Les Lucioles Automnales - Guild Wars 2
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

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Message par Jeradon Mar 6 Sep 2016 - 0:51

Chap 12 Le prix à payer

Alors que le soir s’annonçait une pluie fine commença à tomber sur l’île des Silencieux.
« L’Ennemi a tué beaucoup trop des nôtres » Annonça Aherne devant l’assemblée des Silencieux. Assis au premier rang Roncebrume scrutait à la dérobée les visages : Laurentius paraissait hagard, l’éloquence sereine d’Aherne contrastait avec son expression tendue, Kieran semblait exténué…Sous l’éclairage pourpre des champignons accrochés au plafond de la paillotte, il était difficile d’en voir davantage.
« Combien de gens avons-nous perdus ?
-Une trentaine au moins. L’ennemi a eu davantage de pertes, mais ils ont l’avantage des réserves. »
Roncebrume réprima un sourire amer. « Victimes » était le terme correct pour décrire les Silencieux disparus. Il n’avait jamais vu de Sylvari aussi peu habitués au combat hormis les moralisateurs du Bosquet. Et dans ce dernier cas l’Arbre Pâle les protégeait
« Les Vengeurs de Linsa ont subi beaucoup de pertes.
-Et Keelan ? »
Au regard de Kieran, Roncebrume s’avança : « Keelan est mort, tué dans un guet-apens tendu par un chef des Courtisans.
-Et tu ne l’as pas défendu ! » Cria quelqu’un dans la foule.
« J’ai fait face au tueur !» Se défendit Roncebrume.
« Je suis arrivé en plein combat. » Intervint Kieran. «C’est un miracle que Roncebrume ait pu tenir aussi longtemps.
-Et Linsa ? » Interrompit Laurentius. « Elle est morte, torturée par les Courtisans. » Interrompit précipitamment Kieran. « De toute évidence ils l’ont empoisonnée avec quelques gouttes d’Agent Bleu le poison Asura.
-Et Roncebrume, il était où ? » Interrompit quelqu’un dans la foule.
« Je faisais face à leur chef » Se justifia Roncebrume « Je ne pouvais faire deux choses à la fois.
- Menteur ! » Roncebrume se retourna. Debout dans la foule, un doigt tendu dans sa direction, se tenait Rhegan. « Tu as préféré combattre leur chef ! Tu as préféré le mettre à mort ! »
- Il avait organisé l’affaire comme une mise à mort plutôt ! J’étais censé être sa deuxième victime.
-Tu mens ! » S’étrangla Rhegan. « Tu l’as tué, dépouillé et pendant ce temps Linsa est morte. Et tu as tué pour t’emparer de cette épée ! ». Beaucoup pouvaient voir l’espadon de métal noir posé à même le sol devant la place de Roncebrume. Laurentius se tourna vers Kieran. Ce dernier répondit avec empressement : « Bien sûr que non ! Roncebrume poursuivait son agresseur et c’est ainsi qu’il s’est retrouvé dans la clairière où l’on torturait Linsa ! ».
Laurentius restait indécis…Il fit signe à Aherne, se pencha en avant et commença à murmurer. Roncebrume n’attendit pas : prestement il revint à sa place, s’empara de l’épée, fit deux pas en arrière et abattit sa lame à sol. Le silence régna sur la foule. « C’était un combat à mort. J’étais la proie, j’ai triomphé du chasseur et voici le trophée que j’ai remporté. Que celui qui prenne cette épée aile donc dans la jungle avec ! Je la reprendrai sur son corps quand bien même je devrais massacrer une autre escouade !
Tous le regardaient, pétrifiés. Enfin Kieran rompit le silence : « Garde-la si tu penses pouvoir te battre avec.
-Je le pourrai.
Laurentius échangea quelques mots de plus avec Aherne. « Fort bien » déclara celui-ci « Kieran enseignera à Roncebrume l’usage de cette arme. L’affaire est close ».
En fait l’assemblée se poursuivit une heure encore avant que Laurentius ne conclue « Rhegan est un des plus fidèles parmi nous. Il a désormais la tâche de défendre notre île. » La réunion prit fin et alors que tout le monde se pressait pour le féliciter, Rhegan adressa un regard de triomphe à Roncebrume. Ce dernier préféra se retirer
Il se dirigeait vers la plage que Florianne, furieuse, l’aborda : " Tu avais besoin de jouer au héros maudit! Pourquoi tu n'as pas secouru Linsa, pourquoi tu n'as pas cédé cette fichue épée! Maintenant Laurentius a nommé cet incapable de Rhegan et ...
-Et ça valait le spectacle, interrompit la voix sarcastique de Moira. Florianne regarda tour à tour Roncebrume, Moira. Son visage se ferma. "Très bien, siffla-t-elle. " Je vous laisse à votre triomphe. En attendant Roncebrume, ne prends pas la peine de venir chez nous. Si tu es si fort tu peux te construire ta cabane." Dédaigneuse, Moira la regarda partir." Quel malheur Roncebrume...Te voilà maintenant privé de l’hospitalité des petits chefs qui prétendent nous gouverner!!!
-Oh on dirait surtout que je vais devoir récupérer mon sac et vivre sous la tente.
-Ne prends pas la peine de passer chez eux ce soir. Tu vas les ulcérer, et par la suite...J'ai une solution de rechange. Suis-moi. »
En compagnie de Roncebrume elle descendit d'un pas léger le chemin de la plage. Elle reprit goguenarde : " « Que celui qui prenne cette épée aille dans la jungle »...Tu aurais te voir : avec ton air sinistre tu leurs a glué la sève dans leurs membres…
-Sans blague?
-D’accord quelques-uns n'ont pas eu la trouille...Mais ne refais pas le numéro trop souvent. Tu aurais moins de succès après un moment...Ah nous y voici."
C'était plus grand qu'une cabane mais cela ne valait guère mieux.
Moira poussa la porte de bois tordu et conduisit Roncebrume a l'intérieur. Sous leurs pas le plancher grinçait. Moira alluma un cristal de quartz, et à la lueur blanchâtre, apparurent de vieux établis et quelques placards. " C’est l’ancien atelier. On y fabriquait les bijoux de corail et des canots de pêche. Depuis on a appris à faire pousser les abris, mais personne n'a récupéré cet endroit. Ce n'est pas grand-chose, mais cela pourrait être un abri pour les jours qui viennent en attendant que tu retrouves quelque chose. Viens, on va te trouver des vivres et un couchage. »Ils ressortirent. La pluie s’était arrêtée entre temps. Moira fit quelques pas sur le sable humide avant de se retourner « Montre moi cette épée, j’ai quelque chose à te dire. »Dans la pénombre l’espadon paraissait encore plus redoutable. Moira promena une main ourlée d’argent sur le métal noir. « C’est bien ce que je pensais.. »Elle leva son regard écarlate ver Roncebrume. « Tu connais le nom de celui qui tenait cette lame ? » A la dénégation de Roncebrume, elle reprit. « C’était Cathal. Un des meilleurs bretteurs de la Cour et un des favoris de Drellon…Avant que ce dernier ne te choisisse bien sûr. Le jour où il apprit que Drellon l’avait remplacé, il jura de te…Bah tu comprends ce que je veux dire. »
Sans attendre la dénégation de Roncebrume, elle reprit. « Cathal avait sacrifié une bonne part de sa réputation en s’affichant avec un Courtisan de seconde catégorie…Mais tous deux…Lui et Drellon étaient un couple formidable. Un jour ils massacraient trois champions du Bosquet et le lendemain ils s’enivraient au beau milieu des ruines fumantes d’un village hylek. Ils se sont même attaqués à la Guivre de la jungle et à la tête d’un groupe de sylvari du Bosquet et l’ont massacrée. Bien entendu ils se sont éclipsés avant que les idiots ne se rendent compte qu’ils avaient été bernés. Mais après ça on a eu un flot de recrues pendant deux semaines. »
Moira jeta un dernier coup d’œil à l’arme et murmura. « Voilà le courtisan que tu as tué. Et son arme fera un beau trophée dans ton logis. »
Roncebrume secoua la tête. « Je n’ai plus de logis depuis que j’ai quitté le Bosquet et je crois que je n’en aurai aucun. Quand à cette arme…Je n’en ferai pas un trophée.
-Tu veux utiliser cette épée ? Même si tu ne sais pas te battre avec ?
-Peu importe. J’apprendrai.
Moira resta silencieuse un moment. Elle finit par reprendre : « Roncebrume, tu ne cherches pas la voie la plus facile. Mais je serai prête à t’aider s’il le faut. »
En dépit des promesses de Moira les jours qui suivirent furent bien mornes. Après deux jours Yazzd fut complétement rétabli et put repartir avec son Cœur de Mousse vers Mabon. Rhegan régentait dorénavant la vie de l’île et commença à s’intéresser à Roncebrume. Il découvrit son logement avec satisfaction: « La canaille accepte toujours l’infamie. »
Il ordonna également que Roncebrume aille chaque jour pêcher perles et coraux précieux pour les villageois. Le travail était exténuant, mais Roncebrume s’en acquitta sans un mot. Bien entendu Rhegan mentionna l’entraînement de Roncebrume, et demanda la remise de l’espadon. Il fit savoir son mécontentement en apprenant que l’arme était désormais sous la garde de Moira, mais celle-ci ne céda pas d’un pouce. Si Rhegan voulait l’espadon, il devait en référer à Laurentius. Et dans ce cas-là elle abandonnerait son office auprès des Silencieux sans hésiter. Rhegan savait qu’il n’aurait rien à gagner. Roncebrume fut simplement forcé de ramener davantage de perles que tous les autres.
Les jours puis les semaines s’écoulèrent. Sur la plage certains recommencèrent à parler à Roncebrume. Florianne vint le voir et s’enquit de son bien-être. Il n’en avait cure et passait son temps entre les hauts fonds et la plage, drainant la vie des poissons qui s’approchaient un peu trop près.
Un après-midi Aherne vint le chercher. « La punition a assez duré Roncebrume. Tu peux désormais exercer ton métier. » Roncebrume redevint mitron et, perplexe reprit son poste d’aide auprès d’Aherne. Une visite de Kieran lui fournit les causes de ce changement : « Roncebrume…Laurentius serait prêt à te rendre le rang que tu mérites parmi nous, si tu reconnaissais tes fautes. Qu’en penses-tu ? » Roncebrume tendit le bras vers une corbeille remplie de poissons morts. « Sans rancune, ma réponse surgirait de ce panier ». Kieran regarda le panier puant et s’en fut.
Aherne avait entendu l’échange de propos et désapprouva : « Tu n’en feras donc qu’à ta tête !? Nous avons encore besoin d’envoyer une caravane à Mabon, et toi au lieu de servir le village, tu défends ta fierté. C’est bon, cuisinier tu resteras ! »
Et ainsi, deux jours plus tard Roncebrume dut assister au départ d’un cortège de porte-faix Silencieux dirigés par Aherne et Kieran. Si Laurentius ne parut pas le remarquer, le regard que lui décocha Rhegan valait tous les avertissements au monde, et une heure plus tard, il revint régler ses comptes, en compagnie de deux comparses armés. Roncebrume était seul, torse nu, en train de préparer une sauce tropicale. Ils arrivèrent dans son dos. « Alors, le cuisinier a des envies d’indépendance. » ricana l’un. « Il croit que la fierté ne coûte rien ! »reprit l’autre.
« C’est ce que vous pouvez faire de mieux ? A l’Arche du Lion les dockers étaient plus terrifiants que vous deux. » Roncebrume s’était à peine retourné qu’il se figea sous le regard haineux de Rhegan. Ce dernier était malingre, plus petit que Roncebrume et blanchi par le soleil, mais dague au poing, il n’en restait pas moins inquiétant. « Toi…Toi tu viens du bosquet avec tes armes de cristal, et tu marches parmi nous comme si tu t’ennuyais ! Quand quelqu’un ne te plaît pas tu la laisses crever ! On n’a jamais été assez bon avec toi petite crevure ? Tu ne veux plus pêcher de crabes ? C’est dommage…On manque de cadavres de hyleks. » Il approcha son poignard du cou de Roncebrume. « Un mot de moi et tu n’es qu’un cadavre dans la baie. » Roncebrume regarda le poignard et murmura une incantation ; surgie de nulle part, une ombre se condensa dans l’air surchauffé. Lees deux porteurs d’épée reculèrent en désordre. « Un mot de ma part et celui-ci se jette à l’assaut ». Rhegan le regarda d’un air sinistre : « Joue au malin si tu veux. Mais tu ne gagneras rien si tu refuses d’obéir. Et ton amie Moira n’est pas aussi protégée qu’elle voudrait le croire . Bonne journée. »
Il décampa en compagnie de ses deux idiots et ce fut tout.
L'après-midi se poursuivait dans une chaleur implacable quand, à la tête d'un petit cortège Florianne vint le retrouver. "Roncebrume, viens avec nous." Il préparait une réponse sarcastique quand il vit son regard inquiet. "Je t'en prie". Sans un mot il courut s’équiper. Quand il revint, Rhegan, pistolet à la hanche, fusil à l'épaule était là aussi avec quatre ou cinq types embarrassés avec leurs tuniques verdâtres et leurs arcs courts. Il fallait le reconnaître: même dans l'urgence, la suffisance de Rhegan avait quelque chose de comique. Ignorant tout le monde, ce dernier rejoignit Florianne à la tête du cortège : "Tout le monde est là? En avant!!"
La colonne s’ébranla au pas, sous le regard agacé de Roncebrume. Quand enfin il se résolut à les rejoindre, ils n’étaient pas allés plus loin que la plage et Rhegan discutait ferme avec Moira. "Moira vous êtes grotesque avec votre robe et vos gri-gris!
-Navrée chef mais je ne suis pas faite pour rester en arrière avec les petites pousses et les vieux soliveaux, et il faudra vous y faire!" Florianne posa une main sur le bras de Rhegan, dit quelque chose, et Moira rejoignit l’arrière garde aux côtés de Roncebrume. "La caravane n'a pas donné signe de vie" expliqua cetter dernière. Elle prévint la question de Roncebrume "Ils avaient des pigeons pour envoyer des messages. Rien n'est arrivé. D'où l’agitation organisée par Florianne.
-Elle n'aura pas servi à grand-chose. Regarde un peu ce cortège de soldats de pacotille!"
-C'est pour cela que tu dois me suivre reprit-elle "Rhegan n'a aucune idée de ce qui nous attends. Moi par contre je préfère le savoir avant tous les autres. Suis-moi! " Sans plus attendre elle passa sous le Linceul et se lança dans une course folle vers la forêt. Roncebrume se résolut à la suivre. Quand il sortit du Linceul, elle était immobile dans le sous-bois et le crâne attaché à son bâton bourdonnait étrangement. " Je n'aime pas ça. » murmura t’elle. «Il n’y a pas assez de vie par ici». Elle s'avança précautionneusement dans le sous-bois. Loin derrière on entendait le pas cadencé du cortège. Dans la pénombre moite, Roncebrume commença à se rendre compte qu’un calme étrange régnait. Il ne fallut pas longtemps pour rencontrer le premier cadavre. Il gisait adossé à un figuier, épée au côté. Une étrange pulvérulence recouvrait son visage. Roncebrume s’approcha. « Je n’ai jamais vu de poison agir de la sorte.
-C’est parce que tu n’as pas rencontré de gens qui ajoutent des spores suractivés à une solution extrêmement fluide. C’est particulièrement efficace contre des sylvari.
-Ca vient de la Cour ?
-Peut-être mais ce ne sont pas eux qui le distillent. Maintenant silence ! ». Ils reprirent leur progression dans le sous-bois. Les traces étaient maintenant plus faciles à suivre. Ils rencontrèrent encore quelques morts, couverts de cette moisissure mortelle.
Un peu plus loin la scène d’un massacre les attendait
Gisant dans les herbes avec deux méchantes entailles, le cadavre d’un Courtisan les accueillit avec une face figée dans un cri. Les bouts du second étaient éparpillé près d’une arbrisseau déchiqueté..." Une bombe a tué les courtisans..." Murmura Roncebrume. « Plus tard. Viens voir par ici". Non loin de là se trouvait le cadavre racorni d'un Hylek. Une sarbacane gisait au sol non loin de sa main desséchée. " Flêcheur de la tribu Amani, poursuivit Moira. " Voilà d’où vient le poison.
-Voilà le résultat des pêches de crabes au cadavre de Hylek. On dirait qu’ils ont rejoint le camp des courtisans. "
Moira fit glisser un Sceau de Locuste le long de son collier. « Nous sommes tout prêts de la bataille ». Et bientôt ils parvinrent à une clairière. Parmi les arbustes arrachés se trouvait la masse pourpre d’un Cœur de mousse énorme, figé dans une ultime convulsion. Tout autour gisaient les cadavres d’une douzaine de courtisans et d’une dizaine de silencieux la bagarre avait été féroce, et les deux tiers de la caravane y était restée. Moira dressa une main devant Roncebrume: au sol se trouvait la graine ensanglantée d’un Mortier Floral. " Il y en a d’autres derrière la chose au sol" murmura Moira en désignant le Cœur de mousse. "On contourne, toi par la droite et moi par la gauche. Détruis autant de fleurs que tu peux. Bonne chance."
Hache en main Roncebrume progressa lentement autour de la clairière. Il les vit: quatre fleurs géantes palpitantes sur le sol. L’instant d’après ses pieds se dérobèrent sous lui et il entendit le cliquetis caractéristique d'une tourelle à bombes. Il roula au sol alors que le son horrifiant d’un cor retentissait dans le sous-bois. "Halte au feu! ". Aherne surgit avec une demi-douzaine de Silencieux armés de fusils. "Voilà les renforts » grinça-t’ il alors que Roncebrume se remettait sur pied. "'Ils arrivent" expliqua Roncebrume. « Que s’est-il passé?
-Ils nous sont tombés dessus avec ce Cœur de Mousse corrompu, et ils nous ont pourchassés sur une demi-lieue. Ils auraient pu nous massacrer mais Kieran leur a infligé trop de pertes pour ça.
-Où est-il?
-Un peu plus loin. Viens donc ça fait un moment qu’il te réclame ». Il leur fallut marcher un bon moment avant de parvenir à une autre clairière. Au sol, entouré d’une demi-douzaine de Silencieux gisait Kieran. D’accord, non loin de là il y avait bien une quinzaine de cadavres de courtisans empilés, mais Kieran avait payé le prix fort. Roncebrume s’agenouilla à ses côtés et considéra la longue déchirure qui courait le long de son flanc. Kieran leva une main noircie " Roncebrume...Enfin...On dirait que j'ai cessé d'avoir de la chance dans les combats pas vrai?" Roncebrume aurait voulu parler mais les mots ne venaient pas. "Roncebrume...Je t'ai connu depuis nos aventures aux côtés du Baron, et tu es un compagnon fidèle, un vrai...Pas comme les gens du Bosquet..." Un bref moment sa bouche se tordit dans une grimace de douleur. Enfin il reprit." Je suis fichu, mais Florianne...Florianne...Elle n'avait pas besoin de ça...Je lui avais promis mieux que ça. Elle m’a suivi, a abandonné une vie de rires et de douceur pour vivre comme crève-la-faim sur une ile pourrie." Il prit la main de Roncebrume. "Protège-la, elle est si jeune, si innocente...c'est une vraie fille d'Aife tu sais...Jure moi que tu la protégeras!!!"
Roncebrume aurait voulu protester dire que c'étaient des bêtises, que Florianne était forte...il ne put que prendre la main et jurer. Quand plus tard, Rhegan et les autres arrivèrent Kieran était déjà mort
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Message par Jeradon Ven 7 Oct 2016 - 0:37

L'Exode

Le retour au village ne fut qu’une marche lugubre menée par une Florianne drapée dans sa douleur. Bien sûr elle avait crié en voyant Kieran au sol, et elle s’était effondrée en larmes sur son corps. Elle avait aussi hurlé ses accusations à Rhegan, à Roncebrume, et plus tard à Laurentius. C’était normal après tout. Elle était retournée en silence à l’île, alors que les couleurs de son visage se fanaient lentement. A la regarder,  la nostalgie s’empara de Roncebrume : il y avait bien longtemps il avait ainsi ramené au Bosquet le corps de celle qu’il aimait. En revanche il y avait quelque chose de plus intense entre le mort et Florianne.  C’est ce qu’il comprit quand elle lui expliqua plus tard entre deux hoquets : « Un beau matin je l’ai rencontré alors qu’il tenait la main de ma sœur, mais le soir venu c’était moi qu’il tenait dans ses bras. »
C’est peut-être cette passion qui l’animait ce matin-ci devant le Conseil des Silencieux venus prêter serment devant la dépouille de Kieran. Un souffle enfiévré portait les mots de Florianne : Kieran, un des plus fidèles défenseurs de l’île était mort. Et personne ne pourrait reprendre sa tâche. Et que restait-il aux Silencieux sinon une île qui deviendrait leur prison ?
On tenta de la raisonner. Après tout l’île était le seul havre de paix au beau milieu de la guerre entre Rêve et Cauchemar. Mais elle ne voulait rien savoir : non les Silencieux ne vivaient pas dans un havre de paix mais un champ de bataille. Les dirigeants ignoraient-ils les espions du Bosquet qui opéraient parmi eux ? Où la réfugiée venue de la Cour ?
On raconta que ce matin-ci elle leur révéla à quel point la misère guettait les Silencieux. Les ventes au marché étaient de moins en moins importantes. Il n’y aurait plus d’armes et de provisions pour repousser les Courtisans.
Une chose était sûre : si elle s’était tue, il n’y aurait pas eu de réunion de tous les villageois pour un vote à main levée. Un vote durant lequel les sbires de Rhegan passèrent le long des rangs. Un vote pour lequel il s’agissait de savoir si les Silencieux quitteraient l’île. Roncebrume vota en faveur bien entendu. En revanche il ne s’attendait pas à un vote favorable de la part des autres. Et pourtant un rang après l’autre, les mains se levèrent en faveur du départ.
Après un moment  toutefois les choses devinrent plus compliquées. On avoua à Roncebrume que Rhegan avait recruté quelques Silencieux pour « dissiper les doutes » de ceux qui voulaient rester. Comment pouvait-on être si enthousiasmé à l’idée de tout quitter ?
A cela Moira répondit : « Florianne a fait plus que parler. Ce jour-là elle a convaincu le conseil sans exception. Et désormais Laurentius a décrété notre exode. »
A cela Roncebrume ne pouvait que faire la grimace. Nombreux étaient ceux qui pensaient qu’après tout la ruine de l’île n’arriverait pas avant longtemps, et beaucoup avaient rejoint l’île pour trouver la paix. Ils n’étaient pas volontaires pour partir en exil vers les Terres Sauvages de Brisban. Car telle était la terre choisie pour abriter les Silencieux désormais.
Mais rien ne semblait arrêter la détermination des Anciens. Florianne était partout, exhortant la masse, tançant les moins décidés. On réunit les semences des plantabris. On démonta les machines des ateliers et on empaqueta les outils. Et surtout on commença à réunir vivres et provisions pour un long trajet.
Du jour au lendemain Roncebrume se découvrit à la tête d’un groupe de sylvari à pêcher saler et sécher assez de poisson pour nourrir un village. La tâche n’était pas facile et il lui fallait expliquer comment découper le poisson, comment préparer la saumure, quand étendre le poisson sur la claie, et surtout comment éviter les nuées d’insectes.
Un jour que les Silencieux en étaient venus à allumer un feu pour se débarrasser des insectes Florianne survint houspillant les mitrons qui ne savaient pas fumer convenablement la nourriture. Alerté par le bruit Roncebrume revint pour voir la magicienne,  visage émacié entouré de pétales en désordre, crier que c’était complètement lamentable.  Elle ne se calma qu’à l’arrivée de Roncebrume : comment se faisait-il qu’une caisse de poisson séchée soit complètement faisandée ? Ne connaissaient-ils pas leur métier ? Etaient-ils incapables de remplir leur rôle pour le voyage vers Brisban ?
A cela Roncebrume donna deux réponses : non tous les silencieux qui l’aidaient n’étaient pas experts dans cette tâche. Et tous n’étaient pas franchement ravis à l’idée de suer leur eau à préparer un voyage dont ils ne voulaient pas. Il eut droit à un regard figé, et une heure plus tard à la visite d’Aherne. Ce dernier ne passait plus que quelques rares heures à la cuisine et passait son temps dans un enclos au Nord de l’île où l’on assemblait de  mystérieux paquetages enveloppés dans des couvertures de feuilles épaisses. Il vint pourtant,  le visage fermé, l’élocution froide. Roncebrume savait-il ce qu’il voulait ? Bien sûr qu’il le savait, et il était d’accord pour partir…Mais il ne voulait pas qu’on donne aux gens l’ordre de s’exiler. Aherne avait haussé les épaules : Roncebrume était inconséquent, parlait au nom des autres alors qu’il n’en savait rien, et qu’il prétendait donner son opinion quand il gâchait la vie dans la communauté. On partirait c’était tout, et il fallait travailler efficacement. Il partait quand il lâcha « Et pour le poisson il vaut mieux l’envelopper dans des feuilles de banyan pourpre ».
Et étrangement Roncebrume sut que le départ était  inéluctable.
« Attends encore un peu Roncebrume. » Le nécromancien posa son paquetage et se retourna : Drapée dans ses robes longues, à l’orée de la jungle, Moira contemplait l’île ornée de ses plantabris. Il secoua la tête « Nous sommes déjà à la traîne. Cesse de faire vivre le passé ». Elle soupira : « Facile à dire. Une cinquantaine des nôtres a refusé de partir. Ils ne veulent pas savoir que notre départ les condamne.
-Ils peuvent toujours nous rejoindre
- Non Roncebrume, ils ont donné trop d’eux-mêmes à cette île.
-Et toi qu’y as-tu laissé ?
-Mes illusions » Moira reprit plus doucement. « Et toi Roncebrume qu’y as-tu abandonné ? »
Ce dernier haussa les épaules. « Ma fierté. Après tout j’ai été plus larbin qu’autre chose sur cette île. Peu importe d’ailleurs le voyage devrait être assez épouvantable pour remettre les jugements aux orties. »
Moira leva un regard acerbe à Roncebrume. « Bien sûr. Ah j’ai aussi perdu une sœur là-bas. » Elle rabattit son capuchon avant de reprendre  d’un ton sec : « Marchons donc si nous ne parvenons à nous recueillir. » Et la rancœur imprégnait chacun de ses mots.
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Message par Jeradon Jeu 29 Déc 2016 - 1:00

Le cortège

Yazzd était une figure réputée du Marché de Mabon. Après quinze ans passés à prospecter et marchander,  il avait fini par maîtriser l’art du négoce avec les Sylvari. C’était dire. Parce qu’après tout, sans poils, sans plume, et sans peau ces créatures étaient exagérément bizarres. Plus que certaines choses que  Yazzd avait vues comme des Asura menaçants et accompagnés de Golem non homologués qui lui demandaient de convoyer des équipements bizarres dans des coins dingues, par exemple. Il avait eu aussi les nobles humains suffisants qui lui demandaient de charrier tout l’équipement de leur suite durant leur partie de chasse â la Guivre de la  jungle. Il y avait eu aussi ce mortier à obus défoliant à convoyer pour ce bataillon de Charr "secret défense". Mais il jamais participé à une migration de Sylvari.

Aussi quelle ne fut pas sa surprise quand il vit surgir de la jungle un interminable cortège de Silencieux. Yazzd avait passé assez d’années dans ce coin de Maguuma pour ne pas remarquer que la plupart d’entre eux avaient une tête d’enterrement. Et à leur tête venaient un groupe de clients suffisamment familiers pour qu’ils viennent le voir. Il y avait un sylvari blanchi et dégingandé, escorté par deux ou trois types qu’il avait déjà vus. La magicienne par exemple qui portait une robe jaune délavé. Il n’était plus temps de détailler toutefois, déjà on l’interpellait. Et alors que les questions et les hypothèses se pressaient dans sa tête Yazzd trouvait le temps de répondre aux questions. Oui lui et son cœur de mousse étaient libres. Non à priori il pouvait les amener jusqu’à Métrica  s’il le fallait. « Cela suffira-t-il ? »  Des gemmes rouges vertes jaunes et bleues se trouvaient dans une bourse plutôt replète. En dépit de sa stupéfaction, Yazzd leva un regard blasé vers l’ahuri de bois blanc qui le contemplait. « Ce devrait aller. Vous pensez aller où ?
-A la pelouse du Marchand.
-Pas de problème mais… »Yazzd désigna les paquetages de la foule. « Je ne peux porter que trois tonnes.
-Cela suffira pour l’instant. »

Il n’y avait plus qu’à tout charger et une petite heure plus tard, la colonne repartait. Du haut de son Cœur de Mousse Yazzd se surprit à scruter les voyageurs. Nul chant, nulle exhortation ne résonnait dans la foule. Un désespoir muet accompagnait ces créatures. À l’ombre des arbres de la canopée ils avançaient lentement, encadrés par des gardes fusil en main. Parfois résonnaient les ordres stridents de la magicienne. Quant au chef…Yazzd le voyait avancer d’un pas lent, escorté par deux sylvari. Quant aux autres…Son regard s’arrêta sur un sylvari à peau noirâtre, accompagné par une nécromancienne parée de colifichets et de crânes attachés à un bâton de bois terne. Mais bientôt il fallut garder l’œil sur le sentier, et le reste de l’après-midi ne fut qu’une lente marche dans l’air raréfié d’une forêt tropicale. La soirée s’annonçait quand ils émergèrent de la forêt. Le ciel se couvrait de nuages cramoisis et au sommet de la colline se trouvait l’abri de Zeppta une chercheuse de Synergétiques, corrosive comme pas deux.

Étrangement on avait entassé une douzaine de caisses à proximité. À l’arrivée du cortège la maîtresse des lieux sortit comme une furie : « Dégagez, vous autres ! On n’est pas une aire de  délestage ici !... » Elle s’arrêta à la vue de ceux qui composaient le cortège.
Yazzd mit sa monture à l’arrêt et descendit :
"Et bien le bonsoir Zeppta! Mes clients et moi faisons halte pour une heure ou deux par ici. Mais..." reprit-il après avoir considéré les caisses" on pourrait peut-être t'aider à les transporter.
-Je te remercie. "Zeppta était sèche dans ses réponses. " Mais j'ai déjà de l'aide." Le pas lourd d'un golem retentit. "Xavv me fournit ses services."  Dans le dos de Yazzd une voix haut perchée reprit "des professionnels pour des professionnels!" Et à ce moment-là Yazzd comprit qu'il n'avait pas le choix: il devait se retourner pour faire face à son mentor.

"Yazzd! Mon cher petit protégé!" Le visage ridé  de Xavv arborait un sourire tout en incisives. " Je vois que tu as trouvé un petit négoce respectable, en dépit de tes échecs! Depuis combien de temps fais-tu affaire ici?
-De...depuis quinze ans" balbutia Yazzd.  "Quinze ans! C'est remarquable. " Yazzd reconnut le ton cordial annonçant de mauvaises nouvelles.  Xavv avisa la monture de Yazzd. "Tu as même trouvé un moyen de contrôler un Cœur de Mousse. Est-ce un procédé breveté?"
Yazzd en resta bouche bée.
« Je vois que tu n'avais pas pensé à tout. En attendant je crois que tes clients s'impatientent. Nous parlerons plus tard. »

Et effectivement les  chefs Silencieux le hélaient. Il fallut leur expliquer: oui on pouvait faire une courte halte, et non on ne pourrait pas rester plus d'une heure. C'était une durée bien trop longue avec quelqu'un comme Xavv dans les parages, mais on ne pouvait pas non plus forcer les plus faibles à reprendre une marche éreintante. Du moins c'était ce que la magicienne Silencieuse disait.  Yazzd acquiesça et s’en fut bichonner son Cœur de Mousse. Il en était à la crème revitalisante qu'une voix juvénile l'interrompait. "Ce sont donc d'autres négociants Asura?"
Yazzd reconnut le Silencieux à sa chevelure en désordre, et la peau noire marquée des volutes dorées de la luminescence. Il ne pouvait se rappeler son nom toutefois. "Oui c'est un Asura respectable."  Il aurait voulu ajouter que c'était la pire crapule d'ici à Rata Sum. Mais il n'y pourrait rien. Le juvénile reprenait: "Ah c'est parfait alors. Notre chef est parti négocier avec lui. Nous aurions bien besoins de ses golems." Yazzd resta impassible: "il est parti le voir? Sous sa tente?"

C'est avec un frisson qu'il parvint à la tente de Xavv. Comme prévu, son vieux maître avait miné les alentours de la tente, et des tourelles ainsi que des fusiliers Asura gardaient le périmètre l'arme en main. On l'arrêta, un sbire vint l’annoncer, il y eut quelques bribes de conversation. Et enfin on lui permit d'entrer. Étrangement Xavv parut heureux de le voir: "Entrez donc Yazzd, j'expliquais l'organisation de nos services à Laurentius!" Qui avait l'air d'ailleurs d'être plutôt lugubre. "Vous ne connaissez donc absolument pas la route des Terres Sauvages?
Malheureusement non. Nous venons de Métrica voyez-vous, et nous suivons les routes principales." Yazzd se retint de secouer la tête. Cette affirmation avait tout du mensonge éhonté. Il ne voyait pas comment un négociant venu de Métrica ne pourrait pousser jusqu'aux Terres Sauvages. " Nos golems pourront porter vingt tonnes de vos provisions mais nous ne pouvons les diriger sur des routes inconnues. En revanche Yazzd connaît bien le chemin n'est-ce pas?" Yazzd commençait à comprendre. Il haussa les épaules: "c’est pour cela que l’on fait appel à mes services.
-Dans ce cas, si Yazzd est d'accord pour nous guider nous n'aurions aucun problème à transporter vos biens. Il va de soi qu'une commission pour ses services devra être payée. Mais cela devrait être négligeable au vu des frais qu'une telle expédition pourrait vous coûter. "
Laurentius retourna un regard interrogateur à Yazzd. Ce dernier resta de marbre. “Bien entendu quelques partenaires pour le transport ne seraient pas malvenus. Si vous voulez venir Xavv vous êtes bienvenu. Mais c'est de vous que j'attends une commission. Je n'ai pas l'habitude de faire payer à un client les bénéfices réalisés par une tierce partie." Laurentius tous eut un faible sourire et partit annoncer la bonne nouvelle à ses disciples. Resté seul avec Yazzd, Xavv fut moins avenant.

« Yazzd…Je pense que vous oubliez votre position… » Ce dernier reconnut le début d’une réprimande. Vous pouvez penser qu’a Rata Sum, on a oublié vos ratages, mais si je n’avais pas été là, vous seriez en train de comparaitre devant un tribunal pour meurtre.
-Je n’ai pas commis de meurtre. » Protesta Yazzd la gorge sèche. "Je n’ai fait qu’exécuter un plan.
- Un plan qui a abouti à l’effondrement d’un ascenseur, tuant tous les passagers. Vous aviez fait des modifications et bien entendu votre manque de maturité a mis fin à la vie de tous ces chercheurs.
-Vous savez que cela est faux. Vous savez que tout cela n’est qu’une manipulation douteuse.
-A d’autres. Qui croirait le rejeton d’une rebelle de l’Enqueste avec un Gardien de la Paix ? Quel crédit méritez-vous Yazzd ? Un mot de moi et vous n’êtes plus rien. » Yazzd le savait bien. Et il n’avait pas moyen de réduire Xavv au silence. Muet il hocha la tête.

Xavv eut un sourire moqueur. « Voilà pourquoi vous allez dépouiller ces créatures jusqu’ à leur cœur. Ils veulent aller aux Terres Sauvages si je comprends bien.
-En passant par la Pelouse du Marchand.
-Eh bien vous les mènerez aux ruines de Ventry.
-Aux Ruines de Ventry ? Elles regorgent de …Et ils ne se laisseront pas faire."
Xavv  approuva « Les sylvari peuvent avoir des armes aussi meurtrières qu’un fusil Charr. Toute fois ces Silencieux ne sont que ce que les humains appellent « un ramassis de pauvres hères ». Certains n’ont qu’un pagne qui couvre à peine leur entrejambe.
- Ils peuvent défendre farouchement leur mode de vie primitif. Un peu plus que la plupart des  sylvari du moins. »

Xavv comme d’habitude se caressa la barbiche : Il fallait être prudent. Les abrutis de l’Enqueste s’étaient rendu compte de cela un peu trop tard. Il fallait donc un plan fiable… « Ne vous inquiétez pas. Menez vos clients ce soir même aux Ruines de Ventry, et dites leur qu’un campement humain est installé non loin de là. Mes gens se chargeront du reste." Yazzd allait partir quand Xavv le rappela. « Au fait Yazzd…Vous commencez finalement à voir grand. »

Yazzd préférait s’occuper d’affaires d’une taille raisonnable, mais ce choix lui était refusé. Il n’était plus bon qu’à mener son Cœur de Mousse en tête du cortège, et alors que les aides de Xavv lançaient les séquences d’initialisation des golems, et que les Silencieux remplissaient des containers avec leurs pauvres effets il ne pouvait que voir les silhouette minces se déplaçant à la lueur des lanternes. Au bout de quelques instants les golems furent prêts : les chefs d’équipes fermèrent les containers et un par un les golems s’emparèrent des containers. Yazzd donna le signal  du départ, et escortés par les golems, lanternes sur l’épaule,  le cortège des Silencieux prit la route qui descendait vers les Ruines de Ventry. Là-bas les attendait un amoncèlement de ruines sans âge. Quelques chercheurs Asura y vivaient aussi ainsi qu’une tribu de Skritts prompts à commettre des larcins pour tout et n’importe quoi. Les Silencieux seraient sous peu obligés de garder l’œil à leurs vêtements sous peine d’être dépouillés. Yazzd ferma les yeux. Sous lui le pas lent du Cœur de Mousse ébranlait la terre. Ce matin encore il était à la recherche de clients, et la nuit venue il était associé à son ancien mentor…

Il rouvrit soudainement les yeux : Xavv n’était pas parti avec eux.  Et ils étaient déjà bien avancés dans la jungle. La panique s’empara rapidement de Yazzd. Il jeta un regard en contrebas et fit un signe à un fusilier Silencieux « Va me chercher ton chef tout de suite !!! » L’autre lui jeta un regard ahuri avant de se frayer un chemin à travers la foule.  Bien trop tard : la première bombe s’abattit sur la foule. D’entre le couvert surgissaient des Skritts, hurlant des cris de guerre, lançant des bombes. Médusé Yazzd vit les golems de transport lâcher leurs containers et s’effondrer inertes les uns après les autres. Les fusiliers Silencieux étaient bien armés mais dispersés : quelques tirs isolés ne pouvaient ralentir la foule de Skritts se lançant au corps à coups de massue. Surpris les groupes de Silencieux ne pouvaient opposer que des fusils déchargés ou des glaives. Yazzd vit la colonne se rompre, les survivants fuyant des Skritts fous de rage. Pourtant d’entre les rangs Silencieux un cri strident s’éleva et une brume s’abattit sur les réfugiés.  

Ceux-ci se redressèrent plein d’une nouvelle énergie. Sur le flanc de la colonne une pluie gluante s’abattit sur les assaillants, pendant qu’une colonne de fusilier Silencieux ajustait la foule de skritts qui s’abattait en désordre sur les rangs. Mais cette fois ce fut une boucherie. L'assaut des Skritts se brisa contre des rangs organisés, et vague après vague les cadavres des rongeurs jonchèrent le sol. Yazzd tourna son Cœur de Mousse vers le gros du combat quand des cris de panique retentirent. Vers l’arrière une bande de Skritts s’était abattue sur le groupe de golems. Avec leur rapidité coutumière ils firent sauter le couvercle deq containerq et sans attendre s’enfuirent avec le produit de leurs larcins, poursuivis par quelques ombres et des tirs de flèches. Tout fut fini après de longs instants. Paniqué Yazzd descendit vers le chef de la colonne. « Il faut se regrouper, tout de suite, laissez derrière ce que vous ne pouvez pas porter !!!Ils vont revenir. »

Le chef leva un regard égaré « Aller où ?
-Aux ruines de Ventry, à deux pas. Il y a un camp Asura, des mines anti-skritts, des tourelles de défense !!! Dépêchez-vous ! » Les rangs des Silencieux s’ouvrirent et surgit un notable de haute taille sanglé dans une armure de cuir. « Soit, partons. Mais toi Yazzd, tu restes avec moi ! Dépêchez-vous  tout le monde ! » Le chef des Silencieux hocha la tête et murmura quelque chose…Quelques instants après la colonne se pressait en bon ordre le long de la route des Ruines. Après une demi-heure on parvint aux ruines. Les scientifiques qui œuvraient là n’eurent pas besoin d’être convaincus. Ils ouvrirent le périmètre de sûreté et tout le monde se réfugia en cercle. Enfin on put faire le compte des pertes. On avait dû abandonner les  corps d’une vingtaine de Silencieux. Une dizaine d’autres avaient succombé à leurs blessures. Le Cœur de Mousse de Yazzd était resté derrière. On ne parlait même pas des containers des Golems. De leurs opérateurs il n’y avait nulle trace. La misère guettait. Yazzd vit une magicienne Silencieuse fondre en larmes et s’abattre à genoux sur le sol boueux… « Yazzd. Viens avec nous ! » Un Silencieux émacié dans une armure trop grande pour lui, venait de surgir avec une demi-douzaine de guerriers. Sans mot dire, l’Asura se laissa emmener devant le groupe qui allait le châtier pour un crime qu’il n’avait pas commis.

Assis sur une stèle moussue, entouré d’un groupe de conseillers, le chef des Silencieux arborait un visage inexpressif. « Yazzd. Tu nous as entraînés vers un guet-apens. Nous avons enduré une bataille en règle. Beaucoup des nôtres sont morts. Tes associés ont disparu. » Il eut un sourire amer : « Quel guide fais-tu ? » Yazzd ferma les yeux avant de répondre d’une voix tremblante. « Vénérable chef Silencieux…
-Laurentius…
-Laurentius…Quel criminel suis-je si je reste sur les lieux d’un crime dont je suis accusé ? J’ai perdu mon gagne-pain, ma réputation, je suis ruiné, et mes associés m’ont trahi tout autant que vous. Cette aventure va s’ébruiter. Et désormais je suis suspecté de malhonnêteté. Je n’ai plus aucun espoir de négocier au marché de Mabon… » Quelques conseillers se penchèrent vers Laurentius, il y eut un bref conciliabule et enfin Laurentius fixa Yazzd d’un regard sans aménité. « Fort bien. Tes excuses sont valables. Toutefois quand nous repartons demain, tu restes en otage avec un groupe des nôtres. De sorte que si nous sommes encore attaqués, tu feras partie de ceux qui subiront nos représailles. »  On lui ligota les poignets, et devant les scientifiques consternés, on l’attacha à un rocher, sous la garde de trois Silencieux. Une Silencieuse enveloppée dans une robe grise le força à avaler une boisson amère et il s’endormit…

« Réveille-toi Yazzd ». Il ouvrit les yeux : c’était encore la nuit, il était allongé au sol et un Silencieux le dominait. Enfin reconnut le visage du juvénile qui lui avait parlé quelques heures auparavant. «Que, quoi, que va-t-il se passer ?
-Rien de bien sévère. Les autres sont partis il y a une heure de cela. Et moi je veux quelques réponses. Comment as-tu fait pour organiser l’attaque des Skritts ?
-Qu’est ce qui te le fait croire ?
-J’ai voyagé dans les ruines dans le passé. Et tu as vu les skritts… » Oui le petit jeune avait raison. Les Skritts n’étaient pas batailleurs, mais ce soir-là ils étaient devenus assoiffés de sang. C’était étrange.
-Je ne sais pas…Ce n’est pas moi qui ai organisé ça. On a dû les droguer mais je ne suis pas chimiste…
-Qu’es-tu donc ? Yazzd, moi et mes amis t’ont secouru. Tu aurais pu finir en descente de lit pour un frère du Cauchemar ? Pourquoi tu ne dis rien ? Tu as donc tellement honte ? »
Yazzd poussa un long soupir. « Ce n’est pas ça…Silencieux.
-Roncebrume.
-Roncebrume…Je n’ai jamais pensé vous mener à ces ruines. Xavv…Mon associé m’a forcé la main. »
-Roncebrume s’accroupit scruta Yazzd sans aucune sympathie. L’asura leva les yeux et soutint un regard hostile. Les traits de Roncebrume s’illuminèrent brièvement alors qu’il prononçait une parole étrange. « Beaucoup d’Asura trouvent des excuses foireuses, Yazzd. J’ai envoyé beaucoup des tiens dans ce que vous appelez les Brumes. Regarde autour de toi. »

Yazzd eut un regard de côté. Une ombre étrange venait de se matérialiser tout près de sa tête. La peur, la terreur, la rage le parcoururent. Il se retourna vers Roncebrume. « Ca ne sera pas la première fois que je dois payer pour les autres. Mais ce n’est pas moi qui ai accepté de faire porter mes marchandises par des golems défectueux. Ce n’est pas moi qui ai refusé de voir que le prestataire de services avait disparu…J’étais seulement l’appât, le fusible pour expier les crimes…A l’heure qu’il est Xavv est  sans doute avec ses sbires en train de préparer l’assaut sur votre colonne. »
Les traits de Roncebrume se durcirent. Il reprit. « Alors si tu veux vivre mène moi à Xavv .
-Comment ça ?
-Tu viens avec moi sans armes et tu me mènes à Xavv. Tu me mens, ton corps servira à mon golem de chair. Tu me mènes à Xavv et tu survis à l’assaut, tu es libre de vivre et de prendre le butin de ton « associé ». Le Silencieux parlait froidement, tel un tueur. Yazzd parvint à murmurer : « Quel genre de Silencieux est tu ?
-Le genre qui t’aurait massacré sans hésiter auparavant.  Mais après tout, je t’ai sauvé la mise il y a moins de trois semaines. Maintenant avance ! »

 Yazzd n’avait pas le choix : talonné par Roncebrume et deux Silencieux armés, il prit la direction de la Pelouse du Marchand. Il n’avait pas la moindre envie de mourir mais le Silencieux avait invoqué une horreur qui le cinglait de son long tentacule dès qu’il ralentissait sa course. Il parcourut le chemin qui montait vers la Pelouse du Marchand, coupant à travers buissons en dépit des toiles d’araignées et des fleurs empoisonnées au milieu de la nuit. Enfin il se retourna vers Roncebrume. « J’entends la colonne. La Pelouse n’est pas loin…Et Xavv… » Sa voix était devenue un murmure. « Est tout prêt avec la mort pour compagne. » Compléta Roncebrume. Il s’empara du bâton attaché dans son dos, et fit signe à ses deux compagnons sylvari.

Plus mort que vif, Yazzd dut leur emprunter le pas. Et bientôt ils furent tout près. Xavv avait tout prévu : Il avait des fusiliers, on entendait le bourdonnement des golems de type 7 et on voyait quelques tourelles pour mettre à mort tous ceux qui s’approchaient assez près. Il devait avoir assez de puissance de feu pour mettre la colonne en fuite, et capturer assez de butin et d’esclaves pour en tirer une somme rondelette. Terrifié, il vit Roncebrume s’approcher des Asura en embuscade. On entendait le pas trainant de la colonne de Silencieux. Ce qui suivit resta dans l’esprit de Yazzd : le son terrifiant d’un cor retentit dans le sous-bois et les créatures de Roncebrume se ruèrent à travers les buissons vers l’ennemi.  Le silencieux leva son bâton et le froid et la puanteur se répandit dans le sous-bois. On entendit la course des fusiliers et celle des golems. Sous les yeux de Yazzd la pénombre sembla se condenser autour de Roncebrume. La créature se retourna vers Yazzd. Son chuchotement retentit à travers le sous-bois « Suis-moi si tu veux vivre ! »

Yazzd courut comme il n’avait jamais couru. Derrière on entendit des cris de rage, de peur, de douleur. Il trébucha parmi les rangs des Silencieux.  Le staccato des tirs de golems retentit et Yazzd s’abattit sur le sol. Il y eut une lueur étrange et l’Asura se releva à peine brûlé. Il entendit un sifflement strident et une pluie de rocs enflammés s’abattit sur le sous-bois. Cette fois il entendit des ordres précis, des feux de salves, l’explosion de bombes, le chuintement de tourelles. Il se retourna. L’orée du bois était en train de brûler. Quelques carcasses de golems fumaient à quelque distance des rangs silencieux. On n’entendait plus les hurlements des Asuras.  

Peut-être étaient-ils regroupés en arrière. Cette fois Yazzd comprit que les Silencieux étaient non seulement prêts au combat, mais qu’ils avaient des tactiques pour combattre dans les bois. Les yeux brillant de frayeur, Yazzd se fraya un chemin à travers les rangs dispersés des silencieux quand un commandement retentit. « Tuez les Asura. Et qu’il n’en reste pas un. » Bousculant ceux qui voulaient l’arrêter, Yazzd se rua vers ce qui restait de la lisière.

Une voix de femme retentit parmi les hurlements : « Yazzd ! Nous n’en avons pas fini ! ». Éperdu, Yazzd entraperçut une silhouette se lancer à sa poursuite.  Il n’attendit pas,  ramassa un pistolet sur un corps et s’enfuit.  Dans la pénombre il trébucha sur quelque chose et s’étendit de tout son long sur le sol. C’est bien trop tard qu’il tenta de se redresser. Déjà des bras squelettiques émanaient du sol et enserraient ses chevilles d’une étreinte implacable.  Il tendait la main vers son arme qu’une douleur transperça ses entrailles.  Il n’avait jamais connu rien de tel. Il leva un regard embrumé de douleur, et eut le temps de voir une silhouette en robes, bondir sur lui.  Il entrevit des yeux rougeoyants, entendit un grondement «Finies les plaisanteries ». Une poigne le plaqua violemment contre un tronc. Le souffle coupé il vit un poignard s’abattre sur lui…Un cri retentit «NON ! Pas lui ».  Une main surgie de la pénombre arrêta le poignard.  La femme se tourna violemment vers l’intrus, Yazzd s’abattit comme une poupée de chiffons au sol; un claquement sec retentit et le poignard tomba au sol.

Hébétée la femme considérait celui qui venait de la gifler « Roncebrume, Yazzd est responsable de tout. »Une voix sourde retentit « Foutaises, Moira, il était manipulé. » Le Silencieux s’approcha lentement. Ses traits ourlés d’une lumière dorée étaient déformés par une grimace étrange « Décampe Yazzd. Sauve tes oreilles avant que d’autres ne te les coupent… » Il trébucha et c’est alors que Yazzd remarqua la main ensanglantée du sylvari. Ce dernier murmura dans un souffle « Quand on gifle un roncier il ne faut pas s’étonner si on se sent mal. » Yazzd n’attendit pas davantage. Il s’enfuit dans la nuit.


Dernière édition par Jeradon le Dim 18 Juin 2017 - 15:38, édité 4 fois
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre - Page 2 Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Dim 18 Juin 2017 - 8:51

L’irrésistible attrait de la pénombre
C’était  le soixante dix neuvième jour de la Saison du Phénix


Le scribe de Zinder

Dans la chaleur de l'après-midi, une bande de Sylvari dépenaillés avance silencieusement parmi les arbres. Les bruissements de la forêt et les cris des oiseaux masquent à peine leur progression. Au-dessus d’eux sur le versant se trouve l’avant-poste du cauchemar : Des bulbes violacés enserrés par des barrières de ronces. Et il n’y a personne en vue.
"C’est une ruse ». La voix de Roncebrume n’est qu’un murmure " Je parie qu’ils ont laissé des gardes à l'affût. Si on attaque seuls nous tombons dans l’embuscade »
Il se retourne vers Kwizzd. « Ce n’est pas difficile mais le paiement ?
-Payement de cent livres par Skritt délivré ! » couine le Skritt. Roncebrume secoue la tête « non cent dix ». Le skritt en lève les bras au ciel… « D’accord, d’accord ! ».
Il ne faut pas longtemps pour que du bois retentisse le cri de détresse d’un skritt blessé : une créature inférieure à peine digne de servir le Cauchemar. Bientôt trois chasseurs de la Cour s’approchent, à la recherche d’un nouvel esclave. Rien, ni leurs armes ni leurs loups ne peuvent les protéger contre la pénombre qui les engloutit et des mains squelettiques surgissant du sol. Les cris de ces chasseurs deviennent des hurlements d’agonie et à ces clameurs l’avant-poste se réveille : des archers se ruent hors des abris et découvrent au bas du versant le groupe de sylvari. Sur ces derniers une volée de flèches s’abat, et bientôt quelques-uns retombent sans un cri sur le sol rocailleux.
En contrebas quelqu’un lève un bâton et une lueur pourpre englobe les assaillants. Peu importe : une fusillade éclate et les archers du Cauchemar s’effondrent alors que des grenades roulent parmi les bulbes. Les explosions sèches annoncent l’arrivée du groupe d’attaque de Moira. Acculés les Courtisans reculent pied à pied.
Roncebrume et ses sylvari parviennent au sommet du versant alors même que les bulbes de l’avant-poste s’embrasent. Le succès est complet, Roncebrume range son bâton. Et la fumée âcre des bulbes brulants ramena Roncebrume à la réalité. Un sapeur sylvari  l'appelait quand Moira survint en compagnie de deux autres guerriers « Il y a encore des survivants. Nettoyez-moi ça ! »  On se dispersa parmi les ronces fumantes, et bientôt on découvrit, terrés dans un recoin, un petit groupe de guerriers du Cauchemar, glaive en main. Sans détourner son regard, Moira tendit le doigt. « Les voilà les soldats invincibles de la Cour ! » Elle haussa les épaules. « Je n’ai pas de temps à perdre avec une telle engeance. Roncebrume! »
Roncebrume s’avança, murmura une formule…Et rien ne se passa. Sans plus attendre Moira tendit le bras : des volutes de brume verdâtre surgirent du sol. La panique puis la douleur convulsèrent les traits des derniers défenseurs. Sans prêter attention à leur agonie, Moira se retourna et prit Roncebrume par le bras. « N’aie crainte. Tu apprendras. » Elle jeta un dernier coup d’œil aux cadavres « Je te les laisse, j’ai à faire. » Et elle s’en fut d’un pas rapide, sceptre en main.  Roncebrume haussa la voix « Allez on ouvre les cages à ronces maintenant ! »
Il ne leur fallut pas longtemps pour trouver les prisons de ronce qui contenaient les prisonniers Skritts. Et bientôt dans des couinements de joie, les skritts saluèrent leurs libérateurs. Kwizzd se retourna vers Feodhan « Remerciements, sylvari, pour ton aide. Comme prévu le paiement s’élève à un peu plus de cinq cent cinquante livres. Tu recevras le tout demain matin. Va rejoindre les tiens, ami des Skritts tu as mérité ton repos. » Roncebrume comprit et fit un geste vers les autres ; il était temps de rejoindre le village de la Vallée de Zinder.
À l’origine ç’avait été un avant-poste contre le Cauchemar, mais au fil des années les gardiens sylvari étaient devenus les défenseurs d’une halte pour les caravanes. Et c’était là que trois semaines auparavant les Silencieux –du moins ceux qui avaient été épargnés par la folie de Laurentius – étaient parvenus au village. La faim, les privations et les attaques incessantes les avaient tous marqués, et c’était peut-être pour cela que les Sylvari de Zinder leur avaient offert l’hospitalité.
Roncebrume pensait alors qu’ils ne resteraient que quelques jours.  C’était compter sans le Cauchemar : dès le lendemain la Cour avait monté un coup de main contre le village. Durement entraînés par leur exode, les Silencieux mirent en déroute les assaillants et, impressionnés, les sylvari de Zinder décidèrent que les nouveaux venus pouvaient s’installer parmi eux. Depuis, la vie de Roncebrume oscillait entre la guerre au Cauchemar et le négoce avec les skritts.
Descendant les pentes arides vers la forêt en contrebas, la colonne rencontra des récolteurs de rosée. À la lumière déclinante ces derniers plantaient des mortiers sylvari. On se héla. « Bon crépuscule ! La chasse a été bonne ?
-On a éliminé un avant-poste du Cauchemar, et il y aura du butin skritt..
-Pas mal ! Au fait le chef Silencieux vous attend à la lisière. » Roncebrume fit la grimace : Aherne avait établi un ordre définissable par le mot Krytien de « discipline ». Et depuis, les inspections surprises, et les ordres sans réplique étaient devenus monnaie courante. Pour Roncebrume ce qui était bon pour des guerriers humains recouvert de métal ne l’était pas pour des combattants Silencieux. Bien entendu Aherne n’en avait cure. Et quiconque objectait était affecté à une tâche aussi déplaisante que nettoyer un repaire d’araignées de la jungle.
Parmi la troupe, chacun ajusta donc ses armes avant de passer la lisière de la forêt.
Sous les frondaisons recouvertes par le filet de rosée, la pénombre régnait déjà. Dans l’allée principale entre deux grandes plantabris se tenaient Carandyl, le chef du village , en compagnie d’Aherne. Ce dernier, porteur d’une armure de cuir fatigué toisait la troupe. Enfin il hocha la tête. Carandyl haussa la voix : «Roncebrume, Levallyn et Dell. Au rapport. Les autres peuvent disposer ! » Roncebrume étouffa un soupir alors même que Carandyl les toisait du regard. À ce que l’on disait il avait été un des dix fondateurs du village. Au cours des ans il avait délaissé les exercices guerriers pour la couronne de rameaux, mais maintenait une présence vigilante parmi les sylvari. « Roncebrume et Levallyn ? » Ces derniers échangèrent un regard. Roncebrume commença : « L’opération a été un succès. Nous avons attaqué sur deux fronts : les soldats de la Cour n’ont pas su réagir, nous avons emporté la position. Aherne hocha la tête : « Dell ?
-Je confirme : Roncebrume et la nécromancienne ont dirigé leur assaut de main de maître.
-La nécromancienne ? ». « Moira » Intervint Roncebrume. “Elle a du rentrer il y a peu. » Aherne adressa un regard à Carandyl, et bientôt tout le monde se dispersa. Aherne par contre fit venir Roncebrume d’un geste. « La nécromancienne ?
-Moira nous permet d’organiser les embuscades. Elle sait y faire.
-Tu sais que je n’aime pas les irréguliers. Soit elle reste avec le groupe. Soit elle se sépare. » Il interrompit Roncebrume « Je sais que vous êtes très liés tous les deux, mais cela n’excuse rien. Et autre chose…Florianne t’as pris avec elle. Pense-y. » Roncebrume serra les dents « Chef…la migration a fini. Florianne…C’est difficile.
-Peu importe. Tu es Silencieux, fais tes choix…Ou d’autres les feront pour toi. » Et il s’en fut. Roncebrume n’avait plus qu’à remâcher ses propos : Aherne était devenu chef de guerre, Florianne avait fait retraite dans une plantabri luxuriante, et lui qu’était-il devenu ? Il ricana « Un scribe négociant en gros. » Et c’était vrai. Alors même que Zinder était devenu une halte pour les caravanes, deux sylvari avaient fait croitre un abri de verdure afin d’y entreposer les ressources du village. Levallyn et Kaltredd, les deux créateurs de l’entrepôt avaient également leurs vues sur toute association avec les skritts et depuis, le négoce avec les chapardeurs de la région valait à Roncebrume un décompte méticuleux du contenu de l’abri. Et cet après-midi ne fut pas une exception. Au crépuscule, assoiffé, affamé, Roncebrume rangea rouleaux et crayons fit ses ablutions dans une corolle à l’écart, et fit de petits pain à la viande son repas. Et alors qu’aux alentours s’installait une pénombre ponctuée de lueurs vivantes, Roncebrume se dirigea vers une plantabri décorée par de grandes mélianthes. À son approche l’opercule s’entrouvrit sur une pénombre ponctuée de lueurs empourprées. À l’intérieur, vêtue d’une tunique, arborant un collier d’ébène luisante  Moira s’affairait devant une jarre massive. A l’approche de Roncebrume elle s’approcha. Débarrassée de sa longue robe, la Sylvarie arborait fièrement les épines qui jalonnaient ses mains, ses membres et sa tête. Elle n’en restait pas moins d’une hospitalité péremptoire. « Bienvenue. Tu as faim ? » Devant la dénégation de Roncebrume elle reprit « Tu auras besoin de toute ton énergie pour cette leçon.
-je suis prêt à tout. » Roncebrume avait cessé de plaisanter avec cette formule. Moira fit la moue « Comme tu veux. Maintenant approche ! » Elle se dirigea vers la jarre et défit son collier. A l’instant celui-ci se tortilla dans ses mains en sifflant. « C’est une vipère noire » Commenta Moira. « Son poison peut être mortel, quoiqu’inefficace dans mon cas. » Elle laissa tomber le serpent dans la jarre. « En ce qui te concerne ce serpent peut infliger des douleurs féroces pour quelques jours. » Roncebrume leva un regard interrogateur vers le visage triangulaire baigné dans la lueur pourpre. « L’exercice est simple. Il y a un serpent enragé dans la jarre. La tâche qui te revient est de l’empoisonner et de t’en emparer.
-Et ?
-Et la seule façon de le faire est de mettre ton bras dans la jarre : des manches te gêneraient trop. À toi d’empoisonner le serpent ».  Roncebrume hocha la tête. « D’accord. » Il retira sa chemise, et torse nu s’assit devant la jarre. C’était un récipient à col haut. Un sifflement affaibli en émanait. Il leva la main. « Tu entends la vipère ? » chuchota Moira tout contre son oreille. « Elle te réserve le meilleur de sa haine. Elle te donnera beaucoup de douleur dès que ton bras pénètrera dans cette jarre. Tu penses l’empoisonner ? »
Lentement la main de Roncebrume pénétra dans la jarre. « Tu dois la suffoquer. Ses crocs dégouttent de poison. Dès que ton bras touchera le fond elle remontera, et te mordra dans le cou. »
Roncebrume grimaça.
« Alors prends ta peur, ta haine et fais-en une boule au fond de toi même. Et le moment venu…Laisse la sortir au cœur de ta paume. »  Les muscles tendus, Roncebrume avança sa main, son poignet, son bras dans la jarre. Quelque chose se dirigeait vers ses doigts. Un frisson le parcourut. Ses lèvres prononcèrent un mot, il sentit son bras se couvrir d’une sueur poisseuse, et une odeur âcre se répandit dans l’habitation.  Dans la jarre quelque chose se tordait de souffrance ; puis ce fut le silence. « Bien » Murmura Moira « Maintenant récupère le cadavre et donne-le moi. » Quand il lui passa le serpent, elle lui essuya la main avec une feuille lustrée.  L’instant d’après la feuille flétrit. Moira eut un rire cristallin et s’assit aux côtés de Roncebrume. Elle lui prit la main « Maintenant tu sais ce que veut dire être le poison. » Sa main épineuse se posa sur la nuque de Roncebrume et lentement, de ses lèvres âcres elle l’embrassa.  Elle rit encore, et attira son élève vers la couche non loin de la lampe.


Dernière édition par Jeradon le Sam 24 Juin 2017 - 23:40, édité 1 fois
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Message par Jeradon Lun 19 Juin 2017 - 23:57

Créditeurs sans réserve

La chaleur du matin n’avait pas encore pénétré la plante quand Florianne s’éveilla. Elle était seule dans un grand lit. Une fois de plus. Avec un pincement au cœur elle avisa Roncebrume, encore endormi dans une feuille à même le sol.  Il avait sa façon à lui de donner un sens au terme «découcher ». Elle en aurait ri en d’autres temps. Maintenant…

Elle se leva, regarda ses cuisses nervurées, fit courir ses mains sur sa poitrine ferme, et s’approcha du vieux miroir tacheté. Elle étouffa un sanglot : sur le métal terni la contemplait une sylvarie au visage flétri, perdant les pétales de sa chevelure. Elle n’aurait jamais cru que la douleur pouvait rendre si hideuse. Elle jeta un regard désespéré vers la feuille où dormait paisiblement l’autre. Ravalant ses larmes elle fit une toilette furtive, enfila silencieusement sa robe et enfin sortit dans le matin moite et endormi.

À la lumière tamisée de la canopée le village s’éveillait lentement. Un soupir parcourut une plante abri toute proche et l’opercule s'ouvrit pour laisser place à une Sylvarie à moitié endormie. Celle-ci tourna un regard encore embrumé vers Florianne avant de s’arrêter, stupéfaite. Sans attendre Florianne s’éloigna hâtivement. Il ne lui fallut au quelques instants pour sortir du petit bosquet de maisons, et sous les pins et séquoias, elle emprunta les allées poussiéreuses qui menaient vers les hautes terres.

À l’orée du bois se trouvait une plante isolée flanquée d'un bulbe au bord d’une fontaine. Là y travaillait Morag…Fine et toute en feuilles vertes et lustrées, enveloppée dans un tablier de cuir fatigué, telle était Morag.
Elle salua Florianne d’un grand geste de la main, s’approcha, avant de s’arrêter net.  La stupéfaction, la compassion se lut sur son visage ovale. "Ma chérie, mais tu te laisses flétrir..." Florianne n'y tint plus. Elle se cacha le visage dans les mains et éclata en sanglots.
Quelque part Morag murmurait des paroles apaisantes. Son front toucha le front de Florianne, elle lui écarta les mains. Dans ses bons yeux bleus turquoise on n'y lisait que tendre patience. "C'est lui n'est-ce pas ? C'est Roncebrume...
-Il est rentré en pleine nuit et..." De murmure La voix de Florianne devint un staccato rageur "Il s'est enroulé dans une feuille. Encore. Et après il va se réveiller. Tard dans le jour. Et après..."
-Et d’abord ? " La voix de Morag etait empreinte d'une douceur maternelle. "Il prend ce qu'une autre lui offre et ce n'est pas ta faute. Vos chemins ne peuvent pas se joindre. Tout le monde peut voir ça au village...
-Mais pourtant il a bien voulu de mon hospitalité...
-Tu lui as tendrement offert ce que tu avais de mieux n'est-ce pas ? C'est une histoire classique." Et à vrai dire Morag connaissait des tas d’histoires classiques. "Et cela va finir...
-Je me moque de sa fin !" La rage empreignait les mots de Florianne. " Il peut bien forniquer sa plante vénéneuse à s’en flétrir le membre...Mais ces deux-là pourraient avoir de la décence !!!"
Et malheureusement ces deux-là n'y pensaient même pas.
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Message par Jeradon Ven 23 Juin 2017 - 22:24

La fin des liquidateurs

Ce matin-là, Moira éprouvait une impatience grandissante. Elle avait bien promis à Roncebrume de l'aider à trier son bric-à-brac, mais elle n'aurait jamais cru devoir gérer le déversement de cinq cent livres de vieilleries à la resserre du village. Et désormais face à un tas, ou plutôt, une montagne d'un fatras de machins de toutes sortes, elle devait endurer les chicaneries de tous les importuns de passage, et de Cormac dit "le vieux moussu". Non pas parce qu’il portait un manteau vert, mais parce que tout dialogue avec lui résultait en une accumulation croissante de grommellements, de remarques saugrenues, et de disgressions en tout genre. Et en plus il n'appréciait pas les intrus.

Il prit donc un malin plaisir à la mettre en difficulté. Dès son arrivée à l’aire de stockage il n'eut de cesse de grommeler au sujet des Silencieux inutiles, devant tout le monde. Et bientôt il annonça : "débrouille toi pour débarrasser ce fatras. " Comment ? Il eut un geste dédaigneux " Roncebrume lui, invoque des golems de chair".
-De la chair ? Et où vais-je en trouver ?
-Auprès du vendeur de Moas que tu viens de renvoyer il y a un petit moment déjà."

Moira en était à lui souhaiter une moisissure tenace et insidieuse dans les parties les plus intimes de son individu, quand finalement Roncebrume survint, un bâillement au coin de la bouche. Il ne lui fallut pas longtemps pour s’emparer du manifeste de livraison, faire quérir deux autres Sylvari et entamer le marchandage avec Yazzd, Kluzz et Dutruc l'humain saugrenu.
Moira n'avait plus qu’à repartir: elle se laissa congédier. Et au lieu de se rappeler qu'elle devait partir ramasser des silex, elle laissa ses pieds la guider.

Il fallait l'avouer, la vie au village de Zinder n'avait rien de folichon. Ni les escarmouches occasionnelles, ni la beauté sauvage des environs ne parvenaient à chasser cet ennui qui imprégnait sa vie depuis quelques semaines. C'était à prévoir probablement. Après tout la vie au bosquet avait été une leçon de stupidité qu'elle s’était jurée de ne pas reprendre. Et maintenant elle se retrouvait dans un coin perdu des plus provinciaux, avec une bande de Sylvari tout droit surgis d'Astoréa. Hmm, non, au moins les gens d’ici savaient utiliser une arme.

"Sylvarette, sylvarette où vas-tu, où vas-tu?"
Un Asura, un vrai nabot hirsute cheminait plus haut sur le bas-côté de la route. Moira s'arrêta. " Là où je veux aller. Ça te dérange ?"
L'autre leva gaiement une oreille mitée par une infection rosâtre. "Absolument pas, sylvarette.  Tout le monde a le droit d'arpenter la rive du terrain de chasse des Ogotl. Mais seuls certains ont le luxe de survivre à leurs embuscades.
-Comme maintenant ?" Mais elle n'attendait plus la réponse. Déjà dans le linceul elle vit la bouche du nabot s'ouvrir dans une grimace grotesque, elle entendit le clapotement émis par les corps obèses dans l'onde turbide. Quand les Hyleks portèrent la sarbacane à la bouche, ils étaient déjà enfiévrés. Quand les fléchettes l'attinrent ils étaient déjà immobilisés, comme stupides. Ce fut un jeu de se débarrasser de ces batraciens. Et alors qu’elle s'éloignait, leurs corps desséchés flottaient parmi les roseaux.

Bien entendu le nabot avait disparu. Mais à sa surprise il revint quelques instants plus tard. " Tu as survécu ? Bravo sylvarette!
-Ça a l'air de te surprendre...Pourquoi n'as tu pas voulu regarder le spectacle?
- Je ne suis pas bien gros, sylvarette. Une seule fléchette suffirait pour m'expédier droit dans la marmite de ces Hyleks. J'ai préféré décamper quitte à revenir un peu plus loin.
-Pas bien gros, pas bien courageux...Qu'es-tu donc ?
-La question est plutôt : Qui suis-je ?" Il s'arrêta et se courba en une révérence moqueuse : " Arkk Arnulfo Éclairdepoudre, inventeur désargenté et chercheur à ses heures." Il se redressa, lissa sa blouse grisâtre et reprit : "Je m'intéresse aux passants, Sylvarette, et plus encore à ceux qui ont de la sève dans les veines."

-Les marques noires ourlant les yeux de Moira se froncèrent. "Et cela signifie ?
-Tout doux sylvarette!" Commença précipitamment l'Asura. " J.ai des problèmes de laboratoire, et j'aurais bien besoin d'experts pour résoudre un problème mécanique !"
-Nonchalamment Moira escalada le talus qui menait à la route. L'Asura fit trois pas en arrière : " Si Tu veux voir Sylvarette...C'est le bâtiment derrière moi."
-Moira toisa le dôme ramassé. C’était peu de chose en comparaison avec le complexe de verre et métal campé un peu plus loin sur les pentes  surplombant la rivière.
-C'est mon labo..." Moira retourna un regard surpris vers l'Asura piteux. “C’est pas grand-chose mais c'est là que finissais mon projet."

Il ne fallut guère plus que la moitié d'une heure pour atteindre l'entrée béante du dôme trapu. Moira considéra les dalles craquelées du seuil avec dédain. "Ton laboratoire à l’air plutôt abandonné. Tu disais que tu avais des problèmes ?"
-Un temps ça a été un des labos les plus prometteurs de la région. C'est fini depuis mes problèmes de liquidités désormais."
Ils passèrent dans un hall plongé dans la pénombre. La silhouette de Moira s’orna de lueurs argentées et elle considéra le sol jonché de gravats avec dédain. " Ta propriété a des problèmes d’entretien. Les golems ménagers ont été pris de folie ?
Les oreilles d'Arkk s’affaissèrent :  
"Je ne sais pas. Les liquidateurs ont peut-être tout détruit. Mais les projets essentiels n’étaient pas développé au rez-de-chaussée.
-Laisse-moi deviner...Les trésors se trouvent dans des souterrains jalonnés de pièges. »

Arkk soupira "D'accord...Sylvarette quel est ton nom déjà?
-Celui que tu m'as donné. Sylvarette me convient très bien." Les yeux globuleux d'Arkk s'attardèrent un instant sur les épines hérissant la tête de Moira. Enfin il reprit. " J’ai laissé dans ce labo des projets et des rêves. Je viens les reprendre. Es-tu avec moi ?" Moira eut un rire moqueur :"Évidemment. Pour le meilleur et pour le pire. Et je te promets que je ne suis pas de mauvaise foi."
Arkk hocha la tête. Enfin il extirpa des poches de sa blouse un cristal lumineux, et Moira à ses côtés, s'engagea prudemment dans les couloirs obscurs.

Les murs reflétaient les lumières changeantes du cristal alors que leurs pas résonnaient dans le corridor. Bientôt retentit au-devant le pas lourd d'un golem. Les yeux écarquillés de terreur, Arkk se mit à trembler comme une feuille. En un instant Moira s’interposa entre lui et la mécanique qui s'avançait droit sur eux.  En un geste elle fit surgit du sol des émanations étranges alors que de l’autre main elle brandit un sceau de dépit : la carrosserie brillante du golem se couvrit de taches de  rouille. Quelque part dans la pénombre, un cri retentit. Mais il en fallait plus pour arrêter le serviteur mécanique : il s'élança droit vers ses cibles. Moira n'attendait que cela. D'un geste elle brandit le poignard : le golem s 'arrêta net au beau milieu des effluves mortels. L’instant d'après elle devenait une silhouette de ténèbres. En riant elle leva les bras. Quelle part la torche de cristal roula sur le sol alors que les cristaux brillants du golem s'éteignaient. L’instant d'après il s'effondra tel un pantin désarticulé.

Moira eut à peine le temps de ressortir du linceul pour recueillir le corps prostré d’Arkk. D'un geste elle posa un autre sceau de cuivre sur son front et bientôt l’Asura sortit de sa catalepsie. Il se mit à murmurer en tremblotant :
-C'était quoi ça ?
-Un vieux truc de ma connaissance. Ça s'appelle "éteindre les chandelles". On s'empare de la vie de tous tout en s'arrangeant pour ne pas tuer les amis. Ça surprend par sa violence mais...
-C'est d'une arrogance insupportable !"

Moira leva le regard vers le petit groupe d'Asuras qui venait de surgir de la pénombre. C'était le chef qui parlait, celui moulé dans une blouse noire aux reflets rouges. La nécromancienne se redressa tout en feignant de ne pas remarquer les fusils qu'arboraient ses garde-corps. Elle eut un sourire bénin. "Arkk je suppose que nous avons retrouvé tes créanciers...
-Créancier !!!" Interrompit l'autre. "Arkk je croyais que tu avais enfin changé...Nous menons à terme tes recherches, et tu prétends que nous sommes des financiers ! "
Moira remit Arkk sur ses pieds. Ce dernier était furieux.  " Non vous êtes pires que des financiers !!! Eux au moins ne dévoient pas les travaux des autres ! Combien de vies avez-vous donc sacrifiées pour votre projet insensé ?
-Insensé ? Nous avons trouvé une source d'énergie inépuisable et tu te plains ? Et tu sais plus que tout autre le prix des grandes découvertes. Peu importe. Ta servante et toi allez..."
Moira n’attendit plus. Une ombre se matérialisa à ses côtés. L'instant d'après elle se jetait sur le chef des nouveaux venus. Sans attendre la salve des gardes elle passa dans le linceul. L’instant d'après elle absorbait goulûment l’essence vitale de tous.  Ni les grenades ni les tirs ne paraissaient l'abattre. Bientôt le chef des Asura s'effondra, victime de l’ombre. De son cadavre s'extirpa une créature mi rat-mi squelette. La panique gagna les survivants de l'escorte : ils s'enfuirent, pourchassés par les créatures immondes qui s'extirpaient des cadavres.
Enfin Moira sortit du Linceul. À sa grande surprise Arkk était encore debout et conscient.
"Comment as-tu fait ?
-Il me restait des réserves de potions vitales. Je savais qu'elles me seraient utiles." Moira hocha la tête un sourire sarcastique au coin des lèvres. " Reprenons la visite, il doit bien rester quelques-uns de tes amis dans les parages.
-Ce ne sont pas mes amis
-Je sais. Donc dans ce cas..." Elle eut un geste de la main et un des cadavres commença à trembler. Du coin de l’œil elle vit Arkk déglutir péniblement alors que la tête du mort commençait à se décharner. Enfin l’horreur osseuse se dressa sur ses pattes de derrière émit un crissement strident et s’élança dans les couloirs.
Moira se retourna vers Arkk, faussement surprise " Tu ne comprends pas ? Mon petit ami va s’occuper des compagnons de tes créditeurs. "
-Ce ne sont pas mes créditeurs…"
Moira soupira.  "D'accord. Donc..." Et sous le regard horrifié d'Arkk  deux autres horreurs émergèrent des cadavres et se ruèrent dans la pénombre.
Quelque part on entendit le claquement sec d’un fusil à impulsions: il n'y avait pas de temps à perdre.   Arkk n'eut pas de grandes difficultés à retrouver le chemin de la salle de contrôle. Et bientôt ils émergèrent dans ce qui était désormais un charnier.
Quelques-uns des Asura étaient morts les armes à la main. Les autres gisaient effondrés devant les consoles, le corps recouvert d'horribles morsures et ici ou là gisaient des monceaux de chair.
À la lueur de la lampe Moira observa l’expression d'Arkk. Ce dernier, les oreilles dressées d'effroi jetait des regards de part et d'autre. Elle demanda " C'est fini ?
-C'est presque fini, il me faut trouver la bonne console. " Enfin il finit par dénicher un pupitre garni de prismes de cristal. Moira dégagea le cadavre qui gisait en travers et s'affaira pendant qu'Arkk tournait quelques molettes et enfonçait un ou deux boutons.

Bientôt un bourdonnement retentit, les lumières revinrent et Arkk se retourna, une amulette à la main. L’horreur se répandit sur ses traits à la vue d'une guivre de chair dressée au beau milieu de la pièce. Moira le contempla, avec amusement " Tu n'aimes pas ma création ?  Elle protégera bien ta salle. Et en plus j’en ai profité pour améliorer la décoration
-Tu appelles cela une amélioration ?
-D'accord je reconnais que le style détonne un peu. Mais tout de même !" Et Moira reprit avec impatience." D'ailleurs maintenant que je t'ai aidé pourrais-je avoir un petit paiement ? " Arkk hocha la tête et désigna une porte: " La trésorerie était là. Il doit bien rester quelque chose."

Le son de sa voix alerta Moira. Elle porta la main à sa ceinture : sa dague avait disparu. Elle bondit en avant mais Arkk était plus rapide : Il jeta une fiole au sol et s'enfuit. Aveuglée par un nuage de fumée Moira s'élança à sa poursuite...Et dans un bourdonnement quatre cercles de métal s'abattirent tout autour d'elle. Une lueur bleutée l’emprisonna.
À son cri de rage répondit la voix d'Arkk. " C'est trop tard sylvarette. Tu vas rester désormais dans cette cuve de confinement, en attendant mon retour. Profites-en donc pour contempler la décoration de la salle. " La voix s’éteignit. Arkk avait disparu. Moira poussa un grand soupir. Une fois encore un Asura pensait l'avoir bernée.
Elle fit un geste vers la guivre  et dans un éclatement de chairs se retrouva à son emplacement hors de la cuve. D'un pas rapide elle repartit à la poursuite d'Arkk, mais en dépit de ses efforts ne put que ressortir bredouille dans la tiédeur du crépuscule.

Le nabot avait tout compte fait, bien réussi son coup. Il avait trouvé ce qu'il voulait, et s'était arrangé pour lui échapper. Moira n'avait plus qu'à retourner à Zinder. Et alors qu'elle se mettait en route elle se demanda si après tout Arkk n'avait pas laissé d'autres pièges pour emprisonner les intrus...
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Message par Jeradon Lun 3 Juil 2017 - 1:08

Le non-dit de leurs vies.

Ce soir-là Aherne se promenait sous le couvert des chênes lièges quand il reconnut la silhouette de Moira sur la route. Il ne lui fallut pas longtemps pour apparaître à ses côtés.
"Bonsoir Moira. On se demandait où tu étais passée."
Celle-ci lui retourna un regard de défi. " J'étais partie dans les marécages...C'est une affaire cruciale ?
-C'est le cas. Tu étais censée trouver des silex pour la production de mousquets et tu pars te promener...Sans âme qui vive, et avec une paire de poignards." Il reprit "Tu sais ce que je pense de la désobéissance. Au village nous comptons tous les uns sur les autres. Si tu agis au gré de tes fantaisies tu...
-Aherne Fleurdesang, espèce de terreau à moisissure !" Le visage de Moira était balafré par les stries argentées de sa rage. "Il y a dans les collines un laboratoire clandestin où on emprisonne des voyageurs, et vous parlez de mousquets et de solidarité ! Votre florissante sagesse va nous permettre de vivre tranquillement comme des arbrisseaux prêts à la coupe !
-Tu sais ce que nous voulions et ce que nous avons obtenu. Et tout le monde hormis toi profite d'une vie meilleure. " Aherne reprit sur un ton acide. "Moira Mortépine parmi nous, seul un buisson de ronces se portera garant de tes actes...Si tu ne le flétris pas mortellement auparavant. Mais c'est une vieille habitude malheureusement. Continue ainsi, et toi et ta sauvagerie reprendrez votre errance."
Elle repartit, muette de rage vers le village et son abri.  Aherne resta seul avec ses souvenirs.

En dépit des années Moira était restée cette âme furieuse née sous les étoiles, qui désespérait Malomédies. Aherne lui-même, en dépit de sa naissance au crépuscule suivait alors l'enseignement du maître, et il avait souvent entendu cette élève rebelle démonter en trois mots les explications patientes du premier- né. À cela Moira ajoutait un goût pour la provocation : on lui prêchait la patience, elle préférait la mort.
Un soir Aherne la vit s'exhiber nue le bâton à la main, à combattre des créatures de ténèbres. Même au Bosquet cela faisait murmurer. Aherne la contempla longtemps. Quand elle eut fini son exercice il soupira lentement, s’en fut à la Terrasse des Contemplations, et y accepta enfin la coupe de nectar que lui offrait une sylvarie qui avait trois fois son âge.

Moira se souciait peu des commentaires. Aux ateliers Aherne la voyait souvent, fabricant ses décoctions étranges au lieu de se contenter de préparer un consommé de fruits sauvages.  En ce qui le concernait, Aherne apprenait patiemment la fabrication des arcs et des armes à feu sous le regard vigilant de son amante. Celle-ci n'appréciait pas les jeunes pousses sans vertu et commentait vertement la conduite de "cette idiote sans retenue." Les escapades de Moira furent accueillies par un "bon débarras" et son exil pour cruauté  par "je te l'avais bien dit." Aherne lui, n'avait rien dit. Mais lui aussi quitta le Bosquet quand on prétendit faire de lui un compagnon soumis.

Durant son bref séjour à Astoréa il entrevit Moira. Elle était devenue plus sauvage, d'un maillage de feuilles noires revêtue, arborant désormais une crête d'épines. Pourtant elle avait gardé quelque chose de l'expression moqueuse qu'il lui avait connue. Et tout comme elle il n'appréciait guère la vie paisible d'Astoréa.
Au bout de quelques semaines il partit dans la jungle en compagnie d'une gardienne intrépide. Avec elle il découvrit la férocité du combat contre le Cauchemar, et l'art d'aimer sans réserve.
En dépit de son inexpérience, il ne lui fallut pas longtemps pour gagner le respect de ses compagnons d’armes. Mais ce bonheur ne pouvait durer. Par une pluie de crépuscule, face à un assaut féroce du Cauchemar l'amante d'Aherne s'effondra, une vilaine morsure en travers du visage. Il ne put que lui tenir la main alors que le combat faisait rage. Quand la vie la quitta il repartit au combat et acheva une dizaine d'ennemis de sa main. De cette nuit-là il devint un ennemi impitoyable du Cauchemar. Ce fut peut -être la raison pour laquelle le destin de Moira l'affecta autant : du jour où il apprit sa défection pour le Cauchemar, le séjour à Calédon lui devint insupportable.

Le soir même il s’engagea chez les gardes-lions de Ventry et fit de sa vie une errance ininterrompue, de refuge à point de portage. Cette vie durant il découvrit le merveilleux, l'étrange ou même l’insolite : un soir d'ivresse, une officière Norn dévêtue lui ordonna de la faire jouir.
Une recrue Charr les surprit et ils furent l’objet de quolibets qui ne s’interrompirent qu’après une mystérieuse explosion eut roussi les poils de la cafteuse, lui conférant désormais l’allure d'un fauve sévèrement atteint par la pelade.  Le chef de poste apprécia modérément l’incident et muta l'une à la Province de Métrica et l’autre à la Passe de Lornar.
C'est ainsi qu'Aherne découvrit les Cimefroides et la neige. C'est là également qu'il apprit que le froid pouvait réellement se lever, mordre et broyer les corps dans une avalanche de glace. Bientôt il comprit qu'il était temps de revenir à Maguuma et sitôt son service terminé rejoignit les Silencieux dans leur village au Nord de Calédon.
Et bien après survint Moira…Et peut-être tous ces souvenirs étaient la raison pour laquelle il la tolérait et la laissait séduire Roncebrume dans un tourment de plaisir.  Et de toute façon il avait envoyé une missive au Bosquet.
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Message par Jeradon Jeu 3 Aoû 2017 - 0:25

Échanges gracieux

De tout cela Roncebrume n’avait cure. La nuit était avancée quand il revint à l’habitation de sa maîtresse. Il la trouva silencieuse, assise dans une posture méditative : ce soir encore elle ne voudrait pas enseigner quoi que ce soit.  Il s'approcha : "Tu as encore des doutes…
-Bien entendu." La réponse était sèche, amère. Roncebrume secoua la tête. " Tu ne souhaitais donc pas notre arrivée à Zinder ?

-Non et certainement pas en tant que majordomes au service des autres." Elle se retrouva, ses pupilles rouges dilatées. " Nous étions Silencieux, partis à la recherche d'une terre suffisamment paisible pour y vivre librement ! Et qu'avons-nous obtenu ? Une vie au service des Sylvari du Bosquet !!! "
Roncebrume lui prit ses mains bandées. "Moira...Les gens ne vivent plus dans la terreur d'une attaque du Cauchemar.  Nous sommes loin du Bosquet et les gens qui vivent ici comprennent qu'on puisse vivre sans observer de stupides commandements." Elle leva un regard impatient vers lui, mais Roncebrume reprenait déjà "Donne nous une chance ! Donne-toi une chance !"  À cela elle répondit par un regard scrutateur. "Non...Mais à toi j'ai décidé de donner une chance." En un mouvement souple elle l'attira et lui infligea un baiser amer.

Roncebrume sentit lentement le poison se diffuser le long de son visage. Mais qu’importait alors qu’il dénudait son hotesse, et lui caressait l’épine dorsale?  L’instant d'après ils étaient unis sur la couche en une étreinte toxique, corps contre échardes. Cela ne dura pas longtemps toutefois, Moira finit par se séparer de lui et avec un soupir s'étendit à ses côtés. Roncebrume se mit sur le coude et promena sa main sur les épines de sa joue.
"Ça t'a plu ?

Elle soupira encore "Bien entendu... "Allez va prendre ta boisson, au lieu de poser des questions de jeune pousse". Elle tendit le bras et la lueur dorée d’un cristal se répandit dans la pièce. Roncebrume s'assit et luttant contre le vertige et la nausée, se dirigea vers la vasque de l'autre côté de la pièce. Il y emplit une coupe et avala le contenu d'un trait. Lentement la nausée reflua. Il se retourna : nue sur le lit de mousse Moira le couvait paisiblement du regard. Dans ces moments-là elle semblait contente, heureuse même. Roncebrume prit une serviette de pétales parfumés et lentement essuya la sève poisseuse qui suintait des multiples coupures de son corps. Elle soupira encore et murmura:
-Tu sais que tu es superbe ?
-On a dû me le dire, mais j'ai oublié.
-Qui ? Drellon ? "À sa question il lui retourna un sourire fatigué et revint s'étendre à ses côtés. Il passa la main sur son corps filiforme, caressa ce visage triangulaire et scruta ce regard qui redevenait farouche.
"Probablement. Cela compte tellement pour toi ? "

Il aurait pu l'embrasser mais elle se dérobait. Enfin elle avoua "Je crois que oui." Elle mit un doigt en travers de ses lèvres. "Attends encore un peu." Déjà son corps s'ornait de lignes argentées. Sans mot dire Roncebrume se retourna et s'étendit sur elle. Il sentait la pression de ses épines contre sa peau, voyait son visage désemparé. Il éteignit la lampe et la lumière de son corps ponctua la pénombre. Il eut un sourire féroce "Ça ne te regarde pas maintenant.”. Et dans des chatoiements d'or et d'argent leurs corps s'unirent.
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre - Page 2 Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Mar 29 Aoû 2017 - 1:06

 Sauvegarde fatale

Ce matin-là était revigorant de chaleur et d'humidité et Florianne se préparait encore à une longue journée chez Morag. Après tout c'était là qu'elle se sentait le mieux dans cette vie stérile. Elle en était donc à ranger ses pierres d'ajustement quand Roncebrume survint. Il était silencieux, tendu, avait les traits tirés, et, à voir la façon dont il se tenait, avait le corps meurtri. Elle le regarda avec mépris. " Voilà le grand nécromancien de notre village ! Tu as passé la nuit à étudier dirait-on !" Il leva un regard ahuri et passa la main sur sa tête hirsute. " Quoi ?"

-Mon pauvre ami ! Regarde-toi ! Tu passes tes nuits à faire je ne sais quoi et tu ne vaux rien dans la journée !
Une colère infantile passa fugitivement sur son visage mais il prit un ton buté. "Je suis un des meilleurs chefs de patrouille du village, je suis un ami des skritts et un des administrateurs de la resserre. Que veux-tu de plus ?
-Que tu saches qu'une caravane vient d'arriver de Caledon par exemple !" À la vue de sa confusion Florianne reprit avec impatience. "Alors, que fait l'administrateur ?  Aherne écoutera-t ‘il ses explications pitoyables ?" Elle ferma le coffret et l’enveloppa dans un sac épais. " En attendant je te laisse réfléchir, j'ai à faire !" Pour la première fois depuis longtemps elle sortit rageusement, laissant Roncebrume remâcher ces vérités.

Pour être franc, il s'attendait un peu à ce genre de situation : il n'avait aucun goût pour materner les beautés étiolées. Et pourtant la rage qu’il ressentait était étrange : après tout n'avait-il pas eu droit à ce genre de monologue dans le passé ? Mais Roncebrume n'avait pas à l'esprit la façon dont il avait mis fin à la liaison tyrannique de Drellon. Entre l'arrogance bienveillante de Florianne et la camaraderie de Moira il avait choisi, et personne n’avait le droit de lui faire regretter ce choix.

Avec humeur il décida d'ignorer sa fatigue et partit vers la resserre. Déjà la moiteur de la matinée faisait de la marche vers la route une épreuve déplaisante et c’est à peine s’il répondait aux saluts des villageois qui vaquaient à leurs affaires. Il ne fallut guère de temps pour atteindre le bord de la route, et pour remarquer la dizaine de buffles bâtés attendant au bord de la route.

Aherne était déjà en discussion avec le conducteur et une vingtaine de voyageurs déambulaient aux alentours. Roncebrume s’approchait qu’une poigne féroce s’abattit sur l’épaule de Roncebrume : Levallyn était en rage : « Où étais-tu ? On a trois marchands sur le dos et tu n’es pas là ! Va donner un coup de main, et plus vite que ça ! ».  Et en fait, au comptoir il y avait bien trois humains en bras de chemise et bottes poussiéreuses suant à grosses gouttes et murmurant quelque chose sur « ce pays d'idiots. » On accueillit Roncebrume avec des remarques acides sur le temps perdu, et « Enfin on va pouvoir discuter ».
Bientôt Roncebrume dut expliquer pourquoi les gens d’ici n’étaient pas intéressés par des étoffes soyeuses, et qu'elle était la valeur d’un stock de cinquante batteries Asura. Il en était à expliquer les subtilités du fusil à impulsion type 3 qu’une figure familière surgit : une bourse avec une dizaine de pierres précieuses atterrit sur le comptoir. « Dix bottes d’herbes et trois barriques d’eau fraîche pour les bêtes » résonna la voix d’Eilenora.

Béant Roncebrume la dévisagea. L’envoûteuse portait toujours une robe de sequins mais cette fois elle avait un espadon de cristal attaché dans le dos. Elle lui retourna un sourire moqueur : « Surpris ?  L’acrobate sait toujours où le maladroit va mettre le pied. Viens me voir quand tu as fini. »

Quand, deux heures plus tard Roncebrume sortit, la chaleur était devenue étouffante. Eilenora, apparemment insensible était nonchalamment appuyée contre le tronc d’un figuier, et discutait rapidement avec Aherne. À l’approche du nécromancien tous deux se retournèrent.  Aherne commença d’un ton neutre « Roncebrume. Approche. »  Au regard surpris de Roncebrume, il reprit : « On nous a informé de la présence d’un laboratoire Asura non répertorié dans les environs. Si cela est exact nous pouvons nous attendre à des attaques ciblées. Certains scientifiques ont toujours été fasciné par notre existence. Nous avons décidé (il désigna Eilenora) d’assembler une équipe pour savoir de quoi il s’agit. Tu viens avec nous. »
- « Nous » chef ?
C’est exact. Je viens avec vous. Si c’est sérieux je peux discuter…Et s’il faut tout détruire, j’en prendrai la responsabilité. » Une demi-heure plus tard l’équipe était au complet : à Roncebrume, Eilenora et Aherne s’adjoignaient deux Silencieux portant des fusils massifs et deux ingénieurs du village.  Un charroi venait derrière. L’instant d’après tout le monde était en route en longeant la lisière du bois.
Roncebrume cheminait en arrière avec Eilenora.

« Qu’est ce qui se passe ? » L’envouteuse haussa les épaules : « Je n’en sais pas plus que toi. Je faisais halte ici quand Aherne est arrivé et il a eu l’idée de me recruter pour cette expédition. Toi aussi d’ailleurs. Tu as une réputation de guerrier féroce on dirait.
-On fait comme on peut. Je n’ai pas eu la distinction de partir en grande chasse pour sauver le monde.
-C’est vrai. Et je n’ai pas eu la chance de poursuivre des vengeances minables qui font de moi un proscrit mesquin. Ou est-ce l’inverse ? » Roncebrume inspira profondément. Il l'avait bien cherché. Et désormais la conversation fut close.

Bientôt Aherne donna le signal de la halte et après un bref conciliabule, donna l’ordre d’escalader le versant de l’autre côté de la route. Il fallait désormais cheminer parmi les collines dominant la rivière. « Il n’y a rien ici hormis des araignées. Les labos Asura sont plus à l’Est. » Au murmure de Roncebrume Eilenora dégaina son espadon « on peut toujours avoir des surprises. » Aherne s’arrêta soudain : entre les rochers on pouvait découvrir le métal terni d’une porte taillée dans le style des Asura. Un des guerriers s’avança. « Chef la serrure géomagnétique est active. »

Pour toute réponse Aherne attacha un boîtier à la serrure et s’écarta vivement : du boitier surgirent des racines noirâtres qui s’insinuèrent parmi les boutons. L’instant d’après la porte s’ouvrait. La stupéfaction était générale :  « Chef comment avez-vous fait ? » Aherne eut un petit rire : « C’est une idée amusante que j’avais eue, mais je ne croyais pas que cela serait aussi efficace ! »
A l’intérieur ça sentait la moisissure desséchée. Aux murs il n’y avait ni métal ni cristal. Eilenora alluma une lampe rose et épée en main guida tout le monde. Le couloir descendait en pente douce, et bientôt on parvînt à une salle poussiéreuse encombrée d’un fatras de toute sorte. Roncebrume avisa un couloir descendant. « Aherne il n’y a rien ici. Allons en avant !
-Non il y a quelque chose ici. » L’ingénieur avait le ton neutre de l’adepte en transe.

 Roncebrume vit enfin l’objet : une écoutille dont la poignée apparaissait à peine. Il fallut quelques instants pour découvrir un couloir étroit’ abrupt et jalonné de prises métalliques. « En avant » murmura Aherne. « On cherche quoi ? » Murmura quelqu’un. « Ce que cache ce laboratoire. Le maître du repaire est un certain Arkk et il a laissé quelques mauvaises surprises par ici ». À vrai dire cela ressemblait davantage à un refuge dissimulé qu’autre chose, mais Roncebrume n’avait pas envie de discuter. Aherne pourtant avait raison. Le couloir menait bien à une large pièce soutenue par des colonnes tubulaires et meublée par des appareillages Asura bourdonnants.
On s’arrêta. « C’est ce que je soupçonnais grommela Aherne. "Un laboratoire clandestin en état de marche. À ce qu’on m’a laissé entendre l’endroit réserverait des surprises désagréables. Donc pas question d’y aller en groupe. Eilenora tu es la plus discrète d’entre nous. Peux-tu partir en avant ? »

À sa grande surprise Roncebrume s’entendit protester. « Chef, Eilenora est venue en tant que visiteuse. On ne peut pas lui demander d’emblée de risquer sa vie. Je suis volontaire. Et s’il le faut Eilenora devrait pouvoir me rendre invisible. »

Quelques secondes plus tard, Roncebrume passa le seuil de la chambre : là, parmi les consoles et les cristaux se trouvaient deux cuves. L'une gisait au sol, éventrée. L’autre gardait en son sein une forme humaine, recroquevillée. Le cylindre de cristal rempli de liquide ressemblait aux artefacts asuras qu’il avait vus durant son ancienne vie. Perdu dans sa contemplation, c’est à peine si Roncebrume remarqua la créature colossale qui surgissait de derrière une colonne. Quand la massue de cristal s’abattit il était trop tard. Sous les yeux d’Eilenora, l’impact projeta Roncebrume contre le mur d’en face. « Abomination ! « Hurla quelqu’un.  D’un revers elle dégaina son espadon et balaya l’espace devant elle sans résultat : la créature apparemment insensible à la vague d’énergie mentale continua d’avancer vers le corps prostré.

L’arrivée d’un guerrier fantasmatique, en revanche attira instantanément son attention : dans un grondement la créature se tourna d’un bloc vers les intrus massés dans l’entrée.  L’instant d’après d’insaisissables silhouettes tourbillonnaient tout autour d’elle. Un coup de massue les fit éclater dans un tintement cristallin. L’horreur s'arrêta net. Mais alors qu’Eilenora empoignait son bâton, une silhouette d’ombre apparut devant la créature et un chuintement sourd retentit.  L’instant d'après la créature se réveilla. D’un coup de massue, elle renvoya la silhouette d’ombre contre le mur. Derrière Eilenora quelqu’un cria : une grenade atterrit devant l’abomination, et dans un éclatement revêtit les murs d’un liquide poisseux.

L’ombre s’était retournée et projetait des bouffées ténébreuses à l’abomination qui paraissait insensible. Celle-ci se dirigeait d'un pas lourd vers Eilenora sans prêter attention aux adversaires fantasmatiques. D’un geste l’envouteuse fit éclater ses illusions, et dans un grognement surpris la créature s’effondra. Roncebrume sortit avec peine du Linceul et à pas comptés s'approcha. Déjà les cadavres qui composaient la créature se délitaient lentement.
« Comment est-ce possible ?

-la corruption de Zhaitan a atteint ce qui se trouvait là et à engendré cette horreur. » répondît Eilenora.
« En attendant il y a toujours cette cuve…Et on dirait bien qu’il y a quelqu’un…Roncebrume fit quelques pas vers la cuve …et dans un tintement cristallin le monde se fragmenta en des centaines d’éclats rosâtres.

Il reprit conscience, allongé sur le dos entouré par trois personnes. Un liquide poisseux suintait sur son visage et une odeur astringente régnait dans la pièce. De très loin il entendit la voix d’Eilenora en discussion avec Aherne. « Nous avons fait ce que nous pouvons, rentrons maintenant.
-D’accord mais nous devons faire place nette.” Quelqu’un souleva Roncebrume. Hébété celui-ci se laissa traîner à travers le souterrain.

Il leur fallut un petit moment pour retrouver la sortie. Dehors c’était le soir, et la lune brillait à l’horizon. Roncebrume redressa la tête et inspira l’air du soir avec délices. Il fit quelques pas hésitants. Aherne parut enfin, bon dernier, et l’instant d’après la terre chancela. Quand il se redressa Roncebrume vit que l’entrée de la colline ainsi que le reste du versant avait disparu. Il se releva fit quelques pas en direction des décombres, et s’effondra inconscient.
Therapies

Le retour au crépuscule fut plus animé que le départ et quand les gens d’Aherne déposèrent le brancard il y avait un petit groupe autour de Roncebrume. Eilenora avait peine à écarter les curieux . « Cherchez des guérisseurs dépêchez-vous, nous avons besoin d’aide…Ne t’en fais pas Roncebrume nous allons te tirer d’affaire. Une potion de soin, vite ! »
Il y avait aussi sur l'autre brancard la silhouette décharnée d’un sylvari à peine vivant, et là aussi les curieux commençaient à s’agglutiner. Aherne lui-même devait disperser les intrus. « Oui c’est un sylvari que nous avons libéré d’un laboratoire Asura non conventionné... Maintenant allez chercher des soigneurs et revenez vite. » Enfin il put venir à la hauteur d’Eilenora « Je regrette mais je ne peux donner toutes les potions à Roncebrume. Utilise tes mantras plutôt.

-C’est un ordre alors ? » l'incrédulité perçait dans la voix d’Eilenora.
« Oui et je sais ce n’est pas facile, mais nous avons deux sylvari à sauver ». L'arrivée de Florianne mit un terme à la discussion. L’élémentariste avait assez d'expérience et de pouvoir pour sauver deux blessés à la fois. Rapidement on l’informa. Immédiatement elle demanda avoir Roncebrume : Il y avait bien quelque chose à faire, on devait pouvoir le sauver. Eilenora lui expliqua : « il a été victime d’une explosion dans un repaire Asura. Depuis il perd des forces continuellement. On a beau le soigner il n'arrête pas de dépérir. Il a déjà pris une quinzaine de potions pour rester en vie. »

En entendant ces mots Florianne s’approcha du brancard et contempla le visage jauni, les traits crispés de Roncebrume. Déjà les feuilles de sa chevelure gisaient éparpillées sur le brancard. Elle sentit l’espoir la quitter. On lui montra aussi l’autre, à moitié flétri, recroquevillé sur le brancard. Elle soupira. « Je peux tenter de guérir ces deux-là mais il se peut qu’ils ne récupèrent jamais. » Le chef sylvari la toisa sévèrement : « Si tu échoues un de nos porte enseigne disparaît. Et nous avons ramené un témoin des crimes d’un Asura. Sans lui, nous ne pourrons pas le retrouver. »

Le cœur serré Florianne lança une invocation : une sensation bienfaisante se répandit aux alentours. Quelque part sur une civière quelqu’un se retourna. Mais Roncebrume resta immobile. Pour un bref instant toutefois son teint reprit une couleur normale avant de se faner à nouveau. Florianne contempla le résultat une expression horrifiée sur le visage. « Je n’aurais pas dû…Il aurait dû rester dormir…Je ne pourrai pas le maintenir en vie… » Eilenora la prit par la main « Il y a beaucoup de remèdes. Il faut le mettre à l’abri, lui faire avaler des potions et demain nous irons voir les Asura des laboratoires du couchant.
-Demain ? Mais demain il sera trop tard ! Je n’ai pas l'énergie pour lancer des sorts si puissants heure après heure!
-Que se passe t’il ici ? »
Floriane se retourna vivement vers l’intruse : « Rien que tu puisses apprécier!
-Nous avons deux blessés » intervint Eilenora. Une que nous soignons et un cas incurable...
-Qui s’appelle Roncebrume » Le ton de Florianne exprimait davantage d’amertume que de satisfaction mesquine. La nouvelle venue resta silencieuse cependant, le poing serré la bouche crispée en une moue amère. Enfin elle prit la parole. « Allons voir…
-Oh mais c’est tout vu ! » Dans sa colère Floriane avait le sarcasme grandiloquent des comiques du Promontoire Divin. « Je n’arrive pas à le soigner mais toi par contre…
-Je ne suis pas soignante » reprit froidement l’autre. « Ne perdons pas de temps. » Eilenora acquiesça et désigna la civière. À leur approche tous s’écartèrent en murmurant. Moira vit les traits convulsés, le teint flétri, les feuilles desséchées. Elle ferma les yeux et serra les dents.
Elle finit par reprendre d'une voix sourde. « Je peux faire quelque chose. Dites aux autres de s’écarter » Eilenora et Aherne en étaient encore à écarter les badauds qu’ils entendirent Floriane pousser un gémissement.
Ils se retournèrent pour voir une silhouette cadavérique penchée au-dessus de Roncebrume, étendant une serre mortelle, immobile au-dessus du corps…Et subitement elle disparut pour redevenir Moira épuisée, à genoux devant la civière. Eilenora se pencha pour la relever mais une main crispée l’écarta. « Celà ne marche pas. Il faut un vrai traitement. Amenons-le à ma demeure. »
Une demi-heure plus tard la civière était à l’intérieur de la plantabri, et tous les visiteurs avaient été congédiés par Moira : « Je dois lui apporter des soins particuliers. » Et sans plus attendre l’opercule de la maison fut clos.

Dehors, Florianne fulminait et prenait Eilenora à témoin : « Tu entends ça ? « Lui apporter des soins ? » Tu sais ce qu’il s’est passé la dernière fois qu’elle lui administrait des soins d’urgence ? Elle s’est envoyée en l’air ! » Sans écouter les murmures elle continuait « Si, je t’assure ! Elle s’est troussée la robe en haut des hanches et hop ni vu ni connu je me le tape ! Je sais, j'étais derrière la porte quand ça s’est fait. Les râles de l’autre idiot et les chuchotements de celle-là. Parce qu’elle chuchote quand elle jouit cette garce « tu m’empales mais là souffrance est pour toi… » Sans blague ! Moi bien sûr j’ai essayé d'arrêter cette affaire mais peine perdue. Mon Kieran m’avait fait jurer deux jours avant sa mort de veiller sur Roncebrume au nom de notre amitié. Ah il faut voir où elle est passée l'amitié ! »

À ce moment-là s’ouvrit l’opercule. Moira s'avança lentement sans se soucier apparemment de la tirade de Florianne. « L’infection qu’il a contractée est plus virulente que n’importe quoi d’autre. Il va falloir concocter un remède, mais les ingrédients sont rares. Il faudra sillonner les terres sauvages pour cela. » Florianne grommela quelque chose au sujet de rituels « à la broute-moi-les-pétales » mais écouta néanmoins. Après tout il suffisait de trouver un champignon rare parmi les marécages Hyleks, retrouver un bourgeon étrange parmi terres desséchées du Nord et prélever une fiole de sève d’un plant du Cauchemar. L’instant d’après Florianne scruta les yeux rouges de la nécromancienne « Et je suppose que tu vas t’occuper du plant ?

-Je vous laisse le choix des deux autres. Nous nous retrouvons demain soir. » Eilenora hocha la tête en approbation. « Je le ferai savoir à Aherne. Lui seul pourra arranger la survie de notre ami ». Et pour un bref instant elle surprit un regard mi- tristesse, mi mépris dans les yeux de Moira.
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre - Page 2 Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Lun 30 Oct 2017 - 0:24

La promesse

Dans la brume de chaleur, Moira scrutait la terre pelée. À perte de vue il n’y avait qu’une terre ocre poussiéreuse, un massif rocailleux, et plus loin, par-delà la brume de chaleur, un piton solitaire. Elle prit une gorgée de sa gourde et se mit en route vers le piton. Si elle avait encore un peu de chance on l’y attendrait…L’endroit n’était guère attirant : le jour durant on pouvait se faire attaquer par les raptors isolés, mais dès le crépuscule la région grouillait d’araignées. Et bien entendu les patrouilles du Cauchemar s’aventuraient dans les environs. Face à un groupe bien entraîné Moira n’avait guère de chances…Bien sûr elle pourrait entraîner trois ou quatre adversaires dans la mort, mais graduellement l’épuisement surviendrait et alors…

Il lui fallut une bonne heure pour, de cadavre de skritts à nid d’araignées, se rapprocher du but : un sentier rudimentaire qui s’élevait vers le sommet du piton. Sans hésiter elle emprunta le raidillon. Ce qu’elle cherchait se trouvait là-haut. Bientôt elle aurait les réponses et comprendrait les questions.
En haut l’attendait Miara. Toute en racines noirâtres et feuilles épineuses telle était celle qui avait guidé maintes et maintes fois les courtisans vers leur salut. Moira ne venait pas pour embrasser sa main sèche mais pour trouver au fond de ces yeux d’un bleu intense la trame de son avenir.

Les mots lui vinrent « Salutations, Miara, une fois de plus je viens chercher réponses et conseils. » C’était une ouverture comme une autre. Mais Miara n’était pas convaincue. « Ainsi Moira Mortépine vient chercher mon conseil. Pourquoi n’a-t-elle pas fait ainsi le jour où elle a abandonné Pensefièvre ?
-Peut-être parce que Pensefièvre voulait se débarrasser d’elle aussi. »
L’ombre d’un sourire mutin, le premier depuis longtemps, passa sur le visage de celle qui avait vu un bon millier de nuits. « Pensefièvre voulait beaucoup de choses…Quel malheur qu’elle n’ait pu les voir !
-Au moins elle n’a pas vu la concrétisation de ta prédiction. »
Moira n’avait pas besoin d’insister : en prédisant l’irruption d’une bande d’intrus guidés par Caithe, Miara avait été proscrite bien avant elle. Et tout comme elle, Miara avait du vivre d’expédients : rejetée par la cour, haïe par ceux du Bosquet, affligée de visions intrusives, elle avait erré avant de trouver refuge dans ces terres arides. Depuis, elle était devenue l’oracle de la contrée. Du moins pour ceux qui avaient assez de connaissance pour s’intéresser à cette partie des Terres Sauvages. Silencieusement elle invita Moira à la suivre vers le sommet. Enfin elles parvinrent au bord d’une source. Moira bouche bée contempla un bassin fait de lianes entrelacées en des motifs étranges. Au milieu de l’onde claire se dressaient deux arbrisseaux, l’un verdoyant, l’autre hérissé d’épines et arborant quelques feuilles pourpres. Miara tendit une main négligente vers l’arbre luxuriant de verdure : « Je savais que toi ou l’un des tiens viendrait me voir.
-Je n’ai pas beaucoup de suivants. » La voix de Moira était pleine d’amertume. « J’ai dû renoncer à certaines vanités.
-Toi ? Renoncer à des vanités ? Une des plus féroces porte-enseigne de la Cour et tu n’as pas de suivants ? » Moira laissa passer le sarcasme. Miara reprit avec mépris : « dix fois par an je reçois la visite d’un servant de celui qui dirige cette terre et toi, tu me rends visite en personne, habillée comme une pauvresse ?
-Miara, Vignamère n’est qu’une outre à vent qui n’est pas capable de soumettre les skritts. Comment peux-tu croire ce qu’il fait raconter ? » Une moue méprisante se fit jour sur le visage de l’oracle. « Peut-être ai-je été trop généreuse avec lui. Peu importe. J’ai quelque chose pour toi. Approche ! »

Moira s’approcha de l’onde mais elle eut beau froncer les sourciles elle ne vit que son reflet dans le bassin. À l’instant apparut le visage de Miara à ses côtés. « Prends donc une gorgée tu en sauras davantage. » Une coupe de feuilles lustrées recelait quelques gorgées d’eau de la fontaine. Moira la prit delà main de Miara et la vida à petites gorgées. Son hôtesse la toisait d’un air absent. « J’ai entendu dire que tu vivais de rapines au village de Zinder. Est-ce vrai ?
-Ce n’est pas faux » cette phrase sonna comme un aveu de capitulation. Mais qu’importait pour Miara? Déjà celle-ci reprenait.
« Cette terre est empreinte de sang et de violences. Nos anciens compagnons s’acoquinent avec les pires malandrins de la contrée. Mais maintenant il y a autre chose. Vers le couchant s’élève une voix de ténèbres. Elle promet des choses terribles et stupéfiantes. L’as-tu entendue ?

Non... » Moira était troublée : Miara était rarement aussi catégorique. « Quelles choses ?
-Peu importe. Il y a quelque chose d’autre à ton sujet : si tu pars vers le couchant tu y auras un enfant. » Si incongrue était l’annonce que Moira ne put retenir un éclat de rire : « Un enfant ? Seuls les charnus en ont. Et encore la moitié d’entre eux ne peuvent pas les faire sortir de l’entrejambe, et quand bien même, nombreux sont les rejetons abandonnés par les parents. C’est le sort que je trouverai vers l’ouest ?
-Je ne dis pas que cela se passerait ainsi. Simplement tu engendreras quelque chose ou quelqu’un d’entre toi et d’entre un autre. Maintenant tu as le choix. Sois tu pars à la découverte, soit tu rentres à ton village à retrouver ton petit plaisir quotidien tout en amenant nuit après nuit ton compagnon de coucherie toujours plus près de la flétrissure. » La rage parcourut Moira. « Qu’en sais-tu ?
-Je suis oracle rappelle-toi…Et j’ai le don de connaître les secrets de mes visiteurs. »

-Ce…ce n’est pas un secret si tu veux savoir.
-La coucherie, non. Mais l’effet à terme ? Tu lui as dit ce qu’il va devenir ?
-Eh bien à ce sujet… » Et Moira relata à Miara ce que d’autres auraient préféré ignorer : la rencontre avec un autre traître au Cauchemar, le combat côte à côte, les dons révélés, la maladie étrange et ses complications. Miara écouta le tout, impassible. Enfin elle observa : « Et tu gardes l’espadon qu’il a pris sur le cadavre de … ?
-J’en suis gardienne, il est peu trop tôt pour qu’il apprenne ce que son usage peut entraîner.
-Ce n’est pas à toi de décider Moira Mortépine » Elle reprit envoyant l’expression féroce de son interlocutrice « Maintenant tu sais pourquoi j’ai été bannie de la Cour. Cadeyrn ne tolérait pas non plus les critiques indues. »
Moira respira lentement. « Je le lui rendrai donc.
-C’est ton choix. Maintenant je suppose que tu es venu pour l’arbre de vie… »

Elle désigna le cyprès verdoyant poussant non loin de l’arbrisseau aux couleurs violacées. Les lignes noires qui surlignaient les yeux de Moira se froncèrent : « Il n’est pas bien grand
- Malheureusement je reçois davantage de visites du Cauchemar que je n’en reçois du Bosquet.”
Moira sortit un couteau affilé. “C’est tant mieux alors.” Miara la regarda, soudainement inquiète : « Tu ne veux pas d’une feuille ?
-J’ai besoin de sève. » Énonça Moira. Elle exhiba une fiole : « Suffisamment pour guérir celui que tu appelles « compagnon de coucherie. »

Miara sourit, se détendit. C’était suffisant : Moira bondit dague en avant. Le métal crissa contre l’écorce de l’adepte du Cauchemar. Souplement Miara s’écarta. Désespérément Moira tendit la main et pour un instant Miara se figea alors même tout autour d’elle s’élevait la pénombre. Aveuglée l’adepte recula agrippant son sceptre à tâtons. Un des poignards de Moira s’enfonça d’abord entre cou et écorce, le deuxième perfora la robe et s’enfonça dans le pli de l’aine.
En un gémissement Miara s’effondra. Moira se redressa en hâte : le temps était compté. Rapidement elle essuya le poignard sur sa robe sortit une fiole, et s’approcha du cyprès. Il fallut trois incisions pour recueillir suffisamment de sève. À la première un frémissement parcourut le feuillage de l’arbre, la seconde fit noircir ses feuilles, la troisième dessécha ses branches. Moira s’écarta en hâte de la plante mourante : un frémissement parcourait le corps de Miara.
La nécromancienne dévala le sentier, fuyant la vengeance de celle qu’elle venait de poignarder. Un cri la poursuivit alors qu’elle courait parmi les broussailles « Mortépine ta chair portera la marque de ta traîtrise ! »

Et il fallait le reconnaître ces mots avaient un sens particulier. Les souvenirs d’une vie aux couleurs virulentes revinrent à Moira durant la marche vers Zinder. La vie avait été il n’y avait pas si longtemps une longue fresque héroïque tracée par de gentes dames et valeureux seigneurs dans une atmosphère de méfiance et il fallait l’avouer, de cruauté. Parmi les courtisans Miara était respectée mais non vénérée. Tous les pages savaient que s’en prendre à elle résulterait en une persécution minutieuse de la part de grands noms, alors même que rien chez elle ne justifiait aisément une inquisition de la part des plus hautes sphères de la Cour. Et alors que la plupart vivaient dans un tourbillon de violence, Miara dispensait sapience et conseils aux plus éminents des courtisans.

A ces pensées Moira serra les dents. Miara n’avait pas eu à torturer à mort des sylvari captifs, elle n’avait pas pris place dans des raids contre les stupides hyleks, elle n’avait pas même égorgé un Asura. Et pourtant même en disgrâce elle vivait une existence tranquille sous la protection des Courtisans.
Moira s’arrêta et contempla un instant les frondaisons en contrebas. Là dessous se trouvait le village de Zinder, et un peu plus loin la plante qui l’abritait « Miara mon cœur tu n’as pas connaissance du champion qui me sert. »

A l’orée du bois l’attendait l’envouteuse du Bosquet. Il fallait le reconnaître celle-ci mêlait nonchalamment accoutrement ridicule et armes redoutables : il valait mieux se retrouver du bon côté de son espadon de cristal. Moira eut une moue moqueuse…Mais elle avait eu assez d’une bagarre pour la journée.
Il fallut donc s’arrêter pour saluer, toiser et échanger propos de fariboles tout en recherchant l’ouverture qui permettrait de clore la conversation sans trop de dégâts…Ce qu’Eilenora ruina nonchalamment : « Tu l’aimes n’est-ce pas ? »
Devant la stupidité de la question, Moira s’arrêta et toisa l’importune aux fleurs pourpres.
« En quoi cela t’importe t'il ?
-Bah je suppose que rassembler des ingrédients exotiques par la violence dénote un intérêt peu commun. J’ai entendu dire que plus au nord se trouve une source gardée par un cyprès et une voyante du Cauchemar… » Moira haussa les épaules : « Elle a été bannie.
- Tout comme toi, mais le bannissement ne veut pas dire qu’on abandonne les vieilles habitudes. Pourquoi cherches-tu à capturer Roncebrume ? Il est déjà à toi… » La question était tellement saugrenue que Moira ne sut que dire. « S’il il te plaît du moins… » Moira serra les dents. En quelques phrases dures elle expliqua : le plaisir et le romantisme stupide faisaient pâle figure en comparaison avec ce qu’il y avait entre elle et Roncebrume. Et, s’il fallait rassurer les esprits simples ce n’était pas lie à des pulsions maléfiques mais à leur destinée précédente parmi la Cour. Et à cela les ignorants n’avaient rien à dire.
Le regard irrité de l’envouteuse interrompit la tirade « Peut-être ce bourgeon t'aidera donc à sauvegarder cette liaison unique. » Furieuse Moira prit le bouton et toisa l’étrangère du Bosquet : elle avait tout de la plante suffisante et satisfaite de son existence prestigieuse, ormeaux fleuris en tête, Grande Chasse et tout le reste. Croyait elle avoir la science des hommes et des gens ?

Elle se détourna enfin et prit le chemin de sa maison. Chemin faisant elle remâchait toute ses idées. Roncebrume malade incurable, Miara et sa malédiction, les femmes du Bosquet et leurs vies de servitude inconsciente. Elle s'arrêta net : devant sa maison se tenait une jeune pousse tout en fleur et fine comme un roseau. Elle saluait, appelait amicalement comme une ingénue à peine sortie de sa cosse, et Moira alors qu’elle répondait, n’arrivait pas à comprendre pourquoi une jeune pousse était venue si loin du Bosquet. Quant à la raison de cette amitié… « C’est toi Moira ? Alors merci de m’avoir sauvé la vie. »
Moira sourit intérieuremen : Ainsi cette petite était la rescapée de l’expédition de Roncebrume, et venait remercier ses sauveteurs. À vrai dire Florianne avait fait le travail, mais cela importait peu apparemment puisque la jeune pousse (du nom d’Adddaw) suivait Moira chez elle en répétant combien elle était impressionnée par la science et le courage des gens de Zinder. Seule la vue de Roncebrume figé sur sa couche l'arrêta. « Il a quoi ?
- Un mal le ronge, et il dépérit d’heure en heure. Il a fait partie de ceux qui ont retrouvé ta cuve, et il paye le prix. » Curieusement ces mots n’invoquèrent aucune pitié. Addaw s’approcha la colère froissant son visage rond. « L’Asura…Il parlait de mystère, d’explications, de gloire…Et l’instant d'après il m’avait enfermée dans sa prison de cristal.
- Et tu ne te souviens pas d’autre chose ?
- De rien…Pas même de mon surnom…
- Le surnom viendra où reviendra. Aide-moi à préparer une potion. » Sans barguigner Addaw se mit à la tâche. Elle était si occupée à préparer la teinture mère qu’elle ne remarqua pas la venue de Florianne qui apportait l’ingrédient final. Elle voulait surtout savoir pourquoi on voulait sauver un sylvari qui dépérissait d’heure en heure. Cette petite méritait la vérité : Moira la lui infligea. « Son nom est Roncebrume, il est mon élève, mon amant aussi, et c’est contre son gré qu’il est parti te délivrer.
- Si tu veux le sauver alors il doit te donner bien du plaisir. » Moira éclata de rire et versa la solution dans une corolle absorbante. Elle décida d’entamer une discussion à brûle pourpoint avec la petite. D’où venait-elle ? Que savait elle des terres sauvages ? À ces questions Addaw eut des réponses déroutantes. Elle venait de l’Ouest, d’un village de mineurs. C’était là qu’on l’avait abandonnée bien après son éclosion. De cela elle ne se souvenait pas. Moira décidément voulait en savoir plus.
Et pendant que goutte à goutte la plante suintait la potion salvatrice une longue conversation se noua.
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[GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre - Page 2 Empty Re: [GW2 Récit] La férocité inextinguible de la pénombre

Message par Jeradon Lun 6 Nov 2017 - 23:26

Le temps de la flétrissure

Roncebrume rêvait. Quelque part non loin de la forêt il était parvenu à la cabane d’Emmeline.
« Tu as enfin décidé de revenir. » Sur le perron, dans une robe pourpre se trouvait une jeune femme brune aux lèvres pleines. Elle le regardait avec impatience. Une question vint à Roncebrume. « Pourquoi ? Tu as besoin de faire le ménage ? » Et à vrai dire autour de la cabane il y avait des ossements épars. Elle haussa les épaules : « Ça importe peu. En ce qui te concerne…Tu devrais décamper avant que le vent ne se lève. Il rend fou tu sais.
-Aller où ?
-Dans la forêt. Là où le vent ne peut pénétrer.
-Mais j’en viens de la forêt ! » Roncebrume était exaspéré comme il ne l’avait jamais été. « On y trouve des idiots, des plantes qui vous emprisonnent, des fruits à récolter et des murmures à supporter.
-C’est mieux que rien. Et tu verras, le Chevalier Blanc et le Chevalier Noir t’aideront.
-Des humains sortis d’un conte pour gamins ? Et puis quoi encore ?
_ Et tous ceux que tu pourras trouver englués dans les toiles d'araignées. » Une sensation de révulsion parcourut Roncebrume il s’écarta en proie au vertige et à la peur. « Tu pourras les aider en dépit de ton mal. Regarde-toi. »
Ses mains étaient molles’ la peau était blafarde, son ventre se distendait au rythme de sa respiration. « Pour les humains la vie en forêt est pleine d’aventures étranges. Peut-être même y verras-tu Gawain…
-Ce n’est pas ma faute ! Je ne voulais pas…
Les excuses ne te serviront à rien. » Une détonation assourdie retentit. « Maintenant tu n’as que quelques instants avant que le vent ne se lève. » Émilie se leva et rentra chez elle. À regrets Roncebrume marcha vers la forêt. Un bruissement retentit et les regrets devinrent inquiétude. Il hâta le pas. Un murmure parcourut la prairie. L’inquiétude devint peur et il se mit à courir. Le murmure devint vacarme et il se rua vers la lisière en criant.

« Tu pourrais arrêter de hurler s’il te plaît? »
La voix d’Eilenora réveilla complètement Roncebrume. Il était assis, nu dans le lit de Moira. Mais tout avait changé : les cristaux d’éclairage brillaient désormais d’une lueur ambrée, la plante abri  était empreinte d’une senteur fruitée, et la championne du Bosquet se tenait à quelques pas de son lit, gourde à la main et impatience au bout des lèvres.

« Que fais-tu ici? » À cette question Eilenora fit une moue sarcastique. « Je reste pour t’annoncer que tu es officiellement abandonné... Bon d’accord » Reprit elle en voyant l’expression de Roncebrume, « Tu n’es pas abandonné…Disons que ta maîtresse a décidé de partir à l’aventure. Sans toi. » Roncebrume se redressa avec effort et l’inquiétude mêlée à la nausée le submergea. En hâte Eilenora lui força un goulot dans la bouche. Roncebrume avala un liquide âcre, une fragrance bienfaisante emplit sa poitrine et il reprit son souffle.  Il considéra le visage soulagé d’Eilenora. « Quelque chose ne va pas…

-C’est normal…Tu vois… » Eleinora reprit d’une voix hésitante « Je suis désolée Roncebrume, mais la potion ne marche pas totalement.
-Comment ça? »
-Le mal qui t’a atteint la semaine dernière, te mine. On a distillé avec l’aide de Moira une potion pour te soigner. Mais tu dois la reprendre. Deux fois par jour. Sinon… » Elle avoua: « Sinon tu t’affaiblis comme l’autre jour et tu meurs.
-Et c’est tout ? » Elle se méprit « C’est tout, mais Moira a laissé une note avec la formule pour que tu en fasses davantage dès que possible. » Elle parlait de la potion bien sûr.  Mais ce n’etait pas tout, loin de là. Il voulut se lever. En hâte elle lui passa robe et veste. Elle était embarrassée alors qu’il s’habillait et c'était risible. « Florianne n’est pas là pour s’occuper de toi et j’ai accepté…
-Il vaudrait mieux que Florianne ne soit pas là ». À l’instant elle le toisa d’un regard dur « C’est tant mieux vu qu’elle est occupée avec quelqu’un d’autre. » Et alors qu’il sortait sous les frondaisons  elle continuait à parler un ton plus bas de dévouement, de tendresse, de générosité ignorée et finalement : « Finalement elle a trouvé quelqu’un de plus attentionné et ils sont devenus très proches. » Et Roncebrume se retourna et vit que la grande Melianthe s’était fanée. Pour la première fois depuis longtemps, la peine enserra son cœur. Moira était partie pour de bon et c’était fini. Il s’y attendait bien sûr, mais il n’aurait pas cru qu’il s’attacherait. Du moins pas autant. Eilenora ne comprenait pas celà bien sur, et encore moins les villageois  qui murmuraient devant les remontrances qu’elle lui adressait : «  Comment peux-tu être aussi oublieux! Elle s’est occupée de toi pendant ces mois et tu vas avec cette…
-Si Florianne a trouvé du bonheur c’est parfait. Je suis content pour elle, et je vais chercher mes affaires. » Il reprit devant le visage confus d’Eilenora: «  Je te suis redevable de ton attention pendant la maladie…Mais il y a des choses que je dois dire moi-même. Je ferai attention, rassure-toi. Et au fait où se trouve la formule ?
-À l’intérieur dans le vieux coffre. » Celui de Moira bien sûr.

Roncebrume prit congé d’Eilenora, le cœur serré par le regret et l’esprit plongé dans la perplexité. Moira et lui avaient été très proches. Peut-être plus qu’ils n’auraient du se le permettre. Ils savaient tous
deux que le temps de la séparation viendrait et qu’ils quitteraient le village chacun de leur côté.

Cela n’expliquait pas sa disparition cependant…Et c’est avec inquiétude qu’il parvint devant la maison resplendissante de Florianne. Celle-ci avait trouvé un jardinier talentueux : la plante abri était luxuriante.
« Heu…Roncebrume? »  Le Sylvari bien découplé qui l’accueillit avait l’air embarrassé du compagnon chanceux « Florianne n’est pas encore revenue… »
Roncebrume l’interrompit un peu durement. « Attends. Tu ne serais pas un des plants de l’entourage de Krayg? » L’autre était mal à l’aise: « J’ai quitté son service tu vois…C'était trop dur avec tous ces prisonniers…C’était cruel en plus… »
Il mentait lamentablement mais Roncebrume ne s’en moquait pas moins que des murmures des villageois  derrière lui. Il salua sèchement, et se retourna hélant un témoin un peu plus lent que les autres. C'était un mûr, avec quelques rameaux sur la tête, et pourtant plus embarrassé que Roncebrume par les commentaires qu’il avait fait dans son dos.

« Dis-moi où est Aherne. » S’il avait été humain, l’autre aurait changé de couleur. En fait les coins de sa bouche s’effondrèrent en une grimace pitoyable. « Il est parti voir les caravaniers. » Roncebrume n’attendit pas le reste des marmonnements lamentables. Il fallait tirer les choses au clair.

Il lui fallut quelques instants à peine pour retrouver Aherne, toujours dans son justaucorps de cuir, toujours à commander, et toujours enclin à croire que sa guéguerre contre le Cauchemar valait bien la mainmise du Bosquet.

« Aherne. Je croyais qu’on en avait fini avec Krayg depuis notre départ de l’île »
-L’autre était à peine embarrassé : « Krayg est un meneur éprouvé, Roncebrume. Tu as beau être doué, tu n’es pas un chef de bande aussi efficace que lui. » C’en était trop mais insuffisant. « Et il t’envoie des sbires jouer les jolis cœurs dans le village ? Il va enrôler les belles plantes pour réconforter les guerriers ? » Aherne était à peine amusé. « Non c’est la conséquence imprévue d’une rencontre avec Florianne. Que veux-tu d’autre?
-Simplement te dire que je démissionne. Je suis allergique au service militaire. »
Aherne tiqua. « Dommage Roncebrume. Les Silencieux te doivent beaucoup…Maintenant…Que penses tu faire?
-Tu sais que Moira est partie, et elle n’est pas du genre à laisser un message.
-Elle ne sait pas écrire de toute façon…Hé bien…Tu te souviens du corps qu’on avait retrouvé dans la cuve l’autre jour ? Elle s’appelle Addaw. Elle est partie chercher Moira l’autre jour…Elle était assez agitée et parlait de partir vers le nord. Et trois heures plus tard Moira prenait armes et bagages et partait avec elle. Je ne sais rien d’autre. »

Roncebrume hocha la tête et s’en fut. Il avait passé suffisamment de nuits avec elle pour savoir que Moira n’était pas du genre à suivre quiconque, pas même une amoureuse, sans discuter. Elle était meneuse et non plante à parasiter.
Elle ne partirait pas non plus sans mot dire. Il retourna chez Moira. À son approche l’opercule de la plante s’ouvrit encore. Cela ne continuerait pas longtemps toutefois : la plantabri était liée à Moira. À moins de suivre un rituel et d’imprégner la plante de son arôme elle le rejetterait bientôt. Et sans les soins de Moira Roncebrume finirait par dépérir.

Il s'approcha du coffre, une noix de galle du Cauchemar, rougeâtre et figée par les soins de sa propriétaire. Roncebrume pourtant portait en lui assez d’empreintes de Moira pour l’ouvrir sans difficulté. À l’intérieur, liée par les tissus du fruit se trouvait une ampoule et un parchemin. Il fallut un long instant à l’excroissance pour se défaire des objets. Entre temps les questions se bousculaient dans la tête de Roncebrume alors que déjà s’annonçait le manque : Moira et lui étaient entrés en symbiose quelques semaines auparavant. Spontanément elle laisserait un signe, un indice pour qu’il la retrouve, cela durerait quelques jours jusqu’à ce qu’elle établisse un lien avec la sylvarie qui l’accompagnait.

Alors la transition serait complète. Pour Roncebrume les choses étaient plus simples: sans Moira son corps devrait surmonter les tremblements, les peaux sèches,  les  flétrissures, et même les  parasitages.
Après il entrerait dans une nouvelle vie jalonnée par sa maladie.

Le coffre finit par restituer l’ampoule et le parchemin de toile cirée. Il rompit le sceau parcourut les
colonnes de dessins stylisés et finit par se lever. La préparation semblait claire mais il lui fallait le nom des ingrédients. Et à en juger par une fiole de liquide translucide laissée sur la table il en avait déjà trouvé un. Il ne lui restait qu’a retrouver les deux autres et il avait sa petite idée.

Il ne lui fallut pas longtemps pour retrouver l’atelier de Morag et par chance Florianne y était encore. Elle vint le trouver en tabler tressé : bien sur elle se souvenait de l’ingrédient qu’elle avait pris dans le marais des hyleks. Roncebrume en était à la remercier quand un tremblement le saisit. Florianne le regarda, stupéfaite, puis lucide, puis furieuse. « Tu es en manque !!! Tu l’as, tu t’es laissé… » Les mots ne lui manquèrent pas longtemps. « Elle t’a laissé lui affoler l’opercule pas vrai? Et elle t’a planté les doigts dans le dos hein ? Hé vous vous êtes bien lâchés tous les deux, et maintenant t’es abandonné ! » Elle siffla « Parce que maintenant elle a repris ses vieilles habitudes. T’aurais dû voir les regards qu’elle adressait à la petite pousse qu’elle embarquait…Parce que je l’ai vue ta garce ! Et que je roucoule à la copine…Et que j’annonce mon voyage à la cantonade. Même si tu en avait la force tu peux toujours courir pour la reprendre !
-Nous avions lié nos deux vies…Je ne vois pas…
-Moi je vais te dire !  Je t’ai recueilli, soigné, hébergé gentiment, et je n’ai eu pas un mot, pas un remerciement pas un regard de gratitude. Et elle…Ah ça elle t’a appris des trucs… Maintenant, va donc  la chercher aux Champs de potence ou au marais de Toxal peut être, à mâchonner des champignons et écarter les tiges … »

Il en avait assez entendu. Il coupa court, tourna les talons sous les railleries et prit la direction de la plantabri…Celle qu’il abandonnait volontiers du moins.
Il ne lui fallut guère de temps pour retourner chez Florianne. Le séide du Bosquet y était encore, et cette fois Roncebrume décida de lui rafraîchir la mémoire : « Au début de la saison, à la spirale de Morgane…Tu étais là toi aussi. »
L’autre serra les dents : « Le Hylek géant…
-Oui le Champion du Soleil. Tu étais là donc. Bien j’ai discuté avec Florianne et je pars pour quelques ruines un peu plus au Nord, à la recherche de quelqu’un…et sans Krayg .
L'autre haussa les épaules. « Si tu veux partir je ne te retiens pas. »

On lui remit son vieux sac de voyageur et ses armes. Roncebrume jeta un coup d’œil aux alentours.  Le village s’assoupissait dans la pénombre  moite de la mi-journée: les uns partaient se reposer et les autres  n'étaient pas encore tout à fait réveillés.

Et brusquement Roncebrume se rendit compte que le temps de la fuite du Bosquet était révolu. Il devrait désormais voyager seul et libre.
Il ne lui fallut pas longtemps pour s’enquérir de l’endroit où se trouvait Eilenora et c’est en hâte qu’il se mit en route vers les hauts du village. Il la retrouva sous un palmier non loin de  la lisière. Son regard soucieux pesait sur lui: l’érudite ébahie qu’il avait autrefois connue était bien loin. Il lui expliqua sa situation: désormais il lui faudrait distiller son remède.

Elle hocha la tête. « Tu devras trouver une plante vénéneuse gardée par des fous empoisonnés: hyleks, kraits  sylvari, ils la défendent tous. Non loin de là se trouvent les bourgeons. Ramasse-les et tu devrais avoir assez d’ingrédients pour refaire une deuxième teinture mère de ta potion. »

Elle reprit après un instant :
« Roncebrume tu ne peux partir ainsi. » Il eut un sourire amer : « J'écoute je le peux et je le fais.
-Mais Florianne est désolée tu sais.
-Je lui laisse la maison, et le reste de sa vie. Elle n’y perd rien et je garde ma liberté.
-Tu vas donc abandonner ceux que tu as défendus une saison durant…Qui es-tu donc?
-Celui qui ne subit pas le joug des premiers nés
- Il n’y a pas de joug. Il n’y a qu’une œuvre de paix et de bienveillance pour un monde trop misérable.
-Paix peut être. Bienveillance certainement pas. On nous force tous à écouter une musique lue et interprétée par quelques-uns. Regarde les humains. Leurs chefs les terrorisent avec leurs armées leurs milices urbaines, leurs juges et leurs prisons. Mais au fond d’eux-mêmes ils décident de se rebeller ou de se soumettre. Ceux qui vivent au Bosquet n’ont même pas ça.
-Et tu veux vivre comme un humain, à recréer leur monde de séparations et de violence.
-Au moins, je permettrai à ceux qui le veulent de faire un choix.
-La Cour ne dit pas autre chose.
-Moi et nous tous valons mieux que ça et je le prouverai ! »

Eilenora se tut. Quand elle reprit le sarcasme s’entendait à peine dans sa voix. « Écoute toi donc : tu vas devenir un grand chef libérateur guidant  glorieusement son peuple. Mais la gloire n’est pas pour les proscrits Roncebrume. Ils n’ont droit qu’à l’infamie. »

Il avait perdu la face assez longtemps…Roncebrume hocha la tête et s’en fut, laissant derrière lui Zinder, les Silencieux, et une grande mélianthe flétrie.
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Message par Jeradon Mar 13 Fév 2018 - 0:09

Cinquième partie: Le refuge.

Chapitre 1 Les paroles de Kwizzd

C’était l’heure à laquelle Kwizzd s’affairait entre piles de butin quelque part dans la salle du quibrille. Tout autour l’air était plein du bavardage incessant et strident des membres de la griffure, et tout le monde se préparait pour une expédition prochaine. C’est alors qu’on lui annonça qu’un sylvari sombre et taciturne était aux portes et demandait à le voir. Kwizzd dressa l’oreille. Vraiment ? Il n’y avait qu’un sylvari de sa connaissance pour se présenter ainsi, et il fallait qu’il ait besoin d’aide.

Et en fait à la porte entre deux caisses de bouteilles et trois gardes nerveux, bâton en main, vêtu d’une robe bistre, se tenait Roncebrume.  Il y avait quelque chose avec Roncebrume ça oui. Sa peau verte et sombre avait pris une teinte rouille. Et les feuilles des cheveux partaient aussi. Il était malade ? Kwizzd aurait bien voulu savoir. Il fronça le nez, se frotta les bras et décida de faire confiance... Il ne fallut pas longtemps pour apprendre que Roncebrume voulait savoir où trouver un docteur Asura. C’était un problème et comme toujours Kwizzd finissait par se frotter les pattes avant : « Tu sais Roncebrume, les Asuras sont méchants avec nous. Mais toi tu es un ami. Je connais un sage. Il pourra t’aider. ».

Roncebrume hochait la tête. Il restait plutôt silencieux. Bientôt Kwozzd Llezd et Kwazzd étaient arrivés, surgis tout droit de la salle du quibrille. C’était mieux.
Il y eut un conciliabule rapide et on décida qu’on se mettait en route vers les niveaux inférieurs, là où se trouvait Grrizzd le vieux. Si quelqu’un connaissait un Asura patient et bienveillant c’était lui. Et Roncebrume avait un aspect maladif avec ses cheveux de feuilles qui tombaient et son visage ou le bois commençait à transparaître.

« Grizzd vit plus profondément dans Skrittebourg Roncebrume. Tu vas être un de rares visiteurs de notre cité. » Pour tout le monde, cette visite était un événement. Bientôt ils étaient une dizaine à les escorter en piaillant. Mais Roncebrume restait pensif. Peut-être revoyait il les combats qu’il avait dû livrer à leur côté contre ceux qui il n’y avait pas si longtemps étaient comme des frères pour lui. Mais c’était clair, Roncebrume restait un allié fidèle, et alors qu’ils s’enfonçaient dans les larges boyaux de la cité Kwizzd ne ressentait que fierté à montrer les allées et venues de ses frères et sœurs.

Il ne fallut pas longtemps pour parvenir à la chambre de dépôt : on y rassemblait là le dernier butin avant de le répartir entre les groupes de skritts. Et c’était comme un bric-à-brac immense. « C’est de là qu’on prend le butin à livrer à vous autres Roncebrume. Quoique...Tu es toujours Silencieux Roncebrume ?" C’était une bonne question. Avec hésitation Roncebrume expliqua qu’il avait dû quitter les Silencieux pour chercher une nouvelle vie. « Et j’ai aussi besoin d’un docteur. Pour soigner ce qui me dévore lentement. » Il eut un sourire et prit une rasade de la gourde qu’il tenait à sa ceinture.
Peut-être en avait-il trop dit.
Avant que Kwizzd n’ait pu répondre les autres avaient fait une dizaine de remarques. Roncebrume était-il un Sylvari solitaire ? Oui mais...Était-il retourné au Cauchemar ? Non sûrement...Mais Kwizzd demande-lui ! »
L’exhortation troubla Kwizzd « Mais pourquoi ?
-Parce qu’une délégation de Sylvari du Cauchemar vient négocier un traité de paix avec notre roi à l’instant même ! »
Kwizzd se retourna vers Roncebrume. Celui-ci n’avait pas l’air de garder un secret pourtant : debout il regardait avec curiosité une pile de roues et d’engrenages. Kwizzd l’interpella. « Dis Roncebrume...
-Qu’y a-t-il ?
-Tu vas toi aussi à l’entrevue ? »
Mais Roncebrume n’avait pas entendu parler d’entrevue. Il avait l’air aussi perdu qu’un moa dans une caverne. Kwizzd se tourna vers les autres bras tendus : « Vous voyez bien qu’il n’est pas au courant ! »
C’est à ce moment que retentit le gong d’alarme. Tout le monde, Roncebrume compris, se tut. Puis les conversations, frénétiques cette fois, reprirent. Tout le monde parlait à la fois. Roncebrume demandait ce qui se passait. Les uns piaillaient que les gardes fermaient les accès au niveau inférieur, les autres criaient que ces maudits Sylvari, excepté Roncebrume peut être devaient être là-derrière, d’autres enfin se félicitaient de la mise au point des gongs, si pratiques en cas d’attaque surprise.

C’est avec la plus grande énergie que Kwizzd dût faire taire tout le monde. Enfin, après avoir récupéré son souffle et sa voix il expliqua : « D’accord il y a une attaque mais vous voyez bien que Roncebrume n’a aucune idée de ce qui se passe. Laissez-moi lui parler. Tout le monde accepta et Kwizzd put enfin expliquer la situation à Roncebrume : “... Maintenant on a un problème. Avec l’alarme, les accès aux niveaux inférieurs sont bloqués. On ne peut plus voir Grizzd. »

Ils virent tous Roncebrume tituber sous le choc. Enfin, le souffle court il reprit : « Il faut que je trouve un médecin Asura. Si vous ne pouvez pas me guider laissez-moi sortir. » Quelque chose dans sa voix convainquit tout le monde :  Il fallait trouver un moyen de trouver un docteur. Mais où ? En dehors de Grizzd personne ne savait où s’en trouvait un.
On réfléchit, on discuta, on désespéra. Finalement quelqu’un fit savoir qu’une fissure menait plus profondément et donnait accès aux corridors où vivait Grizzd.

Kwizzd expliqua et Roncebrume hocha la tête. Tout le monde partit se faufiler. La fissure était un conduit humide dans le roc mais stable. Kwizzd fut un des derniers à se faufiler suivi de Roncebrume. Bientôt la fissure devint une crevasse à enfiler en se contorsionnant. Kwizzd se surprit à penser à ses ancêtres, des skritts désespérés qui avaient cherché à échapper aux créatures de feu de l’ennemi et avaient fui par des passages encore plus difficiles. Derrière lui des bruits de raclement et de déchirement lui rappelaient que Roncebrume cheminait maladroitement, avec douleur peut être. Il n’entendit aucune plainte cependant, et bientôt leur descente déboucha sur une galerie déserte. La salle de Grizzd était plus loin, en contrebas. Tout le monde s’y rendit.

Grizzd était un original. Alors que les skritts préféraient aménager les griffures en construisant des abris de bric et de broc, Grizzd avait choisi de de décorer une petite caverne avec des parements de bronze et de cuivre et s’était contenté d’y ajouter une porte. Et il vivait là entouré de ses rejetons. Du moins ceux qui savaient relater toutes les conversations tenues depuis soixante saisons. Les autres, « les idiots » disait Grizzd étaient partis, les destructeurs savaient où, dans les galeries et les griffures. Et ainsi, tyran entouré par les siens, Grizzd avait fini par être le récipiendaire d’une bonne partie du savoir qui circulait dans la cité.

Kwizzd savait très bien que sa visite serait celle d’un humble skritt visitant un sage fameux, mais pour Roncebrume il ferait tout son possible. Dès l’entrée deux Skritts de la maisonnée, pistolet à la ceinture les arrêtèrent et pendant que Kwizzd parlait, regardèrent le cortège de skritts d’un regard nerveux. Enfin on laissa passer Kwizzd, quelques-uns de sa suite ainsi que Roncebrume.

Grizzd assis sur une chaise antique les regarda venir à lui et s’arrêter devant son estrade.
« Ainsi voilà le touche-à-tout de la griffure avec un Sylvari ! Dis-moi Kwizzd as-tu conscience que ses pairs viennent d’attaquer notre roi pendant une entrevue diplomatique ? » Grizzd n’était pas dans un bon jour. Kwizzd aurait bien voulu dissiper la mauvaise humeur mais déjà Roncebrume s’était porté en avant et marmonnait des salutations saugrenues. « Quoi donc Sylvari tu poses des questions comme si tu parlais à un savant Asura. Sais-tu qui je suis ?
-Quelqu’un qui ne sait pas faire la différence entre le Cauchemar, les gens du Bosquet, et les Silencieux ! » Un bref instant Kwizzd crut bien que son sang se figeait dans ses veines. Grizzd eut un sourire tout en incisives. « Les Silvari changent d’allégeance eux aussi. Et ne parlons pas des Silencieux...ces derniers sont obsédés par ce qu’il se passe à l’occident. Pourquoi te faire confiance ?
-Parce que j’étais et reste encore la dernière chance de pas mal de skritts! »

À la surprise de Kwizzd l’entrevue devenait dramatique : Roncebrume d’une voix tendue accusait Grizzd d’ingratitude alors que Grizzd écartait les objections en quelques mots sarcastiques. Ça se présentait mal. C’est alors que surgit Kwazzd hors d’haleine : « Les Asura ont lancé un golem d’assaut ! Aux armes ! »
Ça tournait de plus en plus mal. Dehors les coups de feu et les explosions retentissaient en un vacarme assourdissant. Pistolet au poing Kwizzd se frayait un chemin parmi la foule paniquée quand il le vit : une silhouette titanesque de métal et de cristaux brillants proclamant mort et destruction sous les tirs de fusiliers. Et derrière retentissaient les ordres des laborantins de l’Enqueste.

« Retranchez-vous ! Retranchez-vous ! » D’entre les cris de la foule retentit le hurlement frénétique de Roncebrume. Kwizzd n’eut pas le temps de répondre : déjà la silhouette du nécromant se ruait au-devant de l’ennemi.

Personne en face ne put ou ne sut que faire. Déjà Roncebrume était au milieu du groupe ennemi et dans une implosion silencieuse semait déjà la mort parmi les Asura. Kwizzd et les siens, couchés au sol sentaient déjà la peur et le froid, le froid glacial qui s’abattait sur les Asura. Quelque part en lui, Kwizzd trouva la force de crier : « Les bouteilles de vitriol ! »
L’instant d’après une dizaine de bouteilles s’abattait sur le golem. En un hurlement la mécanique se retourna projeta une demi-douzaine de lanceurs contre le mur et s’empara d’un bloc de pierre. Alors surgirent des créatures semblables à des rats décharnés. A l’instant même elles s’insinuèrent parmi les plaques de métal, les articulations et le golem se mit à pousser des hurlements étranges, se couvrit de givre avant de s’effondrer.
Un étrange silence se fit, dans la caverne et les skritts se regardaient indécis quand Roncebrume réapparut aux côtés de Kwizzd. « Ils sont tous morts. Y compris ce qui semble être un golem. » Rasséréné, Roncebrume s’approcha de la carcasse de métal défit une trappe non loin de la tête de la mécanique et actionna un levier. A l’instant la tête de métal s’effondra, révélant le visage à moitié dévoré d’un asura. « Et en fait il s’agissait une armure magique,…je donnerais ma main à couper qu’il s’agissait du chef de l’expédition. Allez-vous longtemps dire que seuls les sylvari sont des traîtres ?

Grizzd s’avança muet, moustaches frémissantes, pattes recroquevillées. Un long moment il regarda les cadavres éparpiller avant de se retourner, les oreilles en berne. Enfin il parla « Il y a l’autre Asura. Pas un malfaisant, un respectueux. Il s’appelle Zzerd et vit loin d’ici vers le couchant. Sors de Skrittebourg et avance dans cette direction. Tu trouveras un camp. Là y vit Zzerd. C’est le meilleur soigneur de la région. »

Roncebrume s’affaissa et tomba à genoux. Kwizzd l’entendu murmurer d’ardents remerciements. Grizzd secoua la tête. « Peu importe Roncebrume » Il parlait d’une voix sourde. « Si tu es aussi malade que tu le dis, disparais. Sinon aide nous ici, à la surface contre les envahisseurs. »
L’espace d’un instant Roncebrume scruta les yeux de Grizzd puis se leva et fit un signe à Kwizzd. Il était temps de repartir.

Ils reprirent la route : leur progression était plus rapide mais ils étaient moins nombreux. Kwizzd n’aimait pas ça. Soudainement tout paraissait plus redoutable, et il humait l’air nerveusement à la recherche de l’odeur ou de la vibration étrangère. Roncebrume était quant à lui taciturne et il ne répondait même pas aux questions posées. Lentement Kwizzd sentait que tout devenait plus compliqué. Sans le babil de ses familiers il était de plus en plus perdu. Enfin ils finirent par sortir d’un lacis de corridors pour se retrouver dans une caverne à ciel ouvert. « La sortie est proche Roncebrume ! Bientôt tu pourras rejoindre le soigneur ! »

Alors de la pénombre surgirent les mauvais Sylvari. Ils étaient une dizaine, et vêtus d’armures couleur rouille et fer-blanc. Et leurs regards, leurs rires étaient plein de cruauté. Alors Roncebrume s’avança « Bande de crétins…Ce ne sont pas eux que vous cherchez…C’est moi »
Le cri de guerre des gens du Cauchemar étouffa le bruit de la salve des Skritts. Apeurés ces derniers se dispersèrent. Leurs adversaires n’attendaient que cela. En hurlant ils se lancèrent à l’assaut.
Le cri de Roncebrume retentit à travers toute la caverne, alors que des dizaines de coléoptères s’élevaient de son corps et s’envolaient à la face des assaillants. Hurlant, ces derniers protégeaient maladroitement leurs yeux. C’est ainsi qu’ils ne virent pas la transformation de Roncebrume. Terrifié Kwizzd vit de derrière une pierre les feuilles du corps de Roncebrume racornir et une à une se détacher révélant au fur et à mesure un hideux écorché. Stupéfaits les gens du Cauchemar virent le nécromant se jeter sur eux. L’instant d’après il était parmi eux ; poignardant et taillant. Les lames s’abattaient sur lui, projetant une poussière verdâtre tout autour. Et un à un, pris de quintes de toux les assaillants perdirent pied. Alors Roncebrume ne fut plus qu’une silhouette noircie avide de pouvoir et les draina à mort. Paralysé, Kizzd vit le dernier assaillant se débattre avant de glisser au sol, sans vie aux pieds de son vainqueur. Enfin le silence se fit. Kwizzd sortit de la pénombre et s’approcha de Roncebrume : il était désormais trop tard pour les frères et les sœurs de Kwizzd. Ils gisaient tous au sol, porteurs de blessures infligées par les hommes du Cauchemar. Et les autres restaient prostrés au sol, prisonniers d’un froid glacial.
Kwizzd se retourna vers Roncebrume : ce dernier parlait en des mots compliqués. Et Kwizzd était triste. Il s’assit près du cadavre d’un ami. Pourquoi tuer ? Pour apeurer ? Pour effrayer ?
Roncebrume secouait la tête pourtant. Il finit par répondre « Je suis désolé Kwizzd. Il me fallait les tuer pour vivre, et chaque instant compte. J’aurais voulu sauver les tiens mais…L’ennemi était plus prompt que je ne l’aurais cru. À ta destinée Kwizzd et merci de ton sacrifice. » Kwizzd finit par secouer la tête. Il y avait trop de mots, et il n’arrivait plus à les comprendre. Enfin Roncebrume partit. Kwizzd le regarda longtemps avant de rentrer vers les siens. Déjà les mots de Roncebrume disparaissaient de sa mémoire. Et l’instant d’après il avait tout oublié.
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Message par Jeradon Jeu 24 Mai 2018 - 0:50

Chapitre 2

Les soucis de Zzerd

Le Magistrat ZZerd se préoccupait de l’état des filtres d’eau quand on vint le chercher. La journée s’annonçait chaude et même  si le ciel se couvrait de nuages grisâtres les températures étaient encore trop élevées pour les chercheurs du camp. Bientôt dans quelques jours peut être leurs réserves seraient taries, et la seule source des environs ne suffirait pas à étancher la soif du camp. Ces réflexions prirent fin dès qu’il vit la tête des bretteurs qui attendaient à l’entrée de la tente : la lutte avec l’Enqueste serait dure.

Il fallait reconnaître que dès le début l’affaire avait été mal engagée. Les négociations avaient été lamentables par exemple : trois jours auparavant une « délégation » s’était présentée à l’entrée du camp. ZZerd était parti à la rencontre de l’émissaire et boum, superbe dans sa tenue de de labo reluisante,  entouré de golemanciennes qui devaient avoir la moitié de son âge se trouvait cette vieille ganache de Xavv...
« Bienvenue sur le périmètre d’expérimentation de l’Enqueste. » Rien qu’avec ça ZZerd avait compris que non seulement Xavv était resté brutal, mais en plus il était devenu arrogant. La suite s‘était déroulée comme une blague bien pourrie de synergéticien: « Quand un chef de service de la Statique rencontre un laborantin de la Dynamique qu’ est-ce que ça donne? Un rapport disciplinaire transcrit par le scribe du département des reconstructions. »

Dans le cas de Xavv le rapport devrait être transmis au chef de service de l’hôpital mais peu importait.
L’escroc avait déroulé son blabla en trois points 1- L ´ Enqueste jouissait dans la région de droits inaliénables et imprescriptibles d’expérimentations conférés par le Conseil de Rata Sum. 2- Il était clair que l’établissement d’un site de recherche du Prieuré était une violation caractérisée de cette autorisation. 3-L’Enqueste avait donc le droit d’infliger une amende dont la nature et la sévérité serait définie durant les prochains pourparlers. À moins que … « Il vous suffira de remettre vos notes de recherche ainsi que votre matériel d'expérimentation et nous nous engageons à garantir votre sécurité pendant votre évacuation du site. »

Et pourquoi pas donner son slip non plus ? En tant que chef de projet ZZerd avait la maturité et l’érudition nécessaires pour réfuter ce catalogue d’erreurs: il s’était donc rué sur Xavv pour lui arracher ses mots de la gorge. Un golem s’était interposé, deux bretteurs étaient venus à son secours et les rafales avaient claqué. Bilan de l’épisode : deux victimes à Zéro pour l’Enqueste. Après çà la délégation avait fait demi-tour, droite, et était repartie à grand fracas vers leur maudit labo.

C'était trois jours auparavant. Depuis, le camp du Magistrat ZZerd était devenu une cible de l’Enqueste. Et la vie de tous n’était plus qu’un pari suffisamment incertain pour figurer dans la liste des mises les plus insensées des tripots de Rata Sum.
Mais il valait mieux ne pas le dire, et surtout pas aux bretteurs humains recrutés pour défendre l’expédition.
Zzerd s'assit sur son siège de Magistrat sous la tente et convia Sigbritt Germindottir la cheffe de la sécurité.

« La patrouille au rapport, Patron…
- Allez, donnez votre rapport.
- On est seuls. » Si sa chaise avait été un fauteuil ZZerd aurait tapé du poing.  Ils étaient tous tarés ou quoi ? Le camp était situé à moins de deux heures de marche d’un site d’expérience de chercheurs de Rata Sum, la route de Brouille Racine attirait désormais des marchands de tout acabit, et des foules de sylvari peu loquaces passaient dans le coin. Il y avait des ressources allons !

La mercenaire secoua la tête. « Rien à faire Patron. Les mercantis changent de couleur des qu’on leur parle d’Enqueste, les Sylvari nous regardent sans mot dire, et les laborantins Asura sortent les fusils : Ils sont trop occupés à serrer les fesses pour nous refiler quelque aide que ce soit.
- Et les humains ? Il y a des Séraphins plus au Nord !
- C’est intéressant mais ils sont eux même sur les dents. Ils parlent de fantômes et de bandits.
- Et les Skritts ? Skrittebourg? Ils peuvent défendre le prieuré non ?
- Hé bien on dirait que le prieuré a mauvaise presse chez eux. Ils ont barricadé leurs entrées dès qu’on leur a dit pour qui on était. Il paraît que votre prédécesseur utilisait beaucoup de rats pour des expériences de téléportation… »  

La panique s’empara de Zzerdd. « Alors quoi on ne peut pas améliorer nos défenses?
- On ne peut pas acheter ce qu’il nous faut…Pour tout dire Patron… » La Norn eut un massif haussement d’épaules « On n’a pas l’ombre d’une chance de se fortifier décemment face à l’Enqueste.
La panique de ZZerd devint désespoir. Alors ça y était. Même les humains et les Norns avaient tout compris.  Ils étaient cuits. L’espace d’un gémissement il s’affala sur sa chaise.

Il en était à contempler le bleu profond du plafond de la tente, quand en deux massives enjambées et un claquement de tentures quelqu’un s’engouffra sous la tente. « Chef ?
- Il a une petite minute de désespoir...
Zzerdd abaissa un regard désespéré. Sigbritt était impassible, à dix pas de la chaise et à ses côtés, rubicond, massif, se tenait son propre adjoint Gerd Hilmarsson. Ce dernier paraissait soucieux. ZZerd eut un geste navré, mais l'érudit Norn se tournait déjà vers Sigbritt. « Ça fait combien de temps ?
- L’instant même.
- Ah. »  Zzerd commençait à comprendre, mais déjà le Norn avait déjà sorti une fiole d’entre les replis de sa robe. En trois pas il avait franchi l’espace le séparant de ZZerd : « Navré chef, mais on n’a pas le temps d’avoir du vague à l’âme. »
Si la chaise de ZZerd avait été un fauteuil il aurait déjà saisi les accoudoirs. Mais en cet instant il n’avait que la possibilité que pincer le nez alors que Gerd lui plaçait une  amulette ouverte en plein dans la face. L’odeur âcre était trop forte cependant et il ne put qu’ouvrir la bouche pour respirer : cela suffit à Gerd pour vider le contenu de la fiole dans la gorge de son supérieur hiérarchique. Le goût était atroce, et laissait l’impression d’avoir une langue en carton, mais Zzerd ne put que secouer la tête alors que son adjoint rajustait sa robe. « J’aurais préféré que vous utilisiez d’autres moyens, érudit. »

Gerd fit deux pas en arrière, soulagé. « Chef on a besoin de vos lumières. Rrapp est en train de piquer une crise."
 L’énergie revint instantanément à ZZerd. « Sans blague ? Suivez-moi ! »

Rrapp était le cousin d’une des progénitures les plus brillantes de ZZerd, était chargé de la division ingénierie du camp et pouvait être décrit sous le terme Krytan de « prima donna ». Depuis le début du projet il avait aussi piqué deux crises. On en était à la troisième.

Cette fois c’était un peu plus sérieux: criant sa rage, nu jusqu’à la ceinture, l’ingénieur chef agonisait d’injures un charr impassible. La tirade se concluait sur un « Tu n’es même pas digne d’etre empaillé ! » quand ZZerd survint. Il fallait mettre fin à ce petit scandale et vite : « Alors Rrapp mon garçon que se passe-t-il cette fois?

- Il se passe qu’on ignore mes demandes et qu’on me rit au nez ! »
Rrapp avait toujours été assez chatouilleux sur le respect des formes, ce n’était pas exceptionnel. Le charr intervint « Permettez, je ne ris pas au nez. Je fais simplement remarquer qu’on n’a pas assez de cristaux pour activer un golem de plus.
- Et combien de golems peut-on activer ?
- Un seul.
- Un grand froid parcourut ZZerd. « Rien qu’un golem ? Un seul ? Mais comment on va faire des terrassements, transporter des troncs?

- C’est exactement ce que j’ai dit" fit remarquer Rrapp sur un ton acide. Il tendit le bras vers une caisse contenant des morceaux de métal et autres condensateurs auxiliaires « Et voilà la réponse que j’ai obtenue ! »

Hagard, Zzerdd se retourna vers Gerd. « On a besoin de golemanciens. Où est Veeli?
- On la cherche chef…
- Alchimie Éternelle… » Kalltt le directeur du camp ferait ses délices d’un tel ratage. Il y aurait un beau recueil de cuir aux reflets mordorés. Zzerdd voyait déjà le titre « Mémorandum des erreurs et malversations mises en œuvre dans un camp du Prieuré. » Ça aurait du succès dans les salons de thé à Métrica.

Gerd eut un regard compatissant pour le visage défait de son supérieur hiérarchique. « Vous savez chef on peut aussi charger des composants avec quelques manipulations arcaniques. Après je ne sais pas ce qu’un ingénieur pourrait en faire… ». Mais ça c’était l’affaire de Rrapp. Il ne fallut pas longtemps pour mettre au point un plan.
« Rrapp vous êtes autorisé à cannibaliser le golem et les pièces de rechange pour en faire trois harnais de manipulateurs hydrauliques. Débrouillez-vous, on vous trouvera des adjoints si nécessaire."
 
Et l’ingénieur chef n’eut plus qu’à ronchonner avant de reprendre son travail en insultant le charr qui avait osé lui tenir tête.

ZZerd quant à lui, entama un retrait stratégique vers la tente du Directeur du camp « Gerd mon garçon je n’aime guère cette idée mais il nous faut l’aide du prieuré. »
Malheureusement la tente était vide, les documents disparus, le directeur de camp parti avec son adjoint. Vers où ? Aucune idée. Tout à coup ZZerd eut l’impression d’être un Moa dodu encerclé par une meute de Raptors. « Gerd ? Sait-on où est passée Veeli la trésorière ?
- Chef…Elle est partie avec deux de ses adjoints.

ZZerd tituba : « Combien de temps tiendrons nous ? » murmura t’il comme à lui-même.  « Une semaine chef, peut-être plus. Mais on gèrera. » Gerd avait le don de s’enthousiasmer dans les circonstances les plus lamentables, Et ZZerd ne pouvait que s’étonner d’avoir si longtemps méconnu la bonne volonté des Norns du prieuré. « Gerd mon garçon nous allons devoir faire face comme nous ne l’avons encore jamais fait.
- Pas de problème chef »

Sans golems, sans stocks de pièces, on n’avait plus qu’’à se lancer dans la débrouille. Il ne fallut pas longtemps pour mettre sur pied les harnais, mais on dut dépenser des trésors d’éloquence pour convaincre les asuras restants qu’il était encore possible de défendre le camp.

Il fallut aussi se rendre à l’évidence : on devrait solliciter les ingénieurs pour transformer un groupe de tentes en un camp passablement fortifié. Mais, on n’avait ni barrière de rayons ni tourelles lourdes Charr. Il fallut donc appel à la technologie grossière des humains de Kryte. On mit sur pied des tourelles mécaniques lanceuses de bombes, de lance-flammes automatisés. On distribua des fioles de produits explosifs et on se mit à enterrer des disques explosifs tous droits sortis d’une caisse scellée du plateau de Diessa (portant la mention « Retiré du service » et datée de 1323 ApE).

On mit au point quelques tourelles dispensatrices d’une vapeur vivifiante aussi. Et il fallut enfin se résoudre à l’évidence : les préparatifs étaient complets. Pour le plus grand bonheur de Gerd d’ailleurs : « Magistrat, Notre résistance sera légendaire parmi ceux qui font du savoir une force ! »
A celà ZZerd eut un pâle sourire: en fait leur camp entrerait dans les annales comme l’exemple d’un massacre insensé…Mais pourquoi décourager ce brave garçon?

Il prépara donc son ultime allocution. Il pensa d’abord utiliser un hologramme, mais tout bien réfléchi, on ne se fait pas sergent comme un régent.
C’est donc juché sur une caisse de réactifs périmés qu’il s’adressa aux troupes réunies en arc de cercle.
« Soldats l’heure de vérité se rapproche. Les gens de l’Enqueste ne sont que des mégalomanes assoiffés de sang issus des bas-fonds des collèges de Rata Sum. Il y a 90% de chances qu’ils se lancent dans un assaut frontal. Parce qu’ils le peuvent. Parce que c’est spectaculaire. Parce que c’est plus sanglant ainsi.

Notre but est simple : infliger tant de pertes à ces brutes qu’ils en reconsidèrent leur stratégie. Nous les combattrons du haut des remparts. Nous les combattrons dans les tranchées creusées au beau milieu du camp. Nous les criblerons de balles depuis nos casemates. Nous ne signerons jamais les cinquante pages de leur mémorandum de capitulation !!! »
En fait il y en avait cinquante-trois, tapées avec la police de caractères Dissection de quatorze points : une preuve supplémentaire du mauvais goût de Xavv.

Et il ne fallut attendre que quelques heures pour que les troupes ennemies se matérialisassent au bas de la colline. Du haut des terrassements ZZerd eut tout le loisir de compter. Elles étaient six fois plus nombreuses que les leurs. Pour commencer.

Ensuite Xavv avait amené un bon contingent de Golems. Il y avait des types D, des types 7 et même des types AUX. Il y avait aussi une cohorte de laborantins armés de bâtons explosifs, de bâtons tout courts et même de fusils à impulsions. Et tout ce monde était rangé, en groupe de trois, au bas du versant. Bien entendu Xavv envoya un émissaire : un golem portant le cadavre d’un des bretteurs humains disparus le jour précédent.
ZZerd demanda à Sigbritt de renvoyer un des cristaux d’alimentation en guise de réponse. Elle eut à peine le temps de le lancer qu’une salve de fusiliers retentit : elle eut la chance d’atterrir indemne.

Déjà les troupes de Xavv se lançaient dans un assaut frontal à l’abri des golems qui avançaient lentement en tirant des rafales. En quelques instants les terrassements avaient encaissé assez de salves pour faire voler en éclat un mur de pierres normal. Zzerdd eut à peine le temps de se féliciter d’avoir bâti des môles ramassés de terres et de blocs: déjà les laborantins de Xavv se lançaient à l’attaque. C’était une course frénétique pour porter le premier coup aux Prieurs, et les élémentalistes et les assassins de l’Enqueste se livraient à une concurrence féroce pour atteindre les remparts bas.

Déjà, les premiers étaient au pied du mur et, sans attendre les golems porteurs d’échelle, escaladaient les parements de pierre. Les doigts crispés sur la pierre coupante, le fusil en travers de l’épaule, ils escaladaient le souffle court.

Les plus zélés parvinrent au haut et, exultants, agrippaient leurs grenades quand un feu roulant les faucha. Ils retombèrent, grenades amorcées sur leurs camarades d’assaut: ici ou là des explosions sèches projetèrent des corps mutilés parmi les assaillants. Entre temps les golems étaient parvenus au bas du rempart. Sans attendre, les échelles furent plantées dans le sol alors que d’autres machines’ bras rotatifs en action, s’attaquaient aux fortifications. Un ou deux modèles inadaptés à la tâche durent s’arrêter mais les autres remplirent leur tâche : en dépit de leur résistance les murs bas cédèrent.

À la tête de leur colonne d’assaut une demi-douzaine de golems pénètra sur une esplanade parsemée de cadavres de l’Enqueste, criblée d’éclats et crevassée de tranchées recouvertes de plaques métalliques. Les schémas tactiques contenus dans les mémoires des machines suggéraient la mise en place de tranchées couvertes protégeant les défenseurs.  Les golems s’avançaient quand des boîtes projetant une poix gluante éclatèrent. Ralenti, un des golems en pointe détecta un grognement de Charr. L’instant d’après il explosa sous l’impact d’une fusée anti blindage.

Les autres entrevirent la silhouette d’un Norn se dresser bâton en main et l’instant d’après un cercle de feu ravagea les machines en tête de la colonne. Le Norn avait commis une erreur fatale cependant, et une salve d’impulsions l’abattit quelque part dans une des tranchées.

Le feu tuait, les grenades déchiquetaient et pourtant terreur au ventre, dent serrés, couteau en main les assassins de l’Enqueste se lancèrent dans les tranchées.Les bretteurs humains ne se laissaient pas faire et poignard contre épée courte les gens de l’Enqueste payaient la mort de chaque défenseur par la vie de quatre des leurs. Enfin on finit par s’emparer des premières lignes. Les défenseurs commencèrent leur repli après avoir activé les tourelles dissimulées à travers la place. Il fallut sortir les lance grenades pour se débarrasser des dispositifs archaïques. Bientôt aux rafales de balles perforantes répondirent les explosions sèches de grenades.

Au milieu de cette destruction ZZerd restait terré derrière les décombres de sa tente. Dans sa main un cylindre noirci s’alourdissait de seconde en seconde. Tout à coup il lui échappa. À l’instant une explosion faucha tout ce qui ne gisait pas au sol. Hébété, assourdi ZZerd vit dans un silence irréel l’esplanade retournée par les tranchées, parsemée de cadavres humains et asuras.
L’instant d’après un Type-7 s’encadra dans la brèche des remparts et commença le mitraillage des positions du prieuré.
Ce fut atroce. ZZerd eut à peine le temps de se terrer. Il entendit les hurlements de ceux qui n’étaient plus à l’abri, les explosions sèches des tourelles, celles des mines Charr restantes.

Dans la pénombre de la tranchée restante ZZerd pouvait sentir la peur suintant par tous les pores de ses compagnons d’infortune. Dehors on entendait le pas lourd des golems et derrière la marche hésitante des laborantins de l’enquête. Étaient-ils donc apeurés? La curiosité fut la plus forte : ZZerd souleva -à peine un peu, hein- une des plaques recouvrant la tranchée.

À l’instant retentit un hurlement : « LOUP DONNE MOI TA FÉROCITÉ !!!».  Et Gerd, tel une statue de pierre se releva d’entre les cadavres. Un champ électrique engloba le groupe d’assaillants en pointe. Les laborantins s’effondrèrent dans une gerbe d’étincelles, Mais les golems se retournèrent immédiatement. La rafale d’un Type 7 balaya Gerd. Deux Types 2 s’approchèrent leurs bras fouettant l’air...Et faisant fi du plan, les forces survivantes du prieuré se lancèrent à l’assaut, et à leur tête Sigbritt. C’était héroïque, c’était magnifique, et cela devint lamentable.

Dès les premières salves de grenades une foule hurlante de laborantins contre attaqua. Un type D s’abattit, dézingué par les grenades et les tirs, mais le Type 7 se lança dans un mitraillage aveugle. Le concert de hurlements reprit, un coup direct plus rapproché fit voler la plaque de métal recouvrant Zzerdd. Il eut la vision hallucinante d’un Norn à tête de Loup taillant dans la foule, à moitié submergé par une masse d’assaillants...

L’instant d’après une explosion fit voler ZZerd. Il rouvrit les yeux, assourdi, à moitié étourdi sur le spectacle d’un golem à peine bosselé s’avançant vers lui. ZZerd n’avait rien, hormis un petit pistolet, un reliquat de ses années de laborantin. Avec frénésie il fouilla parmi les replis de sa robe alors que déjà les bras de bronze se mettaient à tournoyer.
Il n’eut pas le temps de dégainer : l’instant d’après la carrosserie du golem se recouvrit de taches de rouille avant de tomber en pièces.

Quelque part des asuras hurlaient des ordres qui se terminaient en des cris d’agonie. Comme dans un cauchemar une silhouette de ténèbres sauta sur la carcasse du golem avant de se dresser de toute sa taille. Un bref instant la terreur et un froid intense parcoururent le champ de bataille. Puis l’assaillant bondit au sol s’empara de ZZerd et le remit sur pied. L’instant d’après la pénombre disparut et révéla le visage hagard d’un Sylvari maladif. Tout à coup ZZerd se rendit compte du silence qui régnait aux alentours.
Les assaillants étaient tous morts. Il scruta du regard son interlocuteur épuisé et dans l’air froid il entendit « Vous êtes ZZerd? Ils sont tous morts...Et moi aussi bientôt...J’ai besoin de vous. »
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