait dans sa tête.  Il leva les regards: il était assis, les  mains ligotées  attaché par un lien à un pilier de la salle commune. Un  sylvari en arme et armure typique de la Tonnelle lui faisait face. En dépit de son  accoutrement, Drellon n’arrivait pas à identifier sa livrée.

Un guerrier surprit son regard;
« Ah t’es réveillé ! »
Il s’approcha à grand pas. Un rictus sinistre barrait son visage d’écorce.
« Alors mon bon tu t’es remis  du coup sur la tête ? »
Drellon se souvint de tout à ce moment là : les hurlements soudains, deux guerriers surgissant devant lui au beau milieu de l’écurie, le coup fulgurant contre sa tempe…
« Qui êtes vous ? » l’autre ricana.
« Hé mon mignon un peu de respect. En fait c’est à toi de me répondre…Des Sylvari de la Cour des Cauchemars planqués dans une baraque humaine en plein territoire de Kesse ! Tu sais que tu cherches des problèmes… » Il eut un sourire moqueur. « Ah tu ne savais pas ? Autant pour toi alors. Voici donc ton choix. Soit tu craches le morceau, soit ton petit copain à l’étage souffre atrocement avant de crever. »
Un mélange de peur et de rage courut dans les veines de Drellon. « Feodhan !!!Qu’est ce que vous lui avez fait bande d’ordures ! »
Le guerrier éclata de rire « Du calme ! Rien de bien sérieux pour l’instant. A peine une bosse sur le front. Par contre ton garde du corps c’est autre chose.
-Kieran ? Qu’est ce que …
-On te montrera plus tard.
- Mais que voulez vous savoir ? »
Le guerrier en livrée verte et noire  eut un sourire étrange. « Ca on te le demandera. »

En dépit de son état Drellon commençait à s’inquiéter : « Bon sang nous ne sommes pas du Bosquet ! Nous appartenons à la maisonnée du Baron des Brumes à la Cour. »
Des pas rapides interrompirent la discussion « Qu’est ce qu’il se passe ici ? » L’interlocuteur de Drellon se retourna vivement vers la guerrière en armure d’écailles qui venait d’entrer : « Juste un interrogatoire, Tara…Juste un interrogatoire. »
La nouvelle venue était tout, sauf sympathique. Sans prêter aux explications embarrassées, elle tourna un visage étroit vers  Drellon et le toisa  d’un regard lointain.  Le nécromancien frissonna sous le regard de ses yeux cramoisis. Enfin elle se retourna mécaniquement vers son camarade : « Cormac tu n’es qu’un abruti. Arrête de jouer au malin et va rejoindre les autres. »
Cormac eut un large sourire. Il ouvrit largement les bras, ouvrit la bouche…Et une main gantelée s’abattit sur sa figure. Il fit trois pas en arrière. La guerrière sylvarie reprit : « Dans quelques instants le groupe part vérifier ce qui se passe au village.  Va les rejoindre. »
Cormac porta la main à sa figure : un morceau d’écorce de sa joue droite avait été arraché. Un liquide doré suintait de la blessure. Il se retourna vers Drellon en grimaçant : « Tu vois beau mage ce qui se passe quand on fait trop le malin ?
-Cormac tu cherches à perdre ton oreille. » Annonça tranquillement Tara.
Sur un pas de danse le guerrier sylvari passa la porte.

Restée seule Tara considéra longtemps le sylvari en robe recroquevillé sur le sol. Elle finit par lisser les feuilles dorées qui cascadaient sur ses épaules et s’avança. Du bout de la botte, elle écarta la main de Drellon. L’instant d’après il  se retrouvait plaqué contre le mur par une poigne démentielle.  « Très bien, le mage mignon, maintenant tu écoutes toutes les questions et tu me réponds. »
Etouffant à moitié, Drellon parvint à articuler : « Quelles questions ? »
-Combien il y a de gens dans le village ? »
-Je ne sais pas exactement. Trois cent peut-être ?
-Il y a une armée ?
-Non mais des élémentaires de terre sont stationnés aux alentours.
-Et vous ça fait combien de temps que vous êtes ici ?
Des étincelles clignotaient devant les yeux de Drellon. Enfin il finit par articuler « Quinze jours, mais nous étions les derniers.
-Ah ? Et ils sont où les autres ? »
Drellon se rendit compte qu’il avait peut être fait une erreur. Il choisit de se taire. Les dents serrées Tara recula vers la porte et aboya un ordre. L’instant d’après deux silvaris apportaient péniblement un corps : Drellon eut à peine besoin de regarder pour le reconnaitre. L’armure tailladée, les membres brisés, le visage fracassé couvert de sève dorée : « Kieran ? Vous l’avez massacré !!! »
Tara eut un rire sans joie. « Pas nous beau gosse. Les Siffleurs… »
Devant l’incompréhension elle eut un mauvais sourire. Elle se retourna vers les gardes : « Faites lui voir par la fenêtre. »
L’instant d’après, les liens défaits, Drellon était trainé à la fenêtre par deux guerriers peu sympathiques. L’un ricana « Regarde là bas ! » Et Drellon comprit.
Au bas de la rue  dans la lumière de l’après midi, quelques sylvaris, armes au clair étaient en faction. Mais un peu plus loin, et en groupe de deux, des kraits armés jusqu’aux dents, rampaient sur le chemin qui descendait vers le centre du village
A l’ordre de Tara, on ramena Drellon vers le pilier de la salle. Elle le toisa, satisfaite. «  Tu as compris qui nous sommes ? Non ? Eh bien on va te laisser réfléchir avec le petit page que nous avons trouvé là haut. »
Elle aboya un autre ordre. L’instant d’après, poings liés, corde au cou, Feodhan était traîné devant Drellon. « Voilà le deuxième compagnon. Nous l’achèverons dans une heure si tu ne réponds pas à toutes mes questions ».
Tara énonçait chaque mot d’une voix traînante, comme si elle savourait ses phrases.

« Je vous laisse vous entretenir, vous avez sûrement beaucoup de choses à vous dire. A tout à l’heure ! »
Feodhan attendit qu’elle soit sortie avec les deux autres guerriers pour redresser la tête. Sans lever les yeux vers Drellon il tenta sans succès de se redresser vers la porte. Il finit par renoncer.
« Ils ne t’ont pas trop abîmé ?
A la question anxieuse de Drellon, le jeune nécromancien retourna un regard froid. « A part une cicatrice sur la joue, rien d’autre. Tu connais ces gens ? »

A la question, Drellon fit la grimace. « Je ne sais pas. En tout cas ces sylvari ne sont pas de la suite de la Chevalière des Tourments. Ce sont des suivants du Cauchemar, mais ils sont alliés à des Kraits . Ils parlent bizarrement, et surtout ils sont très intéressés par le village des humains. »
-Des Kraits! » La haine était palpable dans le commentaire de Feodhan.
« Oui. Mais d'habitude les Kraits ne s'associent avec personne. Ils choisissent une étendue d'eau et dévastent les environs. Ceux là veulent tout savoir sur le village. »
La porte s'ouvrit violemment: Tara jeta un regard hautain sur le gamin sylvari étalé au sol et sur son mentor agenouillé et ligoté à une poutre de la salle.
« Tu avais raison beau gosse il n'y a pas d'humains armés dans le village. C'est une bonne nouvelle pour nous...et une mauvaise nouvelle pour tous les autres. À commencer par vous. » Quelque part une explosion retentit. Tara sourit franchement « ça c'est les ennuis qui commencent. »
Tara regarda par la fenêtre.  La lumière blafarde de la soirée dessina des ombres sur son visage rosâtre. Elle se retourna finalement en  un sourire sinistre. «  Je n'ai plus besoin de voir vos faces lugubres. Mais plutôt que de vous livrer en pâture aux Kraits, je vais vous permettre de faire un choix. »
Elle sortit nonchalamment une dague dentelée et montra la lame à la lumière blafarde. « Une destinée. » D’un mouvement rapide elle posa l’arme à même le bois de la table. Elle se retourna vers le coffret derrière elle. L’instant d’après elle déposait une fiole de terre cuite.

Avec avidité elle scruta la face de ses prisonniers. Quelque chose dut lui plaire : l’instant d’après elle avait un rire de petite humaine. Enfin elle reprit. « Alors maintenant qui prend le couteau, qui prend le poison ? »

Drellon reprit précipitamment « Je prends la dague ! »
Une lueur d’intérêt parcourut le visage de la guerrière. « Ah bon ? Pourquoi ?
- Pourquoi te le dirais-je ? »
Un ombre parcourut le visage de la guerrière sylvarie
« Parce que je peux décider de ta mort ! Vous voulez que j’appelle un Siffleur pour s’occuper de vous ? »
Feodhan dut laisser transparaître ses sentiments car Tara se retourna,  le feuillage empourpré.  « Hé le mignon, tu n’es pas d’accord ? C’est dommage ! Peut être que c’est toi qui va prendre la dague  après tout. Et en plus c’est toi qui passeras le premier. »
Derrière, Drellon se tordait dans tous les sens. Tout à coup il s’arrêta : « Vous entendez la bagarre dehors ? »
Tara lui retourna un regard sarcastique « Tu rigoles beau mage ! » Elle s’arrêta brutalement : du dehors provenait un fracas métallique. Elle se rua vers la fenêtre : l’instant d’après une pierre claqua contre le mur du fond.
Drellon recommença à s’agiter de plus belle, sous les yeux épouvantés de Feodhan. Tara se retourna tout de suite : « Beau mage, tu en fais trop ! ». Une épée courte, apparut dans sa main. «Et c’est le point final à ta carrière ! »
Feodhan eut à peine le temps de voir une lame verdâtre pénétrer la poitrine de son mentor. Drellon tressaillit et s’effondra face contre terre.

Tara se releva, satisfaite  « Bien ! Au tour du mignon ! ».  Comme en rêve Feodhan vit la guerrière se retourner, une lueur démente au fond du regard… Et à ce moment la porte de la salle, derrière,  s’ouvrit avec fracas. Le jeune sylvari eut le temps de voir la surprise émerger sur le visage de Tara.  Derrière elle, Drellon leva un visage livide et ouvrit la bouche : son souffle empoisonné enveloppa la guerrière dans un nuage verdâtre. L’instant d’après le poing d’un élémentaire de terre catapulta la sylvarie contre le mur du fond. Elle émit un hoquet bizarre et s’abattit au sol.  

Muets de surprise, Drellon et Feodhan restèrent immobiles. Enfin le nuage se dissipa. L’élémentaire entra lourdement dans la salle. Un enfant était à ses côtés. Ce dernier se tourna vers Feodhan : « Maintenant donne-moi la clef de ma maison ».

- C’est moi qui l’ai ! »
La réponse de Drellon était plus un gémissement qu’autre chose. L’instant d’après le poing de l’élémentaire l’agrippait. Feodhan se tourna vers le petit garçon « Ne le tue pas, il ne t’a fait aucun mal ! »
-L’enfant secoua la tête « Vous faites toujours du mal.
-Mais il ne t’a pas menacé, il n’a tué personne ! »
L’enfant hésita. « Et les gens du village ? Ceux qui saignent dans la rue ? »
Drellon secoua la tête.  « Nous n’avons rien à voir avec cela. » Sa voix n’était plus qu’un murmure. «  Regarde ! » Il désigna le corps de Tara, au sol « Voilà une de ceux qui font la guerre au village. Laisse nous partir et nous irons chercher de l’aide pour les vaincre, eux et les serpents »
L’enfant allait répondre quand un sifflement strident retentit dans le corridor.   Son élémentaire de terre se rua hors de la pièce.  Il se retourna vers les deux sylvaris. « Un serpent nous attaque. Je vous reverrai ! »

Stupéfait Feodhan se retourna vers Drellon. Ce dernier grimaça un sourire : « On ne tue pas un bon nécromant avec une lame empoisonnée. Mais seuls les guerriers avisés le savent. » Il ajouta avec difficulté « Je devrai pouvoir me remettre en quelques instants. En attendant la folle a laissé une dague sur la table… »
Feodhan ne perdit pas de temps : avec rage il roula contre la table, donnant de furieux coups d’épaule. Une fois, deux fois, trois fois…En un claquement sec la dague de la sylvarie finit par s’abattre au sol.
Dans le corridor la bagarre faisait rage. Le sol tremblait sous les coups de l’élémentaire, l’enfant hurlait. Enfin le silence retomba. Dans la salle les deux sylvaris s’acharnaient sur leurs liens. Le  poignard entre les dents Feodhan finit par couper la longe de Drellon. Après ce fut plus simple : le mentor de Feodhan parvint à bloquer la lame et se défit de ses liens en quelques instants. Il se redressa, le visage encore empreint d’une étrange pâleur.

« On n’entend plus rien… ». Il reprit la dague et s’acharna sur les liens de Feodhan.  Ce dernier, regard fiévreux, mâchoires serrées, regardait de toutes parts. « Drellon, tu es sûr que tu ne connais pas cette compagnie ? »
Enfin Drellon vint à bout de la corde. « Non, ou par ouï dire…J’ai entendu parler de l’agitation des Kraits autour de leurs obélisques mais rien d’autre ».
Feodhan se releva. « Kraits ou pas, il faut disparaître… » Mais déjà Drellon avait disparu dans le couloir Feodhan sortit pour voir Drellon retirer un focus du cadavre d’un Krait.  Non loin de là, au sol gisait une silhouette de pierres ensanglantées.
Feodhan allait ouvrir la bouche, quand un sifflement sinistre retentit.  A l’instant il se tapit contre le mur du corridor.
Dehors un Krait se rapprochait. Feodhan commençait à entrevoir la  tête du reptile quand retentit  le son mat d’une flèche bien ajustée. Dehors un hurlement sifflant s’éleva.  Quelque part dans la rue, on hurla « Mort à l’envahisseur ! »
Drellon et Feodhan se cachèrent dans l’embrasure de la porte : Du bas de la rue accouraient des villageois sans armure, armés d’arcs et d’épées courtes. Et derrière accouraient des dizaines d’élémentaires de terre.
« Qui viennent-ils massacrer ? » Feodhan regarda Drellon d’un air surpris, avant de se rendre compte qu’il n’avait pas parlé.  Sur les toits des alentours surgissaient des silhouettes serpentines armées de boucliers, de lances et d’arcs.
Le combat fut inégal. Même pour Feodhan, les villageois étaient inexpérimentés. Du haut des toits les Kraits faisaient  mouche à chaque coup.
Drellon n’attendit pas. D’une poigne nerveuse il entraîna Feodhan vers l’arrière de la maison. A l’étage deux sylvaris étendus au sol fixaient d’un regard vide les solives du plafond. Leurs épées étaient brisées et tordues, Drellon récupéra une hache et une dague « Maintenant nous savons par où sont venus le gamin et son élémentaire. A la fenêtre, vite ! »
La fenêtre du couloir dominait la toiture d’une maison attenante.  En un instant Drellon bondit et aterrit sur les vieilles  tuiles. Il fallut quelques instants de plus à Feodhan, et bientôt les deux sylvaris étaient descendus dans le jardinet attenant. Les hurlements étaient maintenant assourdis mais Feodhan ne s’y trompait pas : tôt ou tard le combat allait arriver par ici. A la suite de Drellon il se rua vers le chemin qui conduisait aux pâturages. Un seul Krait se dressa sur leur route : la hache de Drellon le réduisit au silence. Dague en main les deux nécromants poignardèrent le serpent. Ils étaient précis et méthodiques, et après une dizaine de coups, leur victime s’effondra sur le sol, sans vie. Les deux sylvaris reprirent leur fuite.  Quand enfin la route apparut de l’autre côté du versant, Feodhan s’arrêta. Drellon s’impatienta : « Par les racines pourries de l’Arbre ! Viens ici ! »



Feodhan hésita. D’un regard il embrassa le village, le château volant au loin, le port qu’il devinait.  Les bruits de lutte étaient désormais assourdis. Mais il ne voulait pas savoir qui serait vainqueur. « A tous ceux qui cherchent la paix, j’apporte la sérénité. » : Il invoqua une horreur tentaculaire, et suivi de son familier sanguinolent, quitta le Village du Sorcier.
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Mar 5 Aoû 2014 - 22:25

5-La caravane (Hiver 1326 AD)


Par une après-midi maussade, deux silhouettes se pressaient sur la route.  Plus haut sur une butte verdoyante un cavalier les observait.
A vrai dire ces deux silhouettes étaient des voyageurs isolés, sans bagage. Et ils avaient raison de se presser : bientôt l’après-midi tirerait à sa fin et le crépuscule gagnerait la Vallée des Voyageurs. Le cavalier soupira et descendit vers la route.

Cela faisait deux jours, peut être trois qu’ils marchaient le long de cette route, à voyager discrètement par petites étapes, l’esprit aux aguets pour la prochaine attaque. Feodhan leva un regard enfiévré vers le ciel : bientôt celui-ci prendrait la teinte du plomb et il faudrait se préparer à une autre soirée atroce à fureter entre les ombres. En avant Drellon s’était arrêté, et s’appuyait négligemment sur le bâton de marche qu’il venait de ficher dans le sol. En titubant Feodhan s’approcha. « On a un visiteur ».
Interdit, Feodhan se tourna dans la direction que désignait son aîné : un cavalier en armes approchait.
Drellon contempla nonchalamment la silhouette en cotte de mailles défraichie juchée sur un cheval qui avait connu de meilleurs jours. « Il n’a pas l’air de grand-chose. On peut le massacrer et sacrifier sa chair pour les familiers. »

«Non. » Surpris, Drellon se retourna vers Feodhan. « C’est un garde séraphin, un serviteur de la reine Jennah : nous ne pouvons pas l’exécuter. »
Drellon leva un sourcil nonchalant. « Parce qu’il ne faut pas leur faire du mal ? Il y a des milliers de Séraphins pourtant ! Un de plus ou un de moins qu’importe ? »

Feodhan aurait pu répondre si à ce moment-là le cavalier ne s’était approché.
Les mains non loin de l’épée, l’humain n’avait pas l’air très confiant. Feodhan vit les joues creusées, le menton mal rasé pendant que l’homme parlait. « Bonjour voyageurs. Vous venez du village du Sorcier ? » Une expression indéchiffrable sur le visage, Drellon approuva du chef.
« Et à qui ai-je l’honneur ? ». Drellon porta la main à sa dague avant de répondre :
« Drellon des Orchidées.
-Ah ? Et le jeune sire qui vient avec vous ? »
La réponse de Drellon vint automatiquement « Feodhan ».
-Bienvenue messires. Sire Karannoc m’a chargé de vous accueillir et de vous escorter jusqu’au refuge. »

Pas un rictus de surprise ne fronça les traits de Drellon quand il répondit : « Loué soyez-vous pour votre dévouement. Mon jeune ami ici présent tombe de fatigue, et il faut dire que nous n’avons pas mangé depuis trois jours. Montrez-nous donc le chemin ! »

Soulagé, le cavalier fit faire demi-tour à sa monture et au pas les mena en direction de quelque coteau perdu dans la pénombre des contreforts.
Les sylvaris le  suivirent en se hâtant quelque peu. Féodhan leva les yeux vers le ciel qui noircissait avant de murmurer « Je ne connais pas cette contrée…Pourquoi lui as-tu dit que j’étais épuisé ?
-Parce qu’il y croit. »Le regard de Drellon suivait les mouvements du cavalier avec attention. " Et en ce qui concerne la contrée nous sommes dans les champs de Gendarran : une ancienne province fertile désormais disputée par les hommes, les centaures, et les bandits en tous genres. Comme un humain portant une vieille armure de Séraphin et menant des voyageurs trop confiants vers un coupe-gorge. »

Pourtant, l’instant d’après, comme pour faire mentir Drellon, on put discerner une tour au sommet d’un coteau.
En approchant Feodhan put distinguer la lumière des torches puis les contours des remparts. Quand ils parvinrent à destination une nuit froide était tombée, et comme le montra Drellon, sur les remparts flottait la bannière des garde-lions qui indiquait un refuge aux voyageurs.

Enfin, ils parvinrent devant le portail d’entrée. Leur guide arrêta son cheval pour s’entretenir avec deux sentinelles en armure de plaques. Enfin après un court entretien il se redressa et fit signe aux sylvaris. La voie était libre.

La cour principale était devenue un camp à ciel ouvert. Des charrois de marchands étaient à l’arrêt, et dans un coin des bœufs mâchonnaient du fourrage. Ici ou là brulaient des feux de camps autour desquels des humains de diverses fortunes s’agroupaient.
Mais à la lueur des torches  beaucoup d’autres étaient assis enveloppés de pauvres manteaux à côté d’une paillasse. Pendant qu’il avançait avec la nonchalance de ceux qui ont couvert une longue marche, Feodhan surprit quelques regards craintifs, voire hostiles. Un peu plus loin près d’un charroi bâché un cordon de sentinelles sylvaries barrait le passage. Derrière, assis non loin du feu Karannoc en armure de cuir, était en discussion avec deux soldats impassibles.
A l’approche de Drellon il se leva, délaissant le tabouret qu’il occupait et d’un geste de la main dispersa les sentinelles.
Déjà Drellon s’approchait et en quelques phrases hachées le mit au courant : l’attaque des inconnus sur le Village du Sorcier, la mort de leur garde, le comportement bizarre de leurs attaquants, des sylvaris errant en compagnie de Kraits. Karranoc écoutait en hochant la tête la mine grave. En dépit de la saison sa couverture était encore verte et les lierres qui ornaient ses joues soulignaient la régularité de ses traits.
Enfin il se tourna vers Feodhan « Bienvenue dans notre camp mon cher ! Je suis sûr que vous révèlerez votre bravoure parmi nous. »
Il se retourna vers Drellon. « Il faut que vous me suiviez à l’instant dans ce charroi. Nous avons des informations de la plus haute importance. »

L’intérieur du charroi baignait dans une douce chaleur, et une lueur bleutée émanait de cristaux placés aux quatre coins. Un asura chauve vêtu d’une robe longue les accueillit. « Bienvenue, bienvenue, je m’appelle Yazz Vous êtes avec sire Karannoc ? Parfait donc, asseyez-vous sur le banc en face ! »
Feodhan s’assit non loin de Drellon pendant que Karannoc s’installait sur un siège près de l’entrée. Il jeta un coup d’œil à travers le charroi avant d’acquiescer. Yazz fit une espèce de révérence avant de revenir, un bocal à la main : « Voici donc le spécimen. Je regrette la pauvreté de la présentation messeigneurs mais l’urgence…
-Commencez donc » Interrompit Karannoc.

L’asura fit un petit signe de tête inquiet avant d’ouvrir le bocal, dévoilant le contenu. A l’instant Feodhan se rendit compte qu’il regardait une tête de sylvari baignant dans un jus bleuâtre. L’asura parlait « il suffit de comparer la structure cérébrale de ces intrus avec la structure cérébrale d’un sylvari conventionnel pour se rendre compte qu’une altération radicale a eu lieu, vraisemblablement sous l’effet d’un composant chimique à définir au cours d’analyses plus poussées … »
Le rat aux oreilles géantes parlait parlait…Mais pour Feodhan ce Yazz était en fait un spécialiste de l’étude de cerveaux sylvaris, fussent-ils conventionnels ou non.
D’ailleurs l’Asura venait de soulever la calotte crânienne et pointait du doigt des régions du cerveau teintes en vert…
« Assez ! »

L’exclamation fit sursauter tout le monde. Bousculant tout sur son passage Feodhan surgit en trombe du charroi. Tous les regards se portaient vers lui. L’instant d’après Karannoc surgissait à ses côtés. « Feodhan ! Que signifie !?
-Ca veut dire que l’autre asura est un malade sadique ! Et vous, et tu… »

Karannoc lui saisit le bras « Feodhan c’était un de nos ennemis. Il avait tué cinq des nôtres en riant comme un mort vivant…Ce n’était pas un sylvari c’était une bête, et Yazz a été essentiel dans notre…
-Si je rencontre Yazz je le tue ! » Feodhan s’arrêta. L'éclat attirait des regards méfiants aux alentours. Froidement Karannoc le toisa avant de répondre: « Je suis seul juge de ce que vaut Yazz. On m'a dit que vous avez prêté serment, je ne vous le rappellerai pas davantage. Si vous êtes parjure vous en subirez les conséquences ». Il jeta un coup d'œil: les gens dans la cour détournaient le regard. Quelques-uns de ses hommes arrivaient. Feodhan restait silencieux. Karranoc reprit « exécuterez-vous mes ordres jeune page? »

Feodhan finit par acquiescer. “Alors rejoignez les autres près du feu et reposez-vous. »
Personne ne dit un mot quand Feodhan s'assit près du feu. Quelques humains le toisèrent d'un regard méfiant. Un guerrier sylvari lui fit place. Bientôt tout ceci n'eut pas d'importance: le nécromancien s'enroula dans une couverture et le sommeil l'engloutit.

Quand il rouvrit les yeux c'était encore la nuit et quelqu'un lui secouait l'épaule d'une main ferme.
« Debout Feodhan, le Baron attend.
- Ah? J’arrive.
-Non Feodhan. Le baron requiert ta présence tout de suite. »
La patience de Drellon ne pouvait masquer la fermeté de sa voix. Feodhan se releva prestement et dût emboîter le pas à son aîné. La lune déclinait dans un ciel nuageux, et dans la nuit froide Feodhan se sentait prêt à partir à l'aventure. Cela convenait à merveille: Autour du feu les sylvaris écoutaient les ordres du Baron.

« L'ennemi qui vient d'envahir cette contrée est une menace mortelle pour chacun d'entre nous. Nos rencontres nous ont prouvé que ces intrus ne respectaient ni humain ni Asura ni Sylvari. Ils apparaissent un peu partout et ils protègent les spores d'une plante étrange. Nous devons les arrêter à tout prix! »
Il s'arrêta et regarda ceux qui lui faisaient face. Feodhan contempla le noble visage de bois et de tiges. À la lueur du feu des marbrures fauves apparaissaient sur son visage, à peine soulignée par les lignes phosphorescentes de ses traits.
Karranoc reprit: « Ils arrivent à briser les assauts des habitants, et ils représentent une menace mortelle. Nous pouvons défendre le refuge, mais nous aurons aussi besoin de forces. C'est pour cela que nous allons envoyer un convoi vers l'Arche du Lion. Avec un peu de chance les garde-lions nous enverront assez de renforts. » Il fit une pause. « J'ai également envoyé une missive au Promontoire, mais vu les circonstances... » Il haussa les épaules.

Il tendit la main. « Hormis quelques-uns, vous marcherez au matin. Préparez-vous. »
Bientôt le ciel prit une teinte grisâtre, et à la lumière du jour naissant les hommes grognaient et s'appelaient. Les sylvari s'affairaient.
Et pour Feodhan la clarté et la certitude de la nuit étaient remplacés par la fatigue et les confusions de la journée. Bourse au côté il marchandait de feu en feu à travers la cour, en espérant acheter armes et potions pour l'équipée.
« Tu n'es pas comme les autres. Tu as fui le Bosquet toi aussi? »
Feodhan se retourna. La petite sylvarie verdoyante au feuillage doré reprit. « L'Arbre Pâle nous oppresse tous! »
Feodhan ne pût qu'acquiescer. Enfin la parole lui revint. « Je suis Feodhan. Qui es-tu? »
Elle lui jeta un regard étrange « Florianne. Pourquoi parles-tu de cette drôle de façon? » Feodhan était interloqué. Elle reprit « On dirait que tu veux connaître la nature des gens. Savoir s'ils sont dangereux ». Feodhan resta muet. Enfin il reprit :
« Tu te trompes, ce n'est pas du tout comme ça. »
Bien entendu elle lui retourna un regard incrédule. Précipitamment Feodhan reprit: « Et d'ailleurs je cherche un marchand pour m'équiper. » Elle haussa les épaules: « À cette heure ils sont encore tous endormis.»

Un sifflement strident retentit. À l'instant la sylvarie leva la tête, alarmée. Sur les remparts des gardes lions en armures bronzées se précipitaient vers une sentinelle. Ils restèrent un moment attroupés sur les remparts à discuter à voix haute, jusqu’à ce qu’un des gardes finisse par hausser les épaules et redescende. Dans la cour les gens se recouchèrent en maugréant.
Non loin de Feodhan une voix maugréa: « Fichus idiots! »
Un jouvenceau en manteau de cuir, se levait. Moustache encadrant le pli amer au coin de la bouche, regard furieux, le jeune humain n'avait pas l'humeur plaisante. Il jeta un regard excédé aux deux sylvari avant de fouiller dans son sac.
Perplexe, Feodhan se tourna vers Florianne. Que se passait-il?
« Il se passe que les gardes ont encore eu la trouille quand ils ont aperçu deux éclaireurs centaures. Et ils ont réveillé tout le monde avant que le jour n'ait commencé! » . Le commentaire acerbe de l'humain trahissait une nuit écourtée. Florianne protestait: après tout la guerre contre les centaures continuait toujours, il fallait rester prudent!

Sans mot dire, l'humain rajustait ses cheveux noirs en un toupet à l'arrière de la tête. Enfin il reprit:
« Foutaises, tout le monde à la trouille de sortir, et plus encore ceux qui sont payés pour se battre! »
Feodhan décida de rester en retrait. Poliment, avant repartir il hasarda « je cherche un marchand d'armes. Vous n'en connaîtriez pas un par hasard? ».
L'autre le toisa un instant : « Si. Moi. »

Quelques instants plus tard l’humain avait extirpé d’un énorme sac à dos  un  volumineux rouleau de cuir. Il le déroula à même le sol, dévoilant un bric-à-brac invraisemblable. « Alors qu'est ce, qu’il te faut, Sylvari: dague, sceptre, hache?
- Mais il n'y a rien dans ton étalage! Tu n'as que des bouts de bois et de métal !  
-Ah pardon, mais tu n'as rien vu. Laisse-moi te montrer. Tu veux une dague? »

Il prit deux bouts de métal, un bout de bois et les disposa dans une boite de métal étrange. Il versa une poudre âcre dans un orifice à l'extrémité et tourna une petite poignée de métal jauni à la base de l'objet. « C'est quoi ça? ». Ignorant la question niaise de Feodhan l'humain posa prestement la boite au sol. Bientôt une odeur astringente se répandit, de la fumée commença à apparaitre. Quelques curieux, attirés par ce spectacle étrange s'approchèrent. Enfin une sonnerie retentit.

L'humain se baissa, défit les fermoirs, et attendit quelques instants. Enfin il ouvrit lentement la boîte: un nuage malodorant s'en échappa. Malgré la puanteur tous s'approchèrent: au sein de la boite se trouvait désormais une dague krytienne traditionnelle.
L'assistance éclata en applaudissements, réveillant finalement les derniers dormeurs. On se mit à scander : «Une autre, une autre! »
Le jeune humain se tourna vers les badauds, surpris: «Une autre arme?
-Ouais encore, c'est un tour de magie avec des oreilles ça!!!
A entendre qu'on le comparait à un illusioniste Asura la rage parcourut les traits du jeune marchand. Il fit deux pas vers l'assistance...Puis il se ravisa: « Le tour de magie est fini. Disparaissez maintenant! »

En maugréant les gens s'écartèrent. Feodhan décida de rester. Il s'avança alors que l'humain rajustait ses affaires avec furie.
« Pardonne-moi. »

L'autre se retourna et lui décocha un regard froid. « Que veux-tu?
-La dague que tu as fabriquée. J'en ai besoin. Je l'achète. »
La surprise de l'humain le disputait à sa confusion « Sans blague?
-Oui. Et montre-moi ce que tu as d'autre. »
Enchanté l'humain ressortit son étalage. « J'ai du métal nain, des explosifs Asura, de la quincaillerie Charr. Tu ne trouveras pas mieux comme composants. Tu as besoin d'un focus? »
Feodhan parcourut l'étalage d'un coup d'œil et tressaillit. Il montra un long pendentif de grains blanchâtres. « Ce collier-là avec le pendentif de Grenth. Combien le vends-tu?
L'humain le regarda, désemparé: « Le chapelet? Mais il n'est pas à vendre!
-Je te donne 10 pièces d'argent s'il le faut!
-C'est un souvenir de famille...
-Quinze pièces d'argent et une topaze! »
L'humain hésita... « C'est d'accord mais tu me laisses le médaillon de Dwaina! »
-C’est d’accord ! »Feodhan tendit la main « Marché conclu ? » L’humain hésita encore avant de prendre la main. Marché conclu. A qui ai-je l’honneur ?
-Feodhan de la Nuit. »
-Un sylvari de la Nuit hein ? Mathanu Debrune ». L'humain était intrigué cependant: « Tu as appris à marchander au Promontoire? »
La question surprit Feodhan. « Moi? Mais non!
-Tu négocies comme un habitué des marchés.
-Ah, Bah il y avait beaucoup de voyageurs humains au Bosquet. »
Tout cela pourtant paraissait lointain en comparaison avec le séjour avec les humains du Valvieux. Le pendentif avait à peine changé de main que Drellon parut.

« Nous allons bientôt partir Feodhan, il va falloir te préparer.
-Moi?" Drellon eut un sourire las. « Bien sûr. Allez viens, il faut que je te parle. »
C'est sur les remparts qu'il expliqua. « Feodhan, nous partons sur l'heure. Nous escortons un convoi en route vers les champs de Cornabonde. Comme tu le sais les routes ne sont pas sûres et le Baron nous a demandés de faire preuve de la plus grande vigilance. Une fois arrivés à Cornabonde nous serons libres de faire ce que nous voulons.
-Et que voulons-nous?
-Passer à l'Arche du Lion. »
Si comique était la face de Feodhan que Drellon éclata de rire. « Attends Feodhan tu veux dire que tu ne veux pas aller à l'Arche du Lion?
Le jeune nécromancien haussa les épaules. « Il y a tant de choses à voir et à découvrir et il faudrait s'enfermer dans une ville? »
Drellon eut un sourire étrange. « Je crois que j'ai entendu quelque chose de ce genre dans le passé. »
Interloqué Feodhan contesta «. Pas de moi en tout cas c'est la première fois que...
-Que tu en parles?
Feodhan inspira un grand coup: « Oui ».

Les yeux bleus de Drellon retournèrent un regard rêveur à Feodhan... « C’est vrai. Celui qui m'a dit ça était mort avant ton éclosion.
-Ah? Et quel était son nom?
-Flynn...Flynn des Nuances. Un grand décorateur. Peu importe. Il était célèbre pour son talent…Et le jour où il a cru qu’il pouvait partir au combat contre des hyleks, sans entraînement et sans prudence, il est mort. » Drellon eut un sourire amer. « Ça fait un petit moment…Et crois moi je ne voudrais pas qu’une telle chose t’arrive à toi aussi. Suis donc les ordres »
Tu en parles comme si tu avais.... »
Drellon balaya d'un geste las le commentaire de Feodhan et s'accouda au parapet.
« Il voulait tout, tout de suite. » Il reprit : « Fais-moi confiance, tu auras l’occasion de te battre. En attendant prépare toi au départ, la caravane part sur l'heure ».

Et finalement après beaucoup d'ordres et d'exhortations une troupe rassemblant soldats, marchands et voyageurs fut rassemblée devant la porte du fort.
Le capitaine des gardes lions passa le long de la colonne et jeta un coup d'œil négligent. Enfin il finit par grogner un assentiment et se tourna vers un commis Sylvari en manteau vert et tricorne. Ce dernier fit un geste aux gardes, les portes s'ouvrirent et lentement la caravane s'ébranla en direction de l'Arche du Lion… Ou quelque autre destin. Drellon et Feodhan étaient parmi les derniers voyageurs et peu de gens firent attention à deux Sylvari en robes noires.

Dehors un vent froid et sec s'était levé et un soleil d'hiver brillait dans un ciel strié de nuages blanchâtres. La caravane avançait au pas lent des bœufs, mais bientôt le fort de la Vallée disparut dans le lointain et on n'eut plus qu'à avancer au milieu d'une prairie monotone.
Feodhan se tourna vers Drellon qui cette fois marchait posément au rythme des bœufs. « Le voyage ne sera pas trop difficile on dirait. »
Une voix familière l'interrompit « Faut voir, entre ces maudits centaures et les planteurs malades nous devrons prendre garde. » Feodhan se retourna: derrière eux l'air bougon, avançait Mathanu. Il fit tout de même un clin d'œil à Feodhan avant de reprendre: « Les fanas des plantes sont arrivés dans une contrée en pleine guerre contre les centaures. Ils ont beau jeu de massacrer les gens. »

Il n'avait pas plus tôt fini qu'une détonation sèche résonna dans la campagne. Un silence se fit dans la caravane. Trois séraphins à cheval se portèrent au galop à l'arrière de la colonne avant de se tourner vers le Nord. Ils scrutèrent l'horizon un instant avant de faire un signe vers la tête du convoi. Alors qu'ils repartaient Feodhan demanda : « Ça fait longtemps que la campagne n'est plus sûre? »
L'humain haussa les épaules: « Une semaine...Il y avait bien des centaures qui visitaient les environs de temps à autre, mais depuis la semaine dernière...On raconte qu'il y a des plantes étranges qui sont apparues, et que des Sylvari les défendent. » il considéra Feodhan et Drellon d'un regard pénétrant avant de reprendre. « Mais peut-être ne s'agit-il que de racontars. » Feodhan retourna un regard soucieux à Drellon. Celui hocha sèchement la tête: « Vous avez raison. Il ne s'agit que de racontars. »
Il reprit à l'intention de Feodhan : « Les chefs de la caravane sont apeurés maintenant. Ils vont nous faire changer de trajet.
-Comment savez-vous cela? »
Drellon devait s'attendre à la question de Mathanu: il répondit en un sourire méprisant. « De tous les peuples de Tyrie, les humains connaissent le mieux la peur. ». Il reprit sa marche dans le cortège en ignorant le regard furieux du colporteur humain. Ce dernier était resté immobile, les poings serrés. Feodhan resta un instant avec l'humain: il pouvait ressentir la montée de sa rage. Il fallait agir vite. Embarrassé il reprit : « Il sait que ce n'est pas vrai...Mais il a pris à cœur ta phrase sur les Sylvari. »   En dépit de sa colère l’homme ne dit rien. Interdit, Feodhan songea à s’écarter, rejoindre Drellon. D’ailleurs l’odeur rance de la sueur humaine commençait à l’écœurer.
Finalement Mathanu secoua la tête et reprit la marche sans plus de propos. Feodhan hésita avant de reprendre la marche à son tour. Désormais le soleil brillait haut dans le ciel à la droite de la colonne. Aux côtés de Feodhan personne ne disait mot.
Bientôt Drellon revint à grands pas en arborant la mine des mauvais jours « Comme prévu ils nous dirigent vers le Sud et les Mares de Lawan. L’endroit est plus dangereux encore ! » Il jeta un coup d’œil fatigué sur les voyageurs qui cheminaient aux alentours. « Invoque ton familier comme je te l’ai appris.
-Tout de suite ?
-Bien entendu ! » Reprit Drellon sur un ton agacé. «Nous allons nous battre et il vaut mieux être prêts. »
Sans mot dire Feodhan leva le poing vers le ciel. Un tremblement parcourut l’air. L’instant d’après une créature tout en tentacules et faite d’une carcasse rosâtre flottait au-dessus de son épaule. Ignorant les regards horrifiés des autres voyageurs,  Drellon approuva. "Je repars en tête de colonne. De ton côté protège l’arrière-garde autant que possible. »  Il s’en fut après avoir jeté un coup d’œil sévère aux alentours.
« Un rude client ton copain. »
Feodhan se retourna. La moustache goguenarde, les pouces calés dans les bretelles de son sac à dos Mathanu de Brune jetait un regard sardonique à Feodhan. « Mais peut-être qu’il a raison si on va vers les Mares de Lawan.
-Qu’est-ce que c’est ?
L’humain haussa les épaules. « Un marécage. J’ai discuté avec les gens de la terrasse de Nébo, il y a quelque temps déjà. Ils m’ont dit que l’endroit avait toujours eu mauvaise réputation. Mais maintenant c’est devenu pire encore. Depuis quelques mois des cadavres s’y promènent et  en sortent pour massacrer tout ce qu’ils rencontrent.  Et ça veut dire… » Reprit-il en défaisant son monumental sac à dos. « Que les types qui dirigent cette caravane ont tellement la trouille qu’ils préfèrent affronter des cadavres ambulants que des étrangers bizarres. »
Sans prêter attention au fait que les derniers voyageurs de la colonne venaient de les dépasser, Feodhan jeta un coup d’œil aux alentours. A la lumière crue de ce soleil d’hiver, cette prairie hivernale ressemblait de plus en plus à un champ de bataille. « Au Nord les centaures, au Sud les morts vivants… »
« Et autour les intrus bizarres ! » conclut Mathanu. Il avait dans les mains un fusil étrange tout de bronze poli qu’il attachait par un tuyau à son sac à dos. « De toute façon nous serons prêts. Toi avec ta créature bizarre… « C’est un démon » Protesta Feodhan  « …Et moi avec mon lance flammes. Rejoignons les autres. »
Sans se faire prier Feodhan lui emboîta le pas. Cet humain avec sa férocité naturelle ressemblait de moins en moins à un brocanteur. Etait-ce un guerrier ? Il n’avait pas la discrétion d’un assassin, et il n’avait pas l’air d’être un soldat non plus.
Les palpitations et les couinements de son familier tirèrent Feodhan de ses réflexions. Il jeta un coup d’œil aux alentours. Devant eux s’étendait la ligne sombre d’une forêt. Et  l’odeur douceâtre, pénétrante de la charogne en émanait.
Mathanu contempla le bois et la route qui le jalonnait longuement. Enfin il finit par se décider : « Ton copain a raison : les types qui nous guident n’ont aucune idée de ce qu’il pourrait arriver. » C’est presque à regret qu’il reprit la marche vers les derniers voyageurs de la caravane.
Il ne leur fallut pas longtemps pour découvrir que sous le couvert de la forêt une longue étendue marécageuse bordait la route à perte de vue.
L’air absent Feodhan marchait d’un pas souple. Mathanu lui jeta un regard de côté : le sylvari bougeait avec l’aisance de celui qui ne portait qu’une robe, une besace un bâton de marche et deux ou trois trucs lumineux autour de la ceinture. L’humain soupira : quand à lui, tout son barda lui ferait suer sang et eau avant peu.
Déjà il se demandait comment les types devant faisaient pour aller aussi vite. Il jeta un regard vers l’étendue verdâtre qui bordait la route, et au-delà vers les bancs de brouillard malodorant qui bloquaient la vue. Il commençait à avoir vraiment envie de rejoindre les traînards devant. Il se retourna vers le sylvari  et  vit la lueur dorée qui nimbait les traits et la chevelure de Feodhan. Il en resta bouche bée. Il entendit aussi les couinements du familier tentaculaire. Et il finit par entendre la rumeur de ceux qui sortaient en titubant du marais.
Comme dans un rêve Feodhan entrevit les rangs des cadavres ambulants, les yeux morts, les chairs tombantes, les mâchoires ballantes Et derrière, se dessinaient des silhouettes immenses. Une énergie qui n’était pas la sienne le traversa. Il leva son bâton vers le couvert des arbres et hurla des mots dans une langue que personne n’utilisait plus depuis longtemps.
Le temps revint : ceux qui sortaient du marais se lancèrent dans une course maladroite, et quelque part sur la route on entendit des cris de frayeur. Ici ou là on décochait des flèches. Feodhan cria un mot : à son côté de lui une pénombre nuageuse apparut. Un corps sans vie se rua dans une course maladroite vers le nécromant sylvari : quelque part un objet vola et une explosion retentit : le corps sans âme perdit ses jambes. Mathanu sortit une autre grenade de son sac et hurla quelque chose. Un mugissement retentit à travers le marécage, et les morts chargèrent. L’instant d’après ils atteignaient la route et le massacre commença. Feodhan tournait sur lui-même, le sol grésillait tout autour de lui, les cadavres des morts s’affalaient aux alentours. Mathanu avait grimpé sur une charrette renversée et avec son fusil étrange faisait flamber les assaillants comme des brandons. De toutes parts on entendait les hurlements des voyageurs.
La silhouette d’une chose aussi grande que Ludwig se dressa non loin d’eux : l’instant d’après Feodhan n’était plus qu’une ombre. Autour de lui le sang et l’ichor giclaient. La chose leva une massue aussi grande qu’un tronc d’arbre et chargea.  L’impact projeta Feodhan sur le pavé : déjà trois caricatures d’humains s’emparaient de lui. Quelque part Mathanu hurla, et tout autour retentirent des détonations sèches. Un des assaillants de Feodhan se retourna, le dos en flammes, un autre s’effondra, un vilain trou au côté. Rapidement, Feodhan sortit sa dague et transperça le troisième mort vivant.  Mais déjà le colosse mort se retournait vers eux. Mathanu bondit braqua son fusil : une langue de flammes fit place nette à travers la foule des morts vivants. Puis la flamme s’éteignit et la horde l’entoura.
Un cri terrible retentit : « Feodhan ! »
Le sylvari se retourna : Drellon accourait vers lui, le visage tordu en un masque de frayeur. Il envoya sa hache dans les airs : autour de Feodhan les morts s’effondrèrent le visage fracassé. Mais l’énorme abomination sentit à peine les entailles de la hache et chargea Drellon. L’instant d’après celui-ci avait disparu, et la peau du mort vivant se couvrait de cloques. Lentement la chose commença à se tourner de tous côtés alors que les cloques éclataient en ulcères suppurants.
Drellon réapparut, et l’abomination se retourna vers lui. Le sylvari leva son poignard et un essaim d’insectes jaillit de sa main. L’instant d’après les créatures entouraient le colosse mort vivant, recouvraient sa peau, s’insinuaient à travers les ulcères. Drellon leva la main : une créature de chair apparut à ses côtés. L’instant d’après elle bondissait à l’assaut de l’abomination. Le regard dément, Drellon se retourna vers son compagnon : « Ta main Feodhan, donne-moi ta main ! » Déjà les rangs des morts vivants se resserraient. Une série d’explosions retentit : Pistolet au poing, un objet luisant dans l’autre main Mathanu fit irruption. L’ordre de Drellon devint supplique : « Feodhan donne-moi ta main. C’est maintenant ou jamais !!! »
Le jeune sylvari s’empara de la main de Drellon : quelque chose le projeta, et l’instant d’après ils étaient aux côtés d’un serpent de chair au sommet du versant surplombant la route. A travers les hurlements de la bataille il crut entendre la voix de Mathanu. L’instant d’après elle s’était tue. A travers la horde, la silhouette colossale de l’abomination se tourna vers eux et marcha lentement, comme avec difficulté dans leur direction. Drellon leva encore la hache, et lentement, morceau par morceau l’abomination se décomposa en ce qu’elle avait toujours été : un monceau de cadavres cousus ensemble. Son temps était venu et en un dernier tremblement elle s’effondra au sol en un bruit écœurant.  
Ce fut comme un signal : les rangs des morts s’écartèrent. L’instant d’après des groupes entiers s’enfuyaient à travers le marécage laissant derrière des corps inertes.
Drellon se tourna fièrement vers Feodhan « La bataille a été gagnée : il suffisait de frapper à la tête ! ». Feodhan regardait lui aussi. Il vit les bœufs massacrés, les groupes de cadavres autour de leurs victimes. De loin on faisait à peine la différence. Il retourna vers Drellon un regard de reproche. « L’humain a combattu à mes côtés ! Il aurait pu vivre ! »
Drellon haussa les épaules « Il connaissait les risques : c’était la victoire ou la mort. Et ça a été notre victoire ! »
Feodhan  hocha sèchement la tête. Mais pour lui cette victoire avait un goût de défaite.
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Message par Jeradon Jeu 11 Sep 2014 - 0:44

Gîte et couvert

Ils parvinrent finalement aux champs de Cornabonde. Après l'attaque des Mares de Lawan la caravane avait repris son cheminement et le voyage s'était terminé sans histoire.

Bien entendu on avait fait le compte des victimes, et de Mathanu il n’y avait pas de trace. D’autres voyageurs avaient disparu également : peut-être avaient-ils rejoint les troupes sans âme des morts vivants.  Entre temps on avait fait une pile des cadavres retrouvés dans les environs, et puis le temps de murmurer une prière on y avait mis le feu.

Alors que les autres montaient dans leurs chariots, Feodhan avait longuement regardé les flammes dévorant les corps. Il avait humé l’odeur de viande brûlée et de graisse suintante. Et il s’était  souvenu des rôtisseries que tenaient certains Norns dans leurs établissements des Cimefroides.

Bien sûr à peine avait-on repris la route que les murmures s'étaient répandus à travers tout le cortège et le soir venu, en vue des côteaux de Cornabonde,  dans toute la caravane on maudissait la stupidité des d'escorte séraphins. Après tout pourquoi avaient ils entraîné tout le monde dans un repaire de morts-vivants ? Drellon en revanche  faisait l'objet d'un respect qui frisait la bassesse et trois ou quatre admirateurs l’escortaient encore quand ils parvinrent au village.
La vue des maisons cossues et des collines cultivées enchanta Feodhan, et il en  était encore à détailler les façades ouvragées de la place du village qu'une exclamation le tira de sa contemplation: « C'est un sacré héros ton copain!»
Sur la place du village on déchargeait les animaux de bât, et  un cercle d’admirateurs entourait Drellon. Une dame en atours élégants se haussa sur la pointe des pieds et déposa un gracieux baiser sur la joue du nécromancien sylvari qui, faussement confus, faisait étalage  de la modestie qui seyait aux héros.
Mais à peine un des séraphins de la caravane parut-il que tout changea «Escroc! Incapable! Abruti!». La foule avait trouvé un objet à son mécontentement et tout à leur mépris, les voyageurs s'écartèrent de Drellon pour mieux clamer leur mécontentement. Bientôt le  chef de convoi était au milieu d'un cercle de mécontents et les huées se mirent à fuser. Les sylvaris en profitèrent pour s'éclipser.

Ils marchèrent discrètement vers les dernières maisons du village alors que Drellon expliquait sans cesse : «Cette journée a été une victoire mais ce n'est qu'un début. Nous devrons toutefois éviter d'attirer l'attention à partir de maintenant. Notre objectif est de faire une entrée discrète à l'Arche du Lion.»  Il entraîna silencieusement Feodhan vers une masure cachée dans un non loin du village. Après les demeures de Cornabonde, cette maison paraissait franchement miteuse. Drellon frappa à une porte vermoulue: un homme de petite taille aux cheveux noirs et gras leur ouvrit. «Deux pauvres voyageurs sans feu ni lieu...» Commença Drellon « Nous accueillent par leur visite.» finit l'homme. «Entrez, entrez nous vous attendions.»

Feodhan n'eut pas le temps de s'interroger.
Dans un coin de la salle principale deux étrangers en veste de cuir et pantalon de coutil les attendaient autour d'une table. L'un d'entre eux fit un geste d'invite: «Sire Drellon...» les Sylvaris s'assirent de l'autre côté de la table pendant que le serviteur s'affairait à la marmite accrochée sur un feu doux dans l'âtre.

Drellon fit rapidement les présentations à Feodhan. «Capitaine Malatesta du Ministère et son conseiller». L'homme qui leur faisait face eut un geste rapide du menton. Feodhan détailla le visage rond au menton et lèvres épaisses. Il lui fallut à peine un deuxième regard pour comprendre que l'inconnu filiforme qui se trouvait à ses côtés était le véritable donneur d'ordres et que le Capitaine Malatesta n'était qu'un commis.

Entre temps on leur avait servi un brouet et quatre verres de vin de pays, et pendant que Drellon et ses hôtes discutaient, Feodhan considérait le potage à la viande d'un air désapprobateur. De toute évidence le cuisinier avait utilisé des bas morceaux gras de siamoth ou de bœuf. Le poulet ou le moa auraient été plus convenables pour donner quelque chose de digeste et de nourrissant.  Tout à coup la conversation de Drellon le tira de ses considérations culinaires. «Il va de soi que les suspects ne nous ont jamais rencontrés.»

Le capitaine Malatesta approuva, un sourire obséquieux sur son visage. « Ne craignez donc rien Sire Drellon. Vous et le Baron avez été d'une aide précieuse. Notre opération contre ces malandrins ne mettra en aucun cas votre discrétion en danger. Contentez-vous de passer une nuit paisible et tout se passera bien.» Feodhan commençait à regretter son inattention, mais les deux envoyés du ministère quittaient déjà la masure. Laissés seuls les deux sylvaris terminèrent leur repas. Leur hôte leur montra leur chambre dans les combles : deux paillasses fraîches les attendaient.
Feodhan tombait de fatigue et il  se coucha sans même se dévêtir. Il s'endormit comme une masse.
Pourtant plus tard au milieu de la nuit l'agitation le réveilla: de la place centrale du village provenaient des hurlements frénétiques. Il s'approcha de l'ouverture dans le mur qui tenait lieu de fenêtre: quelque part vers le centre du village quelque chose brûlait. La bise froide du soir apportait une odeur de fumée. Il se retourna vers Drellon, qui dormait paisiblement. En dépit de tous ses efforts ce dernier consentît à peine à se réveiller. Il marmonna simplement: «C'est probablement une autre attaque de pirates. Il y en a beaucoup ces temps-ci...Recouche toi Feodhan, de toute façon il n'y a rien à faire.
-Mais s'ils viennent ici?
-Ils ne viennent jamais par ici: cette maison ne les intéresse pas. Allez viens te recoucher. La journée de demain sera longue.»

En fait la journée commença quelques heures plus tard, à la fin de la nuit. Feodhan s'éveilla sans trop savoir pourquoi. Silencieusement il mit sa robe et sortit dans le petit jour laiteux. Il n'eut pas besoin d'aller trop loin: un incendie avait ravagé l’auberge du village.  Sur la place,  des survivants hébétés regardaient le bâtiment aux fenêtres noircies par la fumée. Ici ou là des cadavres de Sylvaris d'humains ou de charrs en habits dépareillés gisaient au sol. Le combat avait été violent: des cadavres ensanglantés de voyageurs en armes jalonnaient la sortie de l'auberge.

Il lui fallait comprendre : Feodhan avisa un petit vieux bedonnant qui pleurnichait. A ses questions le petit gros ne sut que répondre «Ils ont tué ma maîtresse. Elle était au premier étage et je l'ai entendue crier.» Feodhan se retourna vers l'auberge et regarda les murs noircis. A tous les coups les os de la maîtresse étaient désormais bien enterrés sous les cendres. Il ne voulut pas rester davantage: Drellon venait d’arriver.
Celui ci balaya lentement la place du regard. Quelques-uns, hébétés, se tournaient vers lui. Il retourna un regard empreint de compassion et se recueillit un bref instant. Déjà on venait à lui, on lui demandait de l’aide. Peut-être pourrait-il trouver les brigands ? Ou savoir où se trouvait leur repaire ? Ou au moins alerter les gardes lions ? Pourquoi cette attaque. Mais Drellon secoua la tête. Il n’y pouvait rien, il lui fallait demander des secours à l’Arche du Lion. Certains murmurèrent bien sûr mais le sylvari quitta les rescapés et leurs supplications muettes.

« Feodhan nous ne passons pas chez notre hôte, nous allons directement en ville. »
Le jeune nécromancien sylvari comprit le reproche et rejoignit son ainé sur la grande route. Il ne parla qu’après quelques instants « Le capitaine Malatesta avait quelque chose à voir là-dedans. »
Drellon soupira « Feodhan nous avions pour mission d’escorter une caravane…Et le baron m’a demandé d’aider le capitaine. » Il reprit bien vite : «Les gens du Ministère apprécient beaucoup le Baron. Aussi quand des opposants rejoignirent une caravane on me demanda d’aider. Ce que j'ai fait » Il finit par se retourner vers son compagnon : « Feodhan, le Ministère est notre allié. Nous ne pouvons l’ignorer. Bien sur ce qui s’est passé à l’auberge est regrettable. Mais notre mission requiert aussi l’aide du ministère. Et si des opposants ont brûlé dans une auberge en ruine, il ne s’agit que d’un regrettable incident ».
Feodhan se tut. Et il n’ouvrit la bouche que tard dans la nuit quand ils parvinrent aux portails de l’Arche du Lion.
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Message par Jeradon Jeu 18 Déc 2014 - 23:19

Chap. 4 Racontars pour un beignet

« Alors le petit Sylvari tu t’es endormi? Rolf est en train de préparer la soupe et toi tu traines à faire les commissions!» Feodhan reposa la lourde corbeille et penaud, s’excusa auprès de  la tenancière. «Je suis désolé Madame Dumoire. Ce ne sera plus le cas la prochaine fois
La maîtresse de maison leva une main potelée en un geste exaspéré. «Je ne te loge pas pour entendre des promesses. Disparais aux cuisines et tâche de te rendre utile.»

Feodhan fit un petit signe de tête et se hâta vers la porte de la cuisine. Cela faisait déjà trois mois qu’il était à l’Arche du Lion et qu’il trimait à la Taverne du Chat qui Rode. Les humains du Ministère connaissaient l’endroit, et cela en faisait un parfait repaire pour se livrer à toute sortes d’activités. Dans le cas de Feodhan, il s’agissait de préparer des repas et de prêter attention aux rumeurs intéressantes. Hormis cela il était libre de vagabonder et d’être le petit Sylvari naïf parti à la découverte du monde.

Et il y avait bien sur les nuits avec Drellon. Feodhan avait fini par découvrir que son tuteur était un sylvari alerte, athlétique, sans peur et ce, avec une absence de scrupules qui frôlait l’insolence. Et la nuit venue, face à Feodhan il se métamorphosait en un amant silencieux, inquiet, qui restait tout contre lui, alors que la fureur quittait lentement son corps.  

Feodhan avait appris à être attentif et à glaner petit à petit, bribe par bribe, des soupçons de vérité. Ainsi il avait appris qu’autrefois un sylvari du nom de Flynn et auquel il ressemblait,  avait lui aussi erré parmi les humains. Que Drellon avait maintes fois flétri la vie de gêneurs qui indisposaient le Ministère. Et que de toute évidence quelque chose était à l’œuvre à l’arche du Lion, et lui, Drellon, avait ordre d’élucider ce mystère.

Les choses en étaient là. Et alors qu’il s’affairait dans la cuisine sous les ordres d’un gigantesque cuisinier Norn, Feodhan ne pouvait s’empêcher de se demander combien d’autres secrets le Baron leur demanderait-il de soutirer aux humains.

Quelques heures plus tard, et après avoir récuré jusqu’à la dernière casserole, Feodhan quitta la cuisine, gagna le rez-de-chaussée. Dans la grande salle, la maitresse de maison s’affairait au comptoir tout en hélant ses filles. Sans plus attendre il passa au deuxième étage. Là-haut il n’y avait aucun luxe : les corridors étroits alignaient les chambres exiguës des valets, ou  celles  des hôtes les plus humbles. C’était là que se trouvait son gîte, pour les mois à venir peut-être.

 En quelques pas grinçants sur le plancher poussiéreux Feodhan parvint à sa chambre. La vétusté y disputait à la pauvreté: des meubles piquetés avoisinaient un tapis usé jusqu’à la trame et une fenêtre au verre terni laissait passer la lumière du jour finissant. Étendu nu sur son lit, un verre de vin posé sur la table de nuit, Drellon lisait un livre quelconque.

Un regard nonchalant accueillit l’arrivée de Feodhan. Ce dernier soupira: depuis son arrivée à l’Arche, Drellon conjuguait oisiveté avec indifférence.
"Tu n’as rien d’autre à faire?" A cette question Drellon s’assit, avant de répondre, le verre à la main: «Rien».
Feodhan haussa les épaules avant de retirer son tablier de mitron. «Et le livre que tu lis s’appelle?
-À la découverte d’Orr», par une barbe grise du prieuré de Durmand
.
-Orr? En quoi cela t’intéresse-t’il? Tu veux vivre là-bas? J’ai entendu dire que   des héros en quête de gloire y avaient trucidé un Dragon ancestral.
-[/i]Je ne sais pas…Dans ce cas il y devait y avoir une armée d’aventuriers. Dans certaines tavernes on rencontre plein de gens qui racontent qu’ils étaient sur des dirigeables Asura…
-Ah tu revisites les tavernes? Dans ce cas tu pourras leur demander pourquoi les marins du port continuent de parler de morts vivants sortant de la mer.»


Feodhan termina cette phrase en attachant quelques feuilles à son bras. Spontanément d’autres feuilles verdâtres se mirent à pousser le long de son corps, le revêtant d’une tunique courte et d’un pantalon échancré. Drellon contempla cette transformation d’un œil narquois.
«Pas mal…mais si tu veux t’encanailler en ville tu vas avoir du mal avec ton déguisement de plouc du Bosquet…»

Feodhan haussa les épaules. «Disons que je vais faire mon marché. »
Drellon laissa échapper une exclamation scandalisée. «Tu visites la perle la plus trouble de toutes la côte, tu peux croiser des pirates des fripouilles, des gredins de toutes sorte…Et tu pars faire ton marché!!! Non, non, non. J’ai négligé ton éducation, il est temps de tout réparer.»
Feodhan se fit sarcastique: «Tu prétends faire mon éducation mondaine maintenant?
-
-Tout à fait ! Il faut que tu saches t’amuser. Viens donc voir ce qui se passe au pont de bois à la tombée de la nuit à huit heures ce soir!
-Très bien…je suppose que tu seras là à l’heure…
-Bien entendu!»


Feodhan ferma la porte et descendit prendre un panier aux cuisines. Bien entendu Drellon arriverait avec une demi-heure de retard. Ces derniers temps sa rigueur avait laissé place à un laisser-aller des plus déroutants. Entre temps il lui restait quatre heures de libre.

De tous les recoins de l’Arche, Feodhan préférait le marché. Parmi les échoppes des marchands en tous genres, à la lueur bleutée de la fontaine mystique, se pressait une foule hétéroclite de visiteurs de la soirée de voyageurs et d’entrepreneurs offrant argent, amitié, plaisirs ou services variés. C’était une aubaine pour les revendeurs de boustifaille, et Feodhan comme tant d’autres y dressait son étal, cuisinait une heure et vendait aux passants un bol de soupe ou des beignets salés. Cela lui permettait aussi de savoir ce qu’il se passait en ville.

D’habitude il achetait ses légumes à bas prix auprès d’un forain Charr qui en savait assez sur l’agriculture pour ne pas tenter de tromper un client sylvari. En échange Feodhan avait placé une ou deux commentaires élogieux à la Taverne du Chat.

Mais ce soir-là le forain apostropha le sylvari: «Tu as entendu ce qu’il se passe? » A la dénégation de Feodhan il reprit: «On a retrouvé dans les montagnes une marionnette géante.» devant le manque de réaction de Feodhan il reprit «Une marionnette qui écrase les gens.
-Il suffit de couper les fils. Personne n’y est parvenu?
Si. Mais une bonne partie de ceux qui l’ont tenté ont cramé sous le feu d’une arme mystérieuse qui équipait cette machine.
-Une arme incendiaire?»
Feodhan était intéressé maintenant. Le tavernier dissipa ses certitudes «Non, pas une arme Charr. Un engin qui crame les corps ET les esprits». Il frissonna «Seuls les déments Asura peuvent penser à des choses pareilles.
-Bah, les montagnes sont encore loin. Ne t’en fais pas…Tu auras encore pas mal de clients avant que tu ne voies cette marionnette!»

Le Charr haussa les épaules, vexé. «Va donc préparer ta bouffe petit futé. Mais tu verras demain…ou bientôt !»

Feodhan n’en avait cure. Il donna quelques pièces de cuivre au Charr, et repartit vers sa propre guérite à l’autre bout de la place. Il avait également ses ustensiles : de quoi lui permettre de cuisiner rapidement.   Toutes ses années d’apprentissage au Bosquet et le travail au Chat qui Rode lui avaient enseigné l’art de cuisiner vite, et quand le temple de Kormyrr sonna le début de la soirée une odeur délicate s’élevait de la marmite…Et un plateau de beignets était prêt. Il n’avait plus qu’à attendre.

Bientôt un petit gamin brun en culottes courtes accourut : « Bonsoir Monsieur Vertefeuille.
-Bonsoir Gaby. Assieds-toi et prends un bol de soupe. »

Prestement le gamin s’assit sur un tabouret non loin de l’étal, prit à deux mains un bol et commença à boire sa soupe. Il avalait à long traits, prenant à peine le temps de s’arrêter pour mâchonner les morceaux de viande et de légumes, et il ne lui fallut pas longtemps pour finir.
Feodhan attendit quelques instants avant de parler.  « Alors comment vont les affaires ? »
Le gamin sortit prestement une bourse chiffonnée et en étala le contenu sur le comptoir. «Un argent soixante-quinze ! » Feodhan hocha la tête « Une bonne vente pour des beignets. Tiens prenez ceux d’aujourd’hui. »

Gaby mit deux doigts dans la bouche et siffla. L’instant d’après une demi-douzaine d’enfants accouraient panier au bras. Rapidement ils se répartirent les beignets entre eux avant de s’éloigner. Feodhan hocha la tête « Tes amis savent se débrouiller.
-Ce sont mes potes, pas mes amis !
-En quoi est-ce différent ? »

Benny scruta le visage tout en feuilles noircies du Sylvari avant de répondre. « Les potes vous suivent même dans la merde. Les amis vous abandonnent. »
Feodhan hocha la tête :« Ils sont trop propres pour suivre les gens ?
-C’est ça. »

Curieusement Feodhan se mit à penser aux Sylvari du Bosquet. Il pinça les lèvres avant de reprendre : « Et à part ça quelles nouvelles ?
-Il y a des Sylvari en ville Monsieur Vertefeuille. Beaucoup de Sylvari, et comme vous ils ne viennent pas faire du tourisme. Mais je ne crois pas que ce sont des amis pour vous. Je les ai entendus parler et ils sont différents.
-Ah ? Ils sont armés jusqu’aux dents et ils crient ?
-Non. Ils sont armés, d’accord mais ils restent en groupe. Ils ne parlent pas, mais ils rient souvent entre eux. Un drôle de rire qui fait un peu peur.
Ah ? Je n’en ai jamais vus.
-Ils sortent le soir, Monsieur Vertefeuille. Et ils ne vont pas dans les grands quartiers. Vous ne les verrez pas ici. »
Le gamin repoussa son bol de soupe, vide. «C’est tout ce que je peux vous dire. Merci pour la soupe. »
Feodhan lui passa discrètement une petite bourse. « Merci pour le conseil. Voilà pour ton monde. » Le gamin eut un clin d’œil et disparut parmi la foule. Nul doute il y avait un ver sous l’écorce. Il vaudrait mieux en parler à Drellon.

Il ne fallut à Feodhan qu’une heure de plus pour tout revendre, et sa vaisselle rincée, partit droit vers la taverne. Il était à peine sorti de la place qu’il entendit quelques pas avant que quelqu’un ne l’envoie s’étaler au sol.
« Attrapé ! »

Furieux Feodhan se releva avant que qu’un deuxième revers ne l’envoie au sol. Sa tête heurta quelque chose de dur et tout devint flou L’instant d’après une poigne énergique l’avait remis sur pied et il contemplait le visage hilare de Drellon. « Et voilà joli mitron ! La cuisine c’est bien, le combat c’est mieux ! » . La fureur laissa Feodhan sans voix. Après tout il faisait son travail au lieu de jouer au bon à rien. Comment Drellon pouvait-il faire une attaque en traître ? En combat régulier il aurait eu du fil à retordre! Ce dernier promenait un regard amusé sur l’esplanade et les quelques chalands qui contemplaient l’altercation avec ahurissement. «Mais pour ce soir je t’invite à faire la fête avec moi.»
Il fallait bien le suivre. Feodhan mit sa rancœur de côté et suivit son mentor vers  les tavernes.
Il fallait le reconnaître Drellon avait un don pour fêter n’importe quoi avec originalité. Au Pichet du Soleil, on servait une liqueur incolore dans lesquelles on avait fait mariner des vers. Des le premier verre Feodhan découvrit que la lueur diffuse des lampes lui ramenait aux nuits heureuses du Bosquet.
«Tout est  question de contexte» Commenta Drellon. Il désigna un serveur hylek a la peau rosée. «Tu vois Topilzan? C’est un Amini. Il a tué des dizaines de Défenseurs du Bosquet, et un beau jour il est arrivé ici et a commencé une carrière de serveur.»
Feodhan se retourna. Le hylek était plutôt petit et râblé. Rien ne semblait trahir un passé violent, hormis peut-être une petite cicatrice au sommet de la tête entre les deux yeux. En ce moment la il conversait joyeusement avec Drellon.
«Un pichet de vieux rosé? Certainement mon buisson-ardent ami. Tu voudras des amuse gueule aussi?» A son départ, Drellon reprit a mi voix. "Maintenant attention je vais te faire goûter quelque chose de redoutable. » A voix haute il reprit M« Et donc ce soir nous fêtons le festival du Loup Végétal. »Feodhan ouvrit  comiquement la bouche, mais déjà Drellon poursuivait « Cette fête a été injustement négligée durant les dernières années, et il est temps que nous changions cela.  A la santé du Loup ! »

Feodhan tenta de répéter la formule  mais ne put que hoqueter une exclamation. Drellon sourit « Il est temps de prendre l’air."
 D’un claquement de doigt il interpella le serveur « Topiltzan, amène moi le paquet je te prie ! »
Le hylek revint, un gros paquet enveloppé dans un tissu verdâtre. « Tiens ça Plantdesoleil ! Il est exactement tel que tu me l’as remis l’autre jour. »
Feodhan eut un petit sourire en entendant le surnom de son compagnon. Mais déjà Drellon remerciait le serveur,  payait les consommations et entraînait Feodhan vers la sortie. Parvenu dehors Feodhan réalisa subitement à quel point l’air de la nuit était froid. Sans prévenir une nausée l’assaillit. De très loin il entendit les commentaires de Drellon «Oui ce vin hylek n’est pas toujours digeste : il faut être habitué après tout ! » Alors que Drellon le redressait gentiment Feodhan parvint à réprimer son envie de vomir. « Ah pas mal » Reprit Drellon, « Tu vas pouvoir mettre le cadeau que je t’ai acheté sans puer comme un baril de sardines. »

Il coupa rapidement les grosses ficelles du paquet et déroula le papier. « Et voilà ! »
Même à la lueur des torches du cabaret, la robe qu’exhibait Drellon était magnifique : le tissu vert soyeux était orné de bordures pourpre et bleu océan. «Elle est pour toi » Reprit doucement Drellon.
Feodhan caressa le tissu soyeux avant de répondre en souriant « Et que ferai-je en échange ?
-Retrouver un message.
"

Enfiler la robe ne fut que l’affaire d’un instant. Drellon eut un regard émerveillé avant de tendre une couronne de fleurs. « Tu es superbe ! Mets ça sur ta tête ce soir c’est la fête !
-Le festival du loup ?
-Oui celui que tu as un peu trop fêté. »
D’une chiquenaude, Drellon mit la couronne de fleurs de guingois. « Allons au pont de bois. »
A cette heure de la nuit seuls les noctambules parcouraient les rues du port et il ne leur fallut pas longtemps pour atteindre le pont de bois : une construction hétéroclite de vieux navires et autres galions, assemblés à la queu-leu-leu. Entre temps Feodhan avait relaté ses découvertes à son compagnon. Celui-ci eut un sourire méprisant : « Les gamins des rues deviennent curieux ? Continue à leur demander des informations et tu les retrouveras en train de dériver dans le port. »
Vexé Feodhan se tut et n’ouvrit pas la bouche pendant qu’ils traversaient les entreponts des navires. L’endroit était le théâtre de marchandages en tout genre soit sur le pont, soit dans les cabines, et Feodhan n’avait aucune envie de savoir qui faisait quoi sur ce coupe gorge en bois vermoulu.
Enfin ils parvinrent de l’autre côté. La route descendait lentement parmi les broussailles.
« C’est là » Murmura Drellon. « Maintenant je veux que tu ne sois plus que Vertefeuille à la recherche du Fort Marin. »

Guilhem montait à grand peine la sente qui menait à la corniche. Il n’avait pas beaucoup de temps et le chef lui avait dit d’amener le cristal à la femme en rose. Il ne voyait absolument pas comment il pourrait la trouver. Pourtant le chef lui avait dit d’aller au deuxième pont du galion central.

Il en était là de ses pensées quand trébucha devant lui un sylvari bien éméché. C’était un tout jeune, vêtu d’une robe, une couronne de fleurs sur la tête. « Hé Monsieur ??? Pardonnez-moi mais le fort Marin c’est par ici ?"
Guilhem réprima un sourire compatissant et se tourna vers le port. « C’est par là mon petit tu t’es fourvoyé !"

Il n’avait pas fini sa phrase qu’un froid mortel l’envahi. L’instant d’après il hoquetait sous les coups d’une hache invisible. Enfin il s’effondra, sans connaissance. A l’instant, Drellon fut sur lui. Frénétiquement il ouvrit le manteau rapiécé, le gilet de velours élimé, la chemise jaunie…
« C’est le message que tu cherches ? » Parvint à murmurer Féodhan, hébété.
« Bien sûr ! Et il n’a rien. »Il retira les bottes et se mit à les fouiller. « Rien de rien.. »
Il se redressait avec dépit quand retentit l’ordre « Sylvari ! Rendez vous !!! » Des buissons environnants surgirent une quinzaine de Gardes Lions en armure, hallebarde à l’horizontale.
« Comment… »La voix de Drellon devint un murmure. Derrière les hommes d’armes venait un homme en habit jaune terni. Drellon reprit à mi-voix « Feodhan, ramasse ce que tu peux et saute de la falaise. »
-Alors Drellon des Orchidées…Maintenant que nous vous tenons, vous pourrez peut-être discuter avec nous… »

Feodhan remarqua au sol une bourse de velours noir.
« Je n’abats pas mon jeu devant un inconnu ! » Drellon criait presque « Dites-moi qui vous êtes. »
Prestement Feodhan se pencha, ramassa la bourse et esquiva la hallebarde. L’instant d’après il bousculait deux hommes d’armes et se ruait vers l’abîme. Sans hésiter il se jeta du haut de la falaise dans l’eau trouble

« Carabines!»

Mais il était trop tard. Dans la nuit et dans l’eau noire on n’y voyait goutte. Seul un charr pouvait peut-être discerner quelque chose, mais les patrouilleurs n’étaient que de simples humains. L’homme en jaune eut un geste de dépit et se retourna vers Drellon.

Dans la pénombre le mépris transperçait dans sa voix. « Investigateur Dennor.  Il est temps que nous fassions plus ample connaissance Drellon des Orchidées ! »
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Ven 16 Jan 2015 - 1:03

Chap 5 Dernier Message


Feodhan nagea longtemps dans l’eau salée, et sans trop savoir comment, se retrouva sous une jetée du sanctuaire du port. Là,  dans l’eau froide il attendit longtemps, à l’écoute de bruits de poursuite, de fouilles, mais il n’y eut rien de tout cela.  
Il prolongea son attente quelques heures de plus : l’ordre des gardes lions, le cri de Drellon résonnaient encore à ses oreilles, et maintenant Feodhan savait qu’il était recherché par des individus qui donnaient des ordres aux gardes-lions.

Il n’y avait pas l’ombre d’un doute : Drellon allait en prison, et serait soumis à la question. Tôt ou tard des tortionnaires expérimentés finiraient par le faire parler, et la présence de la Cour à l’Arche serait dévoilée.
Feodhan avait à peine le temps de faire jouer quelques appuis. Des agents du Ministère pourraient peut-être aider la libération de Drellon…Ou permettre  un départ discret de l’Arche, dans le pire des cas.

En frissonnant il sortit de sous la jetée et gagna  le quai. Aucun bateau n’était amarré aux alentours et l’unique lumière d’un fanal éclairait la jetée.   Dans un coin mal éclairé, entre deux tonneaux de saumure, un humain ivre finissait de cuver sa soirée.  En un tournemain Feodhan le soulagea de sa tunique et de son pantalon. La robe chamarrée finit dans un des tonneaux, et avec un peu de chance, la saumure en ferait un chiffon méconnaissable.

Feodhan s’éclipsa silencieusement : il restait quelques heures avant le point du jour, et il lui fallait se fondre dans la foule des travailleurs du matin avant de changer d’apparence et de contacter le Ministère.
Il y avait un problème cependant : tenter de prendre contact depuis la Taverne du Chat qui Rode serait une erreur : les garde-lions connaissaient l’identité de Drellon et devaient également connaître son gîte. Quant aux portails Asura, ils étaient contrôlés par des équipes de techniciens accrédités auprès des autorités.

Feodhan n’avait que la possibilité de discuter avec des marchands du Promontoire : Alors que la brise fraîche annonçait le matin, Feodhan se dirigea vers le quartier des entrepôts.

Bientôt les dockers s’assemblèrent sur le quai et à la lumière du petit jour les équipes reçurent leurs ordres.  Feodhan se tint à l’écart : il ne tenait pas à se faire recruter par des maîtres d’équipage peu scrupuleux, et son nom de Vertefeuille ne le protégerait plus de la curiosité des autorités.
Il n’eut d’autre choix que l’attente dans une ruelle, vêtu comme pauvre hère mendiant sa pitance.  Il ne lui fallut pas longtemps pour acquérir l’invisibilité des miséreux : les quelques personnes qui croisaient sa route se dépêchèrent vers leurs tâches, sans détourner un regard dans sa direction.
Cela lui convenait à merveille, jusqu’au moment où il se trouva face à un trio de durs à cuire. « Hé le sylvari, c’est pour la taxe !
-La taxe ?
-Ici faut pas mendier. C’est privé. Alors tu paies la taxe ou tu saignes. Choisis!”.

Un froid pénétra Feodhan: il était seul et sans armes face à troi bandits humains .  S’il avait de la chance il pourrait triompher de ses agresseurs, mais le vacarme serait tel que les Garde Lions seraient à ses trousses quelques instants après. Et ensuite….
« Hé les gars il a une drôle  de bourse à la ceinture ! »
Feodhan esquiva de justesse la prise du fier à bras. Ce dernier ricana : lentement ses deux comparses s’avancèrent. Désormais Feodhan était dos au mur, et en un bond, ses agresseurs seraient sur lui. Il n’avait que le choix entre une raclée et une défaite.  

Aucun d’entre eux ne comprit ce qui arriva : sur la droite de Feodhan une silhouette surgit et poignarda un malandrin. Les deux autres se retournèrent pour se faire taillader par une volée de coups d’épée.  L’un d’entre eux recula, le poignard en main alors que Feodhan invoquait une horreur tentaculaire. La surprise déforma ses traits. L’instant d’après il s’effondrait, un filet de sang coulant au coin des lèvres.
Feodhan eut à peine le temps de montrer du doigt l’agresseur inconnu. L’instant d’après une douleur explosait dans sa jambe droite. Il s’effondra alors qu’une poigne ferme plaquait son cou contre le mur. De loin il entendit le chuchotement menaçant « Rappelle ta créature ! ». En toussant Feodhan s’exécuta. La main fine couverte de feuilles ne relâcha pas sa prise. Il entendit un cliquetis alors que le métal froid d’un pistolet était plaqué contre sa joue. « Tu ne vas rien dire…Rien dire du tout…”

Le souffle court Feodhan secoua la tête. “Très bien…Parce que si tu parles… » Mais Feodhan ne parlerait pas. Alors qu’il toussait désespérément il vit du coin de l’œil la silhouette reculer, palper les cadavres d’une main et s’emparer de la bourse qu’un des leurs avait sa ceinture. Un visage triangulaire parut un instant de sous le capuchon de l’inconnu…L’instant d’après il  n’y avait plus personne dans la rue. Feodhan se redressa rapidement : les bruits de la bagarre avaient du alerter les gens qui restaient derrière les portes. Il fallait déguerpir, et vite.

Il avait fait trois pas qu’un coup violent au thorax lui coupa le souffle. L’instant d’après un deuxième coup claqua contre sa mâchoire, pendant qu’une voix reconnaissable grondait : « Alors le nécromancien on n’est plus si fort ? Tu ne peux plus t’enfuir cette fois…Où pourrais-tu courir d’ailleurs ? ». Une poigne ferme attrapa Feodhan au collet alors qu’on plaquait le canon d’un automatique contre son cou. « Tu ne dis rien ? Allez vas-y appelle ton petit copain. Peut-être qu’il va te sauver les miches cette fois encore? Allez viens par ici »

Feodhan fit quelques pas vers l’embranchement  d’une ruelle. Il parvint à murmurer : « Mathanu...Comment ?  
-Ferme ton clapet, ordure. Tu vas me suivre sans faire d’histoire. Parce que je n’ai pas massacré trois types dans la rue, parce que tu as l’air d’avoir des problèmes avec les matous et parce que j’ai de quoi te cramer les feuilles si tu fais le malin. »

Une bourrade finit par faire avancer Feodhan dans la ruelle. Une autre le fit marcher devant. Derrière, Mathanu Debrume ricanait : « Comme on m’avait dit, « Ce nécromancien est redoutable ». T’es redoutable surtout avec tes armes et avec un petit copain. Vous vous aimez bien tous les deux ? Parce que j’ai bien vu comment il te regardait. Alors quand t’as eu l’air de vouloir partir avec un zombie, il a  rappliqué bien sûr. Et toi t’étais tellement ému que t’as du te retenir…Et bien sûr quoi de plus naturel que de lâcher le gros humain qui se bagarrait avec une dizaine de morts-vivants à la fois ? Parce qu’après tout pour se bagarrer comme moi il faut être un sauvage. Alors que les héros se bagarrent quand ils savent qu’ils vont gagner. Pas vrai ? »
Un coup violent étourdit Féodhan. En titubant il sortit de la ruelle et fit quelque pas dans une petite place. « Va dans cette direction espèce de cancrelat.  Et ne t’avise pas de courir j’ai toujours l’automatique sous la veste. Et c’est un modèle spécial…Tu ne veux pas savoir le calibre du trou qu’il va te faire si tu cours. »

Vêtu d’un pantalon et d’une tunique volés, le visage à découvert, Feodhan traversa la place parmi le va et vient des acheteurs et des boutiquiers. « Prends la rue à droite et entre dans la deuxième taverne sans faire d’histoire. »

Sans mot dire, Feodhan s’engagea dans une rue bordée par un canal. A gauche, les grilles des galeries hylek emergeaient de l’eau trouble. A main droite, quelques passants longeaient une rangée de boutiques et de logements vétustes. Feodhan finit par descendre les quelques marches qui menaient à la salle de la Taverne du Poisson Chat.
A l’instant, les regards d’une dizaine de clients se tournèrent dans sa direction, avant de se détourner dès que parut la silhouette de son cerbère. A une table isolée non loin d’une lampe fumeuse,  deux sylvari sourirent à Feodhan : « Enfin te voilà ! »

Dans son dos Mathanu gronda  « Je l’ai trouvé sur un coup de chance…Mais je ne suis pas sûr qu’il vous soit très utile. » Muet, Feodhan reconnut le parfum fruité et le visage radieux de Florianne. « Non, je suis sûre que Feodhan pourra nous aider. »
Son compagnon leva une main énergique vers Feodhan « Tiens, jeune page, comment va ta mission ? Nous avons un service à te demander ! » La carrure solide, la voix chaleureuse  remémorèrent à Feodhan le soldat sylvari qu’il avait côtoyé au campement du Refuge dans les Champs de Gendarran.  Mais cette fois le sylvari n’arborait plus la livrée du Baron. « Mon nom c’est Kieran si tu ne te souviens pas. Par contre moi je me souviens très bien de ta sortie en trombe du charroi. Tu as prouvé à tout le monde que tu pouvais avoir un sacré caractère. Allez assieds-toi, il faut qu’on discute ! »

Feodhan prit le siège qu’on lui offrait pendant que Mathanu s’asseyait, d’un air circonspect à une table voisine. Il gardait toujours l’automatique à portée de main.
Florianne commença : « Feodhan il faut que tu nous aides à sortir d’ici. » Elle dut lire la surprise sur son visage car elle reprit : « D’après ce que nous avons entendu au Refuge et ce que nous a raconté Mathanu, Drellon et toi êtes à même de nous tirer d’affaire. »
Des dizaines de questions, et de justifications se pressaient dans la tête de Feodhan, mais il réussit à rester impassible : « Quel danger courez vous? »

Kieran redressa le menton : « Florianne et moi sommes Silencieux. Et à ce titre nous sommes la proie de la Cour…Seul le Baron nous comprend et nous protège. Les autres nous pourchasseraient s’ils connaissaient notre vraie allégeance. Mais jusqu’à hier nous n’étions pas reconnus.
Feodhan hocha la tête : « Hier ? »

Florianne reprit : Deux gardiens de la cour, un illusioniste et une abomination végétale. Ils nous sommes tombés dessus la nuit dernière dans une ruelle non loin d’ici : tout s’est joué en quelques instants. Si Kieran n’avait pas causé un éboulement, nous aurions péri. » Elle frissonna un instant avant de reprendre « Et leur rire dément…
-Ils riaient en plein combat ? »

A cette question Florianne répondit par un regard perplexe. « Oui, comme s’il s’agissait d’une bonne blague…Tu les connais ? »
Un froid se répandit à travers Féodhan. « Je le crois. Si c’est le cas nous sommes en grand danger. Les malades que tu as rencontrés font partie d’une sorte de groupe armé. Leurs alliés sont … »Il se reprit « sans pitié ». Il valait mieux pour eux deux qu’ils ne sachent pas que des Kraits accompagnaient ces sylvari-là.

Mathanu l’interrompit d’un ton brusque. « Tout cela est bel et bon, mais que peux-tu prouver ? »
Feodhan haussa les épaules. « Tout ce que je peux dire c’est qu’un détachement de ces sylvaris a emporté le Village du Sorcier en un après-midi. Drellon et moi leur avons échappé par miracle. En comparaison le combat avec les morts vivants était une affaire réglée. »
A regret il continua : « Il se peut que Drellon ait été sur leur piste quand on l’a arrêté hier.
Les yeux écarquillés Kieran l’interrompit : « Drellon a été arrêté ? ». Florianne l’interrompit « alors nous n’avons plus d’aide ? »

Cette question avait des échos de supplique, et Feodhan hésita avant d’expliquer : « Drellon était sur une piste quand on l’a arrêté. En fait nous venions d’arrêter un messager, et les gardes lions nous sont tombés dessus.
- Et n’écoutant que ton courage, tu t’es enfui » Ironisa Mathanu.
Feodhan se tourna vers lui. « Avec ce que j’ai pu trouver sur le messager. Ceci par exemple» Il sortit la bourse de velours noir, et l’entrouvrit. Rapidement Mathanu se mit en écran entre eux et l’assistance. « Montre voir ! » La bourse contenait une dizaine de pièces d’or et une pierre translucide. Kieran écarquilla les yeux : « Bon sang, je sais ce que c’est !

-Moi aussi » Coupa Mathanu « Un cristal de projecteur Asura. Si ça se trouve, voilà le message que cherchait ton copain. Il suffit de trouver un projecteur pour le lire. Donne-moi ça ! »

Feodhan esquiva au dernier moment le poing de Mathanu et se redressa souplement. D’un coup de pied il projeta l’humain en arrière. L’instant d’après Feodhan contemplait l’embouchure d’un automatique. « Vas-y sylvari fais le malin...Allez, donne ton cristal et tout se passera bien… »

Kieran se leva « Rien ne se passera bien. Les murs ont des oreilles ici, et un règlement de comptes attirera l’attention. Feodhan n’est pas non plus le traître que tu crois. Un nécromant qui tient tête à une vague de morts vivants n’est pas une mauviette. »

Il se tourna vers Feodhan. « Veux-tu connaître le message inscrit dans ce cristal ? ». Ce dernier ne quittait pas le pistolet du regard. Pourtant il finit par marmonner un « Bien entendu ! ». Kieran se retourna vers Mathanu : « Tu peux trouver un projecteur pour lire ce cristal ?
L’humain répondit avec un sourire de défi. « Je connais même quelqu’un qui nous le prêtera! »

La boutique « Les mystères de Cantha », se trouvait près du quai 4 au port du sanctuaire. Feodhan contempla le quai taché par les algues, et les entrepôts miteux des alentours.  La boutique avec son enseigne de bronze terni et sa vitrine poussiéreuse faisait à peine meilleure impression.  
Mathanu retourna à Feodhan un regard mauvais, mais Kieran l’interrompit avant qu’il n’ait pu dire un mot : « Voyons ce qu’il y a dans ce cristal et rejoignons Florianne à la taverne ! »

La porte était grande ouverte, et seul un rideau de perles en bois barrait l’entrée. A l’intérieur, dans une pénombre empreinte de parfums étranges, Feodhan pouvait voir quelques horloges astronomiques, un secrétaire de bois de rose, des estampes anciennes.  Une imposante femme en paréo les accueillit. « Messieurs. Que désirez-vous ? »
Mathanu s’avança : « Mère. Nous avons besoin de votre aide. »

Ni Kieran ni Feodhan ne pouvaient y croire. « Tu es son fils ? ». Pourtant en y regardant de plus près, les ressemblances étaient évidentes: la chevelure d’un noir de jais, retenue par un peigne en écaille,  la bouche orgueilleuse, la parole altière. La femme présentait tous ces signes. Elle toisa l’assistance d’un air orgueilleux. « Sylvari, tu es en présence d’Ilmona  Mawenzi. De quel droit oses-tu m’interrompre ? » Elle reprit : « Mathanu est mon héritier et peut-être même ma fierté ! »

D’un autre ton, elle se retourna  vers ce dernier : Celui-ci se tenait tout droit, les mains jointes. « Bienvenue mon fils,  même si je désapprouve ta folie. Ton père a des appuis. Les séraphins ou le Ministère pourraient très bien le débarrasser d’un fils rebelle. »
Mathanu haussa les épaules d’un air faussement négligent : « ici nous sommes à l’Arche du Lion. J’ai le droit de me défendre par tous les moyens. Et en outre j’ai besoin de ton aide pour élucider un mystère. »
En quelques phrases succinctes il expliqua la situation à sa mère. Assise sur un banc celle-ci écoutait silencieusement. Enfin elle se leva lourdement et reprit : « Fort bien jeunes gens, je vous aiderai. Elle se tourna vers l’arrière-boutique. « Etincelles, guide ces trois clients vers la zone B6 ! »
Un pas lourd et mécanique se fit entendre, et l’instant d’après les visiteurs fixaient le regard rougeoyant d’un golem. Une voix métallique résonna à travers la pièce  « Veuillez me suivre messieurs ! » Mathanu jeta un regard perplexe à sa mère. Celle-ci eut un sourire de commisération. « Etincelles est un gardien plus efficace qu’une troupe de mercenaires, et je préfère que vous utilisiez l’appareil dans la pénombre de l’entrepôt. Bonne chance ! »

Ils n’eurent plus qu’à suivre le golem à la lueur de son phare. Enfin ils parvinrent à une aire de stockage illuminée par quelques tubes de cristaux asura. « Voici votre appareil messieurs ! »
La chose était loin d’être un mécanisme compact. Elle avait les dimensions d’un métier à tisser, s’adornait d’un clavier nacré, et un miroir circulaire la surmontait. Feodhan s’avança de quelque part vers la machine qui déjà vibrait imperceptiblement.

Quelques pierres s’illuminèrent sur le côté, et dans un glissement huilé un tiroir s’ouvrit. Feodhan retourna un regard perplexe vers Mathanu. « Mets le cristal là-dedans, bon sang ! » répondit ce dernier avec impatience.

A contrecœur Feodhan reposa le cristal dans le réceptacle. L’instant d’après le tiroir s’était refermé. Au sommet de la machine, le miroir se mit à luire.
« Salutations capitaine Haskell, » entonna une voix enfantine. « Voici donc vos instructions. »
Le diagramme d’un navire volant apparut, souligné de traits de couleurs.

« Dans une semaine, au quatre vingtième jour de la Saison du Zéphir, à la douzième heure, vous attaquerez avec vos bâtiments le secteur du Port du Sanctuaire avant de vous dérouter vers le Fort Marin. Attaquez avec votre nouvelle bombarde plasmique. Détruisez en priorité les bâtiments les plus importants et les ponts que vous trouverez sur votre route.  Ensuite passez à l’attaque sur… »
Mais déjà Féodhan  en savait assez : on était le quatre vingtième jour de la Saison du Zéphyr.

Tous se ruèrent tous vers la sortie.  Dans la salle Kieran donna les consignes. « Feodhan tu fonces à ton auberge et tu prends tes affaires. Je vais chercher Florianne.  Mathanu, tu mets ta mère au courant et tu fonces vers la porte de la côte sanglante. Nous n’avons pas beaucoup de temps. »

Feodhan courut comme jamais, bousculant les passants, sautant les canaux. Il était en vue de la Taverne du Chat qui Rode quand la douzième heure sonna au temple de Kormirr. Il leva les yeux vers le ciel : déjà d’entre les nuages apparaissaient quelques navires volants. Une clameur le fit se retourner. Au-dessus du marché trônait la silhouette imposante d’un navire volant. Lentement il fit un tour sur lui-même, alors qu’une lueur apparaissait sous la coque.

Le premier éclair fit voler une demi-douzaine de tentes. Feodhan n’attendit pas le deuxième impact : le bombardement de l’Arche du Lion commençait.
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Message par Jeradon Dim 25 Jan 2015 - 15:12

Le cellier

« La peur est naturelle : c’est elle qui nous permet de survivre. Et pourtant elle peut aussi nous tuer... »

Feodhan avait entendu ces mots quelques part. Il leva les yeux vers la lueur rectangulaire qui trahissait la trappe du plafond. « Il ne faut pas écouter la peur, jeunes pousses. C’est elle qui vous fait abdiquer votre jugement. C’est elle qui vous fait accepter l’esclavage, la trahison, le renoncement. »

Les mots étaient énoncés avec une infinie patience. « Et enfin la peur est l’ennemie de la réflexion. Le cerf affolé par les chiens finit toujours par se jeter dans le piège qui lui est tendu. »

La voix était celle de Malomédies, un sylvari de la Nuit.  Il avait connu la torture et la peur aux mains de l’Enqueste. Depuis il dispensait son savoir aux sylvari du Bosquet et  en dépit de la fatigue et des expériences qu'il avait endurées, il parlait clairement et posément.

Un grondement tira Feodhan de sa somnolence. Malomédies et ses discours étaient loin. Maintenant la peur régnait tout autour, dans les âmes de tous ceux qui, comme lui, s’étaient enfermés dans le cellier d’une maison éventrée. Dehors on se massacrait dans une frénésie meurtrière, les navires volants planaient au-dessus du champ de bataille en  foudroyant les gens. Feodhan avait à peine eu le temps de se mettre à l’abri avec d’autres survivants du premier bombardement...
 Un grondement plus proche retentit, et Féodhan sentit de la poussière retomber sur ses feuilles. Quelque part dans le cellier, quelqu’un gémit. La voix caverneuse du Norn résonna : « Bon ! J’allume ! ».

La lumière crue d’une lampe asura éclaira le cellier. Ils étaient huit : trois humains, un Norn, un Charr deux asuras et un sylvari.  Un humain jeta un regard méfiant dans la direction de Feodhan : en dépit de la confiance de la plupart, certains de ses voisins se méfiaient encore de ce sylvari à peau noirâtre.
Le Charr gisait sur le dos, et paraissait inconscient. On avait entrouvert son gilet de soie et défait sa ceinture en daim pour lui permettre de respirer. Pour l’instant il grondait doucement en agitant la tête.  « Il ne va pas bien du tout ! ». La femme qui était agenouillée à son côté leva la tête vers les autres. Son visage n’était plus qu’un masque de détresse : « Sauvez-le ! C’est Revarr Griffedediamant ! Il vous récompensera largement ! ».
-Et quand serons-nous payés ? » Tonna le Norn. « Nous n’avons ni soins ni médicaments à dispenser. Quant aux secours…
-Ils sont morts, là-haut » Interrompit le deuxième humain. « Les miasmes tuent les gens à petit feu. »

Et pour ce qu’en savait Feodhan c’était peut-être vrai. Revarr était arrivé le dernier et avait parlé d’un gaz qui faisait apparaître des illusions mortelles. Lui-même avait l’air sain et sauf quoique paniqué. Mais après quelques minutes un délire s’était emparé de lui. Et maintenant, quelques heures plus tard il était très loin de l’Arche du Lion et du cellier.

Le Charr secoua la tête et se lécha les babines. La femme s’en aperçut« Il lui faut de l’eau! »
A contrecœur un des humains finit par passer une gourde à la femme qui veillait le Charr. Sans plus attendre elle vida le contenu dans la gueule du félin. L’humain bondit en un juron, mais  il était trop tard : le sac de peau était désormais vide.
-Chierie de putain de sal… ». Il attrapa la femme par le bras.
«Tranquille, Ripp ! »La voix du Norn résonna dans le cellier, la lumière devint une lueur diffuse.

L’homme relâcha la femme. « C’est mieux ! » Conclut le Norn, satisfait. Il se rassit et la lumière de la lampe revint.
La femme tremblait de tous ses membres. Elle se réfugia dans un coin, loin de ses congénères,  près des deux asuras. Sans mot dire, ces derniers lui firent un peu de place. Les deux autres types restèrent de leur côté. Quelque chose en eux suscitait la méfiance. Ils étaient vêtus d’un pantalon informe et d’une chemise grossière sans col. Ils auraient pu être n’importe quoi…Dockers, bandits, matelots…Et pour l’instant ils se contentaient de marmonner entre eux. Ils étaient les seuls à parler d’ailleurs. Le Norn regardait le sol d’un air accablé, les asuras se tenaient droit et silencieux.
La femme se contentait de renifler et de trembler.  Feodhan la regarda pensivement : la peur allait réduire tous ses efforts à néant. Il regarda le Charr au sol et fit la moue.
La femme surprit son expression, et poussa un cri de détresse : le Charr ne bougeait plus  et (Feodhan en était sûr maintenant),  venait juste de trépasser.  Toutes précautions oubliées, la femme se rua vers le Charr.

Elle sortit frénétiquement un médaillon de son justaucorps, l’ouvrit et dévoila un petit miroir. Elle l’approcha de la gueule du charr, mais le miroir resta limpide : les morts ne respirent pas.
« Non…non ! ». Mais il était trop tard. Si elle était restée près du charr, elle aurait pu reconnaître le danger et demander de l’aide. Mais elle avait trop peur. Et désormais ils étaient sept.
La femme pleurait, agenouillée près du corps sans vie.
« Alors la petite dame. Pourquoi tu pleures ? »

Elle leva un visage vers le gaillard qui s’était approché. « C’était mon patron…Il venait de me promettre une avance pour faire venir mon fils…
-Ah…Tu as laissé ton fils tout seul hein…
-Avec sa grand-mère.
-Il en a une chance… »L’homme parlait pensivement. «Je suis Gripp. Moi et Ripp, on n’a pas eu de parents pour s’occuper de nous. Et on a dû vivre. Bon maintenant qu’il est mort, hé bien je crois que l’avance est fichue. Maintenant si tu veux bien laisser ton patron tranquille pendant qu’on fouille… ». Le cri déchirant de la femme fit sursauter tout le monde.

« Quoi ? Charognards ! Vous dépouillez les morts ! Mais vous êtes dégoûtants !!! ». Un des asuras soupira profondément, et son compagnon leva les yeux au ciel.  Elle s’en aperçut et se retourna, indignée. « Alors ça y est ? Il suffit de crever et dans les dix secondes, ces deux-là viennent vous prendre ce que vous avez sur le dos ? C’est normal ça ? »

Ses protestations devenaient plus stridentes. Les deux humains décidèrent de laisser le corps tranquille, et tout le monde essaya de s’endormir pour quelques heures. Bientôt le Norn s’assoupit dans des ronflements rauques. Feodhan en revanche n’y parvenait pas : Drellon avait disparu, une armée de Sylvari et de Kraits rôdait à la surface et il était sans armes. Les questions succédaient aux questions…Le Baron n’avait pas les moyens de faire face, mais qu’en était-il de la Cour ? Et les humains ? Ne se posaient ils pas de questions ? Après tout les portails Asura ne répondaient plus.

Soudainement il se rendit compte la lampe asura n’émettait plus qu’une faible lueur.  Et en dépit des ronflements du Norn, des bruissements révélaient que dans la pénombre  quelqu’un s’affairait autour du corps de  Griffedediamant. Déjà l’épée du Charr avait déjà disparu, et le voleur s’emparait de sa dague.  Bientôt ce serait le tour du pistolet à crosse de nacre qui était dans le gousset du gilet, mais dans ce cas il faudrait également en défaire la chaine en or… Sans mot dire Feodhan se leva et s’avança.

Sur sa droite, dans le recoin des asuras, un des humains gardait la lame de son  poignard sur la gorge de la femme. Et les deux asuras étaient pétrifiés de terreur. Sur la gauche, l’autre humain dépouillait le Charr de son veston.

« Ripp, qu’est ce qui se passe ? Chuchota Feodhan
« De quoi tu te mêles ? » siffla une voix.  « Retourne dans ton coin ! »
Feodhan hocha la tête. « Très bien. Mais le Norn finira bien par se réveiller. Et qu’est-ce que tu feras alors ? » L’autre ne disait rien. « Ton copain pourra bien sûr expédier les deux asuras », poursuivit Feodhan  « Et peut-être la femme. Mais tu devras faire face à un Norn enragé. Et celui-là vaudra bien deux comme toi. Mais je peux t’arranger les affaires…

-Qu’est-ce que tu veux ?
-Le poignard que tu es en train de soutirer au cadavre. J’en aurai besoin avec la femme.
-Tu veux la femme ? Pourquoi ? » Feodhan eut un mauvais sourire. « Juste pour la tenir tranquille. » L’autre réfléchissait indécis.  Feodhan suggéra « Et plus tard tu pourras en profiter aussi.
-Marché conclu ! Ramasse le couteau et la femme.» L’humain posa le poignard sur le sol avant de s’écarter. Feodhan n’eut qu’à se baisser. L’instant d’après son comparse propulsait la femme dans les bras du sylvari.  Elle irradiait la peur, et son odeur aigre ajoutait à l’inconfort de Feodhan. Il la guida rudement vers son coin du cellier en un chuchotement menaçant « Si tu veux vivre suis-moi ! »

Tremblante,  elle se laissa mener sans résistance. Dès qu’ils furent assez loin des truands elle chuchota à son tour : «Tu penses me violer ou me tuer pas vrai ? Mais tu emporteras ton crime dans les brumes ! » Feodhan eut un sourire las.
« Je suis en train de sauver votre vie des griffes de ces détrousseurs de cadavres. Ce n’est qu’une question d’heures avant qu’ils ne décident de se débarrasser de tous ceux qui leur créent des problèmes, vous comprise. »
-Ils n’oseront pas ! Même à trois vous devrez faire face à nous quatre !
-D’abord, deux d’entre vous ne dureront pas longtemps. Ensuite, je ne suis pas de leur côté. »
-Alors pourquoi ne le dites-vous pas ? »
Feodhan s’appuya à la paroi, une main à la ceinture. « Parce que j’avais besoin d’une arme. Le moment venu je dirai ce que je voudrai. En attendant restez silencieuse.
-Et on attend quoi ?
-Que le Norn se réveille. »  

Un peu plus calme, la femme s’assit à quelque distance de Feodhan. Il n’en avait cure : bientôt il faudrait tuer. Il n’eut pas attendre trop longtemps bientôt il entendit les pas mesurés de Ripp. Feodhan scruta l’obscurité : son comparse était plus loin assis sur un seau renversé, au bas de l’échelle.

« Hé sylvari !
-Quoi ?
-Je veux la femme…Elle est où ? ». Bien entendu l’humain n’y voyait goutte. Cela serait sa perte.
« Là, sur ta gauche… ». Le bandit se tourna dans la direction de la femme. C’était trop facile : Feodhan se leva souplement fit trois pas vers lui et le poignarda au ventre, dans les côtes, en plein cœur. Il s’affala dans un gémissement de terreur. D’un coup tout le monde fut réveillé.

« Qu’est ce qui se passe ? » Criait le Norn.
Ni le sylvari ni Gripp ne répondirent. Ce dernier était en rage, et debout,  l’épée à la main attendait l’attaque. En proie à la griserie du combat Feodhan ne pouvait s’empêcher de luire, et dans la pénombre chacun de ses mouvements était visible. Poignard contre épée, il serait perdant et l’humain le savait. « Espèce de sal…sylvarie ! Viens donc !!! »

Feodhan ignora l’insulte. « Gripp, tu as perdu, tout le monde est réveillé et tu es seul. Laisse tomber l’épée ! ». L’humain cracha et se lança à l’assaut. C’était trop facile : Feodhan énonça un mot ancien, et l’homme s’affala,  pétrifié par la terreur. L’épée tomba trois pas plus loin,  hors de portée. Feodhan n’eut qu’à faire un pas et à trancher la gorge de Gripp. En un gargouillement ce dernier retomba au sol. Quelque part on alluma une lampe et Feodhan parut, debout poignard en main devant le cadavre d’un humain désarmé. Le silence dura un moment jusqu’à ce que le Norn se lève en furie : « Que l’ourse t’éventre, sylvari !!! Tuer une personne sans défense ! Je vais te briser chacun de tes os !!! ». Même courbé pour éviter le plafond, il serait un adversaire de taille. Feodhan jeta un coup d’œil aux alentours. Les asuras ne disaient mot, il y avait un cadavre derrière lui, non loin d’une humaine au teint cadavérique. Alors que le Norn s’approchait les bras grand ouverts, elle finit par ouvrir la bouche. « Lorki, il m’a…Protégée de Ripp. Il voulait me violer…Ripp je veux dire, et après… »

Le Norn ricana : Et après il l’a massacré, et ensuite il a exécuté Gripp qui est mort comme un poulet. Ça c’est un héros !!! ». Il fit craquer ses phalanges et retourna un sourire sarcastique à Feodhan. « Tu sais ce que je pense sylvari ? Je pense que tu es un tueur. L’honneur tu t’en moques. Le danger tu l’ignores. Et ce n’est pas la pitié qui t’arrête. C’est la fatigue. »  Sans mot dire Feodhan s’agenouilla et nettoya sa lame contre le pantalon de Gripp.*

Le sourire de Lorki devint une grimace sinistre. « Alors Sylvari je vais te demander de sortir d’ici. Un héros comme toi doit montrer l’étendue de son expertise. Je ne te retiens pas : tu n’as que l’échelle à escalader.»

Dans le silence Feodhan s’entendit demander s’il devait vraiment sortir.
« Mais voyons, c’est évident !!! » Lorki le Norn avait le commentaire sarcastique. « Un expert du massacre ne peut que prospérer au dehors ! Occupe-toi de ta survie, essaie de sauver du monde et tu seras un héros ». Feodhan inclina la tête. Lorki prit ce geste comme un assentiment. Il désigna la trappe au-dessus de lui. Sans mot dire, Feodhan escalada l’échelle. Une fois parvenu en haut il tenta d’abaisser la trappe. Celle-ci était coincée. Il tira une fois, deux fois…La trappe s’ouvrit en un déluge de gravats. Toussant, étouffant parmi le nuage de poussière, Feodhan parvint à se hisser hors du cellier…Et tout d’un coup il vit l’air se consteller de taches noirâtres. Tout autour de lui se trouvaient les ruines d’une maison, d’un quartier…Et d’entre les ruines s’élevaient des silhouettes sinistres…
« La peur peut être la source de votre perte… » D’autres mots défilaient devant les yeux de Feodhan. Rapidement il fit quelque pas hors de la maison, qui résonnait maintenant de cris atroces. Un air frais et salé fouetta son visage et lentement les tâches noires disparurent. Désormais libre de l’emprise des gaz toxiques, il se retourna pensivement : des bribes de texte, de lectures faites par d’autres, lui revenaient à l’esprit. « Beaucoup de vapeurs funestes restent au niveau du sol. »  En contrebas, dans le cellier envahi par le gaz, les cris horribles  avaient cessé : ceux qu’il avait tenté de sauver n’étaient plus. il était seul dans une ville en ruine.
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Message par Jeradon Mar 24 Fév 2015 - 23:11

La survivante

Le vent frais d’un après-midi d’hiver apportait les cris et les échos des combats qui se livraient ici où là à travers l’Arche du Lion. Un grincement titanesque força Feodhan à se retourner : au sud la silhouette d’une immense chose métallique en forme de diamant barrait l’horizon. Rien dans ses aventures et ses souvenirs ne lui avait montré une telle chose. C’était probablement la dernière vision des centaines d’habitants qui n’avaient pas pu fuir à temps. Le bruit se tut et Feodhan sortit furtivement du couvert d’un pan de mur.
Une bonne partie des maisons avoisinantes s’étaient effondrées en brûlant mais la maçonnerie de quelques-unes avait tenu bon et offrait un abri précaire hors de vue des patrouilles ennemies –des sylvari déments et leurs alliés- et des navires volants. Mais les eaux du port étaient probablement infestées de kraits et l’ennemi utilisait un gaz mortel qui avait causé la mort de centaines d’habitants. Il fallait quitter, et vite, le champ de bataille.
Feodhan leva le regard et scruta les ruines des environs: tout le poussait à gagner la porte Nord du quartier du Canal, et pourtant il était sûr que la sortie se trouvait au Sud  vers Autrerive. C’était ce qu’avait recommandé Kieran quelques instants avant l’attaque, le jour précédent. C’était peut-être par là qu’était Drellon. Il lui fallait savoir. Feodhan rassembla son énergie et traversa en courant la rue, vers la carcasse d’une maison.

C’est  avec déplaisir que Laneddi vit  ce sylvari accourir : d’abord il faisait assez de boucan pour attirer l’attention des tueurs qui rodaient dans toute la ville. Et en plus elle avait horreur des complications. Il ne lui fallut guère de temps pour sortir du corridor en ruine qui lui servait d’abri.
« Psst viens ici ! »
Elle avait bien calculé son effet : le sylvari sursauta, scruta dans la direction du bruit, et finit par s’approcher. A peine fut-il dans le corridor qu’elle reconnut le visage noirâtre, les feuilles couleur rouille : ce sylvari n’était autre que le mendiant qui avait brutalisé trois autres truands...Avant qu’elle n’arrive et impose l’ordre.
Bien entendu il était incapable de la reconnaitre, mais il valait mieux faire bonne figure et demander de l’aide.
« Enfin quelqu’un ! Après toute cette barbarie ! » Elle frissonna. « Je suis Laneddi, née au matin. Et toi ?
-Je suis Tiegmont, de la nuit! ». Laneddi ne broncha pas. Tiegmont avait bien l’apparence typique d’un sylvari de la nuit, mais son nom avait un je-ne-sais-quoi d’imposture. Peut-être le jeune maladroit n’était-il pas complètement stupide.  Elle le guida vers le réduit où elle gardait ses provisions. Evidemment il ne manqua pas d’être surpris : elle avait un panier de fruits, de la viande séchée, une lampe asura.
« Où as-tu trouvé ça ?
-J’ai tout ramassé.
« Trouvé ?
-Non, ramassé. Les gens laissent trainer des choses qu’ils ne veulent plus : je les trouve et je les utilise »
Tiegmont écouta, s’assit, prit une pomme et mâcha en silence. Enfin il reprit. « Tu n’as pas cherché à fuir ?
-Fuir ? Le massacre continue aux alentours! Je ne pouvais pas tenter de sortir toute seule !
-Moi si, mais il faudrait ruser. Si on se cache à la faveur de la nuit…
-Tu n’as pas pensé à traverser le port sous l’eau ?
Tiegmont la regarda d’un autre œil. « Tu as des respirateurs ?
-Heu oui, mais je ne savais pas trop comment faire pour passer…
-Parce qu’il y a des kraits… »Soupira Feodhan.  « D’accord, très bien…C’est mieux que rien.»
Lannedi comprit que ce jeune sylvari n’avait rien d’un idiot.

Au coucher du soleil ils finirent leurs préparatifs : Laneddi enfila un justaucorps de cuir souple, un pantalon de tissu,  prit son poignard, et mit dans un paquet son arc et son pistolet. Tiegmont portait seulement deux poignards et n’avait que son pantalon et sa blouse.
Elle lui passa une lance pour se défendre sous l’eau. Ils attendirent l’obscurité pour sortir et se faufiler entre les ruines jusqu’aux  rondins calcinés d’une jetée.
L’instant d’après ils nageaient parmi les épaves. L’eau était trouble et froide, et par instant leur parvenait un grincement infernal venant du Sud. Ils prirent la direction opposée vers ce qui avait été la place du marché. Ils avançaient sans difficulté, mais le grincement et les grondements assourdis qui leurs parvenaient les incitaient à faire de fréquentes pauses et à se cacher parmi les décombres engloutis  dès qu’un bruit suggérait une présence hostile.  
Des ruines englouties ou du danger des kraits, Laneddi ne savait pas ce qui était le plus effrayant. D’entre la vase elle apercut l’enseigne d’une taverne qu’elle avait fréquentée des mois durant. Ailleurs le môle où s'arrimaient des galions était devenu un récif parsemé de débris.

Ils finirent par faire surface : non loin de là les décombres de la grand-place s’étaient effondrés dans les eaux troubles. Laneddi jeta un regard rapide en direction de ce qui aurait dû être un quai et n’était plus qu’une pile de gravats.  Glacée, elle comprit que la route vers la porte Nord était bloquée.
Et déjà à travers le port résonnaient des hurlements frénétiques accompagnés du son des cors de guerre. Tiegmont désigna les profondeurs. Elle comprit et le suivit sous l’eau.

Cette fois il était  en tête.  Serrant les dents, la douleur vrillant ses tympans Laneddi descendit au plus profond du port,  près du sol rocailleux. Ils n’avaient plus le choix, d’ailleurs: à travers l’onde résonnaient les grondements des kraits.
Enfin Tiegmont entama la remontée.  Ils laissèrent sous eux les roches crevassées des profondeurs et frôlèrent une falaise. Sans qu’elle s’en rende trop compte elle émergea sur un haut fond sableux, abrité par des rochers dressés un peu partout. Déjà Tiegmont se tenait à l’abri. Au-delà, à quelques pas d’eux se trouvait l’étendue d’une plage. Un transporteur draguerre venait d’y déposer un trio de ratniks armés de fusil.

Silencieusement Laneddi rejoignit Tiegmont. Les rochers éparpillés  les protégeaient des regards inquisiteurs. Il désigna du pouce les draguerres. « On va les supprimer. Tu as l’armement pour ça ? » La question avait été un chuchotement glacial. Laneddi acquiesca silencieusement. Du paquetage elle sortit son pistolet. Le regard de Tiegmont se fixa sur son arme, son visage triangulaire et ses bras lustrés tout en  feuilles orangées.
Laneddi comprit et ses explications devinrent un chuchotement frénétique : « Tu n’as rien à craindre, et je ne voulais pas te supprimer. Je t’ai seulement tiré des griffes des pillards. » Tiegmont ouvrit la bouche avant de la refermer. Laneddi conclut : « Il faut que tu me fasses confiance. C’est la seule solution pour qu’on sorte vivants de ce port. »
A contrecœur, Tiegmont acquiesça. « Fort bien… Pars en avance… J’arrive avec des renforts. »
Elle n’avait pas le choix. Laneddi étreignit son pistolet, s’empara de son couteau et se faufila à travers la pénombre. Elle avait fait à peine quelque pas qu’elle entendit un sifflement surnaturel. Elle eut à peine le temps de voir une créature de ténèbres s’abattre sur le groupe de draguerres. Du sable s’éleva une vapeur corrosive. Les draguerres eurent à peine le temps de crier. Déjà certains s’effondraient, le sang suppurant par le museau. Et d’un coup tout changea : un sifflement plus sinistre retentit encore, et de l’onde surgit la silhouette blanchâtre du plus grand krait que Laneddi ait pu voir. La chose se dirigeait droit vers l’endroit où se trouvait Tiegmont et déjà les ténèbres engloutissaient  les rochers avoisinants. De toute part retentissaient des cris d’agonie.

Laneddi ne voulut pas voir l’agonie de son compagnon d’aventure. Silencieusement elle s’enfuit.
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Message par Jeradon Jeu 26 Fév 2015 - 0:01

L’incandescence des maladresses.

Des fleurs pourpres s’épanouissaient avant de se résorber dans le néant en une palpitation de formes incroyables. Des sons devinrent des voix.
Enfin vinrent les mots : « Feodhan, reviens…Ecoute moi et reviens... »

Un vertige saisit Feodhan. Il ouvrit les yeux et découvrit des formes confuses qui se déplaçaient tout autour de lui. Une silhouette s’avança. « Enfin ».Quelqu’un lui prit la main « Je croyais bien t’avoir perdu. Une autre main se plaça sur sa poitrine. « Expire… laisse passer l’air ».

Une sensation de fraîcheur glaciale l’envahit. « Inspire maintenant…vite ! » Lentement la tiédeur revint dans tous ses membres. Lentement les alentours devinrent reconnaissables.

Il était sur une paillasse dans une pièce envahie par la poussière et la pénombre. Il pouvait voir les contours pourpres du visage de Drellon, agenouillé à ses côtés, et dans sa voix il entendait un sourire de soulagement. « J’ai bien cru que le poison finirait par t’avoir. »
Les souvenirs confus d’une bataille revinrent à Feodhan. Il murmura « Les kraits…
-Le krait. Un hypnoss, et comme tu ne savais pas métaboliser la toxine qu’il t’a injectée...Il a failli t’avoir. »
La silhouette de Drellon se leva avec effort « Mais c’est réglé maintenant. » Feodhan lui retourna à son tour un regard soucieux. Pour le ranimer, il avait bien fallu que quelqu’un fasse disparaitre ou mieux encore absorbe le poison.  Drellon était fort capable d’absorber le poison et de pouvoir en déjouer les effets.

« Comment as-tu fait pour te fourvoyer face à un hypnoss ? » reprit Drellon.
« C’est ma faute » L’amertume de Feodhan était patente dans sa voix. « J’ai envoyé Laneddi en avant et… »
-Laneddi ? » Drellon avait l’étonnement poli qui accompagnait les questions gênantes. « Qui est-ce » ? Feodhan devait présenter les choses de la bonne façon. Il reprit : « Une voleuse sylvarie. Pas le genre du Bosquet, plutôt une pilleuse de ruines.
-D’accord. Donc ce n’est pas une petite chérie qui aime les fleurs mais déteste les coups.
-Non c’est plutôt une chasseresse qui n’hésite pas à se débarrasser de ce qui la gêne. »  

Feodhan se redressa et huma l’air du soir : une lucarne se trouvait en haut du mur derrière lui. Une explosion lointaine illumina brièvement la pièce et il entrevit à l’autre côté de la pièce, avachie sur un lit, la silhouette d’un humain.
« Qui est ce ?
-Lui, oh, c’est maître Chang !
-Maître ? » La curiosité de Feodhan était piquée.
-Oui c’est ainsi qu’on appelle certains sages humains. Dans le cas qui nous intéresse, maître Chang me gardait prisonnier pour conspiration, et ce en dépit de mes efforts pour le convaincre. Depuis le bombardement d’hier après midi il est considérablement plus accommodant, et son expérience aidant, nous atteindrons la Porte de la Côte de la Marée Sanglante.  
-Atteindrons ?
-Oui demain au petit jour. Par ici, les draguerres sont en alerte et entendent le moindre bruit. Au petit matin c’est autre chose. C’est aussi à ce moment que la brise entraîne l’air vers la baie. Nous partons donc dans quelques heures.
-Avons-nous des nouvelles de Caran…Du Baron ?
-Drellon redevint sérieux : « Feodhan, la situation est plus grave que nous le pensions. Les sylvari qui mettent la ville à feu et à sang, sont des membres de la Cour manipulés par un commanditaire mystérieux. Toute la Cour est surprise, et nos associés humains ne savent où donner de la tête. Crois-moi il vaut mieux déguerpir et prendre une nouvelle identité. »

Feodhan acquiesça et une attente silencieuse commença. L’humain restait immobile et silencieux. Feodhan pensait à tous ceux qu’il avait rencontrés ou abandonnés dans le champ de ruines qu’était devenue l’Arche du Lion. Un murmure de Drellon rompit le silence.
-Feodhan…
-Oui ?
-Il faut que tu saches…Que de toi j’acceptais ta maladresse, ta disparition…Et que j’ai eu terriblement peur de te perdre. Et maintenant…On dirait que tu es changé. Quelque chose en toi est plus froid, plus féroce…Un jour tu n’auras plus besoin de moi. Mais je te demande, s’il te  plaît, de ne pas me laisser seul. »
Feodhan resta silencieux. Drellon n’avait jamais parlé ainsi auparavant. Enfin il finit par répondre : « N’aie crainte. Tu m’as tout appris…Même l’amour. »

Il n’y avait rien d’autre à dire, et d’ailleurs la lueur du petit jour apparaissait. Drellon se dirigea vers le fond de la salle, ouvrit une caisse et commença à en sortir des armes. « Voilà un bâton, une hache, un cor, un focus. Cela devrait suffire. »
Feodhan passa les armes en silence.

« Maintenant, va faire le guet dehors. Il y a un sentier qui descend vers le Fort Marin, assure toi qu’il n’y ait personne. »
Feodhan regarda les armes, surpris « Tout est de facture Asura ?
-Naturellement. J’ai gardé mes contacts à Rata Sum. Maintenant plus un mot et décampe ! »
Feodhan sortit de ce qui avait été une demeure imposante et scruta rapidement les environs. Il était non loin d’une route à flanc de montagne. Une brume épaisse étouffait les sons, et on pouvait seulement entendre le ressac en contrebas.  Il progressa silencieusement vers un roc un peu plus loin sur la route: personne en vue. Quelques instants plus tard Drellon le rejoignit, seul.
« Et l’humain ?
-Maitre Chang a dû nous quitter et jouit maintenant d’un repos bien mérité. » Répondit Drellon avec un petit sourire. « Descendons vite vers la sortie, nous devons passer un poste de garde avant que le brouillard ne se lève. »
Ils suivirent discrètement le chemin et quelques instants plus tard ils purent entendre le piaillement des Draguerres et le grondement des Charrs.

Ils firent demi-tour et à peine furent ils hors de portée d’oreille que Drellon exposa son plan : il suffirait de ramper en contrebas le long du versant de la falaise pour leurrer les gardes. Après celà il  n’y aurait qu’un seul poste de garde qu’on passerait en force. « Pour cela il faudra invoquer notre sceau de rapidité et notre sceau de vampirisme ». Silencieusement ils passèrent les médaillons. L’instant d’après ils descendaient le versant en contrebas.  La pente était extrêmement raide et bientôt ils durent s’arrêter avant d’entamer une progression maladroite le long du versant.  La terre rocailleuse, et la pente abrupte ne facilitaient pas la tâche, et de longues minutes s’écoulèrent avant qu’ils n’entendent les bruits de la conversation des charrs et des draguerres, un peu plus haut sur la route.
Ils reprirent leur progression le plus silencieusement possible et bientôt les bruits de la conversation commencèrent à décroître.  

Pourtant quelque chose n’allait pas. Soudainement quelqu’un au-dessus d’eux poussa un cri. Feodhan vit Drellon lancer une malédiction, et le claquement d’un fusil sonique retentit.  Déjà on entendait l’appel des autres gardes. Rapidement Feodhan évoqua une ombre. La créature de ténèbres apparut et escalada le versant en quelques secondes. L’instant d’après les cris suraigus d’un draguerre déchiraient l’air.  Drellon devint surexcité « Vite ! Il faut tomber sur le poste suivant avant que les autres n’arrivent ! »

Ils se hissèrent vers la route, et  détalèrent alors même que leurs poursuivants allaient les rattraper. Ils couraient comme le vent, emplis d’une énergie surnaturelle, mais Feodhan savait que leur course ne les tirerait pas d’affaire. Déjà en avant on entendait les bruits d’une troupe qui montait dans leur direction. Du brouillard surgit une colossale silhouette de flammes entourée de Charrs armés d’épées et de fusils : une Effigie de flammes arrivait avec ses serviteurs « Brisons leur assaut ! »Hurla Drellon. Alors même qu’il lançait sa hache vers le ciel, Feodhan s’empara de son bâton et tendit le bras dans la direction des ennemis. Soudainement ceux-ci s’effondrèrent en proie à une douleur intense et à un froid pénétrant. Mais il en fallait plus pour arrêter l’effigie. Elle tendit un bras vers Feodhan, et celui-ci sentit une chaleur intense. Drellon poussa un hurlement et brandit sa hache vers la créature. Soudainement des étincelles jaillirent de son corps alors que des dizaines de coups la heurtaient.  

Elle se retourna et chargea vers Drellon. « Cours Feodhan, la porte n’est pas loin ! »

Celui-ci s’élança, dépassant les Charrs tordus de douleur. Il jeta un coup d’œil en arrière et vit l’effigie courir vers Drellon, manquer le sylvari, trébucher et tomber dans le précipice. « Elle n’est pas complètement détruite ! ».

Ils reprirent leur course effrénée, atteignant le sentier au bas de la falaise avant de s’arrêter net. Devant eux se tenait une rangée de Charrs armés de fusils et de lance flammes. Derrière on pouvait entrevoir les contours d’une barricade. Feodhan hurla une incantation et fonça comme un dément vers le rang des Charrs. Devant les yeux de Drellon il devint une silhouette de ténèbres courant au-devant des balles, apparemment insensible aux coups. Pourtant il ne durerait pas longtemps : quatre ou cinq Charrs feulaient à l’agonie, quelques autres s’étaient enfuis, mais le reste des soldats  s’était dispersé et tiraillait sur la silhouette de ténèbres.
Quelques instants plus tard le sortilège, se dissipa, Feodhan réapparut et quatre tirs l’expédièrent au sol. Le nécromancien sylvari laissa la douleur déferler dans son corps, et roula sur lui-même.  Le sang suintait abondamment de ses blessures, un froid l’envahissait, et aucune victime n’était à portée…Un hululement inhumain retentit : Feodhan leva les yeux et vit la silhouette de Drellon se tordre et devenir immense. Bientôt un spectre verdâtre planait au-dessus du champ de bataille. Ce fut la débandade parmi les Charrs.  Les armes leur tombaient des mains et ils couraient affolés loin de cette silhouette qui abattait les plus valeureux des leurs.

L’un d’entre eux passa à portée de Feodhan et n’eut pas le temps de comprendre son erreur : la vie le quitta, aspirée par le nécromancien, en quelques secondes.
Feodhan se releva : le spectre de Drellon avait dispersé les troupes, la voie était libre. Il se rua vers le défilé qui menait vers la mer. Il ne comprit son erreur que bien trop tard : ses feuilles s’embrasèrent sous le souffle d’un lance flammes Charr.  

La douleur l’enveloppait d’un linceul de flammes Il n’avait qu’à se laisser consumer comme un papillon en flammes, et pourtant Feodhan continua de courir. Il eut beau invoquer un démon de sang  et le faire éclater, la douleur et les flammes ne le quittaient pas. Il courut pourtant, et courut alors que les flammes le réduisaient en une silhouette noircie. Il finit par s'effondrer sur le sentier de sable fin.
« NON » ; Drellon surgit en courant, empoigna  son bras, et à l’instant Feodhan sentit la douleur refluer. Les feuilles calcinées de ses membres laissèrent  bientôt  la place à d’autres sur son corps.  
Drellon n’attendit pas qu’il se remît debout : déjà il l’entraînait à travers le défilé « Fou, maladroit, ignorant que tu es !!!Tu aurais pu mourir comme un rien ! Tu aurais pu finir à quelques pas de la liberté ! »
Feodhan ne put que hocher la tête, et titubant, il se laissa entraîner hors de l’Arche vers la Côte Sanglante.
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Lun 6 Avr 2015 - 4:02


Au bord de la route .


La douleur irradiait le visage de Feodhan. Les yeux fermés il pensait au soleil, aux fleurs et aux flamboiements de couleurs dans des buissons d’un vert intense.
Enfin Drellon cessa d’appliquer l’onguent sur son visage. « C’est presque parti » dit-il avec satisfaction. « Dans deux ou trois jours les feuilles desséchées seront remplacées et ton visage aura retrouvé son lustre. » Affectueusement il reprit « Et les semaines précédentes ne seront plus qu’un mauvais souvenir. »
Feodhan soupira et s’assit sur le lit de camp. La douleur refluait quelque peu, mais elle ne disparaîtrait qu’à la fin du jour.
« Bon, épargne-moi la discussion de jardinier. » Il rouvrit les yeux et contempla le visage indigné de son amant. « On a survécu au massacre de l’Arche du Lion, mais…
-Mais il faut du temps pour oublier la caresse d’un lance-flammes » Coupa Drellon d’un ton sec. Il se releva et ajusta sa chemise. « Moins de temps en tout cas qu’il n’en faut pour réaliser qu’on peut secouer sa carcasse… » Il passa son manteau de gros drap « Et apprécier les saveurs de la vie. » Il mit son tricorne, et d’un pas vigoureux il sortit dans la cour du refuge.

Feodhan le regarda sortir  dans l’après-midi radieux et secoua la tête. Deux semaines…Cela devait faire deux semaines qu’ils avaient pris leur service parmi les garde-lion du refuge.
Quelques heures à peine après leur évasion de l’Arche, Drellon avait trouvé les deux cadavres ensanglantés. Ils avaient encore leurs uniformes et leur livret militaire. C’avait été un jeu de prendre leur identité. C’est ainsi que dans un délire de douleur Feodhan avait endossé un uniforme bleu sombre et avait pris le nom de Grufydd Soirpaisible.  Au moins c’était plus typé qu’un nom comme « Vertefeuille ». Quant à Drellon ç’avait été Aneirin Jourdesang. Et c’est ainsi qu’ils avaient commencé leur service de garde-lion au refuge des Collines de Portage.

Au dehors un rugissement retentit : «Grufydd ! T’es où espèce de salade noirâtre ? Ramène-toi tout de suite ! »
En soupirant Feodhan enfila sa veste et quitta le dortoir.
Au dehors un charr trapu secoua sa crinière orange. « Tu t’es enfin décidé à bosser ? Suis moi en vitesse à la cuisine il y a du boulot ! ». Car si Drellon avait été d’emblée affecté aux patrouilles sur la route, Feodhan s’était une fois de plus retrouvé aux cuisines. Mais cette fois la cuisine du point de portage n’avait rien à voir avec une cambuse de troquet où même avec une baraque à frites…

Au fil du temps les charr de la garnison avaient décidé du style culinaire, et depuis un bon moment, le grill et les broches avaient pris la place des casseroles et des chaudrons.  Feodhan y avait gagné un apprentissage rapide des diverses façon de cuire la viande, sur le grill, en sauce ou en potage. Et alors qu’il traversait la cour du refuge au pas de course, il se demandait combien de temps faudrait-il attendre avant qu’on puisse ajouter des fruits et légumes frais aux plats.
Il en avait déjà parlé au cuistot, Grondeur Tranchecouenne et celui-ci l’avait regardé de ses prunelles jaunes avant de rugir. «  Et faire des soupes aux herbes aussi ? Tu rigoles Grufydd ! La moitié de la garnison serait malade et il y aurait du dégueulis partout !!! ». On en était donc resté au panier de fruits (réservé aux autres) pour le dessert.

Le grondement de Tranchecouenne rappela Feodhan aux priorités immédiates : « Gruffydd, secoue toi les bourgeons, et sors moi le bœuf salé, on a une grosse commande pour ce soir !!! ». Il fallut attendre que la viande mijotât pour en apprendre plus.
« On a reçu un message. » Commença Tranchecouenne « Il y a une grosse caravane qui vient de Lornar. Je vois ça d’ici : il doit y avoir des marchands des militaires, des sacs à puces en panne d’aventures…Bref une petite foule, et il va falloir nourrir tout ce monde. »  Il réfléchit quelques instants avant de reprendre. « Mais peut-être qu’ils vont pouvoir nous aider contre les pirates. Ces derniers temps on ne peut pas sortir pisser sans se prendre une embuscade dans le dos. »

Feodhan acquiesça : en fait le point de portage était pratiquement en état de siège, et la garnison était sur les dents. Du coup des éclaireurs partaient en avant-garde dès que les Charr devaient sortir.
« En attendant la population va quadrupler dans ce tas de pierre » reprit le vieux Charr. Ramène moi quatre moas marinés, et en vitesse ! »

Quelques heures plus tard, et alors que le soleil commençait à teindre les murs en orange, les premiers arrivants de la caravane parvenaient au refuge, sans montures de guerre, sans armes rutilantes, mais avec des bœufs lourdement chargés. L’heure durant, un flot incessant de voyageurs passa les portes du refuge, et bientôt la cour du refuge se mit à résonner d’appels et de discussions dans tous les accents de la Tyrie.   Et finalement d’entre les marchands et soldats parurent  des voyageurs aux accoutrements bigarrés qui arboraient des armes brillant de toutes sortes de reflets.
A cette vue Tranchecouenne s’était contenté de grommeler « Héros de caravane… » En faisant bien comprendre qu’il n’avait absolument aucun respect envers ce genre de lascars là. Entre temps Feodhan avait commencé à servir la soupe aux clients. Et quand Drellon apparut avec une  patrouille de charr, fatigués et affamés, Tranchecouenne envoya Feodhan les servir.

Les Charr protestèrent quant à la taille des quartiers de viande qui surnageaient dans ce qui paraissait plus à un sauté de bœuf qu’à une soupe. Drellon, lui,  s’assit et prit l’écuelle des mains de Feodhan. « Merci. Assieds-toi. » En dépit de sa fatigue Drellon gardait toujours son autorité tranquille.
A la différence des charr il mangeait lentement et parlait d’une voix sourde «Il va y avoir davantage de monde sur les routes. » Reprit-il. « Il faudra faire des provisions. Rejoins-moi ce soir sur les remparts. Il faudra qu’on en discute. »
Il n’y avait rien d’autre à dire. Feodhan attendit que tout le monde eut fini avant de reprendre les écuelles et de retourner aux cuisines. Et bien entendu Tranchecouenne l’accueillit avec des rugissements de rage. « Gruffyd ! Par les c… pourries des chamans Ogres ! Je t’avais dit de les servir, pas de leur faire causette ! Occupe-toi des clients tous de suite ! » Et d’une patte dominatrice il avait désigné la cour envahie par les voyageurs et les animaux de bât.  C’avait été le début d’une soirée chargée comme Feodhan en avait rarement vue.
La nuit était tombée depuis longtemps quand pots et chaudrons récurés, Feodhan put enfin retrouver Drellon au sommet des remparts. Ce dernier l’attendait, impassible. A l’approche de Feodhan il se remit à contempler les  frondaisons en contrebas remparts.
« Il y a du nouveau » Commença-t-il d’une voix sourde. « D’abord ceux qui ravagent l’Arche du Lion sont au service d’une destructrice célèbre. Elle s’appelle Scarlett Bruyère c’est une sylvarie et elle n’a rien à voir avec la Cour. En fait elle est le produit du pèlerinage scientifique d’une idiote du nom de Ceara.  Elle était partie à Rata Sum et elle avait pris part à plusieurs expériences avec des asuras…Elle y a gagné des connaissances immenses et un goût pour la destruction immodérée. Ne m’interrompt pas s’il te plaît. »

Des profondeurs de son manteau il sortit une pipe de vieux bois et la bourra d’une étoupe d’herbes séchées. « On ne sait trop comment, elle a réuni une armada de vaisseaux volants d’une ampleur jamais vue, et elle l’a lancée contre l’Arche du Lion. Elle s’est aussi assuré le concours de Draguerres, de Charr de la légion de la Flamme, et de renégats de la Cour. La suite tu la connais. » Il alluma la pipe avant d’exhaler un filet de fumée verdâtre. « Et depuis, elle se contente de ravager la ville. Du moins c’est ce que tout le monde aux alentours est en train de croire. »
De sa pipe il désigna la caravane en contrebas. « Ces types-là sont en route pour l’Arche. La moitié se préparent à envahir les ruines et à les disputer aux malades qui servent Scarlett. L’autre moitié va établir une sorte de comptoir commercial dans les environs. » Il attendit les commentaires de Feodhan.
« Il va y avoir d’autres caravanes sur cette route.
-Tu l’as dit. Dès que des histoires de héros héroïques livrant bataille commenceront à se répandre on verra des bataillons de candidats au massacre encadrés par des chefaillons sans talent se lancer à l’assaut.  Scarlett pourra ériger des monceaux de cadavres mais elle finira par être défaite. Apparemment sa stratégie est sans espoir.
- Et nous attendons ? »
Drellon exhala une autre bouffée verdâtre dans un soupir de plaisir. « La situation va se décanter assez vite. Il va te falloir surveiller cette route. Je vais demander au Shérif ton transfert aux équipes d’escorte. »
Il frissonna « Rentrons, je suis fatigué et notre veille est finie depuis longtemps. Il nous faut quelques heures de sommeil. » Et lentement il descendit vers la cour illuminée par les feux de camp qu’avaient allumés les voyageurs.

Au cours des jours suivants, les prédictions de Drellon se concrétisèrent : les convois en route vers l’Arche succédaient aux convois.  Si Tranchecouenne put regarnir son garde-manger avec les viandes salées, les patrouilles sur la route étaient sur les dents. Comme l’avait fait remarquer Masse Cassecrânes le shérif du refuge « Les pirates n’ont que l’embarras du choix ».  Mais les jours s’écoulèrent sans qu’on entende parler d’une attaque. Et bientôt ce mystère cessa de préoccuper Feodhan et le reste du refuge.

Un soir un gémissement étrange retentit à travers toute la contrée. Vers l’Ouest une lueur flamboya brièvement. « Scarlett » Fit remarquer Drellon. L’instant d’après le point de transport Asura en face des portes  flamboya d’une intense lueur blanche avant de s’éteindre.
Ce n’est qu’au lendemain à que l’on vit les premiers réfugiés venant de l’Arche. Ils arrivaient en bandes, en tirant derrière eux ce qu’ils avaient pu sauver. Certains n’avaient que ce qu’ils avaient pu rassembler dans un sac. D’autre avaient des carrioles à bras. Tous paraissaient hagards. Quelques-uns s’arrêtaient en face des portes et considéraient d’un air incrédule les autres voyageurs et les garde-lions. D’autres franchirent le portail s’assirent au sol et couvrirent leur visage de leurs mains.
A un signe de Tranchecouenne Feodhan fit le tour de ceux qui paraissaient les plus   démunis, et distribua de vieux biscuits.  Parmi ces miséreux il ne vit aucun petit humain, et il n’y avait pas davantage d’anciens. Il tenta bien de leur parler mais aucun ne répondait.

Il avisa une humaine qui contemplait d’un regard absent les tukawas au bord de la route. Feodhan s’approcha : « Ce sont de beaux arbres, et leur bois est souple. »  Mais la femme ne se préoccupait pas des conifères. Elle ne répondait pas.  Feodhan reprit « Pourquoi partez-vous si loin ? Fuyez-vous quelque chose que vous avez laissé derrière vous ? »  La femme finit par jeter un regard horrifié à Feodhan et poussa un cri strident.
Il eut beau s’excuser les gardes lions s’interposèrent, et on emmena la femme à l’écart.  
Un vieillard avait regardé l’incident. Feodhan s’approcha, un sourire bonhomme sur la figure. Une voix l’arrêta : « Tu ne peux comprendre ce qui leur est arrivé. »
Il releva la tête. Un étranger vêtu de cuir noir,  fusil en main le contemplait d’un regard indéfinissable. Il poursuivait « Nos vies ont été amputées à l’Arche, comme jamais…». Il avait un peigne de bois noir planté dans la chevelure crasseuse, et un visage hâve mal rasé.  Pourtant  Feodhan reconnut Mathanu Debrume .
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Message par Jeradon Jeu 16 Juil 2015 - 20:13

Sous le Tukawa flétri

Une voix gronda derrière Feodhan. « Qu’est ce qui se passe ici ? »
Stupéfait Feodhan se retourna et fit un salut impeccable à un Charr  au pelage noir strié de marques rougeatres.  Son armure arborait des médailles d’officier, et sur son museau on pouvait lire une exaspération croissante.

« Repos ! » Feodhan  se détentit imperceptiblement : le lieutenant  Rasha Forgechaines ne tolérait pas le laxisme chez ceux qui avaient le malheur de se trouver face à lui.
« Garde-Lion Gruffydd Soirpaisible ! Arrêtez vos imbécillités avec les crève-la-misère et rendez-vous au bureau du Shérif. Exécution !!! » .
L’ordre était sans appel. Avec soulagement Feodhan s’en fut, évitant la harangue exaspérée de l’officier.
Le bureau du Shérif Masse Cassecrânes se trouvait au bas de la tour principale à l’autre bout de ce qui était d’habitude une cour intérieure, et ressemblait maintenant à un campement de grawls  miséreux.  Feodhan se força  à ignorer les silhouettes assises  autour des carrioles à bras et passa en hâte dans les quartiers du Shérif. A vrai dire,  le bureau évoquait plutôt l’antre d’un chasseur. Au mur s’alignaient les têtes empaillées de ce que Cassecrânes avait chassé ou rencontré. Il y avait là les têtes jumelles d’un ettin, la face contorsionnée d’un troll, et le crâne coiffé d’un foulard d’un pirate. Feodhan n’eut pas trop le temps de détailler : le shérif concluait une discussion sérieuse avec Drellon. « Gruffydd. Asseyez-vous ! » Gronda le Charr.
Sans mot dire, Feodhan prit un tabouret et leva un regard impassible vers les prunelles verdâtres du Shérif. Ce dernier tendit la patte vers un bock de cuivre et le porta à sa gueule. « Bien. Gruffyd, on me dit que vous êtes un bon cuisinier et je n’ai pas de problème à le croire. Par contre on me dit aussi que vous seriez à l’aise si vous voyez de l’action. J’ai peine à le croire, mais Aneirin ici présent me garantit qu’il vous pilotera pendant quelques jours. »
Feodhan ouvrit la bouche pour exprimer ses remerciements. Casse crânes l’interrompit : « Laissez tomber, et partez-vous mettre un truc sur la moitié gauche de votre visage. Avec cette gueule vous allez faire peur aux gens. »

Il n’y avait rien à dire. Feodhan fit un salut  au Shérif (qui n’en avait cure) et sortit suivi de Drellon. Une fois qu’ils furent dehors ce dernier se retourna vers Feodhan. « Te voilà devenu mon second. On va voir ton cuistot et lui annoncer la bonne nouvelle. Et après ça tu pars en repérage avec moi. »

L’après-midi était déjà bien avancé quand ils arrivèrent près d’un bosquet de tukawas près de la route. Les arbres se dressaient sur une butte surplombant la baie. En contrebas on pouvait voir la mer envahir lentement le rivage boueux. « C’est là » Déclara Drellon. L’endroit n’avait rien de particulier. « Là pour quoi faire ? »  Feodhan avait l’impression d’être un parfait idiot. Le regard de commisération de Drellon conforta ce sentiment. « Ne t’en fais pas. Va vérifier si on ne nous a pas suivis. » Se sentant de plus en plus stupide; Feodhan invoqua une ombre et marcha aux aguets le long de la route. Quand il revint, Drellon finissait d’attacher quelque chose à la patte d’un corbeau.
« Que fais-tu ? »
-Comme tu le vois j’attache un message à la patte de l’oiseau. »

Drellon avait le commentaire acerbe.
« D’accord…Et que dit le message ?
-Que dans la soirée un convoi mal escorté devrait passer par ici. »
Feodhan hocha la tête en entendant ces mots « Et je suppose qu’on attendra ces voyageurs.
-Exactement. Mais cette fois ce ne sera pas nous. »
Feodhan scruta les yeux verts de son compagnon. Il y lut  la dérision qui accompagnait l’explication d’un plan.
« C’est-à-dire ?
-Nous avons de nouveaux associés. Ils veulent du butin et des prisonniers. Ils redistribuent une partie des profits au Baron…Et nous reversons une partie de notre richesse au profit de nos autres associés.
-Le capitaine Malatesta ?
-Entre autres. Le Baron a toujours été fasciné par le Promontoire Divin. » L’oiseau s’envola lourdement vers Lornar.  Drellon le suivit du regard. « En attendant nous restons Garde-Lions. » Il sortit sa pipe et commença à la bourrer d’une herbe malodorante. «  Et aussi Feodhan…
- Oui ? »
Drellon approcha une allumette à sa pipe. « -Ne fraye pas avec les humains du refuge. Moins ils en savent mieux c’est. »

Même si à son retour au refuge Feodhan se tint à l’écart, il ne put s’empêcher de remarquer le spectacle des réfugiés qui s’installaient dans la cour.  Certains, aggroupés partageaient une maigre pitance. D’autres gisaient sur un grabat sommaire. Feodhan avisa la silhouette étique d’une femme veillée par deux autres miséreux.  Deux gardes charr avaient commenté le spectacle avec le fatalisme réservé aux humains : « Pauvre créature, elle aurait mieux fait de crever dans la bagarre plutôt que de macérer dans sa misère sur un lit pourri ».
Feodhan aurait dû être accoutumé à ce genre de  spectacle. Et pourtant, cette nuit-là, étendu dans son lit, il passa de longues heures à regarder le plafond sans le voir.
Au petit matin, il revint pour voir si l'humaine était encore vivante. A ses côtés se tenait un vieux. Le regard fixé dans le lointain il ne répondait pas aux questions. Feodhan allait repartir quand une voix lugubre l’interrompit. « Il revoit tous  les noms de ceux de sa famille qui ont péri dans l’assaut sur l’Arche. »
A l’insu de Feodhan Mathanu s’était approché. Le nécromancien sylvari scruta son regard et il n’y vit qu’un désespoir muet. Il regarda ce visage aux joues creusées par le désespoir : il n’y reconnut pas l’ingénieur fier et ombrageux qu’il avait côtoyé quelques semaines auparavant.  Enfin il lui demanda « Qui es-tu ? »
L’humain le regarda surpris. « On m’a dit que tu t’appelais Gruffydd Soirpaisible ?
-C’est vrai. » Répondit Feodhan avec aplomb. « Et toi ?
-Mathanu…Mathanu Debrume.
-Mathanu, je suis désolé… »Les mots lui avaient échappé et Feodhan se maudit intérieurement.
«Ne t’en fais pas. Ceci n’a aucune importance. » La réponse désarçonna Feodhan. Sans réfléchir il reprit : « Que…Qu’est ce qui n’a aucune importance ?
-Tout le reste… » Et d’un pas lourd Mathanu s’en fut. Feodhan  contempla le regard éteint du vieillard assis au pied du grabat. Cette fois il put lire le désespoir.

Bien sûr Drellon n’avait rien perdu de l’échange, et c’est en termes acerbes qu’il le reprocha à Feodhan.
La dispute aurait pu s’éterniser si Grondeur Tranchecouenne n’était pas survenu. Avec le départ de Feodhan il était resté seul à assurer la bouffe pour tout le monde, et bien entendu était en train de devenir fou. Avec lui arrivait Cassecrânes. Ce dernier n’avait qu’une opinion : « C’est à la taille des rôtis qu’on gagne les batailles… » Et d’emblée il décida de l’arrangement suivant : Feodhan partirait en expédition deux jours par semaine. Le reste du temps il resterait aux cuisines.
Drellon dut partir seul, et Tranchecouenne, soulagé, envoya Feodhan acheter les provisions auprès des marchands qui s’arrêtaient au refuge.  La femme qui lui fournit les moas était une grande Norn brune, de toute évidence peu familière dans l’art d’attraper les volatiles encore vivants et de leur attacher les pattes. Aux questions de Feodhan elle expliqua qu’elle payait ainsi son voyage vers l’Arche du Lion. Son patron la houspilla au moins aussi violemment que Tranchecouenne et la conversation en resta là.
Ce n’est qu’au soir, avec les derniers voyageurs de la journée que rentra Drellon. Il n’eut qu’une question : « Cet humain était avec nous pendant le voyage vers Cornabonde. Est-ce qu’il nous a reconnus ?
-Tu veux rire ? Il a l’air d’avoir mal vécu sa survie à l’Arche. Il est complètement perdu !
-Tant mieux. S’il fait le moindre geste, s’il te met en danger, il est fini. »

Devant la mine sinistre de son amant Feodhan se tut.
Au matin suivant toutes ces discussions n’avaient plus grande importance : une patrouille avait retrouvé les morts d’une caravane partie depuis Lornar. Tout indiquait une attaque de pirates.
Et si comme le dit  Tranchecouenne « C’était trop beau pour durer », les Charr ne tardèrent pas à se mettre sur le pied de guerre. Bientôt le refuge vécut au rythme d’un camp retranché. Les Charr avisèrent Mathanu, décidèrent de recruter cet humain bizarre, le mirent à la forge et le firent trimer comme un forcené. Après quelques jours les armureries étaient suffisamment achalandées pour que les  voyageurs pussent acheter des armes aux Charr. Désormais, marchands et miséreux s’entassaient dans la grande cour  en attendant de partir au matin en cortège sous bonne escorte. Le vendeur de volaille finit par décamper, laissant sa servante Norn sur le carreau avec un pécule symbolique.
Quant à Feodhan il alternait des journées épuisantes à la cuisine, et des sorties oppressantes le long de la côte. Drellon quant à lui affectait la plus grande vigilance, même s’il confia à Feodhan durant une sortie : « nos affaires vont bien ».
Et en fait les pirates étaient de plus en plus présents.  Un soir, au crépuscule un sergent Charr héla Feodhan  du haut des remparts. « Hé Gruffydd viens par ici !
Sur le parapet les deux guetteurs Charr étaient en discussion avec Mathanu. Ce dernier avait en main un long fusil. Un des charr le désigna. « Voilà Gruffydd, Mathanu  a mis au point un fusil qui est censé  démolir un pirate du premier coup. Regarde vers le bois et dis-nous si tu vois une silhouette. Si c’est le cas, ça doit être un pirate et Mathanu l’allume. »
Feodhan scruta les frondaisons. En contrebas quelqu’un s’agitait. Mathanu mit en joue, une détonation retentit, et la silhouette se plia en deux. Frénétiquement Mathanu ouvrit le fusil, inséra une nouvelle balle dans le canon…Mais la silhouette avait disparu. Les charrs feulèrent leur rigolade. Enfin l’un d’entre eux posa une large  patte sur l’épaule de Mathanu. «  Pas mal, souris, mais c’est pas assez bon. Je vais te montrer ce qu’on sait faire avec nos pétoires. »
Il s’accouda au rempart et on aligna trois fusils chargés. « Ils sont moins précis que ton machin mais ils font mal quand ils touchent. » Le Charr désigna quelque chose d’un coup de menton. « Vois plutôt ». En un clin d’œil il épaula son arme et tira ver un arbre en contrebas. « Raté. Suivant.
On lui passa en hâte un deuxième fusil. Le charr ajusta tout aussi vite. « Suivant ! »
On lui passa un troisième fusil. En hâte le Charr épaula, et une détonation retentit. Sous les frondaisons quelque chose s’effondra. « Et voilà ! »Conclut le Charr. « Tu vois, souris, avec ton fusil, tu n’es pas fichu d’allonger un pirate. Moi il me faut trois essais, mais le malandrin finit sa carrière. Et c’est ça qui compte. »
Mathanu comprit la moquerie du Charr reprit son fusil sans mot dire et repartit vers sa tente sous les quolibets des gardes.  Cette nuit-là encore, alors que Drellon étendait un bras contre son torse, Feodhan ne put que penser aux réfugiés de l’Arche.
Bien entendu le lendemain tout le monde entendit parler de la démission fracassante de Mathanu. Il s’était planté devant le lieutenant Rasha Forgechaines,  et avait remis son marteau. Le shérif Cassecrânes était survenu, avait rugi que l’humain n’était qu’une souris ingrate et insubordonnée et qu’il n’était pas question d’accepter un abandon. Mathanu avait rugi en réponse qu’il avait travaillé sans contrepartie et qu’il ne servait pas dans les garde lions. Estomaqué par cette attitude, le shérif conféra avec Forgechaines et on convint de laisser partir la souris avec un pécule symbolique et l’armement qu’il pourrait porter.
Mathanu reçut également l’ordre de gicler dans les vingt quatre heures.
Tout cela n’aurait eu aucune importance pour Feodhan si l’humain s’était contenté de rester dans son coin. C’était trop demander.  A la sixième heure du jour alors qu’il distribuait du pain parmi les groupes de réfugiés quelqu’un héla Feodhan. « Par ici ! » La voix nonchalante de la servante Norn était reconnaissable entre toutes.  
Elle était dans un coin non loin des remparts agenouillée devant le grabat d’une gamine humaine.  A ses côtés se tenait Mathanu l’air soucieux. A l’approche de Feodhan elle se retourna : « Gruffydd, on a besoin d’eau. »
Le sylvari scruta le regard neutre de la fille, le visage émacié de la malade…De toute évidence celle-ci n’avait pas longtemps à vivre. « Compris. Je vais chercher ce qu’il faut. »
Il regagna en hâte l’étal de Tranchecouenne, et sans se préoccuper de ses  protestations revint avec une jarre.  A sa surprise la Norn avait étendu la malade à même le sol, et se tenait debout devant elle un bâton à la main.
« Qu’est-ce que tu vas…??? » Mais déjà Mathanu s’était interposé. « Elle va faire ce que personne d’autre ne ferait. Tu as l’eau ? »
Sans mot dire Feodhan remit la jarre à l’humain et le regarda humecter les lèvres de la fille.  La Norn étendit la main et murmura quelques mots dans un jargon guttural. L’espace d’un instant la lumière du jour parut se voiler…Mais de la terre montait maintenant une pulsation. La Norn continuait ses incantations. Feodhan sentait désormais la vie émerger du sol, se diffuser à travers le corps de l’humaine.  Bientôt celle-ci ouvrit les yeux. Son père, émerveillé, l’aida à se redresser, lui fit avaler une autre gorgée d’eau. Mathanu lui passait un morceau de pain.
La Norn passa son bâton dans son dos et reprit : « Il lui faudra encore beaucoup de repos. Donnez-lui à boire régulièrement et laissez la grignoter. »
D’une voix éraillée le père s’exclamait : « Merci brave dame merci !!!
-De rien. Remercie plutôt le Corbeau.
-Comment vous appelez vous ?
-Edda »
Feodhan ne pouvait pas croire ses yeux. La Norn portait la robe d’une servante, mais était bel et bien une nécromancienne.   A peine s’éloigna-t-elle qu’il la rattrapa, complètement furieux.
« Edda. Qu’est-ce que tu pensais faire ?
-Sauver quelqu’un. Ça te met en colère ?
En fait Feodhan avait l’impression d’avoir été pris pour un idiot. « Non. Les gens qui passent leur temps à sauver le monde me font pitié. C’est tout.
-Et les gens qui préfèrent laisser crever ceux qui sont trop faibles me révulsent. »
Mathanu s’était approché, et donnait son avis dans un style familier. Feodhan se retourna, furieux « Reste en dehors de tout ça, toi !
-Vraiment ? » Mathanu avait un sourire sarcastique. « C’est trop tard. J’étais à l’Arche du Lion quand une Sylvarie démente éventrait la ville. J’étais là aussi alors que d’autres sylvaris abandonnaient la ville et laissaient tomber leurs déguisements. Et je suis toujours là quand d’autres sylvaris  portent l’uniforme de sauveteurs, mais regardent les miséreux périr par dizaines. »
Edda le reprit calmement. « Mathanu, il en est des sylvaris comme des nôtres. La générosité et la tolérance vient aussi de l’Arbre Clair.
-Vraiment. Peut être que Gruffyd sera assez généreux pour secourir d’autres réfugiés alors…Mais j’ai des doutes. »
Feodhan en avait assez de ces railleries. « Ah bon ?
-Oui. Ton petit copain vient te voir, et ce n’est pas vraiment le sauveteur né.  Et de toute façon il n’a pas l’air de vouloir faire des bisous.  
Féodhan eut à peine le temps de se retourner avant que Drellon ne l’entraîne par le poignet. « Feodhan. Suis-moi. Nous avons des ordres. »  La voix paraissait neutre, mais dans le regard de Drellon Féodhan pouvait lire une fureur contenue. Sans mot dire il obéit. Dans son dos il crut entendre un ricanement de Mathanu.  
Drellon entraîna Feodhan hors du fort avant de suivre la route. Il marchait rageusement, et Feodhan peinait à le suivre. Quand enfin ils furent hors de vue, Drellon se retourna l’air menaçant. « Je croyais t’avoir dit d’éviter les humains.
-C’est ce que j’ai fait…Il n’y a que cette norn qui…
-Qui quoi ? Elle n’a rien à faire dans cette histoire. Tu étais en train de te disputer avec l’humain.
-Et alors ? Il disait que nous ne pensons qu’à faire crever les gens…
-Et tu devais mordre à une amorce de ce genre ? Ta stupidité te perdra mon chou. Tu es peut être doué pour massacrer du monde, mais peu efficace dès qu’il s’agit d’éviter les discussions dangereuses.
Feodhan pinça les lèvres. « Cet humain est dangereux ? Tu veux rire ? Il était une ruine il y a quelques semaines, il est ridicule aux yeux des Charr…Il n’a pas l’air d’une menace.
Drellon leva les yeux au ciel. « Cet humain doit être arrêté…Il part bientôt et tu te lances dans une discussion avec une victime !
-C’est le capitaine Malatesta encore ? »
La gifle que lui infligea Drellon le fit reculer de trois pas. « De quoi tu te mêles ? Ce type doit mourir, et tu discutes avec lui ! Tu ne t’es pas rendu compte qu’il est en train de te percer à jour ! Tu ne te rends pas compte que tu vas ruiner mon plan !
-Je croyais que c’était notre plan… » Murmura faiblement Feodhan.
« Tu crois ça ? Imbécile comme tu l’es, tu penses avoir mis au point quoi que ce soit ? Mais c’est moi qui ai du tout préparer ! J’ai bien du passer des mois à t’apprendre à réfléchir, mais tu aurais été bien incapable de faire quoi que ce soit mon chou. »
C’était le commentaire de trop. Féodhan riva son regard dans celui de Drellon. « Sans blague ? Tu m’as appris  la vengeance ? La survie ? Les mots de la mort ? Tu as fumé un peu trop de ton herbe ?
-Ca n’est pas ton affaire, tu ne fais pas même le quart de ce que je dois faire.
-Mais si je fais quelque chose ! Toutes les nuits quand tu le peux,  tu  apprécies mon petit cul. Et c’est la seule chose qui vaille avec moi pas vrai ? »
Feodhan continuait sans perdre haleine, enchainant les horreurs. A chaque phrase le visage de Drellon s’altérait un peu plus. « Et de toutes façons je suis un bon coup pas vrai ? Pour les gens qui ne sont un peu faibles je fais vraiment l’affaire.»
Feodhan ne put en dire plus.  Une poigne démentielle le plaqua contre le tronc d’un tukawa. Il eut à peine le temps de discerner un éclair métallique : instinctivement il inclina la tête sur le côté.  En un hurlement le poignard de Drellon se ficha dans le tronc de l’arbre.  Feodhan leva un regard halluciné, mais déjà Drellon s’était écarté, le visage empreint d’une pâleur cadavérique. « Tiens-toi loin, pourriture, tiens-toi loin et si tu bronches, si tu dis un mot, je t’exécute comme j’ai exécuté cet arbre.
Feodhan ouvrit la bouche  et contempla la lame terne du poignard.  Il ne leva le regard qu’après le départ de Drellon. Machinalement il s’empara du poignard et le retira avec effort de l’arbre. La lame noircie était assez large et assez longue pour traverse la fine écorce blanche. Il passa l’arme à sa ceinture, et balaya la feuille qui venait de tomber sur son épaule.  Il murmura  amèrement « Tu m’as appris tout ce que je devais savoir mon gros salaud…Et maintenant tu crois que je vais te faire un coup de pute…Tu me juges bien pas vrai ? » La mort dans l’âme il s’éloigna.
Des branches du tukawa tombaient les feuilles noircies.
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Message par Jeradon Mer 22 Juil 2015 - 0:30

Amulettes fatales


Cet après-midi-là Mathanu attendait comme les autres le départ de la caravane pour Lornar. Quelques semaines de labeur avaient suffi par le convaincre qu'il n'avait plus rien à faire au fort des Garde Lions. Il lui fallait quitter la Côte de la Marée Sanglante et partir loin vers les  contrées des Nornes et des Charr.
Cela semblait une folie mais après tout avait-il le choix? Pour ce qu'il en savait le Vieux dans sa maison du quartier d’Ossa avait dû mettre sa tête à prix. De lui il n'avait qu’à attendre un long séjour en prison ou une mort crapuleuse, et fort opportune. Grimaçant, il se mit à jouer avec l’anneau qu’il avait à la main gauche. Il haussa les épaules : en dépit de son changement de nom  Mathanu restait, pour ceux qui l’avaient croisé au Promontoire, une figure reconnaissable.
 Tout compte fait, un séjour dans des montagnes inhospitalières ou chez des Charr  soupçonneux serait plus sûr. Il toucha le canon mafflu du pistolet à ses côtés.
Entre temps son travail à la forge lui avait permis de refaire ses provisions. Il s’était confectionné des armes à feu, avait fondu une réserve de balles, avait recomposé ses élixirs et en fait avait regarni  un sac à malices regorgeant de mauvaises surprises en tout genre. Cela et le pourpoint de cuir doublé de plaques de Mithril représentaient une assurance-vie pour les embuscades et autres traquenards.
Et des traquenards il y en aurait. Non loin de lui, un marchand pestait contre le délai que les Charr créaient avec leurs patrouilles…S’il savait. Mathanu avait un mauvais pressentiment. Ne serait ce qu’au sujet de Gruffydd, et son copain Aneirin. Depuis l’altercation du matin ces deux-là n’avaient pas reparu…Une patrouille de longue durée, à ce qu’il paraissait.

Non loin de lui une voix gronda : « Alors Mathanu, prêt au départ, pour le meilleur et pour le pire ? » Une patte à la ceinture le lieutenant Forgechaînes le toisait d’un regard approbateur. Il approcha : « J’ai peine à le dire mais, souris, tu as du nerf pour gueuler à la face du Shérif. Et pas mal de culot pour te réarmer aux frais de la princesse. »
Mathanu eut un sourire ironique « Et c’est bien pour ça que je me suis contenté d’un paiement symbolique ! Tu crois que je pense me transformer en banque ambulante ?
-Non. T’as peut-être fait le bon choix. En attendant bonne chance sur la route. On envoie l’escouade de la Sanglante avec vous…On ne sait jamais. » Il jeta un coup d’œil, étouffa une rigolade : « Et aussi je te laisse avec la femme fatale… ».

Mathanu se retourna : Edda la Norn se dirigeait vers lui. Elle n’avait désormais plus grand-chose de commun avec une servante. Ses longs cheveux nattés étaient désormais rattachés par un anneau d’acier, et elle portait des bracelets de nickel brillant aux poignets. Une longue robe noire couvrait sa poitrine et descendait le long de ses hanches, découvrant le nombril. Elle avançait, bâton à la main, et dans un murmure les voyageurs s’écartaient sur son passage. « Salutations humain. » Elle avait quelque chose de la prophétesse nécromancienne descendue des montagnes sauvages, et tout à coup, Mathanu se sentit très loin des contrées civilisées.
Il inclina la tête en un salut rapide. « Avant que tu ne partes tu as besoin de savoir quelque chose. » Sans mot dire il la suivit sur les remparts. Elle regarda vers le lointain, et leva négligemment un bras en l’air. L’instant d’après un corbeau se posa sur son poignet. Elle dévisagea Mathanu sans prêter attention à son expression stupéfaite, et reprit : « Comme tu t’en doutes le Corbeau me parle. Il m’a prévenue : ton départ est empreint de sang. Que tu le veuilles ou non ce voyage va être pour toi l’occasion de prouver ta valeur aux yeux de tes compagnons. » Elle lui tendit un médaillon de fer. « Cette amulette a été enchantée par ma mère. Elle devrait t’aider dans le combat qui t’attends. »
Mathanu regarda la chaine décorée d’un corbeau de fer. L’objet avait pas mal d’années et commençait à être piqueté par la corrosion. Il marmonna un remerciement et redescendit vers la cour : les charr de l’escorte se mettaient en position, et les voyageurs s’agroupaient en un brouhaha. Les portes s’ouvrirent, les gardes hurlèrent des ordres et lentement le cortège s’ébranla. Pas une fois Mathanu regarda derrière lui.

Sur la route une brise tiède rendait la chaleur supportable et le groupe avançait au rythme lent des dolyaks. Pourtant déjà quelques colporteurs se plaignaient d’aller trop rapidement. A côté de Mathanu un marchand Norn en robe de brocart grommela : « Fainéants d’escrocs. Même les réfugiés avancent sans mot dire, mais ceux-là sont en train de geindre, comme des femelles grawls en rut ! Bientôt ils vont dire qu’il fait trop froid. »
Et à vrai dire les quelques réfugiés qui  s’étaient adjoint au groupe clopinaient sans se plaindre. Intrigué, Mathanu demanda « Ca va fraichir sérieusement bientôt ?
-Non pas tout de suite. A l’approche de Lornar il n’y a pas de neige. On sera à peine ragaillardis.
Et avant ça on devra passer quelques bosquets pleins de fleurs écloses » Grommela une Norn derrière eux. « Comme si je n’avais pas assez éternué !
-Gerda tu savais que ne serait pas une balade au bord du lac. Arrête de te plaindre ! »
La Norn aux yeux rougis leva un regard mauvais. « Parce que toi tu connais tout ! Laisse tomber tes airs supérieurs mon gros, tu m’invites pour un fichu voyage, tu me laisses mourir à chaque fois qu’il y a un bouquet de fleurs, et t’as été infoutu de me trouver un remède pour ce rhume, et après tu oses dire que t’es un homme ! Hé arrête de hausser les épaules et regarde-moi quand je te parle !!! »

La dispute commençait à  devenir sérieuse. Mathanu partit plus en avant. D’ailleurs le chemin descendait à travers un défilé ombragé vers un gué entouré de hautes herbes. Derrière Mathanu la dispute gagnait en ampleur. Décidément Gerda s’énervait et les garde-lions commençaient à rigoler. Jusqu’à ce que la première bombe s’abattît en plein dans le groupe.
L’explosion assourdit Mathanu, et il eut à peine le temps de sortir son fusil. D’entre les herbes un groupe de types en tricorne se dressa et envoya une volée de bombes. Mathanu s’aplatit au sol pendant que les éclats déchiquetaient ceux qui étaient encore debout. Les gardes charr s’étaient dispersés, fusils levés, mais déjà comme à l’exercice un autre groupe de pirates s’était levé, fusil en joue.
La décharge de mousquèterie abattit un garde lion et les quelques fuyards qu’il tentait de protéger. Une balle ricocha contre l’armure de Mathanu  Quelque part vers l’arrière d’autres explosions retentirent. Ce n’était pas une embuscade de brigands, c’était la guerre !
Profitant d’une accalmie Mathanu bondit dans un creux entre deux rochers. Les dents serrées il attacha à sa ceinture deux fioles d’élixirs. Il n’était pas question de crever la trouille au ventre sans tirer un coup de feu. Il sortit, fusil à l’affut. Le premier pirate qui passa prit sa balle dans le ventre et roula sur lui-même. Deux autres balles piaulèrent autour de Mathanu. Il engagea l’embouchure du tromblon à la culasse de son arme visa un malandrin, et pressa la détente. Le recul le propulsa plusieurs pas en arrière hors de ligne de mire. Sans attendre il lança une grenade en direction des assaillants. Un nuage de fumée se répandit à travers le défilé. Sans attendre Mathanu courut vers le sommet de la pente.
Il jeta un coup d’œil en arrière: un groupe se lançait à sa poursuite. Parvenu à un replat, il défit son sac, tira une boîte métallique munie d’un canon court. Les mains tremblantes il ajusta un trépied braqua la boîte vers le bas et appuya sur un bouton : la tourelle automatique commença à balayer la pente en contrebas de volées de balles.
Il était temps de disparaître. Le souffle court il repartit vers les arbres qui dominaient la crête. Il était à peine arrivé qu’une  silhouette menaçante en tricorne et vareuse bleue se dressa devant lui. Il reconnut Gruffydd le sylvari du Refuge, bâton à la main. Cette fois c’était la fin.
Avant qu’il n’ait pu braquer son pistolet, Gruffydd l’attrapa par le collet. “Combien derrière toi?” Instinctivement Mathanu répondit “Une dizaine.” Un bruissement derrière lui confirma ses craintes. Il fit volteface : un petit groupe de canailles armées de sabres et de fusil approchait rapidement. Gruffydd leva le bâton et poussa un cri étrange : une créature d’ombre parut à ses côtés. Ignorant les tirs de fusil, il balaya l’air de son bâton. Une demi-douzaine de puits d’ombre apparurent entre eux et les poursuivants. Deux pirates bondirent en avant et hurlèrent quand des membres squelettiques jaillirent du sol pour enserrer leurs chevilles en une prise implacable.
Mathanu eut à peine le temps de jeter un élixir de glu. Gruffydd se retourna « Laisse tomber tes jouets et suis-moi si tu veux vivre. » Le souffle court ils sortirent du couvert et se ruèrent sur un chemin de terre.
Ils couraient comme des fous quand la bombe atterrit devant eux. L’explosion les projeta aux alentours. Mathanu se redressa avec peine. Son côté droit lui faisait un mal de chien et son sac à dos était perdu, arraché, quelque part. D’entre les herbes, cinq malandrins surgirent. Mathanu parvint à sortir son pistolet et vida un chargeur sur le spadassin qui se ruait vers lui. Il se tourna vers le sylvari: ce dernier se défendait comme un beau diable contre trois pirates. Deux d’entre eux approchaient dans son dos, le couteau tiré. Désespérément Mathanu tenta de débloquer le chargeur de son arme. Sans résultat. Un avertissement crié d’une voix rauque ne pouvait pas grand-chose. Pourtant au dernier moment   le sylvari fit un bond de côté et hurla une incantation d’une voix familière. Le soleil se voila et à l’instant il apparut en une ombre face aux canailles.
Il tendit deux serres vers ses assaillants et une traînée de fumée rosâtre commença à émaner des pirates.  Ils tombèrent à genoux en hurlant. Quand il comprit que les traînées de fumée étaient une rosée sanguinolente, la peur commença à se faire jour dans l’esprit de Mathanu. La mort emporta  les malandrins en quelques convulsions. Enfin le sylvari s’incorpora à nouveau. Cette fois ci Mathanu était certain de l’avoir rencontré dans les Champs de Gendarran : “Feodhan?” Le sylvari releva un visage à moitié dépourvu de bandage, à moitié noirci par une brûlure. Il tordit la bouche en un sourire avant de s’effondrer sous le plaquage d’un pirate.
Derrière lui Mathanu entendit un bruit. Il se retourna vivement pistolet en main, grenade dans l’autre. “Avance encore canaille, et c’est le feu d’artifice pour toi et moi ! »
La gamine qui lui faisait face pâlit, laissa tomber son fusil et recula lentement. Mathanu eut un rictus de triomphe jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’elle regardait par-dessus son épaule. Il jeta un regard en arrière.
Le sylvari s’était redressé, et apparemment insensible aux coups de poignards de son agresseur le tenait par la gorge. De très loin Mathanu entendit “Tu sais que tes coups me tuent plus lentement que mon art ne te dérobe la vie. Continue donc d’agiter ton petit couteau, et pars vers les Brumes…” Le couteau finit par tomber au sol. Au bout de quelques instants le sylvari finit par relâcher le cadavre et se retourna. Son sourire n’était qu’un rictus. “Décampons…” Il s’arrêta et une expression horrifiée se fit jour sur son visage.
Stupéfait Mathanu sentit ses jambes se dérober sous lui et il roula au sol non loin du cadavre racorni qui avait été une jeune pirate quelques instants à peine.
“Salutations Mathanu de Myste…” La voix était musicale, le ton badin. Mathanu ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son n’en sortit. « Parler ne sert à rien. Tu n’en as plus la force d’ailleurs.” L’interlocuteur s’approcha: Mathanu reconnut Aneirin, l’autre sylvari du refuge. Ce dernier poursuivait. “ Parce que vois-tu, ta mort est proche. Feodhan a eu le bon goût de t’entraîner loin du troupeau et m’a permis de m’acquitter de ma tâche."
« A ce qu’il paraît le vieux Duc de Myste avait quelques griefs à ton égard. Il s’en est ouvert à quelques personnes du Ministère, qui à leur tour m’ont demandé de reprendre l’anneau ducal que tu avais dérobé. On m’a fait comprendre que ta mort ne serait pas indésirable. Et me voici donc.”

Le sylvari saisit la hache qui ornait sa ceinture. “Cela ne durera pas longtemps…Tu pourras trouver cela extrêmement douloureux par contre. » Il reprit « Et ne t’inquiète pas…Je vais m’occuper de tes amis aussi. »  Il s’approcha et sa silhouette se fondit en une apparition colossale. L’être flotta lentement vers sa victime…Un hurlement sauvage fut la dernière chose qu’entendit Mathanu.
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Message par Jeradon Ven 31 Juil 2015 - 23:47

L’envol des feuilles

Quelque chose le secouait violemment. Il ouvrit les yeux. Des odeurs violentes, fades assaillirent ses sens. Dans le ciel une lumière violente illuminait les alentours. Enfin il finit par comprendre les bruits saccadés qui résonnaient près de lui.

"Debout Mathanu, debout par les couilles brûlantes de Balthazar!!!" Ça faisait un moment qu'il n’avait rien entendu de tel. Il promena un regard égaré sur la route et vit les tas de viande amoncelés tout autour. Le visage convulsé et noirci d’un Sylvari  apparut face à lui. Il se souvint d'un nom : "Feodhan?"  Le Sylvari secoua la tête avant de l'attraper par les épaules. "Pas Feodhan. Roncebrume.  Meurtrier, assassin, traître, infidèle, et réanimateur  de cadavres. Suis-moi avant que le reste de la troupe n'arrive. »

Sans trop savoir comment, Mathanu se releva, et en titubant suivit le pas hâtif du Sylvari. Enfin il parvint à demander
-Les autres? Et le Sylvari tu l'as tué aussi ?."  
Roncebrume répondit sans  infléchir son rythme.
- « Il l’a fallu...et je t’ai sauvé la vie d'ailleurs...Maintenant il faut partir.
- Où ça?
- On retourne au refuge. Drellon ne laisse rien au hasard.
- Qui est Drellon?"
- Roncebrume se retourna et regarda quelque chose plus loin en arrière. Une expression dure courut sur son visage mutilé : « Quelqu'un qu’il  est plus difficile à  perdre qu’à garder.  "

Alors que Roncebrume parlait, les souvenirs commençaient à assaillir Mathanu. Quelque part en contrebas dans le défilé, des gardes se défendaient contre l’assaut d’une horde de pirates armés jusqu’aux dents.  Et il venait juste de survivre à un assaut… Il contempla les masses de chair informes sur le sol avant de hausser les épaules. Si le reste de la horde déboulait Mathanu ne donnerait pas cher de leur peau. Il soupira «Je suppose qu’on ne peut pas récupérer mon barda…
-Non. Nous avons une course de deux heures avant d’arriver au refuge. » Le sylvari tendit une fiole . "Bois ça!"  

La potion avait un goût innommable, et pourtant Mathanu  parvint à tout avaler. « C’est quoi ?
-Quelque chose qui te permettra de courir aussi vite que moi. »
Mathanu crut à une blague foireuse : avec sa vareuse déchirée, la moitié de sa chevelure arrachée, et les scarifications de son visage, Roncebrume faisait piètre impression.  Ce dernier cependant attachait un sceau de bronze à sa ceinture rajustait sa vareuse, et attachait son bâton dans le dos. Il fit un bref signe de tête et se lança dans une course rapide. L’instant d’après  ils couraient à grandes enjambées à travers les herbes  en direction de la côte. Mathanu avait toutes les difficultés du monde à rester dans la foulée de Roncebrume, et pourtant comme dans un rêve, il courait le long de la route ensoleillée sous une chaleur lourde. Comme au ralenti lui parvenait le bruit des vagues. Enfin, après une éternité, Roncebrume finit par faire une halte.

D’un coup Mathanu se retrouva en nage. Il manquait d’air, il entendait sa respiration rauque, il allait défaillir…Son compagnon se retourna et fit un geste: du sol émana une fraicheur bienfaisante et lentement Mathanu retrouva son souffle. Il leva le regard : dans le ciel ensoleillé des nuages épais commençaient à s’amasser. Au loin à travers la brume de chaleur on pouvait discerner les tours du Refuge. Roncebrume se tourna vers Mathanu : « Quand on m’a dit que tu devais mourir j’ai compris qu’on attaquerait ta caravane…Mais je ne m’attendais pas à une attaque de cette ampleur. Aneirin…Drellon je veux dire n’a pas pris de  demi-mesures. »

Mathanu serra les poings. « Le maudit sylvari…On lui a demandé de me tuer...Sans témoin bien sûr !
-Et il a décidé le massacre de la caravane entière. Mais il a dit autre chose, alors que tu débattais au sol. »
Mathanu regarda les tours du refuge au loin avant de répondre : « Il va se débarasser de « mes amis »…Tu penses ce que je pense ?
-Oui, il a préparé une attaque contre le refuge…Et comme il fait appel à des pirates ce n’est pas lui qui la dirigera. Il n’a pas à se salir les mains. »

Mathanu regarda le refuge puis Roncebrume. Bien entendu sans son équipement il était réduit à l’impuissance. Il entendait déjà le ricanement du vieux « Puisque tu es si fort jeune idiot…. »
« Il faut y aller » Pensa tout haut Mathanu. « Mais discrètement. Il faut que je m’équipe. »
-Il vit un sourire sinistre courir sur le visage balafré de Roncebrume : « Ce n’est pas un problème. On s’équipera sur les cadavres. »

En fait il y avait un problème : La route était bien trop exposée, et on pourrait les voir à des milles à la ronde. En revanche une végétation drue recouvrait les pentes menant du rivage vers le refuge : ils coupèrent par la baie. Alors qu’ils entamaient une longue descente vers la mangrove, Mathanu essayait de se remémorer les leçons de Laertes son vieux précepteur, du temps où il n’était que le jeune héritier De Myste. « Il en va des forteresses comme des villes.  Seules les plus grandes doivent être conquises par un siège en règle. Les fortins et les petites places s’enlèvent d’un coup de main. ». Mathanu escalada les racines d’un palétuvier, un sourire amer aux lèvres: c’était bien le genre de tournure pompeuse qui plaisait aux vieux birbes de la maison !

Ils avaient pataugé dans la vase sous une chaleur étouffante pendant un mille quand Roncebrume lui fit signe : « On va rencontrer des pirates en remontant vers le refuge. Il faudra tenter d’avancer silencieusement. »
Mathanu  haussa les épaules : Il s’agissait bien de ça ! La route qu’ils allaient emprunter était celle qu’avaient prise les escouades de pirates.
Ils rencontrèrent leur première sentinelle quelques instants plus tard alors qu’ils remontaient une sente étroite parmi les arbustes du sous-bois. Mathanu ne pouvait y croire. Le type était en jaquette, tricorne incliné sur le chef, un sabre de pacotille au côté droit, pistolet dans la ceinture à gauche…Et oui, il avait l’air de pisser contre un arbre. Roncebrume ne lui laissa pas le temps de réagir.  Tout autour du pirate la température chuta brutalement et du givre recouvrit le sol. Glacé le pirate n’eut pas même le temps de se retourner avant de voir la face cauchemardesque d’un sylvari par-dessus son épaule. Une terreur surnaturelle l’immobilisa net. En un chuchotement  Mathanu lui mit le marché en main. « Raconte ce que tu sais et tu vivras. Cries et mon camarade t’envoie dans les brumes. Choisis. »

Leur prisonnier était un gamin aux cheveux en désordre. C’était sa première sortie  et il était séparé des autres. Son groupe venait des tréfonds de la mangrove et ils avaient amené avec eux assez d’explosifs pour faire sauter la place. Ils étaient chargés de faire sauter la tour principale pendant que les autres nettoyaient la cour centrale.
« Quels autres ? » Interrompit Roncebrume. Le gamin prit l’air paniqué « Je ne sais pas. Ils devaient nous ouvrir la route. Mais ça bardait là-haut tout à l’heure  et …
-Ca va comme ça. » Conclut Feodhan. Et d’une poigne féroce il étrangla le gamin.

Horrifié Mathanu le vit drainer le moribond. Il enserra le bras du nécromancien et tira violemment : Roncebrume laissa retomber le cadavre desséché et retourna un regard froid « un problème ? ».
Mathanu sentit une colère sourde le gagner:
« Je pense bien. J’avais promis la vie sauve à ce type.
-Ce type était un criminel et un idiot.  Je suis sans respect pour ce genre de crétins.  Et au moins il m’a permis de me guérir les blessures laissées par ses frères de la côte.
-Tu veux dire que tu vas en tuer d’autres pour te guérir ? » Mathanu sentit le dégoût le gagner.

« Ecoute ce n’est pas ce que tu crois.
-En tout cas je ne veux pas de ça ! On se bat à la loyale mais on ne va pas recycler les prisonniers.
-C’est bon ! Cessons de perdre du temps !
-Non. Jure-moi que tu ne vas pas recommencer. »
Il se moquait du regard de commisération que lui retournait le sylvari. Et qui plus est l’armurerie du refuge contenait une réserve d’élixirs de soin. Enfin Roncebrume finit par acquiescer. « Tu es bien trop humain…C’est d’accord. Prends son pistolet et ses munitions. On a perdu assez de temps comme ça».

Une bourrasque fit trembler le feuillage : le temps tournait à la tempête. Ils repartirent en hâte, mais quelques instants plus tard, un déluge glacé s’abattait sur la forêt . Transi, Mathanu comprit que son pistolet ne serait guère utile. Roncebrume en revanche n’en avait cure. La pluie drue couvrait tous les bruits et les sentinelles qui jalonnaient le chemin,  tombèrent, muettes de terreur, aveuglées par les ténèbres ou figées dans un froid surnaturel.  Bientôt Mathanu se retrouva fusil en main, avec une musette garnie de grenades au côté.

Au sortir du couvert, le vent les cingla au visage. La pluie avait faibli et on pouvait voir assez loin pour discerner le portail arrière du refuge, ainsi que les  cadavres des quatre pirates affalés en travers.  Ils s’approchèrent rapidement : une décharge de mousquèterie les avait défigurés. Mathanu jeta un coup d’œil plus loin : les murs avaient été criblés d’éclats, et des traces de suie témoignaient de l’explosion de bombes rudimentaires. Il se tourna vers Roncebrume : apparemment l’assaut des saboteurs pirates avait été détecté trop tôt par les charr de la garnison. Roncebrume eut un sourire moqueur.  Sans mot dire il leva les mains vers les cadavres. Lentement la chair qui enrobait leurs os se mit à fondre comme de la cire et se congloméra en une silhouette beaucoup plus sinistre. Ca faisait sept pieds de haut, et c’était baraqué comme un grenadier de la garde royale. Mathanu regarda en arrière vers les arbres secoués par le vent, considéra la chose qui se tenait aux côtés de Roncebrume, et partit en avant: pour flanquer la chair de poule ce sylvari ne craignait personne. Il tourna au bout du couloir sortit dans la cour principale, et changea immédiatement d’opinion.
Les cadavres de pirates criblés de balles jonchaient la cour, mais les corps déchiquetés des guerriers charr sur les remparts prouvaient que le combat n’avait pas tourné en leur faveur. Et la chose qui se nourrissait des cadavres en était la preuve vivante. Lentement Mathanu entreprit de reculer. Il fut un peu trop bruyant peut être : l’humanoïde se tourna vers lui. C’était un troll et un des plus grands que Mathanu ait jamais vu. Et alors que le monstre se dirigeait vers lui à grands pas l’ingénieur du Promontoire Divin sut que ses bombes ne suffiraient à s’en débarasser.

A l'instant, Mathanu perçut un mouvement sur sa droite : l’être de chair qu’avait invoqué Roncebrume s’élançait à l’assaut de la créature. Le nécromancien surgit dans la cour,  vit la lutte féroce, et leva son bâton. Autour de la bête une odeur de pourriture se mit à émaner du sol.  Le troll s’arrêta net, jeta un regard vers Roncebrume, poussa un hurlement et poursuivi par la création du nécromancien s’enfuit vers le côté opposé de la cour.  Le sylvari fit signe à Mathanu et hurla à travers la tourmente : « Ca ne durera pas longtemps, fonce à l’armurerie. »

L’ingénieur n’attendit pas longtemps. La  porte de la tour  était enfoncée. Alors que le troll commençait à se ressaisir, il pénétra à l’intérieur. Un coup de pistolet claqua. Sans trop savoir comment, Mathanu se retrouva au sol.  Il arma son fusil « Vérole de Salma ! » Un grondement familier retentit : « Par les pourritures d’Ascalon, c’est toi souris ?
-Lieutenant ? »
Mathanu se redressa, bondit par-dessus un établi :  Rasha Forgechaînes gisait dos au mur près des cadavres des trois pirates qu’il avait pu démolir. Il leva une gueule ensanglantée. « Désolé Souris mais c’était pas mon jour de chance. La bête féroce est toujours dehors ?
Mathanu hocha la tête. La rigolade du Charr s’acheva en un grognement de douleur. Il finit par reprendre « Pas la meilleure idée qu’ils aient eu. Dès qu’il a senti l’odeur du sang ce troll est devenu fou. Il tué au moins autant des leurs que des nôtres…Au fait…Il a l’air sensible au feu… si tu vois ce que je veux dire. Et si tu parviens à le réduire en descente de lit fonce à la tour principale. Quelques- unes des crevures en veulent au chef. »

Il n’y avait pas une minute à perdre. Mathanu se saisit d’un des lance-flammes qui se trouvaient dans les armoires du fond, passa la bombonne sur le dos, arma le briquet, et ressortit. Le ciel était dégagé et à la lumière du soleil couchant Mathanu vit immédiatement le Troll s’acharnant sur quelque chose retranché dans un recoin de la cour. De la création de Roncebrume il n’y avait pas trace.  

Mathanu n’attendit pas à se lança à l’assaut. Le troll faisait au moins douze pieds de haut, et de près sa stature barrait l’horizon.  Le jet de flammes l’effleura à la ceinture. En hurlant la bête se retourna. Mathanu s’émerveilla de n’avoir pas encore pris ses jambes à son cou.  Il envoya un autre jet de flammes en direction de la tête du troll. Il n’atteignit que le cou. La chose leva deux bras terminés par des serres acérées. L’ingénieur comprit qu’il allait finir lacéré par un fauve déchaîné.  La peur au ventre, il fit deux pas en arrière et c’est ce qui lui évita d’être écrasé par la chute subite du troll.

 Stupéfait Mathanu regarda le corps du monstre : le troll était bel et bien mort. Mais alors que le lance-flammes n’avait fait qu’une brûlure réduite,  tout le dos du troll était maintenant à vif et suppurait. Roncebrume sortit de la pénombre. « Bien joué Mathanu. Grace à toi, j’ai pu broder sur ta brûlure et cuire cette chose. Qu’est ce qui s’est passé par ici ?
En quelques mots l’ingénieur le mit au courant. Le sylvari écarquilla les yeux. Pour la première fois il avait l’air stupéfait. « Alors il faut foncer. J’entre en premier, et tu montes la garde à l’entrée. Tu cuis tout ce qui ressort et ressemble à un pirate ! »

Ils se ruèrent vers la tour principale à l'autre extrémité de la cour: la aussi  on avait défoncé la porte.
Sans attendre Roncebrume invoqua une ombre et s’engouffra à l’intérieur. Mathanu attendit quelques secondes avant de jeter toute prudence par-dessus bord et s’aventurer à son tour.

Avant même de voir le mobilier défoncé, Mathanu entendit la voix de contralto d’Edda. « Ton équipée est sans espoir Edrik. Jette ton arme et disparais. »
Un rire plein de gouaille retentit dans la tour. « Demande plus tôt la permission de te rendre. Je vais faire la peau au petit minet, et ça va être ton tour si tu ne deviens pas plus sage. »
-Tu sais que ce n’est pas possible…
Mathanu jeta un coup d’œil. Couverte de sang, bâton en main Edda faisait face à deux pirates…Et à une tourelle lance-flammes.  Le shérif Cassecrânes était affalé derrière son bureau.  Edrik, le type qui parlait à Edda avait tout du client dangereux.  Le genre à porter un mousquet planqué sous le par-dessus de cuir, avec une grenade dans chaque poche pour faire bonne mesure. D’ailleurs la main qui ne tenait pas son pistolet était déjà dans une poche.  Son comparse avait surtout l’air d’un second couteau : bandana bon marché, jaquette miteuse, pieds nus : son arquebuse était en meilleure état que sa garde-robe.  
Mathanu aperçut  Roncebrume avançant silencieusement.  Si les pirates le repéraient tout partirait en merde… Et déjà l’humain  avait l’air énervé « Laisse tomber ton bâton, ma grande et  tiens tes mains en l’air si tu tiens à tes loloches. »

Pour toute réponse la Norn inclina la tête sur le côté. Edrik suivit son regard, et se retourna vers Roncebrume .  La tourelle du lance flammes pivota d’un bloc.
Un cri perçant retentit dans la tour. La silhouette de la Norn se confondit avec celle d’un oiseau géant. Il y eut un juron, un éclatement sec, et Mathanu se souvint de protéger ses yeux. L’instant d’après l’air était brûlant. Deux coups de feu retentirent, quelqu’un le percuta violemment. Dans la cour résonnait une fuite précipitée. Mathanu hurla :
« Edda !
-Il s’est enfui, » Lui répondit la voix de Roncebrume. « Mille moisissures ! C’est le chef, attrape-le bon sang ! » Mathanu rouvrit les yeux, et se rua, éperdu, vers la sortie. Il pataugea à la suite de la silhouette en par-dessus noirci, sur le pavé mouillé. La course était maladroite, le sac du lance flammes ballotait dans le dos de Mathanu. Le malandrin s’était rué par le portail depuis longtemps quand il parvint enfin à la sortie. A bout de souffle il surgit et dans la lueur du soir entrevit la silhouette de l’homme, à la lisière du bois. Et ensuite les feuilles des arbres s’envolèrent.

D’un coup l’air ne fut plus qu’un gigantesque croassement. Terrifié, Mathanu contemplait l'envol de centaines de corbeaux se condenser en un  maelstrom. L’instant d’après les oiseaux s’abattirent sur  les humains. Des ailes claquèrent au visage de Mathanu. Il parvint à couvrir son visage avant de recevoir des dizaines de coups de bec féroces sur les mains. Quelque part, quelqu’un poussait un hurlement atroce.  Mathanu laissa tomber son arme et se roula en boule. Une éternité durant, il resta immobile. Enfin le silence revint.  Mathanu se redressa : les arbres des alentours avaient perdu leurs feuilles, et non loin de là des plumes noires étaient éparses autour d’un corps gisant au sol. Mathanu s’approcha et de ses mains ensanglantées, criblées de blessures retourna le cadavre de celui qui s'était appelé Edrik.

Le visage n’était plus qu’une gigantesque blessure.










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Message par Jeradon Lun 28 Déc 2015 - 1:19

Paroles au fil du vent

Le tohu et le bohu du rafiot finirent par réveiller Mathanu. Il ouvrit un œil fatigué et entrevit un petit jour gris. A regret il s’assit et scruta les alentours du navire pirate.

« Bonjour à toi Bookah ! ». La salutation cordiale du capitaine Asura comportait son lot de morgue, mais Mathanu décida de faire bonne figure. « Belle journée à vous capitaine. Quelles nouvelles ? »

L’Asura jeta un coup d’œil vers l’horizon du petit matin maussade. « Mornes, bookah, bien mornes. Tu te souviens qu’on a dû partir avec une cargaison des plus réduites ? »

Mathanu haussa les épaules. « On vous a payé richement. Et en arrivant vous devriez pouvoir vous refaire.
-Non bookah, on ne se refait pas en abandonnant un chargement de stupéfiants, d’explosifs et d’alcools frelatés. Tout ce que je pourrai trouver là où nous allons, c’est des herbes étranges et de jolies fleurs.
»
Mathanu soupira. « Tu n’auras qu’à en parler à mon camarade. » L’asura tendit le bras vers l’autre côté du pont : « Ça sera difficile. » Mathanu suivit son geste vit la forme roulée dans une couverture. « Il dort encore ?
-Non il est probablement inconscient. Mais personne ne sait quand il va se réveiller. Les sylvari sont bizarres,  bookah.
»

Mathanu s’approcha et s’agenouilla auprès de Roncebrume. Les longues feuilles entremêlées qui recouvraient son corps étaient lustrées et fraîches. Les blessures du visage cicatrisaient bien grâce aux élixirs de soin.  Et Dans son sommeil le sylvari avait une expression absente, bien différente de celle que Mathanu avait contemplée quelques heures auparavant…

Il était revenu sur ses pas. Les cadavres des assaillants pirates et de leurs victimes jonchaient toujours la cour centrale. Des flammes émanaient  de la tour principale.  Affalé sur le pavé, sans force, Roncebrume contemplait les cieux. Les feuilles noircies de son visage, et les marques de suie sur son pardessus témoignaient de  la chaleur de l’incendie. Il n’y avait pas de temps à perdre : Mathanu s’empara d’une fiole d’élixir « Bois. »
Roncebrume lui retourna un regard halluciné, but avec avidité, et parvint à murmurer « Edda n’a pas réussi à ressortir ».
-Comment ça ? » Edda n’était rien pour Mathanu. D’accord elle avait secouru deux réfugiés, quand n’importe qui les aurait laissés crever, elle l’avait mis en garde. Mais elle n’était qu’une nécromancienne Norn, pas vraiment belle, et complètement bizarre.  Et pourtant Mathanu ressentit un grand vide. « C’était une nécromancienne comme toi…Vous êtes spécialistes de la survie non ? »
« Tout a cramé dans la pièce. Cassecrânes, le pirate, les meubles. C’est à peine si j’ai pu m’en sortir. »

Bien sûr il avait fallu jouer au pompier, prendre les extincteurs dans l’armurerie, éteindre les flammes. Mais une fois la fumée dissipée il avait fallu s’y résoudre :  la tour n’était plus qu’une ruine au bord de l’effondrement.  On avait à peine pu découvrir des silhouettes carbonisées.  Ils eurent à peine plus de chance quand il recherchèrent les survivants de l’assaut : A part Forgechaînes,  Tranchecouenne et une sentinelle,  tous les autres étaient morts, marchands et réfugiés compris. « Les bombes n’ont pas fait dans le détail » avait expliqué Tranchecouenne en ajustant un cataplasme sur sa fourrure noircie.
Et Roncebrume avait mal pris la chose…

Sur le pont du navire pirate, le sylvari finit par ouvrir les yeux. Il fixa le ciel gris, puis Mathanu. « Quelle heure ?
-La onzième.
»
Le sylvari s’assit souplement avant de promener un regard inexpressif. D’un geste autoritaire il fit venir le capitaine Asura. « Vous désirez, votre honneur ?
- Epargne-moi le ton obséquieux. Combien de temps reste-t ’il avant d’arriver en vue de Maguuma ?
-Encore douze heures, messire.
»
Roncebrume répondit d’une voix nette : « Hier tu avais dit qu’il faudrait huit heures.
-C’est que le vent a molli, messire
."
Le sylvari murmura un mot étrange : une ombre apparut à ses côtés. « Je ne vais pas t’apprendre à diriger ton navire. Par contre si l’un d’entre vous décide de reprendre la bagarre…Mon ami ici présent s’occupera de votre esprit. Ou de votre âme. Je vous laisserai la possibilité de vérifier ce point.  Amène-nous à Maguuma et nous te donnons le deuxième sac."

Mathanu regarda l’asura repartir tout déconfit, et se tourna vers Roncebrume. « Tu sais, il comptait s’emparer de ce sac de toute façon.
-Et c’est pour ça que je veux lui rappeler qu’il pourrait rejoindre les corps sans âme qui flottent dans ces eaux. »
-Tu le ferais ?
-Je pourrais faire n’importe quoi. J’ai massacré mon amant après tout.
»
Mathanu connaissait trop bien ce ton faussement négligent pour se tenir coi.  Sans hésiter il s’assit près de Roncebrume, et se rencogna délibérément contre le bastingage. « Et moi j’ai dit merde au Duc de Myste jusqu’à la troisième génération au moins. Ne fais pas le malin s’il te plaît. Je savais  qu’Aneirin, enfin Drellon et toi vous étiez très… »

Roncebrume se leva et s’accouda au bastingage. Il contempla les flots verdâtres pendant un moment  avant de répondre :
« Ses derniers mots furent « fais ce que tu dois faire. »
-Tu veux dire qu’il voulait que tu l’exécutes ?
»
Roncebrume secoua la tête. Il reprit d’une voix sourde : « Il m’a laissé gagner. » Il se redressa et regarda Mathanu droit dans les yeux. « Je n’ai jamais su me débarrasser des malédictions assez rapidement.  Il aurait pu réduire mon corps en une flétrissure, en finir avec moi, mais à la place… » Sa voix se brisa « Il a choisi de finir lui-même. » Et le sylvari reprit sa contemplation de l’onde fétide.

Mathanu soupira et partit vérifier son paquetage. Il arrivait près du gaillard d’arrière quand il aperçut une petite silhouette penchée sur ses effets. Lentement il sortit son pistolet « Pas de chance…Lève les mains et agenouille toi. »
Le matelot Asura leva les yeux et faillit défaillir. « Non, arrêtez, je ne cherchais pas…
-Si tu cherchais…Tu voudrais que j’en parle à mon compagnon ?
-Non arrêtez il est malade celui-là !!! Je veux pas finir en cadavre desséché »
-Alors donne-moi ce que tu as pris.
»
A regret l’Asura remit une grenade, quelques pièces de cuivre et une clé. "J’ai pas ouvert le coffre. Promis craché !
-On va voir ça tout de suite ?
»
L’asura était plus mort que vif. « D’accord ».

Ils descendirent à la cale. Il n’y avait pas un rat. Le coffre avait l’air intact, et le sac à l’intérieur était encore plein. Toutefois Mathanu insista pour qu’on remonte le coffre sur le pont. En suant et soufflant trois Asuras parvinrent à remonter le coffre. Quand ils eurent fini un matelot demanda à mi-voix. « Pourquoi il est comme ça ?

Mathanu secoua la tête. « Parce que les vôtres ont massacré les gens du point de portage…Et il s’était juré que ça n’arriverait pas.
-Et il a massacré les trois quarts d’entre nous pour ça ?
-Vous avez eu de la chance. Vous étiez au mouillage et vous n’avez pas bronché. On n’a pas eu besoin de vous massacrer. Je crois qu’il a voulu faire payer la bataille à tous les pirates des environs.
»

Ni Tranchecouenne ni Forgechaînes n’avaient pu calmer Roncebrume. Une fureur froide l’avait envahi. Il était descendu dans le sous-sol de la tour principale et de sous les ruines de la tour avait ramené deux coffrets remplis de bijoux. « J’ai laissé l’or » avait-il expliqué. Et ni Mathanu ni les Charr n’avaient compris qu’il pensait traverser la mer des lamentations sur un navire pirate.
Et sous prétexte de laisser les  Charr panser leurs blessures ils s’étaient éclipsés pour une « expédition punitive ».

Le soleil allait se coucher quand Roncebrume revint du gaillard d’avant « il nous reste une heure  avant d’arriver en vue des côtes apparemment.  Tu parlais du Duc de Myste ? »
Mathanu tendit sa main et montra son anneau: « Je suis le fils aîné du Duc. Et je suis parti avec l’anneau de l’héritier ducal. Une erreur dirait-on, mais Frédéric de Myste n’a pas beaucoup de tendresse paternelle. A mon égard du moins.
Roncebrume hocha la tête. « Mais envers d’autres c’est le cas ?
-Peut être. Sa deuxième épouse, ma belle-mère en fait, est assez jeune pour…
-Ouvrir les cuisses et lui donner un autre héritier ?
»
Mathanu eut un sourire amer. « C’est ça.
-Et ta mère dans tout ça ?
-Répudiée sans préavis par un beau matin de printemps trois ans auparavant.  Il croyait qu’elle était sans ressource et qu’elle accepterait de se terrer dans une maison du quartier de Salma…Mais elle a fait un scandale, a demandé une séparation définitive, et a quitté le Promontoire pour aller fonder un magasin d’antiquités à l’Arche du Lion. Je crois bien que de ce jour mon frère et moi sommes surtout devenus les fils de notre mère.
-Et donc il a décidé de se débarrasser de toi ?
-Pas tout de suite. Officiellement je suis l’héritier du titre, et au Promontoire on ne se débarrasse pas crapuleusement des enfants de famille. Il a renvoyé nos précepteurs et nous a envoyé étudier à l’école militaire. Ce n’est pas grand-chose –on rentrait le soir après tout- mais c’est un bon début pour préparer  les jeunes à partir au front pour se faire massacrer par les centaures.
-Et c’est ce qu’il prévoyait ?
-Je n’ai pas voulu vérifier ça. Entre la deuxième femme et moi, ça ne se passait pas bien. Elle faisait des coups tordus et le vieux était trop content pour arrêter son petit jeu. Du soir où il m’a annoncé que je partirai chez les séraphins j’ai décidé de m’enfuir et de rejoindre l’Arche. Là-bas j’aurais assez de connaissances et d’appuis pour m’établir en tant que marchand de haute volée…Du moins c’était mon plan.
-Jusqu’à ce que Scarlet détruise la ville.
» Mathanu regarda le ciel empourpré, les flots noircissants… Mais la réponse était trop difficile à prononcer.

« Je te propose autre chose. » Reprit Roncebrume. « Si je comprends bien tu es proscrit…C’est comme ça que l’on dit au Promontoire n’est-ce pas ? Tu peux aller étudier chez les Asura, mais les Collèges de Rata Sum ne prendront pas n’importe qui dans leurs rangs. Ils feront des recherches. Et que se passera-t-il quand ils découvriront que certains hauts personnages ont mis ta tête à prix ? Les Asura sont honnêtes…Pour autant qu’ils puissent l’être.
Pourquoi ne resterais tu pas quelque temps au Bosquet  pour découvrir la vie et les connaissances des Sylvari ? C’est un endroit aussi raffiné que Rata Sum…Et les crimes et les meurtres sont vus comme dangereux pour les individus et surtout pour l’harmonie. C’est un endroit étrange pour les humains. Mais c’est aussi une chance d'enrichir tes connaissances.
»

En silence Mathanu regarda les côtes qui s’approchaient. Roncebrume reprit. « Je n’irais pas là-bas si je ne savais pas que cet endroit me protègerait de la colère de la Cour des Cauchemars. C’est un bon moyen de passer quelques mois, le temps que le Ministère arrête des recherches infructueuses.
-C’est…D’accord.  Je fais peut-être une bêtise…Mais au point où j’en suis…
»

Roncebrume secoua la tête. « Non. Tu n’es pas un criminel désespéré. Et les gens du Bosquet te donneront plus de chances que tu ne puisses y croire. Je vais chercher le capitaine. Nous débarquons sous peu. »
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Message par Jeradon Jeu 31 Déc 2015 - 1:38

Traîtrise et mépris

Krayg et ses équipiers avaient marché à travers la jungle la matinée durant, et enfin, parvenus au sommet d’un piton ils savouraient une décoction chaude de baies sauvages tout en admirant la vue magnifique au-dessus des frondaisons. Mais quand un faucon leur fit parvenir la nouvelle qu’un navire pirate venait de mouiller quelques milles plus loin, Krayg se retourna vers ses équipiers : « Des intrus viennent de s’aventurer dans notre forêt. Il faut les arrêter. » Et cela personne ne pouvait l'accepter. Il fallait châtier ceux qui transgressaient les lois de Maguuma...

Roncebrume avançait lentement à travers le sous-bois. Cette partie de la forêt lui était inconnue et à la différence de Mathanu il ne tenait pas à prendre de risques inutiles. L’humain en revanche, n’avait besoin que d’un fusil et d’un baudrier garni d’élixirs pour s’aventurer avec témérité…Roncebrume n’entendit que trop tard le sifflement d’un fouet. L’instant d’après il perdit pied et atterrit rudement sur son dos. Devant, Mathanu poussa un cri étranglé avant de s’effondrer. Du couvert surgirent deux sylvari en armure noirâtre accompagnés de loups du Cauchemar. Un des assaillants leva la main et des lianes enserrèrent Roncebrume d’une étreinte implacable. L’autre éclata d’un rire cruel. « Regarde ce gibier ! L’humain stupide pourrait bien souffrir et servir. Quant au sylvari… » L’autre l’interrompit. « Regarde sa tenue, son expression… ». Il s’approcha et se pencha vers Roncebrume. « Bienvenue à Maguuma. Si tu es un page dis-moi le nom de ton seigneur. »
Une flèche venue de nulle part lui trancha la gorge. L’instant d’après une volée abattit le deuxième homme d’armes. Les loups bondirent dans les fourrés. Il y eut une brève lutte ponctuée par les gémissements des bêtes. Enfin surgirent des sylvari du Bosquet, en armes. L’un deux, portant une brigandine verte s’approcha : « Toi dis-nous, y a-t-il des pourritures de la Cour dans les parages ? » Roncebrume était désormais libre de l’emprise des lianes mais ne répondit pas. L’autre approcha un visage d’écorce blanche orné d’épines ; « Serais tu un des leurs après tout ? » Quelqu’un hurla qu'il n'y avait personne d'autre.
« Dis-moi ton nom ! » gronda le sylvari en brigandine.
-Roncebrume. »
Un des gardes sylvari l’interrompit : « Krayg, j’ai déjà entendu ce nom…
-Moi aussi
» Gronda Kayg. « Attachez-le moi et vérifiez comment va l’humain. On rentre. »
La marche à travers la jungle fut épuisante. Mathanu en particulier souffrait en silence. Il fallut faire une halte : apparemment il avait une côte cassée. Un des sylvari de l’escorte lui fit avaler une gorgée d’eau mêlée de baies. Le blessé reprit quelques forces, et on repartit. Enfin se dressa devant eux la place forte : des abris de forte écorce entourée d’une palissade. On sépara les prisonniers, et Roncebrume se retrouva assis sur un champignon dans une chambre d’interrogation, face à Krayg. Ce dernier avait une feuille d’écriture et inscrivait ce qui semblait être un rapport.
« Vingt-cinquième jour de la Saison du Phénix, en l’an 1327 » Commença Krayg. Quelqu’un entra rapidement, et lui murmura quelque chose à l’oreille. Les yeux bleus de Krayg prirent une teinte métallique. Enfin il se tourna vers son prisonnier : « Tu te nommes Roncebrume Feodhan ? ». La conversation tournait à l’interrogatoire. Il fallut s’expliquer : oui il était bien Roncebrume Feodhan. Non il n’était plus membre de la Cour des Cauchemars, bien qu’il l’ait rejointe un peu moins d’un an auparavant. Non il ne faisait pas partie d’un complot contre le Bosquet. Oui il était désormais proscrit aux yeux de la Cour et réclamait aide et protection. Oui il était prêt à collaborer à la lutte contre la Cour.
Krayg conclut, le regard méprisant : « Tu renies la Cour, au péril de ta vie. Fort bien. Nous allons t’envoyer en sureté au Bosquet. » Ce n’est qu’un peu tard que Roncebrume comprit ce qui allait arriver: dès le matin suivant il fit connaissance avec les geôles de l'Arbre Pâle Ce jardin souterrain planté de dionées géantes se trouvait dans les tréfonds du Bosquet . Là entre les mâchoires des plantes s’y trouvaient les criminels qui avaient osé porter atteinte à l’harmonie. A vrai dire les plantes étaient assez grandes pour qu’on puisse s’y tenir debout et même y faire quelques pas. Enfermé dans l’une d’elles Roncebrume eut tout le loisir de contempler ses camarades de prison.
Pour la plus grande part, ils étaient pareils à des serviteurs de la Cour. Qu’y faisaient-ils, personne ne le disait. Certains comme Roncebrume étaient rappelés pour des interrogatoires par des gardiens peu loquaces. D’autres, ceux qui murmuraient à mi-voix donnaient l’impression d’être restés seuls très longtemps.
Et après tout peu importait : à rester englué dans les sucs d’une plante, à la lumière des champignons de la caverne, les jours ou les nuits ne se comptaient plus. Seule restait l’attente, ou dans le cas de Roncebrume, le répit entre deux interrogatoires. Ces derniers se passaient toujours dans une chambre gardée par trois sylvari en armes, et curieusement, on n’avait pas encore eu retour à la torture pour lui faire énoncer une hypothétique vérité. On se contentait de le faire asseoir sur un siège de fer, tout en lui posant des questions en rafales. Toutes parlaient de Scarlet et des spores d’une plante mystérieuse. Roncebrume se contentait de répéter les mêmes réponses : il avait rejoint les rangs de la Cour un été auparavant. Il n’avait jamais cherché à rencontrer une sylvarie qu’elle se nommât Ceara ou Scarlet. Au cinquième interrogatoire Roncebrume vit venir Krayg. « Debout ! »
D’une poussée brutale on le fit se lever. Krayg reprit, d’une voix sans réplique « Roncebrume, ton histoire a l’air d’être véridique, et l’humain qui t’accompagnait nous a assurés de ta bonne foi. » Il déroula une feuille lustrée sur le bureau. « En conséquence tu es invité à comparaître devant l’Arbre Clair, aujourd’hui même. Les gardiens ici présents te permettront de faire ta toilette et de te rendre présentable. On te mènera à l’Omphalos dans une heure. »
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Message par Jeradon Ven 1 Jan 2016 - 0:22

Le regard des autres.


Ils défirent ses liens avant de le faire rentrer dans une cosse volante pour l’Omphalos. Alors qu’une brise légère l’entraînait vers les appartements de la Mère, Roncebrume ne pouvait s’empêcher de penser à tous les sentiments auxquels elle serait étrangère : le désir effréné de rester avec Sorcha, le désespoir et la soif de vengeance après sa mort. La peur et la terreur qu’il avait connues chez les humains, la sauvagerie de sa vie avec Drellon. Oui, Roncebrume pourrait bien être indigne de la vie du Bosquet. Et dans ce cas il rejoindrait les mâchoires poisseuses d’une dionée d’isolation.

Il atteignit enfin la plus grande des feuilles de l’arbre très loin au-dessus de la surface. En foulant le sol nervuré Roncebrume n’avait nulle peur de tomber dans le vide. Il ne pensait qu’à l’essence de l’arbre,  debout dans sa loge d’écorce devant un demi-cercle de visiteurs pleins de déférence. Cette silhouette lumineuse était-elle l’incarnation de toutes les âneries dont on l’avait abreuvé en son temps ?
Quelqu’un le poussa dans le dos « Avance. Va vers ton jugement. » Il se retourna pour voir le visage méprisant de Krayg derrière lui.  « Quoi ? Et je n’ai même pas droit à un avocat ? » Roncebrume regretta à l’instant ces paroles de défi, mais étrangement Krayg resta serein. « Elle est juge, juré et avocat. Avance. »
Ainsi il dut avancer, vers l’être de lumière qui se tenait toute droite en une efflorescence dorée devant le cénacle d’arrogants balourds (avec probablement quelques sycophantes) qui sans un mot s’écartèrent devant ses pas. Au dernier moment les appréhensions de Roncebrume revinrent, mais on le fit se tenir immobile aux côtés d’un dignitaire Norn , sous le regard doré de celle qui l’avait fait venir au monde.
Dans un silence insupportable elle le scruta. Enfin sans un mot elle détourna son visage. On le repoussa et on lui indiqua le chemin vers la cosse. Il repartit en compagné de Krayg, qui était devenu complètement nonchalant. Roncebrume n’y croyait pas. « On me laisse partir comme ça ? »
-Oui. Elle a écouté le dignitaire d’Hoelbrak à tes côtés, elle a vu ce que tu es, et a rejeté ses plaintes à ton endroit. » Interrompant à l’avance le commentaire de Roncebrume, Krayg reprit « Elle a aussi déclaré que tu n’étais pas digne de rester plus longtemps en sa présence. Donc pour toi, c’est le retour au bord de l’eau, dans la maison de Malomedies. ». Roncebrume secoua la tête, incrédule. C’était donc ça. On le renvoyait à une existence communautaire avec les jeunes pousses, à écouter ce qu’il avait déjà entendu trois ans auparavant.

En bas dans le Jardin de Minuit, il n’y avait ni robe, ni arme ni chambre. Nu sous un costume de feuilles noircies Roncebrume dut prendre sa place aux côtés de gens à peine sortis du rêve et participer aux dialogues de son vieux maître.
Et à chacune de ses réponses il ressentit le regard curieux, ou stupéfait des autres élèves. Roncebrume  ne doutait pas qu’il écouterait des propos inintéressants aussi longtemps que nécessaire pour convaincre les Aînés.

Entre temps il fallait faire face aux souvenirs. Un soir, alors qu’il allait écouter la musique de l’omphalos sous la lune, il rencontra un couple. Ils étaient tels qu’il les avait vus trois ans auparavant. Elle pleine de décision et d’énergie. Lui, toujours aussi rétif aux  aventures, bien que plus sûr de lui. Et pourtant il avait crû en une personne d’estime comme l’indiquaient les rameaux qui ornaient son front.
On échangea les noms et les impressions nocturnes. Ils échangèrent un regard gêné. Oui ils se souvenaient maintenant de lui, mais on les attendait à une collation, plus haut, dans les appartements d’un premier né. Roncebrume comprit l’excuse et leur souhaita une sereine nuit.

Il avait cru pouvoir trouver sûreté et hospitalité au bosquet. Il mesurait à présent son erreur. Où qu’il allât il ressentait la gêne ou la vertueuse désapprobation des autres.
Un après-midi pourtant alors qu’il contemplait  le lagon du Jardin de Minuit  à la lumière d’un soleil déclinant, on l’appela : « Roncebrume ! »
Il n’avait jamais vu celle qui l’appelait, mais elle se souvenait très bien de lui « Ton aura n’a vraiment pas changé depuis tout ce temps ! » Elle était envoûteuse assurément, quoique bien plus experte qu’il ne l’eut jamais été.
« Vraiment ? A qui ai-je l’honneur ? »
-Elle eut un sourire vraiment rieur. « Eilenora. La liseuse acharnée. Tu ne te souviens pas ? »
Assurément il se souvenait. Evidemment elle avait changé. Le visage strié coiffé de feuilles tombant en arrière, s’était affiné en un minois coiffé de rameaux orné d’efflorescences couleur pastel. Contre les usages, elle portait une robe ornée de sequins.  Elle s’assit à ses côtés. « C’est bien qu’on t’ait laissé libre. Je n’ai jamais cru les racontars.
-Ah ? On parlait de moi ?
-Bien sûr tu étais celui qui avait massacré sans pitié des norns dans leurs montagnes gelées.
-Ah. Et que dit-t’ on de toi ? »
Il était trop sur la défensive, Pouvait-il s’en empêcher ?
« Pas grand-chose à vrai dire. J’explore le monde et je découvre ses luttes, tout comme toi d’ailleurs. Tu as certainement dû lire dans des ouvrages krytiens  des évènements dont j’ai à peine entendu parler. J’ai quelques volumes anciens chez moi.  On peut les regarder ensemble si tu veux, c’est à deux pas en face. »
Il comprit l’invite, mais Eilenora lui rappelait par trop le passé.  « Tu as une maison maintenant ? ».  Dans le silence malaisé qui suivit sa réponse amère il entendit le plongeon d’un baigneur.  Il reprit « C’est plus qu’on ne m’en accorderait par les temps qui courent. Je verrai tes bouquins avec plaisir quand je serai sorti de l’enseignement élémentaire. »
Evidemment il eut droit à un regard blessé, et à un au revoir peiné. Elle partit.

« Tu te trompes, on t’en accorderait davantage. »
Une baigneuse élancée venait d’émerger de l’eau et le contemplait. Il découvrit un visage familier au teint beige clair, aux pommettes ornées de pointes. « Laneddi ! Tu…
-Surpris hein ? Le monde est petit. »
Elle sortit de l’eau, et sans façon s’allongea sur le sol spongieux quelque pas plus loin. Il la regarda s’égoutter, plein de mépris glacé : « Tu as bien survécu à l’embuscade sur la plage à ce que je vois… »
Et à vrai dire à la lueur déclinante du lagon, son corps dénudé n’avait aucune cicatrice. Elle se mit à plat ventre  et lui retourna un regard de défi ; « Je sais survivre, tout comme toi d’ailleurs. J’ai disparu dans les ténèbres et j’ai passé un petit moment à vivre sur la côte de la marée sanglante. Je suis revenue au bosquet tout comme toi, et on m’a fait un accueil qui n’est pas si différent de celui qu’on t’a fait. ».
-Avec un petit séjour dans les dionées ? »
Elle se mit sur le dos avant de répondre :
« Non et tu te doutes pourquoi. Ecoute ce que je veux dire. » Inclinant la tête en arrière pour égoutter les feuilles bronzées de sa coiffure, elle reprit nonchalamment. « Je connais très bien.. » Et elle insistait sur ces derniers mots… « Krayg Heartkeeper. Il me parle assez souvent de toi, et je te garantis qu’il s’intéresse beaucoup à ton sort. Il m’a même dit qu’on te renverra du Bosquet vêtu de tes feuilles et sans la moindre arme.
-Comme un paysan, tout compte fait. »
Roncebrume sentit le dépit le gagner. Elle secoua la tête, un sourire moqueur sur le visage. « Je connais  Krayg. Il aime se vanter pour épater ceux ou celles qui comptent pour lui ; s’il on avait donné une autorisation pour te virer, il l’aurait fait depuis longtemps. Non, le grand chéri essaie de se grandir une fois de plus. Quand il viendra te voir, demande lui donc une justification écrite de ce qu’il te dira. Le spectacle devrait te plaire. »
Roncebrume ne savait pas s’il devait la remercier ou maudire Krayg. D’un coup l’amertume de ses aventures passées lui revenait. « Je devrais donc réclamer un certificat officiel pour me faire éconduire. » Il prit un galet et le jeta dans l’étendue liquide. Oublieux de Laneddi il contempla les rides troublant la surface de l’onde. « Je suis bien accueilli jusqu’à ce qu’on me trouve assez impur pour me montrer la porte de sortie.
-Roncebrume, personne ne parle de t’expulser.
-Ce n’est qu’une question de temps. J’avais oublié à quel point les gens d’ici dispensent leur nectar de mépris et y ajoutent une pointe de commisération. Pour combien de temps serai-je le pauvre diable du Bosquet ?
-Roncebrume »
. Il se retourna : assise, les genoux ramenés sur la poitrine,  Laneddi le regardait avec irritation.
« Si tu décampes maintenant, tu vas exaucer tous les vœux de  Krayg.  Il est déjà fat, arrogant, et casse-pieds, mais avec ton départ  il deviendra  invivable. Sa tête va atteindre de telles proportions que je devrai la tremper dans cet étang trois fois par jour. » Roncebrume haussa les épaules : « Dommage pour Krayg. Je ne suis pas du bois dont on fait les cultivateurs de champignons. » Il se détourna et murmura « J’ai connu trop de choses pour ça. »
Derrière lui, Laneddi soupira. « Très bien va donc visiter Caledon une fois de plus si ça te chante. Et d’ailleurs, si je ne me trompe pas, tu pourrais rejoindre les Silencieux de l’Ile des Lamentations. »
Roncebrume les avait oubliés : « Il y a donc toujours des sylvari indépendants qui rejettent l’arbre clair ? Je pensais que la Cour les avait exterminés. »
Il n’eut pas de réponse. Quand il se retourna, Laneddi avait disparu.
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Message par Jeradon Dim 7 Fév 2016 - 1:36

A la peine


Roncebrume  s’arrêta au sommet d’une butte et contempla le village d’Astoréa.  A la lumière tamisée de l’après-midi on n’en voyait que les abris et demeures verdoyants éparpillées autour des étangs à l’eau claire. En fait le village sylvari s’étendait bien plus avant dans la forêt.

 Il passa une main sur les feuilles de son front et regarda les gouttes d’eau s’écoulant le long de ses doigts : « Tu n’es qu’un idiot ».

 Désemparé il avait contemplé le visage ovale de celle qu’il chérissait. Mais ce jour-là Sorcha n’avait pas eu beaucoup de patience. « Explique-moi ce que tu veux ! ». C’était tout ce qu’il avait su dire. Et pour sa sœur ça ne valait rien.  Elle lui avait retourné un regard méprisant. « Ce que je veux ? Flynn Fortesève le sait mieux que toi. Mais après tout il ne se contente pas d’être un petit cuisinier attaché à ses recettes. Il a visité des régions que toi et moi n’avons jamais vues. Il a discuté avec des humains, des Norns, des Charr et même des Asura dans leurs contrées respectives. Et c’est pour cela que je pars avec lui. »
De cet endroit même, deux ans auparavant,  elle était partie.
Roncebrume secoua la tête. Deux ans. Cela faisait deux ans déjà. Et pourtant il haïssait cet instant avec la même intensité. Bien entendu le mépris qu’il avait lu dans ses yeux émeraude n’avait pas suffi à le chasser. Il avait simplement décidé de les suivre…
Roncebrume  descendit le long de la route. A cette heure de l’après-midi, la plus grande partie des plantes foyers étaient ouvertes, et leurs habitants étaient soit dans les étangs, soit vendaient les marchandises à leur étal.  Et tout comme eux, Roncebrume devrait travailler.
« Ohé !!! » L’appel des manouvriers résonna dans la clairière. Roncebrume se retourna : « Veux-tu te joindre à nous pour débarrasser nos parcelles des larves qui menacent notre récolte ? » L’offre était bienvenue : il pourrait peut-être gagner assez pour se procurer armes ou nourriture.  Il descendit dans l’étang à la rencontre du chef de groupe. Ce dernier était un grand sylvari, boiseux, dur à la peine. Nulle fleur,  nulle feuille ornaient les courts rameaux de sa tête, et il enveloppait son corps de vieilles feuilles de bananier peu ajustées à la taille. Il écouta tranquillement Roncebrume et acquiesça : oui il se contenterait d’une demi-journée de labeur. Et il y aurait une paye d’un collier de cauris ou d’une demi-pièce d’argent.
En entendant que Roncebrume préférait l’argent il secoua la tête: « Et dire qu’il y a dix étés à peine tout le monde voulait des cauris… » .

Roncebrume n’en avait cure. Il ne lui fallut que quelques instants pour se défaire de sa robe, se vêtir d’une culotte courte en feuilles de lierre et à commencer son labeur.  Pelle en main il se mit à patrouiller dans les parcelles, déterrant et écrasant les larves  qui menaçaient les plants.  Le cuisinier qui était en lui protestait : certaines de ces larves pourraient garnir un plat ! Le nécromancien pestait : pourquoi ne pas utiliser un sort et se débarrasser des parasites ? Mais Roncebrume s’était engagé à travailler à la pelle pour le restant de la journée. D’autres travaillaient également pelle en main dans la vase jusqu’aux chevilles. Une jeune pousse expliqua : « En cette saison les plantes arrivent à maturité, mais les larves viennent d’éclore et elles sont voraces.  Si nous voulons que la récolte soit assez bonne, nous devons les éliminer, tout en respectant les créatures bénéfiques. »

Roncebrume acquiesça et reprit sa tâche. Mais le travail devenait labeur. Bientôt le manche de vieux bois commença à irriter ses mains.  Au détour d’une des parcelles une larve géante  aussi grande que lui, surgit du sol.  Surpris il leva la pelle, un peu trop tard : le jet de flammes l’atteignit à la poitrine. De très loin il sentit les feuilles qui le recouvraient se racornir, alors qu’une vapeur acre le faisait tousser. Il leva la pelle encore, mais déjà un voisin avait bondi en avant et en trois coups bien ajustés, avait réduit la larve en une carcasse gluante.

Le nouveau venu, une jeune pousse aux feuilles d’un roux flamboyant se retourna en hâte vers Roncebrume, mais il y avait eu plus de peur que de mal. Un sourire de sympathie courut sur son visage. « Ce n’est pas trop grave. Au début on est un peu impressionné, mais les larves se comportent toujours de la même façon. Tu verras la prochaine fois ce sera plus facile ».  Il eut un coup d’œil à la brûlure qui balafrait le torse de Roncebrume avant de poursuivre. « Si tu as trop mal viens me trouver j’ai un cataplasme dans mon sac »
Avant de reprendre sa place dans la parcelle,  il reprit encore. « Au fait mon nom c’est Gawain. »
Roncebrume passa le restant de l’après-midi à poursuivre ce qui devenait un labeur éreintant. Alors que la soirée s’annonçait le chef des cultivateurs tint sa promesse. « Tiens, le sachant ! Voilà ton salaire ! ». Roncebrume ignora le ton ironique et accepta calmement la pièce d’argent. « Encore merci. Sais-tu où je pourrais trouver un gite pour la nuit ?"
La face rugueuse de son interlocuteur se craquela d’un sourire. « Partout et nulle part. Il n’y a pas de gîte payant ici. Va voir chacune des plantes ; un des habitants voudra peut-être t’héberger pour la nuit ! »
Cela suffit à Roncebrume. Il fit demi-tour sur-le-champ et s’éloigna à grands pas. Astoréa était bien trop près du Bosquet pour qu’il ne puisse entendre la  « sagesse » des sylvari bien intentionnés. Plutôt passer la nuit dehors qu’entendre encore des discours pontifiants sur la sagesse de l’Arbre Clair. Il s’enfonça dans la forêt moite, et alors que la pénombre gagnait les sentiers,  son esprit se mit à vagabonder : Sorcha était partie vers le Nord combattre les morts-vivants, les fauves la cour. Et elle n’avait trouvée … « Que la mort sur la plage » marmonna t’il. Il s’arrêta net. Devant lui s’ouvrait la gueule d’une caverne. Roncebrume s’avança lentement et laissant les cris et murmures de la forêt derrière lui,  fit quelques pas à l’intérieur.  La pénombre était bien dense et ses pas ne révélaient aucun écho. Un pressentiment commença à le gagner. Après tout,  un peu plus loin, dans la forêt il devait y avoir quelqu’un prêt à l’héberger pour quelques services. Pourquoi s’entêter à suivre un souvenir, et à braver un danger inutile ?

Roncebrume eut un sourire amer « Parce qu’il y a une destinée au-delà des dangers inutiles. »  Bâton à la main, en culottes courtes et simple gilet de feuilles il s’avança. Dans les ténèbres, son corps s’illumina d’une lueur dorée. Il scruta la pénombre avant de clamer :
« Espèce de garce ! »
Sa voix rageuse résonna dans les ténèbres. « Contemple le fruit de ta magie !!! Tu vois ce que je suis devenu ? Tu vois ce que m’a apporté ta victoire sur Ludwig ? Mais ça compte peu, pas vrai ?! Tu as toujours trouvé des idiots pour exaucer tes désirs ! ». Sa bouche se tordit.
« Alors regarde-moi bien ! Je te maudis toi et le cimetière que tu appelles ta terre ! Deviens poussière ! ». Il finit en murmurant : « Et laisse-moi en paix. »
Dans la caverne quelque chose s’éveilla.

Roncebrume tressaillit. Lentement il fit un pas en arrière et invoqua un démon sanglant. Les couinements frénétiques de la créature retentirent aussitôt dans la caverne. Roncebrume fit deux autres pas en arrière, et invoqua un démon d’ombre. : maintenant, Roncebrume en était certain, une créature massive s’approchait lentement.
Il fit encore quelques pas en arrière, et des profondeurs de la caverne, à sa hauteur, émergèrent les yeux brillants d’une araignée des cavernes.

Roncebrume serra les dents empoigna son bâton de marche et hurla farouchement. Ses deux familiers démoniaques bondirent,  et l’araignée fondit sur lui. Roncebrume n’eut pas le temps de se sentir emprisonné par les pattes immenses : il avait déjà passé le Linceul. Il était pour un instant une ombre tournoyant parmi les pattes de la créature, se gorgeant de son énergie vitale. Mais le Linceul finit par se rompre et Roncebrume se retrouva prisonnier  des pattes de l’arachnide géant.  Son bâton lui avait échappé et gisait inutile à quelques pas de là.  Un crochet venimeux traça une estafilade ardente sur son épaule : c’était la fin. Roncebrume ouvrit la main, et son Ombre s’élança vers la tête de l’araignée des cavernes. A moitié aveuglée, la créature ne pouvait  appliquer la morsure finale. Frustrée elle se dressa un bref instant sur ses pattes de derrière. Et un tintement cristallin retentit. Une lueur pourpre illumina l’intérieur de la caverne alors qu’une silhouette  armée de deux haches se lançait à l’assaut de l’araignée. Roncebrume trébucha, roula au sol, quelqu’un le tira hors d’atteinte de l’arachnide. « Suis-moi si tu tiens à ta vie ! » Entendit-il « La Mère va être en colère si elle se rend compte de ce qui se passe ! »
Maladroitement Roncebrume se redressa, agrippa son sac à dos et suivit son guide dans une course trébuchante hors de la caverne, parmi les buissons de la forêt « Mon bâton…Il est resté…
-Plus vite ! »
Coupa l’autre. «Elle peut nous courser s’il le faut! ». Un froissement sinistre, derrière eux,  l’interrompit. « La voilà. »
Roncebrume n’avait que quelques secondes. Il s’arrêta et fouilla dans son sac. Il sentit ses doigts se refermer sur la courroie des sceaux. Agenouillé il brandit le sceau de méchanceté dans les airs et un crissement frénétique retentit. A la lueur verdâtre du sceau il entrevit la forme massive de l’araignée crispée par la souffrance. D’une voix rauque il hurla « Disparais ! Rejoins ton antre et laisse-nous ! ». Et lentement , la créature recula avant de disparaître dans la végétation.  Quelques instants s’écoulèrent, puis tremblant de fièvre Roncebrume  se releva.   L’autre sylvari ne pouvait y croire «Incroyable ! Tu l’as faite partir ».  Roncebrume sourit « C’était juste le Sceau. Il mord un peu... ». Il chancela. Deux bras vigoureux l’interrompirent dans sa chute. Roncebrume eut à peine le temps de reconnaitre des traits réguliers, une coiffure de feuilles en désordre « Gawain ?
-C’est bien moi ! » Répondit son sauveur d’une voix espiègle. Roncebrume entendit quelques paroles rythmées. L’instant d’après les forces lui revenaient. Il se redressa. Gawain le toisait, stupéfait : « Tu es le cultivateur attaqué par la larve ! Et tu sais arrêter une Mère Veuve Noire ?...Viens tu as encore mauvaise mine,  je t’emmène en lieu sûr ! »
Ils reprirent une marche malaisée à travers la forêt. Gawain avait l’air de connaître les sentes et les taillis, mais de toute évidence il n’était pas Sylvari du soir : sa lueur était faible, et il n’arrivait pas à discerner le passage dans la pénombre. Enfin ils parvinrent à une clairière. Là, accroupie devant un grand pot mis sur  le feu,  surveillant l’eau bouillante, une robuste sylvarie les attendait.  Sa forte silhouette baignée dans la lueur bleutée des lampes arborescentes, illuminée par la lueur dansante du foyer donnait à la scène quelque chose d’irréel.

A l’approche de Gawain elle se redressa et s’approcha à grands pas. « Te voici enfin ! Tu as mes casiers ? » Pendant que Gawain se défaisait de son sac à dos elle considéra Roncebrume d’un air moqueur « Tu as trouvé quelque chose en route ?
-C’est un camarade qui travaillait à la parcelle avec moi. »
Reprit Gawain. Il passa une cage d’osier grouillante de pattes velues « Les voici. Des tarentules toutes fraîches ! » . La sylvarie s’en empara prestement. « Très bien, le repas est en route ! Et au fait ton compagnon s’appelle ??? »
Roncebrume considéra un bref instant cette sylvarie verdâtre aux traits grossiers, à peine vêtue d’un pagne, avant de répondre. « Roncebrume. On m’appelle aussi Feodhan.
-Enchantée. Moi c’est Aunea. »   Sans façon elle repartit vers le feu, et déversa le contenu de la cage dans l’eau bouillante. [i]« J’avais prévu un repas pour deux mais tu es bienvenu. Viens t’asseoir ici et partage notre repas. » Le ton était froid et rien moins qu’hospitalier. Roncebrume suivit pourtant Gawain et s’approcha. Il considéra un instant les araignées se débattant dans l’eau bouillante avant de s’asseoir. « Je te remercie…Mais sans façon, sérieusement, je n’ai pas faim. » Roncebrume connaissait trop bien les règles de l’hospitalité de Calédon pour ne pas s’excuser profondément. Aunéa ne parut pas offensée. Elle leva un regard moqueur avant de répondre : « Fort bien…Et dis moi Roncebrume qu’est-ce qu’un voyageur dans ton genre viens faire dans ce coin de Calédon ?
-Aunéa est la gardienne de l’endroit. »
Excusa Gawain, en hâte. « Elle veille à la paix de la forêt, et fournit aide et assistance aux voyageurs.
-En échange de menus services mon petit ami »
. Conclut Aunéa. « Mais tu ne réponds pas à ma question Roncebrume.  Comment es-tu parvenu ici ? »
Roncebrume fixa les flammes du regard. Sa réponse risquait fort de lui attirer des commentaires de commisération, et probablement, de désapprobation. Pourtant il finit par avouer : « J’ai quitté le Bosquet. Je pars vers le Nord, vers les Silencieux. » A sa surprise, Aunéa ne s’offusqua pas. « Pourquoi pas ? Mais je te préviens l’endroit n’est pas paisible. Les silencieux sont pourchassés par la Cour.
-Je n’en ai cure.
-Je m’en doute. »
Avec un court bâton elle finit par extraire deux tarentules inertes de l’eau, et les laissa s’égoutter sur une large feuille. « N’importe, tu devras faire  face à leurs hommes d’armes. » Elle considéra la culotte de lierre de Roncebrume, détailla son torse élancé aux muscles noueux. « Et tu n’as pas l’air d’être équipé, pour affronter forte partie.   Tu devrais voir l’ermite de Morgan. Il te donnera quelques conseils.  
-La spirale de Morgan ? » Roncebrume avait déjà visité ce lieu, où les pierres flottaient dans les airs. La jeune pousse qu’il était alors avait découvert la magie de l’endroit. Stupidement il avait cru qu’une telle magie pourrait changer le monde.  Mais aucun des nécromanciens, et élémentalistes qu’il avait rencontrés ne s’intéressait à ce qui restait une curiosité.  « Un ermite y vit ? »
-Depuis un moment ».
Aunea et Gawain s’assirent de part et d’autre de la feuille et s’emparèrent d’une tarentule. « Il reste discret, et à ce qu’on raconte il était là quand Cadeyrn commençait à sillonner la forêt. On raconte aussi qu’avant son arrivée la Spirale n’était qu’un sillon dans le sable. » Roncebrume avait peine à y croire. Quand il était parvenu là-bas trois ans auparavant, il avait contemplé le motif mystérieux qui semblait jaillir du sable. Il y avait entretenu les fleurs qui y poussaient. Et contrairement à d’autres, il n’avait pas eu le pied assez sûr pour parvenir au sommet. C’était là que se trouvait l’ermite pourtant.  Quand à ce qu’il dirait, Aunéa n’avait eu que ce commentaire « Il te préparera pour la victoire contre la Cour.
-La Cour fait donc la guerre aux Silencieux ?
-Elle les étrangle. Ne me regarde pas comme ça et va dormir. Tu as l’air d’être sorti de terre, et tu auras besoin de tes forces demain. »


Roncebrume ne put qu’acquiescer. Son combat contre l’araignée l’avait laissé meurtri, et il vaudrait mieux laisser la nuit réparer ses blessures.  Il laissa Aunea et Gawain finir leur répugnant repas, et sortit une couverture de son sac. Pourquoi un ermite s’intéresserait-il au sort d’une poignée de Sylvari pourchassés par les séides de Faolain? Trop de  questions se bousculaient dans la tête de Roncebrume. Il soupira profondément et s’endormit.
[/i]
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Jeu 3 Mar 2016 - 23:28

IV partie, Chap5
Le visage perdu

De la Spirale de Morgan au nord de la forêt de Caledon il y avait un peu moins de deux jours de marche, et pour Roncebrume ce fut l’occasion de se remettre en tête les cris de la forêt, et de redécouvrir l’activité des sylvari qui en parcouraient les sentes. En d’autres temps cela avait une source d’émerveillement. Maintenant ce n’était qu’un rappel de l’empreinte que l’Arbre Clair avait imposée sur cette forêt. Il ne fallut pas longtemps à Roncebrume pour retrouver les habitations forestières qu’il avait visitées trois ans auparavant, et y acheter les fruits et victuailles nécessaire à son voyage. Les jaguars qu’il croisa se tinrent à bonne distance de ses armes, et il ne lui fallut qu’une demi-journée pour parvenir à Criquesable.
Il y retrouva une plage baignée dans la lumière dorée d’un soleil déclinant. Aux alentours des récifs de basalte noir dressaient leurs contours biscornus vers le ciel, et le grondement assourdi du ressac retentissait dans le lointain. Un peu partout des petits groupes de sylvari s’affairaient autour de bassins d’eau salée. Il descendit la route et s’approcha : en trois ans rien n’avait changé. Ces gens cultivaient les algues les pieds dans l’eau salée et revendaient leur récolte aux humains ou aux Asura qui étaient intéressés. Un des manouvriers vêtu d’une tunique faite de feuilles de palétuvier retirait au râteau des paquets d’algues brunes. Roncebrume le héla, mais avec surprise découvrit qu’il n’avait jamais vu ce visage auparavant. Il leva la main : « Salutations frère, dis-moi as-tu vu Eodred ? Non ? Elswith ? Non plus ?
Le sylvari secoua la tête… « Jamais entendu parler. Va voir le récolteur Mavad, il pourra peut-être te renseigner. » Roncebrume sourit. Au moins ce nom-là était familier. Il se dirigea vers la rangée de cabanes à l’orée de la forêt. Mavad le récolteur était bien là, pareil à lui-même dans son habit de feuilles vertes et brunes. Aux questions de Feodhan il répondit avec étonnement, mais de bonne grâce. « Ces noms me sont familiers…Mais qui es-tu étranger ? »
A l’instant Roncebrume devint muet. Bien sûr. Autrefois un envoûteur sylvari inexpérimenté avait visité la crique…Mais ce n’était plus qu’un souvenir guidant un nécromancien. Il ouvrit la bouche, se mordit les lèvres avant d’avouer. « Je suis Roncebrume. La vie ne m’a pas…Eté favorable j’en ai bien peur. » A sa surprise, Mavad hocha la tête. « Qui a dit qu’elle le serait ? On n’a pas besoin de sentir l’appel d’une Grande Chasse pour vivre des aventures impitoyables. Tu es toujours bienvenu ici Roncebrume. Voudrais-tu encore nous aider ? Les sylvari que tu as autrefois rencontrés ici se sont dispersés aux quatre vents depuis longtemps. Mais leurs successeurs sont en butte aux mêmes difficultés. Un groupe est parti cueillir des fruits de roncier, et ils sont en retard. »
Il n’en fallut pas plus à Roncebrume. Quelques instants plus tard, un démon sanglant à ses côtés il partait sur les traces des récolteurs vers le rivage de la baie de Ventry. Là-bas les morts vivants et les écailleux pullulaient. Il n’en fallait pas davantage pour perdre la vie. Bientôt lui parvint le fracas caractéristique d’une bataille acharnée. Il accourut : une douzaine de morts vivants entouraient les récolteurs et un gardien fantasmagorique défendait le terrain avec acharnement. Un des assaillants poussa un mugissement de triomphe. L’instant d’après un arc de ténèbres résonna dans l’air frais et le mort s’effondra, une expression stupéfaite sur la face. Deux autres se retournèrent vers Roncebrume. Le nécromancien agita la hache dans l’air, et l’un deux s’effondra la tête défoncée par un coup de hache. Le deuxième parvint auprès du nécromancien, mais un poignard surgit et le perça au cœur .Le mort tomba comme une masse. Galvanisés les récolteurs partirent à l’attaque : quelques instants plus tard les morts jonchaient le sable. Avec un sourire radieux un récolteur, épée en main s’avança : à son feuillage roux ardent et sa voix chaleureuse on ne pouvait s’empêcher de reconnaitre Gawain :
« Roncebrume ! L’arbre en soit loué ! Sans toi nous serions gisants sur le sable. » Le nécromancien aurait bien voulu répondre mais déjà le petit groupe se pressait pour le féliciter : « Merci encore de ta valeureuse intervention Roncebrume ! » « As-tu vaincu le dragon dans tes aventures ? » « Pourrais-tu me guider parmi les humains ? » « Tes armes sont assurément étranges ! »
Il fallut un petit moment avant que tout le monde ne convienne que l’endroit était trop dangereux pour qu’on puisse y tenir de longues discussions, et finalement on prit le chemin du retour.
Il fallut éviter un nid de drakes, secourir quelques siamouth blessés, avant de parvenir en triomphe aux logis des récolteurs. Le soleil se couchait et le temps était venu de préparer le repas du soir. Roncebrume découvrit qu’on préparait une soupe aux algues (une des recettes qu’il avait glanées au cours de sa découverte de la forêt) et sans façon proposa son aide.
Alors qu'il ajoutait les feuilles dans le bouillon une des cuisinières le regardait. Elle était encore une pousse avec un visage rond, des lèvres plutôt épaisses et un sourire amusé:
"Ça fait un bon moment que je n'ai pas vu cette recette-là"
Roncebrume ne savait pas s’il devait être vexé ou flatté.
«Vraiment? Et qui vous l’avait montrée?
-Althéna Rougefeuille. Un peu avant qu’elle ne parte vers Brisbane.
Roncebrume eut un fin sourire. Il se souvenait d’Althéna...
"Et elle faisait toujours des blagues quand elle enseignait ses recettes?
-Non elle était très sérieuse, et triste même.
-Que lui était-il arrivé?
-Son Eowen avait été tué par un raid de Kraits."
Roncebrume soupira. "Nous y revoilà » pensa t'il " La mort sur la plage aux Kraits...Sorcha, que je déteste ces créatures..."
Il retourna un regard navré à son interlocutrice. « Excuse-moi…
-Maéva » la réponse laissa Roncebrume confus. « Oui » reprit en hâte la cuisinière « C’est mon nom voilà, comme toi tu t’appelles Roncebrume.
-Oui ». Apparemment cette sylvarie était une âme simple, prête à une vie simple, avec des problèmes simples. Roncebrume étouffa un soupir, eut un pâle sourire, et reprit « Montre-moi ta nouvelle recette de la soupe aux algues alors… »
Au bout d’une petite heure une trentaine de sylvari étaient assis en rond autour d’un feu, à la lumière d’un soleil couchant. Parmi les cuisiniers, Roncebrume passait les écuelles, et pour la première fois depuis longtemps, il était simplement content d’être là.
Enfin on s’assit pour partager un repas simple mais savoureux. Roncebrume se retrouva assis non loin de Gawain et bien entendu pour les convives l’échauffourée de la récolte était devenue une bataille épique. « <Face à cette horde sans âme, les forces commençaient à nous manquer. Et au dernier moment Roncebrume a surgi et a mis à terre un bon groupe d’ennemis. Jamais je n’ai vu autant de morts retomber sans mot dire… » Gawain se retourna avec un grand sourire « Roncebrume je pars en expédition avec toi quand tu veux ! » Une lueur dorée courut sur le visage du nécromancien et tout le monde partit d’un rire bon enfant à la vue de sa confusion.
Mavad prit la parole: « Roncebrume tu n’as pas à t’excuser. Trop de gens délaissent Criquesable et continuent vers Brisban combattre le Dragon. Tu es un des rares qui prennent la peine de s’arrêter pour parler aux gens.
Roncebrume eut un pâle sourire. Avec embarras il répondit « Je n’ai pas vraiment cherché à combattre le Dragon. Ici ou à Orr. Mais je croyais que Zhaitan avait été vaincu ? »
Un bref silence se fit puis les questions fusèrent : « Tu ne sais donc pas ? » « Un autre dragon est apparu. » « C’est un danger pour nous tous ! »
Gawain expliqua : « Roncebrume, depuis quelques semaines déjà les Asura ont commencé à parler de créatures monstrueuses qui apparaissaient au Nord de Brisban. Maintenant il paraît qu’un Dragon s’est réveillé au plus profond de la jungle. »
Une voisine frissonna. « On m’a même dit son nom. Mordremoth ! » Les autre l’interrompirent « ne dis pas ça ! » “On ne mentionne pas ce nom-là! »
Roncebrume reprit « Je ne savais pas. On n’en parle pas au Bosquet.
-Les gens du Bosquet ne font pas attention à ce qu’on dit dans les recoins de la jungle. » Répondit Mavad. « Mais tu verras, va donc parler aux gens du Marché de Mabon ! En attendant fêtons notre petite bataille. »
Les rires reprirent et on commença à ranger les couverts. Bientôt les jarres de nectar fermenté et d’alcool de coco circulèrent parmi les convives. Roncebrume n’avait plus trop l’habitude de boire : la tête commença à lui tourner. A ses côtés Gawain se mit à parler d’une voix forte à sa voisine avant de s’éclipser. Il allait chercher le collier perdu sur la plage…
Maeva s’approcha, un sourire de connivence sur le visage, et se mit à partager ses espoirs avec Roncebrume, et après tout pourquoi pas ? Elle avait envie d’en savoir plus sur Gawain.
« C’est un garçon courageux pas vrai ? Comment tu le trouves ?
-Ah oui, eh bien il est beau et courageux ! » Maeva eut un pâle sourire. « Ah tu trouves toi aussi ! Et tu crois qu’il va rester ici ? Je veux dire quelque temps » Reprit-elle précipitamment.
Roncebrume la regarda avec indulgence : « Maéva…Il a eu quelques aventures et c’est un valeureux sylvari. N’aie crainte et parle lui directement. Quoi qu’il arrive je suis sûr qu’il te répondra avec gentillesse.
-Peut-être bien…Merci Roncebrume. » Elle eut un sourire navré et s’en fut. Le nécromancien haussa les épaules, s’écarta un peu avant de s’asseoir à même le sable…Sa tête tournait vraiment trop. Il ferma les yeux, un court instant peut-être…
Un rugissement féroce le tira de sa torpeur. Là-bas sur la plage, des drakes s’acharnaient avec frénésie sur quelque chose qui hurlait dans une clameur atroce. Dans la pénombre il accourut, ainsi que quelques autres. Un arc électrique craqua et une des créatures se roula sur le sol. Roncebrume mit fin à son agonie. Quelqu’un bondit, poignard au clair et creva les yeux d’un second drake. La créature rugit : l’instant d’après une épée transperçait son crâne. Les autres s’enfuirent.
On tira le cadavre du monstre. Gisant sur le sable un corps agonisant parut. Quelqu’un poussa un gémissement : « Arbre mère !!! Gawain ! » A la lumière de la lune, le jeune sylvari baignait dans sa sève….Quelqu’un s’exclama « Il n’est pas encore mort ! Poussez-vous ! » Roncebrume se laissa repousser et Mavad s’agenouilla aux côtés du mourant. Il murmura quelques paroles, et pour un instant le corps de Gawain se détendit. « Mavad se retourna, le regard éperdu. « Il échappera à la mort mais ses blessures sont trop sévères. Il faut un vrai soigneur, quelqu’un d’expérimenté. Faites de la lumière ! »
Quelqu’un apporta une lampe. Gawain avait eu un bras broyé, le torse brisé…Et son visage n’était plus qu’un amas de fibres. Il vivait pourtant. Mavad se tourna vers Roncebrume. « Toi ! Tu as vécu, tu as combattu…Tu es nécromancien !!! » Roncebrume écarquilla les yeux. C’était vrai et il avait survécu à des blessures terribles…Mais il n’était pas un soigneur. Quelqu’un l’interrompit : « tu sais faire vivre les morts, aide donc les vivants ! » «Soigne-le Roncebrume ! »
On le poussa ; il dut s’agenouiller auprès de Gawain. A la lumière de la lampe le corps de celui qui avait été si jeune si beau n’était plus qu’un monceau de douleur. Ou encore l’œuvre d’un sculpteur humain dément… « Fais n’importe quoi mais fais quelque chose ». Le murmure avait échappé à Roncebrume, mais cela ne comptait pas. Il se redressa, écarta les bras…Quelques semaines à peine, un peu avant sa mort, Drellon avait enseigné l’art de faire surgir la vie d’entre les herbes et les racines. Il inspira et s’agenouilla. « Vis ! » Une fraîcheur bienfaisante surgit d’entre le sable. Mais à l’instant même Roncebrume sut que quelque chose n’allait pas. Dans la foule quelqu’un gémit : « Arbre mère, qu’as-tu fait ! »
Roncebrume ouvrit les yeux. Le bras était réparé, les morsures n’étaient plus que cicatrices, mais le corps n’était plus qu’une silhouette desséchée. Roncebrume leva les yeux vers l’assistance effarée. Enfin il finit par s’exclamer : « Je vous avais dit que je n’étais pas soigneur !!!
- Ecarte-toi ! »
-Sans façon on bouscula Roncebrume. Une sylvarie s’agenouilla, mit une boîte étrange sur le sol. Un ronronnement retentit, et les chairs se revigorèrent. Gawain était méconnaissable mais restait vivant. « Il vaut mieux l’emmener au Bosquet. Là-bas on saura le soigner. »
On emporta Gawain sur un lit de feuilles. Roncebrume resta assis à fixer le sable du regard. Quelqu’un se pencha vers lui. C’était Mavad « Je sais que tu as fait ce que tu pouvais…
…Mais tu ne savais rien faire » Coupa une voix féminine. « Tu peux aller dormir Roncebrume. » Le nécromancien leva le regard vers Maeva. Dans la pénombre une lueur verdâtre zébrait le visage de la sylvarie. Mavad allait protester mais Maeva reprit amèrement « Puisses-tu rêver de ce que tu as commis. »
Mavad dit que ce n’était pas vrai qu’il ne fallait pas parler ainsi…Mais Roncebrume sut qu’il n’était plus bienvenu à Criquesable.
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Message par Jeradon Dim 3 Avr 2016 - 0:18

Chap 6 part 4

L’île des silencieux.

Quand les couleurs et les fragrances du matin revinrent à Criquesable, Roncebrume était déjà parti.
Aux questions de Mavad, les cultivateurs des bassins d’algues désignèrent la route qui montait vers le refuge des gardes lions. Le nécromancien était parti. Mais ce sylvari valait-il quelque-chose ? Pour les gardes lions ce n’était pas le cas : le fourrier Asura qui officiait au refuge se souvenait d’un sylvari à la peau noire vêtu comme un miséreux, porteur d’armes étranges. Bien sûr un type bizarre comme lui ne pouvait que chercher des idiots du même genre. Quand les gardes avaient parlé d’une Silencieuse qui venait de passer il n’avait pas traîné. C’était peut-être mieux ; après tout la journée serait assez longue sans s’occuper avec un type qui était probablement associé avec la Cour des cauchemars…

Roncebrume n’avait cure de toutes ces questions. La lumière impitoyable d’un ciel blanc de chaleur avait fini par le chasser de la route. Il se contentait de cheminer dans les sentiers qui serpentaient en contrebas. Et c’était ainsi qu’il avait entendus vus de loin les voix des chasseurs de la Cour Il aurait pu les éviter, faire un détour, mais il n’en fit rien. Il fallait qu’il aille à eux, vers leurs arcs et leurs chiens…Pour ce que cela pouvait leur servir.
Il s’approcha à la dérobée en suivant le chenal que creusait un ruisseau. Au sortir du méandre il les vit en train d’arpenter le chemin au-dessus. Il entendait leurs rires vulgaires et leurs insultes. Et ce n’était pas à lui qu’ils s’adressaient.
Ses lèvres articulèrent une parole et tel un souffle il s’avança parmi eux. Ils ne réalisèrent sa présence que bien trop tard : déjà un puits de ténèbres les enveloppait. Ils décochèrent les flèches au hasard mais ils ne pouvaient l’atteindre. Les loups en revanche se jetèrent sur lui. Il lui fallut sortir le poignard, la hache…Ce fut une lutte sanglante. C’est au dernier coup de poignard qu’il vit le corps recroquevillé contre un rocher.

Poignard en main, parcouru par la douleur, Roncebrume s’approcha : celle qui se collait contre le rocher le fixait d’un regard incrédule… « Toi !
A son tour le nécromancien dévisagea celle qui l’apostrophait ainsi. Il reconnut le visage triangulaire, la bouche de carmin, les feuilles dorées. « Florianne ? C’était à toi qu’ils en voulaient ?». Il lui tendit une main ensanglantée. Elle lui regarda un regard apeuré. « Que cherche le Baron ? »

Le nécromancien eut un sourire las. « Celui qui te parle l’ignore. Quel est mon nom ?
Elle lui retourna un regard éperdu. Etait-ce un jeu ? Peureusement elle marmonna « Feodhan »
Il secoua la tête. « Non Roncebrume, le proscrit, le rebelle à la Cour, le traître de l’Arbre Clair.
Dans ses yeux il put lire de la méfiance. « Tu as survécu à l’assaut sur l’Arche du Lion ?
Roncebrume hocha la tête. « Et survécu à la survie…Comment va Kieran ?

Ignorant la main tendue, elle se redressa en grimaçant « Bien, mais il se bagarre comme nous tous. Et toi que fais-tu ? »
Roncebrume balaya brièvement du regard la baie par-delà les frondaisons «Je cherche à gagner l’ïle des Silencieux. J’ai déserté la Cour et je ne peux plus vivre parmi le bosquet. Les vôtres n’ont-ils pas besoin d’un nécromancien ?

Florianne baissa le regard. « Peut-être » Marmonna-t-elle. « Je fais peut-être une bêtise mais… » Elle désigna la sente qui descendait en direction de la plage. « Suis moi et tu verras. » Roncebrume fit un geste et tout autour de Florianne une bienfaisante fraîcheur émana du sol. Ils reprirent la route, d’un pas plus alerte qu’ils ne l’auraient cru et bientôt ils traversaient le couvert des arbres avant d’émerger sur une plage couverte d’algues face à un isthme. Et tout comme dans les souvenirs de Roncebrume l’île des Lamentations restait un roc parsemé d’habitations. Sur la plage, des crabes s’enfuyaient au-devant d’eux. Roncebrume avisa les filets étendus sur des cadres dressés sur les rives de l’îlot. « Vous vivez de la pêche ?
-On récolte des algues, on fait pousser du corail. On a quelques clients au marché de Mabon. »
Deux Silencieux, arcs en main se tenaient en faction sur un roc au-dessus de la plage. En voyant Florianne ils se hâtèrent, arc au poing, mais s’arrêtèrent, interdits à la vue de Roncebrume. « Florianne c’est bien toi ? Tu n’es pas otage ?
-La sylvarie fit un geste du bras et s’approcha d’un pas léger « Ne vous en faites pas, Roncebrume est un allié ! »
L’indécision des gardes faisait peine à voir. Ils tenaient leurs arcs maladroitement et s’écartaient lentement. L’un d’eux arborait une barbiche vénérable toute en fibres ligneuses et clignait des yeux sous le soleil.
L’autre considérait Roncebrume avec méfiance. Bien sûr le nécromancien portait tout comme eux des habits humains, sans aucun rapport avec les livrées végétales des séides de la Cour…

C’est cependant sous leur escorte que Roncebrume parvint au sommet du roc habité par les Silencieux. L’endroit était calme. Dans l’air paisible résonnaient les discussions des habitants assis sur le seuil de leurs abris. A l’arrivée du petit cortège les conversations se turent. Florianne s’avança. « Roncebrume vient s’initier. Où est Kieran ? »

Une femme fit un geste du menton : « Sur l’esplanade avec la Chantre. »
L’esplanade était une étendue inégale entourée de plantabris exigües, dominant la plage en contrebas. Epée au côté, Kieran était en discussion agitée avec une altière sylvarie toute de noir vêtue. A l’arrivée de Roncebrume un silence se fit. Avec un grand sourire Kieran s’avança. « Feodhan ! Tu as fini par choisir ! Et c’est notre voie encore ! Bienvenue parmi nous !

-Un moment ! » La femme en noir avait la voix coupante et le mépris était empreint sur sa face. « Tu es inconnu, profane, et tu ressembles trop à un séide de la cour pour être honnête ! »

En trois pas, Kieran s’interposa entre elle et Roncebrume « Moriana. Ça suffit. Feodhan a fait ses preuves. Laisse-le raconter son histoire avant de juger !
-Soit. Qu’il s’asseye face à nous et raconte comment il a fini ici. Et qu’il nous raconte son histoire depuis le début. »
Assis en tailleur devant la petite assemblée Roncebrume dut raconter son odyssée. Son départ du bosquet, la vengeance, la métamorphose, la rencontre avec Drellon, sa vie de page, l’assaut sur l’Arche, sa désertion et son départ définitif du Bosquet.

Moriana écoutait silencieusement, alors que Kieran approuvait. Une heure passa et un petit groupe se rassemblait autour d’eux. Enfin Roncebrume se tut. La chantre passa une main lasse sur son front. « Cela suffira, mais la décision ne dépend pas de nous. Laurentius décidera à son réveil.

Florianne se leva alarmée, “Mais on ne peut pas attendre si longtemps !
-On peut ! » Coupa Moriana. « Roncebrume devra attendre notre décision, au marché de Mabon si ça lui chante. Dans l’immédiat il doit quitter l’île. »

Roncebrume regarda l’assistance. A part Kieran et Florianne il ne voyait que des regards circonspects et des visages fermés. A regret il se leva. « Je ne suis pas ici pour vous imposer ma présence…
-Rien du tout » Interrompit Kieran « le soleil va se coucher bientôt. Ce soir tu es notre hôte. » Il se retourna vers Moriana « Il y a un problème ? ». Cette dernière blêmit. Les nervures de son feuillage se contractèrent, mais elle resta silencieuse. Kieran eut un sourire carnassier. « Allez, vous autres, rendez-vous à mon abri. Il doit nous rester du poisson, des fruits, un peu de soupe…Tu verras Roncebrume, on partage beaucoup ici ! »

Alors que le soleil se couchait, on se réunit autour d’un feu face à la maison de Kieran. C’était une plantabri ligneuse aux feuilles fatiguées et recouvertes d’une fine croûte de sel. Mais les gens n’avaient pas l’air de s’en formaliser. Roncebrume ne dit rien et s’assit parmi les autres pendant que les femmes faisaient la cuisine. A la nuit tombée on fit circuler les plats et la boisson.

Après quelques instants les langues se délièrent quelque peu.
Un voisin de Roncebrume se tourna vers lui « Alors tu as laissé ton ami humain aux forges du Bosquet ?
Roncebrume hocha la tête. L’autre poursuivit « Tu en as de la chance. J’aurais aimé avoir un ami humain moi aussi. Comment sont-ils en général ? » Roncebrume tendit une coupelle en feuille pour se faire servir du nectar. « Changeants. Certains sont tes pires ennemis, et quelques mois plus tard, se feraient hacher menu pour toi.
-Et tu as lu leurs livres, tu parles leur langage…Pourquoi n’es-tu pas parti au Promontoire Divin ? »
Roncebrume avait entendu parler de ce lieu des humains, mais n’en connaissait que très peu de chose. « Parce que j’avais en tête un retour à Caledon.
-Tu n’en avais pas assez ? Pourquoi revenir ici ?
-Parce que quelque chose que j’adorais m’avait été arraché, et je voulais le retrouver ici. »
Les conversations se turent. D’autres se tournèrent vers lui. « Ici ? Pourquoi ? » Interrompit le garde à la barbiche. « Ici il n’y a rien ! ». « Arrêtez tous ! » Interrompit Florianne. « Roncebrume voulait dire : avec les Silencieux. » Quelques-uns opinèrent et les conversations reprirent.

Florianne s’assit près de Roncebrume. Dans la tiédeur de la nuit elle dégageait encore un parfum entêtant. Elle dévisagea Roncebrume un bref instant avant de commencer. « Roncebrume, personne ici n’aime cette île. Nous sommes ici parce que nous avons été chassés.
-Littéralement ?
-Littéralement. Nous avons déjà du abandonner deux villages. Des sylvari généreux ont été capturés et réduits en esclavage par la Cour. Quand Kieran a rencontré le Baron il a essayé d’obtenir leur libération…Sans succès. Les courtisans n’étaient pas si faciles à circonvenir. Alors nous sommes arrivés ici.
-Donc vous êtes retranchés sur ce roc à deux pas du marché…
-Pour ainsi dire. Les autres sylvari nous méprisent et les gens du marché nous ignorent. Seuls les Courtisans nous suivent. Avant-hier ils ont décoché à Laurentius notre aîné deux flèches empoisonnées. Laurentius vivra mais pour l'heure il est prisonnier d’un sommeil étrange. En attendant nous fourbissons nos armes tout en essayant de survivre. » Elle se leva. « Viens je vais te montrer où se trouve ta natte pour la nuit. »

Quelques heures plus tard, Kieran vida son gobelet : "Le temps est venu pour moi de me retirer, les amis. La journée de demain sera longue!". Il se leva pesamment et d'un pas incertain partit se coucher sous les rires. La soirée touchait à sa fin cependant, et alors que la lumière des lanternes décroissait, les sentinelles partirent en faction et les autres allèrent se coucher.

Roncebrume se retrouva seul dans la pénombre. Il sortit. Dehors, dans la chaleur moite de la nuit, la lune illuminait les flots calmes de la baie. Dépassant les derniers abris en fleur, il s'avança vers le rivage. Là agenouillée non loin de l'eau, dans une lueur argentée une sylvarie épineuse reprisait soigneusement des filets de pêche. Il s'avança.
"Bonsoir!"
Elle le salua sans lever le regard. Il reprit: "Je m'appelle Roncebrume, et toi???
-Je suis Moira." Elle avait répondu d'un ton neutre. Une fois encore il reprit "Excuse-moi mais je viens d'arriver...
-Et tu as défait une bande de recrues de la Cour."
Elle reposa son travail et leva un visage parcouru par des stries couleur d'acier. "C'est un beau coup, mais on verra ce que tu sauras faire quand ils enverront un escadron de leurs gens d'armes." Elle tendit un bras fuselé. "Assois-toi là". Roncebrume obéit silencieusement avant de la regarder droit dans ses prunelles rouges. "Explique-toi". Troublée, elle baissa les yeux avant de reprendre. "Excuse-moi. Ici l'héroïsme n'est plus de mise. Entre les kraits, les morts et la Cour, nous sommes entourés d'ennemis.
-Pourtant les gens rient ici..." Elle l'interrompit d'un ton coupant: "Et ils pleurent aussi. Roncebrume, parmi nous se trouvent des libres penseurs venus du Bosquet...Mais s'il n'y avait pas des renégats de la cour, comme toi ou moi, ils n'auraient pas duré très longtemps. Et la Cour est impitoyable envers les renégats aussi...
Roncebrume ignora l’allusion «…Et ils redoublent leurs assauts.
-Tu commences à comprendre. Ici, Roncebrume, l'optimisme béat est le lot de ceux qui comptent sur les autres pour les défendre. Ceux qui veulent un vrai changement vivent chaque instant comme si cela devait être le dernier." Après un silence elle reprit "Tu devrais peut être partir te coucher maintenant. La journée demain sera longue." Elle assura une dernière couture, avant de ranger chanvre et aiguilles. "Je vais devoir me coucher aussi.
-Tu n'as pas fini de ravauder le filet pourtant.
-Ce n'est pas ce que j'ai fini ce soir."

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Message par Jeradon Ven 6 Mai 2016 - 1:12

Chapitre 7- Sève Noire

Ils vinrent au petit matin avec leurs loups et leurs arcs. Ils plantèrent des fleurs pour écraser leurs victimes sous les bombes et ils s’avancèrent au rythme de leurs crécelles et de leurs chants sauvages. L’île des Silencieux était leur proie et ils étaient des chasseurs de la Cour des Cauchemars.
Comme beaucoup, Roncebrume s’éveilla aux hurlements de l’assaut. Sans attendre il se mit sur ses pieds, agrippa un Sceau de Célérité, empoigna son bâton et se précipita vers l’orée du village. La première bordée de graines toxiques le surprit comme d’autres et il s’effondra en un souffle.
Gisant non loin d’une cosse racornie, Roncebrume entendait venir la charge tumultueuse des assaillants quand non loin de là résonna la voix d’une femme : « Tu n’as pas le droit de faiblir. Relève-toi. » Une vive douleur gagna son bras. Quelque part une voix familière hurla «tir de barrage ! »
Roncebrume ouvrit les yeux et la salve des fusils retentit. Devant lui, un soldat de la Cour, les chairs criblées de balles s’abattit telle une feuille morte. Le nécromancien étreignit sa dague alors même que la sève noire dégouttait sur le sol. L’instant d’après il n’était plus qu’une ombre se ruant parmi le premier groupe d' assaillants. Il courait au milieu des hommes d’armes, se gorgeant de leur énergie vitale, poignardant ceux qui avaient assez de forces pour tenter de riposter. Le tranchant acéré d’une feuille lui entailla l’encolure sans le tuer : l’instant d’après le porteur de l’épée s’effondra dans les bras de Roncebrume, et son agonie défit les ravages qu’avait infligés son épée. Ce n’était plus un combat, cela devenait un massacre.
Quand le Linceul se déchira, Roncebrume s’arrêta et leva la tête : aux alentours, devant les premières maisons du village, gisaient les cadavres des premiers assaillants. En contrebas, se tenaient les rangs ennemis. L’instant d’après ceux-ci s’ouvrirent pour laisser place à une ligne d’arquebusiers de la Cour. Immobile Roncebrume les vit mettre en joue…La salve retentit à travers tout le village. Hébété, Roncebrume s’effondra au sol le sang vert suintant par trois vilaines blessures. Derrière lui il y eut une course poursuite. Quelqu’un l’attrapa, on mit quelque chose au-dessus de sa tête. On échangeait des commentaires « Plus haut le bouclier ! Ils rechargent !
-Roncebrume reste avec nous ! »
-Attention, bouclier au plus fort ! » La salve de mousqueterie retentit encore faisant trembler le bouclier. Roncebrume se sentit trainé vers l’arrière. Quelques instants plus tard, il était allongé contre une paroi végétale. La voix de Florianne retentit « Attends… ». Une bienfaisante fraîcheur l’envahit. L’instant d’après il se retrouvait dans une ruelle non loin d’une barricade, et deux sylvari étaient agenouillés à ses côtés. Florianne était là aussi, complètement furieuse : « Tu pars à l’attaque pour rester devant leurs fusils !? Réfléchis ! » Un sentiment d’impuissance envahit Roncebrume. Les lèvres sèches il demanda : « Kieran ? Les autres ?
-Ils tiennent l’entrée devant…Oh par le sang des nôtres ! »
À moitié nus, glaive au poing, des serviteurs de la cour surgissaient de toutes parts. Roncebrume regarda Florianne. Elle hocha la tête : les assaillants avaient émergé du rivage derrière le village. Des éclairs crépitèrent aux bouts de ses doigts et un arc électrique parcourut les trois premiers assaillants. Cela ne suffirait pas : un des soigneurs s’enfuit sans demander son reste. Le second se retourna et vit les chairs de Roncebrume se fondre en une silhouette monstrueuse aux reflets de jade. L’instant d’après la créature verdâtre prit son essor et flotta au-dessus de la ruelle. Bientôt elle étendit des serres démesurées et partit vers les assaillants. Alors même qu’elle happait les premiers séides de la Cour les cris de guerre devinrent des hurlements désespérés. La créature se mit à dériver lentement au-dessus des ruelles, happant comme par jeu quelques guerriers ici ou là. Alors que les premiers cris d'agonie retentissaient les assaillants commencèrent à reculer. Quelque part sur la rive quelqu’un se rendit compte de ce qu’il se passait : une pluie de flèches s’abattit sur le village. Dès la première flèche la créature verdâtre poussa un hurlement et se rua à la poursuite des séides de la cour. Dans les rues une bourrasque glaciale et violente projeta les assaillants au sol. Ceux-ci gagnèrent l’abri des quelques maisons désertes de leurs occupants et bientôt, percée de flèches, la créature verdâtre s’abattit au sol. Un instant plus tard Roncebrume réapparut étendu, épuisé, sur le caillebotis des ruelles. Il entendit un cri sauvage : c’était la fin. Et pourtant….La clameur victorieuse des Silencieux retentit « Noirevigne est mort !!! Il est mort ! »
Un silence se fit dans les ruelles. Et tout à coup les assaillants détalèrent vers le rivage. Incrédule Roncebrume se releva, et poignarda un fuyard qui le dépassait : son compagnon ne s’arrêta même pas. Exultant Roncebrume se lança à sa poursuite. Du rivage les troupes de la Cour se jetaient dans les flots. Quelques villageois brandirent leur fusil et d’autres assaillants s’effondrèrent, au mileur d'une fuite effrénée. Sur la côte aussi les bannières de la Cour faisaient retraite. Enfin Kieran survint avec une petite troupe de Silencieux poisseux de sève. Par petits groupes ils se déployèrent dans les ruelles et après quelques moments ramenèrent quelques prisonniers, ligotés, aux blessures suintantes. Pendant qu’on les mettait à mort Kieran expliqua la situation à Roncebrume. « Ils pensaient emporter la place facilement, et nous avions en réserve des armes d’importation. Ça c’était la première surprise. La deuxième surprise…Bah, disons qu’à partir du moment où leur chef était identifié sa fin était certaine. Et tu as aussi joué en notre faveur.
-En mettant fin à leur première vague ?
-En attirant leur attention. » . Une grande sylvarie drapée dans une robe grisâtre venait d’arriver en compagnie de quatre Silencieux tous de noir vêtus. Elle poursuivit : «Et tu le fais très bien avec ton acharnement à exterminer les ennemis. » Roncebrume scruta le visage violacé et finit par reconnaitre Moira. A la lumière du jour, dépourvus des stries argentées de la nuit, ses traits anguleux apparaissaient clairement.
Il la regarda, interloqué : « Que veux-tu dire ? Je triomphe simplement d’ennemis bien plus nombreux que moi. »
Un sourire moqueur apparut sur le visage de son interlocutrice. « Alors il faudra que je t’explique quelque chose. Mais pas maintenant. » Sur sa robe, une tache verdâtre s’élargissait. Roncebrume comprit et s’écarta. D’ailleurs il y avait à faire : nombreux étaient les villageois blessés durant l’assaut. On lui donna un baluchon, et quelques rouleaux de feuilles enduites d’onguents. Il passa le reste de la matinée à panser des blessures, et à encourager ceux qui avaient tenu tête aux gens de la Cour. Enfin à la mi-journée tout le monde fit une pause. Roncebrume se retrouva un bol de salade aux algues à la main en pleine discussion avec Florianne.
« Une troupe de gens d’armes vous attaque et les trois quarts du village doivent être pansés ! Quels genres de sylvari êtes-vous donc !
-Le genre qui veut vivre libre et en paix ! » Florianne goûtait peu le ton badin et la commisération. « Si tu cherches des héros, passe ton chemin…Et après tout on ne t’a pas obligé à venir.
-Ce n’est pas ce que je voulais dire… » Reprit Roncebrume, confus. « Et pourtant c’est ce que tu déclares ! » Trancha-t-elle. Le repas s’écoula en silence, jusqu’à l’arrivée de Kieran. Il prit un bol de salade et après un moment, entre deux bouchées, prit la parole. « Roncebrume, si tel est ton désir tu peux rester avec nous. Mais reste indulgent avec les nôtres. Ils n’ont pas l’expérience de la guerre.
-Je croyais que je devais faire mes preuves…
-Moriana n’est plus. Une flèche mal placée lui a transpercé la tête. Et Laurentius s’est agité dans son sommeil. Il est en train de se réveiller. » Kieran avala la dernière bouchée : « Je vais te présenter à lui et tu seras libre de choisir ton séjour et ton négoce parmi nous. »
Roncebrume resta muet quelques instants avant de reprendre « Alors il n’y a pas d’initiation, pas de cérémonie ? Maintenant que Moriana a disparu ça ne compte pas ? »
Kieran haussa les épaules. « Pour moi tu as toujours paru plus Silencieux que Courtisan. Je suis prêt à te recommander devant tout le village. Mais pour l’instant nous avons peu de monde et je préfère faire appel aux bonnes volontés. » Il se redressa. « Suis moi maintenant, Laurentius t’expliquera ce qu'on attend de toi.
Une demi-heure plus tard, Roncebrume se retrouva devant un abri isolé sur un promontoire de l’île. A sa surprise il y rencontra un sylvari couronné de boiseries verdoyantes, tout en feuillage lustré. Accroupi devant un foyer éteint ce il exposait un corps noueux aux rayons du soleil. A l'arrivée de Roncebrume il leva un regard éteint. "Voici donc le nouveau venu. Je suis Laurentius. Quel est donc ton nom?" Roncebrume comprit l'invite: "Je suis né sous le nom de Feodhan doyen vénéré mais j'ai toujours vécu comme Roncebrume. C'est le nom que je clame et que j'accepte."
Un sourire illumina brièvement le visage de Laurentius. "Tu connais mon nom, mais je n'accepte pas le titre de doyen vénéré. Titres, éloges...Cela vient de la Cour, ou des flagorneurs du Bosquet. » Il se redressa avant de s’avachir dans un siège d’osier. « Un jour peut-être, tu comprendras pourquoi. En attendant je vais te demander de l'aide. Que sais-tu faire?
-Je suis cuisinier, Laurentius.
-Un négoce comme un autre…Dis-moi Roncebrume, connaitrais-tu des recettes permettant d’accommoder les produits de notre pêche ?
-Je le pense…
Laurentius eut un geste las. « Fort bien ! Reste donc parmi nous si tu le souhaites. Kieran mon garçon nous avons un nouveau Silencieux au village. Veuillez le présenter aux autres. »
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Mer 8 Juin 2016 - 0:40

Chapitre 8 Pêche en eaux troubles

« Le sylvari qui se tient devant vous a affronté victorieusement une vingtaine de soldats de la cour ce matin même.  Il présente maintenant une demande pour rester parmi nous en tant que membre de notre communauté… » Debout, immobile devant le petit cercle de villageois réunis sur l’esplanade Roncebrume avait tout loisir d’apprécier l’éloquence de Kieran. « Je vous demande donc, compagnons d’allégeance, d’accepter Roncebrume parmi nous ! » Un murmure s’ensuivit, puis une voix s’éleva : « Et Roncebrume ? Qu’a-t-il à dire ?

Le nécromancien s’avança. « Gens de Maguuma ! J’ai abandonné l’hypocrisie  de la vie au Bosquet et j’ai rejeté la voie de la cruauté. Je ne suis que sylvari comme vous et je ne cherche ni titres ni rang. Je veux simplement vivre envers et contre tout comme un sylvari libre ! ».  Les mots résonnèrent étrangement dans la chaleur moite de l’après-midi, et pendant un instant les murmures parcoururent la foule. Enfin, lentement, en signe d’approbation les mains se levèrent. Bientôt elles furent assez nombreuses. Kieran eut un grand sourire prit Roncebrume par le poignet et leva le bras « Pour Roncebrume le défenseur du village des Silencieux, hourrah ! ».  Les acclamations retentirent un petit moment, et bientôt tout le monde repartit vers ses occupations. Avec satisfaction, Kieran se retourna vers Roncebrume. « Et voilà, maintenant tu es chez toi. Je vais te montrer où on fait la cuisine, et après tu pourras faire le tour du village. »

Cet après-midi-là, on faisait la cuisine devant la plante abritant Laurentius. Un réchaud de vieux boisafeu avait été installé non loin d’une plante fontaine, et  c’est là, en compagnie de Kieran que Roncebrume rencontra les autres cuisiniers.
« Alors c’est toi le nouveau. »
L’apostrophe s’ornait d’une nuance de mépris. Celle qui l’énonçait était élancée, toute de noir vêtue et avait un couteau à viande à la ceinture.  Désarçonné, Roncebrume ne sut que répondre. Elle poursuivait : « On n’a que faire de provocateurs ! Ici les gens se battent pour leur survie pas pour leur gloriole ! Et ensuite, tu as pu convaincre Laurentius, mais ça ne veut pas dire que…
-Je suis digne de confiance. » Roncebrume regardait posément la sylvarie. Il scruta son regard courroucé avant de reprendre. « La Cour veut ma peau crois-moi. Es-tu la gardienne de la cuisine? »
Kieran intervint « C’est Aherne le chef ».  Ce dernier était un sylvari trapu, vêtu d’un surtout de feuilles fripées. Il tendit un bras ferme « Aherne, maître queux, et un des plus anciens à rechercher le Silence. Tu excuseras Linsa, elle se laisse emporter facilement. » L’autre, furieuse allait répondre mais Kieran la devança « Et toi Linsa tu es cuisinière et aide de Moira, je sais. Mais ici ou dans ton travail, tu ne prends pas de décision. » Intrigué, Roncebrume aurait bien voulu en savoir plus, mais Aherne expliquait déjà «Peu importe, bienvenue parmi nous ! Roncebrume, la cuisine aura besoin d’un marmiton et ton rôle sera de préparer la cuisine, chercher les ingrédients, et faire en sorte que les pots et jarres soient là où ils devraient être, et en bon état… » « Et donc tu devras travailler avec Aherne, quand il n’y a pas urgence » Conclut Kieran avec un grand sourire. « Mais tu as encore à faire,  et tu reviendras un peu plus tard. »

Il s’éloigna de quelques pas avec Roncebrume, avant de commencer à mi-voix. « Aherne est quelqu’un de régulier, et tu n’auras pas de problèmes si tu fais ton travail comme il faut. Mais méfie-toi de Linsa. Je ne t’en dirai pas plus. Maintenant va te promener dans les alentours avant de revenir dans une heure. »

De la plantabri de Laurentius à la côte donnant sur la baie de Ventry, l’île était couverte d’une vingtaine d’abris de toute taille, laissant à peine la place pour une esplanade, des séchoirs à poisson et une ou deux cabanes où on entreposait les produits à revendre. Toutes ces plantes créaient un dédale de ruelles, certaines couvertes d’un caillebotis grossier, certaines découvrant le roc nu, arpentées lentement par des Silencieux émaciés. Roncebrume descendait le chemin quand il entendit quelqu’un le héler. Un instant plus tard, un Silencieux dégingandé torse nu et en culotte de toile grossière le rattrapait. « Roncebrume ? Ah sève du jour, ça tombe bien ! Tu cherches un travail pas vrai ? « La liberté ça se gagne avec des mains calleuses » comme on dit. Je peux t’apprendre à pêcher si tu veux ! » En apprenant que Roncebrume avait déjà une idée de ce qu’il voulait faire, son enthousiasme retomba un peu mais il reprenait déjà : « Peu importe, je peux aussi te montrer ce qu’on attrape, tu es d’accord ? Magnifique ! Au fait mon nom c’est Rhegan ! » Roncebrume en était encore à se demander si ce flot de paroles était dû à de l’empressement ou de la servilité quand l’autre conclut : “Mais j’oubliais tu auras pas mal de choses à voir.”. Ils étaient parvenus à une jetée de bois  branlant. « Les autres sont déjà sortis faire leurs prises, mais il nous reste toujours les casiers. Tu n’as probablement pas vu ça au bosquet mais c’est ce qui nous permet d’attraper des crabes. C’est moi qui en eu l’idée après avoir observé des humains. »  Il s’empara d’une hotte et fit signe à Roncebrume de le suivre vers l’extrémité de la jetée. Sous le soleil de l’après-midi les flots n’étaient qu’une étendue scintillante bordée dans le lointain par la muraille verdâtre du Domaine des Vents. Roncebrume fixa un instant la ligne verte, mais déjà Rhegan tendait un bras noueux vers les flots. Le nécromancien s’approcha et vit des cordages attachés à une jetée  de bois « Voilà c’est ici que l’on a mis nos casiers à crabes. Tu pourrais commencer par apprendre à les remonter. »

Sous la directe de Rhegan Roncebrume s’approcha et empoigna une corde. Lentement il remonta une cage grouillante de crabes. Rhegan lui tapa sur l’épaule. « Beau travail ! Maintenant va remonter l’autre casier pendant que je mets ceux-là dans la hotte. »
Le deuxième casier était plus difficile à remonter. Le cordage était plus rude, le casier tirait davantage sur les bras...Roncebrume appela. « Dis donc celui-là est vraiment lourd.
-Ça tire un peu pas vrai ? » Rhegan eut un petit rire. « Attends j’arrive ».

Le chanvre entaillait les paumes de Roncebrume, la moiteur l’environnait, les flots reflétaient le soleil en une myriade d’étincelles aveuglantes, et quelque part au-dessous quelque chose bloquait une boite remplie de crabes vivants…Roncebrume se laissa chuter de tout son long. Avant même de toucher les flots il entra dans le Linceul et une pénombre glaciale l’engloutit.

Là-bas il n’y avait rien, pas de peur, pas de fatigue, et pas de reflets. Il n’y avait que la pénombre et les taches de lumière qui s’y déplaçaient. Presque à regret il remarqua les filaments lumineux qui commençaient à l’envelopper et comprit qu’une méduse géante l’attaquait. Les bras grands ouverts il agrippa les filaments de douleur brillante et se gorgea de l’essence vitale de l’être. Bientôt les fils brillants disparurent dans les ténèbres, et une étrange angoisse commença à l’étreindre...Allait-il rejoindre les profondeurs ? Il lui fallait remonter…Mais quelque part au fond il distingua une forme…
Sur la grève Rhegan scrutait l’eau avec affolement, quantité de mots lui venaient en tête, mais il n’arrivait pas à se décider à appeler à l’aide. C’est avec soulagement qu’il vit la main de Roncebrume surgir de l’eau. L’instant d’après le nécromancien s’était hissé sur la jetée. Il écarta la main de Rhegan et se redressa ruisselant dans sa robe de bure trempée. Il toisa froidement le pêcheur : « depuis combien de temps utilisez-vous des cadavres de hylek comme appât pour les crabes ? » Rhegan ne comprenait pas « Plusieurs lunes…Mais pourquoi cette question ?

Vous donnez à tous les Hylek de la baie un prétexte pour vous détester."
La confusion se fit jour sur la face de Rhegan : « Ecoute Roncebrume, je n’ai pas trop de temps pour ces discussions-là. Laurentius a connaissance de nos méthodes de pêche, et il les approuve, va t’expliquer avec lui si tu veux. »  Roncebrume eut un sourire amer. L’instant d'après il s'éloignait à grand pas. Rhegan le héla mais il entendit seulement " Je vais voir les gens d'ici."

De l'autre côté de l'ile la vue se bornait aux rivages verdoyants de la côte. Derrière les arbres se trouvaient les routes menant au marché de Mabon, les hameaux Sylvari ainsi  que les séides de la Cour des Cauchemars.

Roncebrume étendit sa robe moite sur un rocher, s’assit et laissa trainer son regard le long du rivage. Sur la grève des femmes en tuniques informes ou en robes de calicot triaient des morceaux de corail, non loin d’une barque hissée hors de l’eau. Un peu plus haut à l’ombre d’un des rares palmiers de l’île, deux Silencieux s’affairaient autour d’un établi. Et un peu plus loin parmi les galets et la rocaille un petit groupe réparait les filets. Moira était à l’écart des autres, enveloppée dans son ample robe claire. Roncebrume s’assit près d’elle et regarda le manège de ses doigts le long des mailles. Enfin elle rompit le silence : « Es-tu si fasciné par ce travail ?

Je passais simplement. Et je me demandais aussi comment une personne de ta qualité passe son temps à ravauder des filets.
-C’est un travail comme un autre. J’aime bien rester à l’écart tout en rendant service à tous.
-Et tu fais cela aussi quand tu liquides le Sire de Noirevigne ? »
Elle leva un regard moqueur « Qu’est ce qui te fait croire cela ?

-Tu viens de la cour…Tu es bien plus qu’une simple ravaudeuse de filet. Tu es revenue de la bataille de ce matin,  avec une blessure…Et tu n’étais certainement pas au front avec les autres.
-C’est exact.
-Et je crois me souvenir qu’à la mort subite de Noirevigne les Courtisans ont décampé. D’ici à ce que tu saches qui tuer subitement… » . Elle se redressa et rabattit son capuchon, révélant un visage tout en ronces violines.
« Qui de mieux qu’une personne de la Cour pour défaire les Courtisans ? Et peu m’importe si ce n’est pas glorieux. Je n’attends rien des gens d’ici.  
-Les autres t’évitent ?
-Et ils ont bien raison. Je suis vénéneuse. » Elle eut un regard sardonique pour  Roncebrume. «Troublé ? Je pensais que tu serais plus au fait des usages de la cour !
-Non. » Au bout de quelques instants Roncebrume reprit « J’avais un ami, un page…Mais il ne m’a jamais parlé de la vie à la Tonnelle de la Cour.
-La Tonnelle des Lamentations tu veux dire. Bah certains en parlent, d’autres se taisent. La Cour te change. Certains deviennent des artisans du Cauchemar, d’autres deviennent le Cauchemar eux-mêmes. Moi c’est le poison. » Elle effleura les longues épines qui descendaient du sommet de son crâne vers son cou « Et ce n’est pas uniquement ça. Donc les autres m’évitent au cas où.
-Pas moi."


Elle se redressa croisa les bras et le scruta. Enfin elle reprit « Je crois comprendre pourquoi Drellon des Orchidées t’a choisi.
-Tu connais Drellon ?
-Bien sûr. Un fier à bras, toujours sûr de lui, et plein de panache. Les disputes pouvaient faire couler la sève avec lui.
-Tu sais qu’il est mort. » Le ton de Roncebrume était détaché. Moira hocha la tête. « Oui. Et tu sais ce qu’en disent les autres. »
-Les gens de la cour ? Je le suppose. Pour eux je suis un traître pas vrai ?
-Ou un inconscient. Mais cela importe peu maintenant. Tu es désormais un Silencieux et tu es devenu une insulte vivante à leur domination. »
Elle jeta un regard agacé un peu plus haut vers le rivage « Mais nous reparlerons de tout ça un peu plus tard. Va t’occuper de tes affaires. »
Roncebrume se retourna. Derrière lui s’approchait à grand pas un sylvari en tunique noire. Le visage fermé il bouscula le nécromancien, et  s’approcha de Moira. Roncebrume s’éclipsa alors qu’éclatait une vive discussion. Après tout il était temps de rejoindre les cuisines.
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Message par Jeradon Mar 23 Aoû 2016 - 21:13

Cœur de Mousse et caravane

Si je comprends bien, cette altercation est de ton fait. »
La lune était au plus haut, sa lumière réduisant la clarté des lampes sur l’esplanade à des lueurs de lucioles. Immobile, Roncebrume se tenait droit devant Laurentius, écoutant le commentaire cinglant. « A peine arrivé, tu sèmes le trouble et la dissension parmi nous. Si Kieran ne se portait pas garant de toi, cette conversation aurait pris un tour très différent. Pour l’instant je vais te demander de faire la paix avec Keelan. »
Un sylvari vêtu d’une armure de cuir noir s’avança. Il jeta un coup d’œil au nécromancien, et tendit la main. Roncebrume serra mollement la main tendue et jeta un coup d’œil vers Laurentius. En voyant son visage se durcir il avoua « Je regrette ce que j’ai commis. Mes discussions avec les habitants m’ont induit en erreur. J’espère avoir l’occasion de réparer mes fautes.
- Probablement. En attendant cette discussion est close. Retournez à vos abris respectifs, demain sera un autre jour. »
Avec amertume Roncebrume reprit le chemin qui menait vers le bas de l’île. Au détour d’une sente, Florianne s’approcha, et lui prit le bras « Roncebrume, tu n’as pas besoin de t’en faire. ». La nuit était bien avancée, et pourtant le visage de cette sylvarie du Matin s’illuminait de reflets cuivrés et dorés. Elle lui décocha un sourire radieux. « Quel Silencieux fais-tu ? On te donne quelques conseils et tu t’arranges pour te mettre à dos les grands chefs ! Allez viens te reposer. »
Roncebrume regarda ce visage lumineux et eut un sourire las. « C’est gentil Florianne, mais donne-moi un peu de temps …J’ai besoin de marcher dans ma tête avant de me coucher. » Elle inclina la tête avec un sourire mutin. « Fais comme tu veux mais ne réveille pas Kieran. »
A regret il poursuivit sa marche vers la plage. Devant lui s’étendait l’étendue liquide de la Baie. Il soupira retira sa robe et nu, se lança dans l’onde étale. Bientôt la caresse de l’eau glissa le long de son corps, le long de ses fibres noueuses, amenant une nouvelle aisance. Les souvenirs qu’il avait gardés depuis son débarquement à Caledon surgirent, inopinés. Aurait-il dû se soumettre aux ordres des gardiens du Bosquet ? Que lui voulait-on ? Quel but recherchaient les Courtisans ? Cette question surtout l’irritait. Après tout il avait fait partie de la Cour, mais en savait trop peu pour savoir comment pensaient les Courtisans.
Il revint vers la plage et s’ébroua. Délaissant sa robe sur la plage, Il s’assit sur un roc et soupira. Enfin il s’allongea et contempla les cieux. Non loin de lui quelqu’un s’assit. Une voix fatiguée retentit « Tueur…Mon beau tueur, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Un grand froid envahit Roncebrume. La voix poursuivait « Nous aurions pu trouver la gloire, nous célébrions la beauté implacable…Et toi tu as tout abandonné. » Roncebrume aurait voulu protester, insulter…Mais il resta silencieux. Une main glacée se posa sur son épaule. Un bras doué d’une force surhumaine l’étreignit. « Alors regarde-moi en face et dis-moi pourquoi tu m’as rejeté. » Et Roncebrume dut contempler le visage ravagé de Drellon.
« Roncebrume, Roncebrume réveille-toi ! ». Deux gifles claquèrent contre son visage. Eberlué il murmura « Florianne ? Qu’est-ce que tu fais ici ? ». De Drellon il n’y avait plus trace, il était nu sous la lune, face au visage paniqué de Florianne
« Tu hurlais comme un démon! Tu te rends compte de ce qu’il se passe ? » Quelque peu rassurée elle s’écarta et reprit « Rhabille toi donc, et viens chez nous il faut que tu te reposes. »
-Comment se reposer quand des visions viennent te hanter ? » Retentit la voix tranquille de Moira. Florianne se retourna d’un bloc vers l’intruse « De quoi te mêles-tu ? Il a eu une rude journée !
-Et peut être vaut t’il mieux discuter avant d’avoir une autre journée tout aussi difficile. Si je peux me permettre…
-D’accord » intervint Roncebrume. Il reprit « Florianne, ne t’inquiète pas. Il vaut mieux que j’aille discuter. Je reviendrai un peu plus tard. » Confuse, cette dernière s’écarta «Tu es sûr ? Ne rentre pas trop tard. » Roncebrume acquiesça et marcha en silence avec Moira le long de la plage. Enfin celle-ci rompit le silence.
« Feodhan ne voulait pas abandonner Roncebrume ?
-Tu n’y es pas… »Roncebrume inspira « C’était Drellon…
-Ton amant ? D’habitude ce n’est pas une vision à en hurler.
-Pas après ce que lui ai infligé durant notre séparation.
-Donc vous n’aviez pas trouvé moyen de discuter… »
Roncebrume regarda Moira avec impatience « Bien entendu tu n’as jamais connu de séparation tragique…
-Pas dans des conditions aussi apocalyptiques. »
Roncebrume balaya du regard la plage sous la lune déclinante. « D’accord…Lui et moi étions trop proches pour nous séparer sans meurtre. Mais je n’aurais jamais cru que son souvenir vienne me hanter.
-Tu n’as pas fait la paix avec toi-même c’est tout. » Moira se retourna et lui prit les mains. « Tu es nécromancien, la mort est ta passion. Tu dois apprendre à laisser les fantômes derrière toi. C’est le premier don du Cauchemar, mais c’est aussi la réalité de la nécromancie. »
Sous le regard implacable de ces yeux rouges, Roncebrume baissa la tête. « Je n’ai pas choisi la nécromancie…C’est la nécromancie qui m’a choisi.
-Et c’est la voie que tu dois suivre maintenant. Je t’en parlerai plus tard. En attendant rhabille-toi et va rejoindre tes amis. A ce que j’ai entendu, ta journée sera longue. »
Bien trop tôt le soleil se leva sur la baie. Alors que ceux du matin ajustaient parures et feuillages, ceux de la nuit luttaient pour s'arracher au sommeil. Roncebrume fut de ceux-là, et il endura les lueurs violentes du matin dans un vertige de fatigue. Kieran eut pitié de lui et vint le voir avec un bol de suc amer. "Tiens prends ça." Roncebrume considéra le liquide pourpre avec méfiance avant de porter le réceptacle de terre cuite à ses lèvres. Le liquide sirupeux brûla comme du feu dans sa gorge. Les larmes aux yeux il remit le bol à Kieran sans mot dire. Ce dernier sourit: " Maintenant tes yeux ne sont plus secs et tu vas être présent de corps et d'esprit pour la journée. Viens, Laurentius va t'expliquer ce qu'on attend de toi. »
Un petit groupe se tenait déjà devant Laurentius quand Roncebrume arriva. Le doyen des Silencieux jeta un coup d’œil à Roncebrume, opina du chef et commença : « Voici le jour du marché, et comme d’habitude une caravane part pour Mabon. Cette semaine la récolte n’a pas été trop abondante, mais nous avons besoin de médicaments, d’armes et de munitions en prévision d’assauts futurs. Cette fois encore le Cauchemar a été défait mais il reste de petits groupes en embuscade, et c’est la raison de cette réunion. Aherne est le chef de la caravane, et nous devons lui fournir deux équipes de protection. Pendant que certains s’occuperont des cargaisons, d’autres organiseront la défense. Il est hors de question de laisser les bandits s’en prendre à nos marchandises. Keelan dirigera le premier groupe, Florianne le second. Avec Keelan iront… » Le reste devenait un murmure inaudible. Roncebrume étouffa un bâillement et sursauta quand il entendit. « Deuxième groupe…Roncebrume ». Bientôt Laurentius conclut la réunion et tout le monde se dirigea vers l’isthme qui menait à la forêt.
L’endroit était une langue de sable aux portes du village et dépourvue de défenses. Quelqu’un marmonna : « Si au moins on avait une barrière comme celle du Fort de La Trinité… » Roncebrume n’avait pas entendu parler de cet endroit. On lui expliqua qu’il s’agissait d’un avant-poste sur le Rivage Maudit, aux portes d’Orr. Pensif, Roncebrume hocha la tête : pendant qu’il poursuivait sa vengeance d’autres étaient partis en Grande Chasse contre des morts-vivants loin vers le Sud. Et maintenant où étaient-ils ? Au bas d’une stèle dédiée aux héros disparus probablement.
Il jeta un coup d’œil autour de lui : la plupart des Silencieux qu’ils escortaient étaient vêtus d’habits végétaux. Seuls quelques-uns, comme lui ou Florianne portaient des vêtements humains. Il assujettit la hache à sa ceinture, et vérifia sa collection de signets. Non loin de là Florianne s’appuyait nonchalamment sur son bâton. Les gens vinrent, portant paquets et caisses. « On n’a plus qu’à attendre » Conclut Aherne.
« Attendre quoi ?
-Attendre ça ! »Interrompit Florianne surexcitée.
La créature qui surgit d’entre les arbres était immense, verdâtre et se déplaçait sur quatre immenses pattes. Elle tourna un visage de vieux bois dans leur direction et mugit avant de s’arrêter et de s’agenouiller. Roncebrume reconnut un Cœur de Mousse qui, à sa surprise, portait un bât immense. Du dos de la créature descendit un asura grisonnant aux oreilles tombantes. Déjà Aherne s’approchait. « Bonjour Yazzd » Il désigna d’un geste de la main les vases et les quelques caisses disposées sur le sol. « Peux-tu garantir le transport ? » Yazzd jeta un coup d’œil et soupira : « Pas de problèmes pour les ballots et les amphores. » Pendant que les deux personnages négociaient, Florianne désigna le Cœur de Mousse : «C’est lui qui porte nos marchandises à Mabon. Grace à lui le voyage ne prends que deux heures à peine.
-Et c’est un asura qui le dirige ?
-Si tu veux des explications va les demander à Yazzd, mais il est ombrageux, fais attention ! ». Roncebrume haussa les épaules : après tout il valait mieux attendre. Il aurait tout le temps de discuter pendant le voyage.
Le chargement ne prit guère de temps et tout le monde était sur le point de partir que Kieran survint. Il échangea quelques mots avec Keelan, et Florianne accourut, alarmée : « Toi tu vas encore m’amener de mauvaises nouvelles ! » Kieran eut un pâle sourire : « Rien de grave, je t’assure. On vous prend Keelan et sa troupe, il paraît qu’il y a une forte partie de Courtisans un peu plus avant dans la jungle et je préfère nous débarrasser de cette vermine le plus vite possible. » Florianne lui retourna un regard incrédule. « Toi…Tu veux dire que tu repars au combat ?
-Comme toujours…Alors tu ne vas pas t’inquiéter non ? »
La discussion en était là quand Roncebrume sentit une main se poser sur son bras. Il se retourna : c’était Moira. A la lumière du matin son visage violacé était indéchiffrable. Elle désigna le Cœur de Mousse. « Toi et Florianne serez chargés de garder ça. Florianne est une élémentaliste chevronnée. Toi tu es un duelliste, pas un défenseur. C’est pour ça que je viens te prévenir : si tu n’utilises pas ton bâton aujourd’hui cet animal est mort. » Roncebrume retourna un regard froid à l’assassin. « Donc le danger est plus sérieux que ce que raconte Kieran ? » Moira acquiesça : « Et c’est pourquoi tu dois utiliser les puits de souffrance pour ralentir les agresseurs. Arrange-toi pour les poser devant gardiens de la caravane. » Elle s’éloigna d’un pas léger « Et surtout n’oublie pas d’utiliser ton bâton. »
Roncebrume se retourna et vit Kieran et Florianne enlacés dans un tendre baiser. Le Cœur de Mousse secoua la tête.
Enfin le petit convoi prit la route de Mabon. Outre Aherne Florianne et Roncebrume, une dizaine de Silencieux cheminaient sous la canopée au pas lent du Cœur de Mousse. Au bout d’un moment Roncebrume s’approcha de Florianne. « Cela fait combien de temps que tu es élémentaliste ? » Florianne le regarda, surprise avant de comprendre. « Des années, mais j’ai repris la pratique il y a quelques mois à peine…Même si certaines pensent que j’ai une longue expérience. Tu ne devrais pas toujours écouter Moira.
-Ah pourquoi ?
-Parce qu’elle est dissimulée. Parce qu’elle ne veut pas que nous survivions. Et parce qu’elle a tué sa femme.
Tu n’exagères pas ? »
Les longs pétales bleutés qui encadraient le visage de Florianne s’ornèrent de reflets fauves.
-Absolument pas ! Elle est arrivée avec cette petite envouteuse aigue-marine et dès le début elles se disputaient. Un soir dans leur abri il y a eu une vraie bagarre, et son amie est sortie avec la face couverte de sève. Le lendemain soir Moira s’est trainée dehors avec un poignard planté dans le ventre. Bien sûr l’envouteuse avait disparue. On l’a retrouvée le lendemain à flotter aux côtés du cadavre d’un krait. Elle s’était jetée à l’eau et les courants l’avaient entraînée trop loin. Tu veux que je te dise ? Moira a tout calculé ! »
Du haut du Cœur de Mousse leur parvint la voix aigre de Yazzd. « Si ces messieurs-dames pouvaient mettre fin à leur discussion passionnante ! J’ai également besoin de protection sur le flanc droit ! »
Roncebrume comprit et passa de l’autre côté du Cœur de Mousse. Ils passèrent le reste du trajet à scruter les arbres environnants. Un peu avant midi ils parvinrent à Mabon. L’endroit n’avait rien de majestueux : non loin de la rive on avait installé une dizaine d’étals sans trop se préoccuper de l’ordre, et deux golems asura patrouillaient les alentours. Ce n’était pas grand-chose pour un marché qui prétendait ravitailler toute la baie de Ventry. Pourtant c’était là que se rendaient les gens des villages aux alentours. Les Silencieux s’arrêtèrent à l’écart et on entreprit de dresser les étals sous le regard désapprobateur des autres Sylvari. Sitôt qu’on eut fini, Roncebrume fut renvoyé à l’ombre d’un palmier auprès de Yazzd : « C’est plus sûr » s’excusa ce dernier. Roncebrume considéra la masse du Cœur de Mousse qui se tenait non loin de là : « Pourquoi, tu penses qu’on va te le voler ? »
Yazzd n’n’inclina pas les oreilles mais haussa les épaules : « Lui certainement pas. Mais ce qui me permet de le contrôler est beaucoup plus intéressant.
-Aah…Donc le Cœur de Mousse ne te sert pas…Il obéit aux ordres d’une machine ?
-Exactement ! » Les oreilles de l’asura se dressèrent avec autorité. « Je suis le fabricant et concepteur du YazD 250, le système de contrôle de Cœur de Mousse le plus avancé au monde ! ». C’était probablement l’unique machine de ce genre, mais Roncebrume se contenta d’approuver aimablement l’énoncé de ses bienfaits. « Et le cœur de Mousse peut porter dix fois la charge d’un golem. Vous l’avez vu. Il a suffi d’un seul animal pour porter toutes vos marchandises ! ». Roncebrume acquiesca et partit voir les étals. Poissons, fruits tropicaux, plantes médicinales étaient bien plus odorants et plus savoureux que les marchandises vendues par les humains à l’Arche du Lion. En revanche les objets manufacturés faisaient pitié. Les armes et armures vendues par les sylvari faisaient pâle figure en comparaison avec l’acier des Cimefroides. Déambulant parmi les étals, insensible aux regards méprisants des sylvari du Bosquet, Roncebrume entrevit Florianne s’affairant autour des étals, donnant des ordres aux vendeuses, pendant qu’Aherne arrangeait la disposition des marchandises.
Yazzd lui expliqua « Ton amie dirige les marchands de la colonie depuis la saison dernière...Quoique si votre colonie tombe aux mains de la Cour des Cauchemars, elle devra trouver autre chose. » Il eut un petit rire sarcastique. » Roncebrume le regarda froidement « Tu n’as pas peur de perdre des clients ? » Les épaules de l’asura s’élevèrent encore : « Vous me payez bien aujourd’hui. Et demain ? » Roncebrume Jeta un regard amer aux étals arrangés dans la clairière. « Demain l’Arbre Clair étouffe toute résistance » murmura-t-il pour lui-même.
Ils repartirent aux dernières heures de l’après-midi. Les Silencieux étaient plus tendus, et cette fois Aherne avait distribué glaives arcs et flèches à ceux qui ne portaient aucune arme le matin même. Le convoi était une proie trop tentante pour les pillards. Mais même le danger n’empêchait pas les bavardages dans la colonne. Devant Roncebrume une Jeune Pousse argumentait avec un Silencieux plus assuré : « A quoi bon vendre ici ? Les gens achètent à des prix ridicules.
-Pour trouver mieux ils doivent aller au Bosquet ou chez les Asuras. Les gens d’ici vivent de peu. Maguuma est généreuse aussi.
-Mais les Silencieux ne peuvent-ils pas aller ailleurs que sur une île perdue ? Brisban est vaste, et beaucoup de Sylvari y vivent.
-Ce sont des sylvari, pas des silencieux, et si on en croit les gens de Mabon, les choses deviennent plus difficiles. »
Roncebrume s’avança « Pourquoi ? ». Le Silencieux s’arrêta, jeta un regard pénétrant et reprit « Parce que la jungle est devenue vivante là-bas. On parle de ronces immenses, et que des lianes géantes y poussent, et attaquent les passants.
-Du moins c’est ce qu’on dit » Interrompit Yazzd du haut du cœur de mousse. « Maintenant j’aimerais que tout le monde fasse preuve de discrétion, la situation est délicate. »
Et avant qu’on ne sache comment, l’asura s’abattit, une flèche dans le corps.


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Message par Jeradon Lun 29 Aoû 2016 - 8:15

Chap 11 Le couteau rouillé

Ils n’eurent pas le temps de réagir : une grêle de flèches s’abattit sur eux. Dès la première salve le cœur de mousse poussa un meuglement affolé et s’enfuit dans la jungle avec sa cargaison. Aux côtés de Roncebrume la jeune pousse s’effondra, une flèche dans le torse. Loin devant retentit l’incantation de Florianne. Une grêle de rocs enflammés s'abattit tout autour à travers la canopée. A moitié assommé Roncebrume poussa un hurlement et courut droit devant sur les fourrés. Comme dans un rêve il passa dans le Linceul et commença à drainer l’énergie vitale des attaquants dissimulés.  Ils ne s’y attendaient pas : en titubant ils surgirent du fourré et se ruèrent à l’assaut de l’intrus.
Les tirs de flèches en firent tomber quelques-uns mais en hurlant les autres bondirent sur Roncebrume. Paniqué l’envouteur hurla. Tout autour de lui une onde parcourut le sol et irradia à travers le corps des assaillants. Quelques-uns s’effondrèrent en râlant.  Les autres tentèrent de porter des coups d’épée à cette silhouette de ténèbres : ils s’effondrèrent en une décharge électrique. Quelques secondes plus tard le Linceul se déchira et Roncebrume réapparut, grimaçant. Aherne courut vers lui :
-Ils t’ont touché ?
-À peine, Florianne a fini ceux qui restaient. Où est-elle ?
-Là bas avec les autres à ranimer Yazzd. Tu as d’autres soucis, écoute donc ! »
À travers la forêt retentit une clameur rauque, bien connue de Roncebrume depuis son voyage dans les Cimefroides. « Un cor de chasse ? C’est Kieran ?
-Non, et c’est mauvais signe. » Tendu, Aherne se retrouva vers les Silencieux agroupés autour de Florianne « En deux rangs autour de Florianne. Premier rang épée et arcs, deuxième rang, arcs seulement ! Maintenant c’est l’assaut.»
Sans trop savoir comment, Roncebrume se retrouva bâton en main. Plus que le grain et la texture rugueuse, il ressentait les pulsations qui parcouraient le bois…Il y avait bien longtemps il avait enserré un bâton de laque noire, bien plus vif, et le contact l’avait altéré à jamais. Il grimaça et vit le regard inquiet d’Aherne dans sa direction. Il se ressaisit et entendit la course rapide résonnant à travers le couvert. De très loin il sentit un sentiment de froideur implacable et il tendit la main vers l’avant.
Au sortir du fourré, les ténèbres enserrèrent les assaillants. Égarés ils se ruèrent en avant sous les tirs de flèches, au-devant des épées de leurs ennemis. Quelques-uns, suintant la sève tournèrent la tête et virent la silhouette noire brandissant un bâton dans leur direction.  Sans hésiter ils  s’élancèrent vers lui.
Reculant pied à pied Roncebrume répandait la glace et les ténèbres devant lui. Il en fallait plus pour égarer les sbires de la Cour. Un spadassin enveloppé dans un habit de feuilles métalliques se jeta sur lui, sabre au clair. Roncebrume eut à peine le temps de rouler à terre et de brandir un signet. Le visage de son opposant se hérissa d’ulcères purulents, mais sa main fut assez forte pour porter un coup de taille.  Roncebrume recula, une marque verdâtre sur le bras, et tendit le bras. Son adversaire le toisa, grimaçant et comprit trop tard : la vie le quitta alors même qu’il tentait de s’échapper.  Trois autres s’élançaient en renfort quand des flammes jaillirent au-devant de Roncebrume. Il jeta un regard aux alentours : un cercle de feu entourait le groupe des Silencieux et indécis, les gens de la Cour reculaient, levant leurs armes. Soudainement Aherne se leva, lance-flammes en main. Le premier jet de flammes sépara le groupe des assaillants en deux. Le deuxième fut le signal d’une fuite générale. Sans demander leur reste les soldats de la cour se ruèrent dans le couvert, et le calme revint lentement dans la clairière. Florianne s’élança « Roncebrume ! Tu récupères bien de tes blessures ? » Hochant la tête Roncebrume prit son bâton « J’ai eu pire et ça faisait bien plus mal. ».  De l’extrémité du bâton il repoussa le corps d’un mort : une pellicule de givre recouvrit le cadavre. « Je n’aime pas cette fuite subite, ça ne me dit rien qui vaille. » Florianne n’eut pas le temps de répondre : une course poursuite retentit dans le sous-bois et Keelan surgit, hagard, couvert de sève, l’armure entaillée. Deux Courtisans le poursuivaient et s’arrêtèrent ahuris devant les rangs des Silencieux. Deux flèches les abattirent. Roncebrume attrapa Keelan. Ce dernier se retourna haletant, incapable de répondre. Après quelques instants il finit par dire  « Linsa ! Ils l’ont, ils l’ont… »
-Elle est morte ? » A la question de Roncebrume, Keelan secoua la tête. « Ils l’ont capturée. »  Roncebrume se retourna vers Florianne « Ils essaient peut-être de nous séparer, mais il vaut mieux tenter le coup.  Essaie de récupérer le Cœur de Mousse, et soigne l’Asura. Moi je pars récupérer Linsa ! »
-Il partit au pas de course, guidé par Keelan. Ce dernier regardait frénétiquement à droite et à gauche, alors qu’ils recherchaient les traces de sa course poursuite. Bientôt il ne sut où aller. Il se retourna, terrifié : « il faut partir d’ici tout de suite ». Roncebrume ne comprenait pas : il le prit par les épaules pour le raisonner. Et ce geste le sauva.
L’espadon de métal noir glissa dans le dos de Keelan. La colonne vertébrale brisée, ce dernier s’effondra dans un râle. Hache et dague en mains, Roncebrume fit un pas en arrière face au guerrier en armure gris et or. Le visage d’écorce de ce dernier n’exprimait que mépris. Il leva la pointe de son arme « C’est donc toi Feodhan…
Il commença à tourner, comme par jeu autour de Roncebrume. « De tous les Courtisans j’aurais cru que tu étais le plus redoutable, le plus valeureux… »Roncebrume se mit à tourner dans la direction de son adversaire. « Mais toi.. ». La lame noire s’abattit soudainement. Le temps d’un battement de paupières Roncebrume se retrouva dans la lumière crépusculaire d’une clairière.  Comme au ralenti il esquiva la trajectoire de ténèbres de l’espadon et roula en arrière. L’autre criait quelque chose, et au sol palpitait le corps de Keelan. Une joie sauvage envahit Roncebrume et il appela la vie. Celle de son adversaire. Celle de ce qui avait été Keelan. Peu importait, il lui en faudrait plus, toujours plus…Du coin de l’œil il vit son adversaire se ruer vers lui. Souplement il évita l’assaut mais déjà la lame de métal noir s’abattait de nouveau sur lui. Il bondit en arrière et poussa un hurlement effroyable. Sans répit l’espadon le poursuivait. Dans un jaillissement de lumière, le Linceul se déchira pendant que le guerrier ennemi avançait à grand pas sur lui.  Roncebrume eut à peine le temps d’esquiver l’espadon. Quelques mots lui parvinrent. « Et c’est toi que Drellon a choisi…Un joli petit minois avec un joli petit cul. »  
Et Roncebrume surprit dans les yeux de son adversaire un regard de pure haine. L’instant d’après l’espadon le projetait au sol. A moitié assommé Roncebrume roula sur le sol. Il entendait les sarcasmes de son adversaire qui le dominait: « Si j’avais frappé avec le tranchant tu serais déjà mort ! ».  Roncebrume n’attendit pas davantage. D’un geste souple il retira un poignard d’entre sa robe et le projeta vers le haut. Un grognement de douleur retentit. En un éclair Roncebrume se redressa poignard en main et passa dans le dos du guerrier. Celui-ci luttait encore pour retirer la lame rouillée de sa mâchoire que Roncebrume frappait en plein dans la nuque. Le coup qu’il reçut en retour le projeta au sol. Stupéfait Roncebrume eut à peine le temps d’entrevoir une ombre acérée qu’une douleur atroce lui broyait le bras gauche. Au-dessus son adversaire rugissait « Misérable traître ! Tu croyais te débarrasser de moi, quelle erreur !! »  Il parlait trop. Avec rage Roncebrume laissa sa douleur imprégner le sol tout autour.  De très loin par-delà son puits de souffrance Roncebrume tendit la main vers le guerrier. Il sentit ses os se ressouder et l’épanchement de sève se réduire. L’autre hoquetait,  titubant sous l’effet de la surprise et de la souffrance.
Prestement Roncebrume roula hors d’atteinte, poignards en main.  Avec rage l’autre s’avançait à grandes   enjambées en portant des coups de taille. C’était la fin. « Massacreur !!! Tourne-toi par ici ! » Le cri sauvage de Kieran retentissait encore que l’adversaire de Roncebrume levait le regard vers le guerrier Silencieux poisseux de sève. Sabres en main celui-ci avançait comme un fauve. C’était imprévu.  
Un rire retentit en réponse « Ainsi Feodhan tu es incapable de te battre sans un gardien pour te protéger ! Tu ne mérites rien d’autre que la pitié… ». Et le guerrier  ennemi disparut dans les fourrés. Ebahi,  béant, Roncebrume se redressa. Kieran, les dents serrées contemplait le cadavre de Keelan au sol. « Cette ordure aurait fini par te massacrer également. Tu es imprudent Roncebrume. Rejoins le convoi avant que … » Ces derniers mots retentirent dans le vide. Roncebrume s’était lancé à la poursuite de son adversaire.
Bâton en main, dans une course effrénée il se frayait un passage parmi les  feuillages denses. L’ennemi était plus affaibli qu’il n’y semblait, et avait laissé des taches de sève épaisse sur son passage. Il avait pourtant l’avantage de la force et de l’endurance. Bientôt Feodhan eut le souffle court. L’ennemi ne pouvait être loin pourtant. Il reprit la course, trébucha et dévala une pente à travers quelques buissons.  Il se redressa confus, sans bâton, et se rendit qu’il était dans une clairière, face à une escorte d’une demi-douzaine de courtisans. Le guerrier était à leur tête, espadon en main, rage au cœur. « Cette fois, petite crevure, tu es fini. » Un mouvement sur sa gauche  attira l’attention de Roncebrume : on avait clouée et ligotée Linsa à un arbre. De longues zébrures émeraude marquaient son visage. Le guerrier surprit son regard : « Oui on l’a capturée, et on s’amuse bien avec elle. Il lui reste dix minutes, peut être cinq à vivre. Tu veux la libérer ? Viens la chercher. »
Il fit un geste du menton, et sans hâte, épée en main,  les Courtisans s’approchèrent.  Poignards en main, mâchoire serrée Roncebrume regarda les hommes d’armes. Leur chef poursuivait, moqueur : « Ils vont te tailler en pièces mon cœur. Et après je ramasserai quelques petits morceaux et les laisserai au pied du portrait de ton ex amoureux. »
-Encore faut-il qu’ils parviennent à moi. » La voix de Roncebrume tremblait de la douleur dont il se souvenait. Alors que les autres bondissaient l’épée haute il transféra sa souffrance à ses pieds. Ils s’attendaient à le tailler en pièces : il se déroba sous leurs lames, plantant ses poignards entre les côtes. Roncebrume n’eut pas le temps de regarder leur rictus crispés de douleur : un, deux coups d’épée le projetèrent au sol. Aussitôt une lueur spectrale l’enveloppa  Il se redressa, insensible aux coups sous le regard stupéfait de ses assaillants et contempla ceux qui succombaient à la douleur émanant du sol. L’instant d’après il passa sous le Linceul. Il ne prit pas le temps d’écouter leurs cris de douleur, et appela leur vie à lui. Devenu ombre, insensible à leurs épées, il draina leur énergie vitale, leur infligea une douleur encore plus féroce tout en esquivant leurs attaques. Ils n’étaient plus que trois quand le Linceul se déchira.
Leur chef hurlait des ordres, les rameutait, mais déjà Roncebrume devinait la peur dans leur regard, l’hésitation dans leurs mouvements. Il fit un geste de la main. Sous leurs yeux il devint une forme monstrueuse colossale. Devenu liche il planait désormais au-dessus d’eux. Il tendit la main vers le sol. D’entre les feuilles qui couvraient le sol surgirent des créatures courant telles des rats squelettiques vers les hommes d’armes. Ce fut la débandade. Épouvantés ils s’enfuirent en dépit des hurlements de leur chef. Celui-ci bondit espadon en main et se lança à l’assaut de Roncebrume. Le duel fut féroce. Lame noire contre serres immenses, le guerrier en armure infligeait de féroces coups de taille. Bientôt la liche s’effondra au sol, mais cette fois Roncebrume était prêt. À peine reprit il pied qu’il leva la main : le guerrier ennemi s’arrêta immobilisé un court instant.  Le fixant d’un regard féroce Roncebrume leva les bras : les cadavres de ses assaillants se fondirent dans la silhouette contrefaite d’un golem de chair. Son adversaire poussa un hurlement effroyable et se lança sur Roncebrume, en dépit des coups du golem « Pourriture ! Tu as besoin de mes morts pour te défendre. Viens voir ce qu’il t’arrive !
Roncebrume n’attendit pas et bondit en arrière. La première attaque siffla à ses oreilles. La deuxième attaque le projeta au sol en une explosion de douleur. De très loin il entendit la course rapide de son adversaire. Il leva un signet et parvint à articuler une incantation. Une fois encore le visage de son adversaire se couvrit d’ulcères purulents. Une deuxième incantation fit descendre de la canopée un essaim de scarabées tourbillonnants. Aveuglé par les insectes, le guerrier lardait l’air de coups d’espadon. À peine était eu il dispersé les insectes que le golem était sur lui. Paniqué il contre attaquait alors que chaque coup porté par la créature redonnait vigueur au nécromancien. Le combat tourna au cauchemar pour le guerrier : alors qu’il levait sa lame pour contrer les assauts du golem, Roncebrume lui lardait le dos de coups de poignard. Bientôt Roncebrume n’avait plus qu’à appeler la sève : dans un nuage verdâtre la vie commença à quitter le corps de son adversaire. Celui-ci tomba à genoux, lâchant son épée : le golem s’empara de lui. Criant, le visage marqué des blessures laissées par les scarabées le guerrier regarda Roncebrume s’approcher. « Tu ne sais pas te battre, tu n’es qu’un moucheron insignifiant ! Comment oses-tu ? » Du pied Roncebrume avait écarté l’épée et regardait son adversaire, avec un sourire absent. Enfin, de son vieux couteau rouillé,  il l’égorgea méthodiquement.

Quelques instants plus tard Kieran surgit du fourré avec trois autres silencieux. Il ne put que constater la mort de Linsa : la vie l’avait quittée depuis quelques instants à peine. Roncebrume quand à lui était assis au milieu de la clairière devant le cadavre de sa victime, et contemplait paisiblement un espadon de métal noir.
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